8227e séance – matin
CS/13286

Devant le Conseil de sécurité, l’Envoyé spécial pour les Grands Lacs note un manque de confiance entre les pays de la région défavorable à la mise en œuvre de l’Accord-cadre

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, M. Said Djinnit, a regretté, ce matin, devant le Conseil de sécurité, le manque de confiance entre les pays de la région qui continue de saper les progrès en vue de la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région, cinq ans après sa signature le 24 février 2013.

Au cours d’une séance consacrée à l’examen de la situation dans la région des Grands Lacs, principalement en RDC et au Burundi, et au dernier rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre*, l’Envoyé spécial a insisté sur le fait que la paix dans l’une des régions les « plus volatiles et les plus complexes du continent » passe par des mesures visant à dissiper la méfiance entre le Burundi, l’Ouganda, la RDC et le Rwanda. 

En RDC, l’Envoyé a déploré une situation sécuritaire préoccupante où les « forces négatives » sévissent dans l’est du pays, attaquant et terrifiant la population, provoquant souffrances et déplacements et renforçant le manque de confiance entre les pays de la région.  Il est tout de même revenu sur quelques progrès tels que la défaite du M23 et l’affaiblissement des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ou encore la création de mécanismes de renforcement de la confiance et le renforcement de la coopération économique et de l’intégration. 

M. Said Djinnit a souligné que l’exploitation illégale des ressources naturelles en RDC contribuait à financer les « forces négatives » et à priver le pays des fonds qui pourraient servir à la croissance et au développement.  Au cours d’une réunion à Addis-Abeba en février dernier, il a été noté que, même si les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord-cadre sont lents, cet accord demeure « un outil crucial pour la promotion de la coopération, de la paix et de la stabilité dans la région », en complément du Pacte de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).  Il faut donc tenir compte des avantages comparatifs de chaque instrument afin d’éviter des chevauchements de mandats et d’assurer complémentarité et synergie entre ces deux mécanismes. 

Au nom de son chef d’État, qui est à la fois Président du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et Président de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), le représentant du Congo a rappelé que Brazzaville a accueilli, le 19 octobre 2017, le Sommet de la CIRGL et la réunion du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre.  Le Mécanisme a retenu trois recommandations majeures: neutralisation des forces négatives; rapatriement des combattants désarmés; et dialogues et processus politiques dans la région, lesquels sont des recommandations clefs de l’Accord-cadre. 

Alors que le renforcement de l’efficacité de la brigade d’intervention de la MONUSCO est en cours d’examen, l’Envoyé spécial a souligné l’importance de s’attaquer au financement des groupes armés, en luttant contre l’exploitation illicite et le trafic des ressources naturelles.  Il a aussi invité toutes les parties à s’engager dans le rapatriement des combattants étrangers désarmés et de leur famille, et a souligné que le Mécanisme entend lancer cet exercice à Goma à la fin du mois.

En ce qui concerne le soutien au dialogue politique et au processus électoral, l’Envoyé spécial a indiqué qu’en RDC, en dépit des progrès dans la préparation des élections, des tensions persistent entre le Gouvernement et l’opposition sur les conditions de l’organisation des élections de décembre 2018 que la plupart des membres du Conseil de sécurité ont souhaitées crédibles et pacifiques.

Insistant sur le respect de la souveraineté nationale, la Fédération de Russie a plaidé pour l’implication des pays de la région, des organisations sous-régionales et de la communauté internationale.  Son homologue de la Suède a souligné combien il est important que la voix des femmes de la région soit entendue dans les processus politiques.

Si l’Éthiopie a exhorté les responsables congolais à faire preuve de retenue dans ce processus électoral, le représentant de la France a demandé le respect du calendrier électoral et la mise en place d’un climat apaisé « dans lequel tous les candidats peuvent se déclarer et faire campagne librement sans craintes de représailles ».  Les élections ne sauraient être une fin en soi, a tempéré le délégué du Congo pour qui la pérennisation de la paix et de la stabilité dans la sous-région, à laquelle les peuples aspirent, nécessite aussi d’autres ressorts. 

Face à l’inquiétude de plusieurs pays, dont la Suède, la Pologne et les États-Unis s’agissant de la situation politique tendue au Burundi avant le référendum constitutionnel, le délégué du Congo a plutôt noté que la libération de 740 prisonniers, dont une majorité était condamnée pour participation au mouvement insurrectionnel de 2015, est un motif d’apaisement.  Il a assuré que le Président Sassou Nguesso poursuit également ses efforts pour décrisper le climat et améliorer les relations entre le Rwanda et le Burundi.

Préoccupés par le nombre croissant de réfugiés et de déplacés dans la région, la plupart des orateurs ont appelé à une assistance humanitaire appropriée, regardant vers la Conférence des donateurs prévue le 13 avril à Genève. 

* S/2018/209

LA SITUATION DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS

Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région (S/2018/209)

Déclarations

M. SAID DJINNIT, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, a déclaré que les « forces négatives » dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), y compris les Forces démocratiques alliées (ADF), continuaient d’attaquer et de terrifier la population, provoquant souffrances et déplacements et renforçant le manque de confiance entre les pays de la région.  Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) restent, pour leur part, actives et exercent un contrôle sur leurs anciens membres désarmés et les membres de leur famille vivant dans des camps de transit, dont la présence renforce du reste les tensions avec la population locale.  La question des anciens membres du M23 qui sont au Rwanda et en Ouganda reste encore à être traitée, a-t-il ajouté. 

M. Djinnit a rappelé qu’à la réunion du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, le 19 octobre dernier à Brazzaville, les pays signataires et les garants avaient, entre autres, décidé de renforcer la brigade d’intervention de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et de rapatrier, sans conditions et au plus tard le 20 octobre 2018, les membres des FDLR désarmés et les membres de leur famille qui vivent dans des camps en RDC, ainsi que des anciens combattants du M23 qui demeurent au Rwanda et en Ouganda.  Le Mécanisme entend lancer le rapatriement des combattants désarmés et des membres de leur famille à Goma à la fin de ce mois.

En ce qui concerne le soutien au dialogue pacifique et au processus électoral, l’Envoyé spécial a dit mettre l’accent sur la situation en RDC et au Burundi, deux des principaux États parties à l’Accord-cadre. 

En RDC, en dépit des progrès dans la préparation des élections, des tensions persistent entre le Gouvernement et l’opposition sur les conditions de l’organisation des élections.  M. Djinnit a insisté sur la mobilisation du soutien régional et international pour la mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre 2016 et la tenue d’élections crédibles et pacifiques.  À cet égard, l’Envoyé spécial a dit avoir engagé des contacts avec les garants de l’Accord-cadre et les dirigeants régionaux, particulièrement le Président de la République du Congo, M. Denis Sassou Nguesso, et celui de l’Angola, M. João Lourenco, ainsi qu’avec l’Union africaine et d’autres partenaires.

En ce qui concerne le Burundi, la situation politique et des droits de l’homme y reste préoccupante, notamment du fait que le pays va vers un référendum constitutionnel.  En consultation avec l’Envoyé du Secrétaire général, M. Michel Kafando, M. Djinnit dit avoir encouragé les dirigeants régionaux à rester informés sur la crise et à soutenir les efforts de facilitation de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), afin d’assurer le progrès du dialogue interburundais et maintenir l’héritage de l’Accord d’Arusha.

Le troisième point majeur tient aux causes profondes des conflits dans la région.  L’Envoyé spécial a relevé que la poursuite de l’exploitation illégale du commerce des ressources naturelle en RDC contribuait à financer les « forces négatives » et à priver le pays des fonds pouvant servir à la croissance et au développement.  Il a invité les pays de la région à lutter contre ce commerce illégal.  De même, les violations des droits de l’homme et l’impunité restent au cœur de l’instabilité dans la région.  Des cas récents d’extradition de dirigeants de groupes armés sont encourageants, mais des efforts plus concertés sont nécessaires pour renforcer la coopération judiciaire.  C’est pourquoi les services de M. Djinnit et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) œuvrent à l’opérationnalisation du Réseau de coopération judiciaire de la région des Grands Lacs, établi en 2016.  C’est également avec l’appui de la CIRGL et de l’équipe régionale des Nations Unies que des consultations des parties prenantes sur la question des déplacements forcés sont en préparation, afin de sensibiliser sur l’ampleur du problème et d’y trouver des solutions durables et aux conflits dans la région. 

L’ONU soutient également les femmes, les jeunes et la société civile afin que ces groupes puissent jouer un rôle clef dans la promotion des objectifs de l’Accord-cadre.  La promotion du rôle des femmes dans la paix et le processus politique est l’objet d’une mission en préparation au Burundi, en RDC, en République centrafricaine (RCA) et au Soudan du Sud avec la collaboration de la CIRGL et de l’Union africaine. 

L’Envoyé spécial a souligné que son bureau avait continué à mobiliser les dirigeants de la région à travers les mécanismes de gestion de l’Accord-cadre, notamment pour promouvoir le dialogue et la coopération entre les pays signataires de ce texte.  Il a souligné qu’au cours d’une réunion à Addis-Abeba en février dernier, et portant sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre, il a été noté que, même si les progrès dans sa mise en œuvre sont lents, l’Accord-cadre demeure un outil crucial pour la promotion de la coopération, de la paix et de la stabilité dans la région, en complément du Pacte de la CIRGL.  M. Djinnit a cité quelques progrès, tels que la défaite du M23 et l’affaiblissement des FDLR, tout comme l’établissement des mécanismes de renforcement de la confiance, ainsi que le renforcement de la coopération économique et de l’intégration.  Néanmoins, a-t-il regretté, le manque de confiance entre les pays de la région continue de saper les progrès. 

Pour parvenir à la paix dans la région, l’Envoyé spécial a donc prôner de prendre des mesures pour dissiper la méfiance entre les pays des Grands Lacs, à savoir la RDC, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi.  Il a indiqué qu’au cours de sa rencontre, le 29 mars dernier, avec le Président Sassou Nguesso, qui est Président de la CIRGL et Président du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre, avaient été évoquées les possibilités de renforcement des relations entre ces pays par le recours aux bons offices des dirigeants de la région.  En outre, alors que le renforcement de l’efficacité de la brigade d’intervention de la MONUSCO est en cours d’examen, l’Envoyé spécial a souligné l’importance de s’attaquer au financement des groupes armés en luttant contre l’exploitation illicite et le trafic des ressources naturelles.  Il a aussi invité toutes les parties à s’engager dans le rapatriement des combattants étrangers désarmés.

Il ne faut pas non plus perdre de vue la situation au Burundi, a poursuivi l’Envoyé spécial, notant qu’un plus grand engagement des dirigeants de la région et de l’Union africaine, avec le soutien des Nations Unies, était nécessaire afin de revigorer le dialogue entre tous les acteurs du pays. 

M. Djinnit a également invité les pays de la région et les acteurs humanitaires à s’entendre pour proposer des solutions régionales durables à la crise humanitaire préoccupante qui sévit dans les Grands Lacs.  Il a également évoqué le problème du chevauchement des mandats et des objectifs entre l’Accord-cadre et le Pacte de la CIRGL, en tenant compte des avantages comparatifs de chaque instrument et de la nécessité d’assurer complémentarité et synergie entre ces deux mécanismes. 

En conclusion, M. Djinnit a rappelé que les Grands Lacs restaient l’une des régions les plus volatiles et les plus complexes du continent, alors même qu’ils pourraient sensiblement contribuer à la stabilité et au développent de l’Afrique.  Il a donc invité le Conseil de sécurité à continuer d’exhorter toutes les parties prenantes à œuvrer en faveur de l’objectif commun d’une paix et d’une stabilité durables.

M. RAYMOND SERGE BALÉ (République du Congo), s’est exprimé au nom du Président Sassou Nguesso, Président du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et Président de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).  Cinq ans après la signature, le 24 février 2013, de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région, il est temps d’évaluer le degré d’engagement de chacun des signataires, a-t-il estimé.  Il a rappelé que, le 19 octobre 2017 à Brazzaville, ont eu lieu conjointement le septième Sommet de la CIRGL et la huitième Réunion du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre.  Cette rencontre a adopté les recommandations du Mécanisme d’autofinancement de l’initiative régionale sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, afin d’éradiquer le fléau et de parvenir, à terme, à la gestion durable des ressources naturelles.  Le Mécanisme a retenu trois recommandations majeures: neutralisation des forces négatives; rapatriement des combattants désarmés; et dialogues et processus politiques dans la région. 

M. Balé a évoqué la réunion tripartite sur la situation politique et sécuritaire de la région, entre les Présidents des deux Congo et de l’Angola, à Brazzaville, le 9 décembre dernier, et à Kinshasa, le 14 février de cette année.  Il a annoncé qu’une troisième réunion du genre aura lieu à Luanda.  En outre, le Président Sassou Nguesso a reçu, le 9 janvier dernier, le Président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, à la suite de la répression des marches des catholiques qui ont eu lieu le 31 décembre 2017 à Kinshasa.

Le représentant a salué les avancées du processus électoral en RDC, mais a parlé de nombreux défis qui pourraient compromettre la réussite du processus, notamment le respect de la feuille de route par l’ensemble de la classe politique; le financement des élections et la logistique indispensable à sa réalisation; des difficultés pour atténuer les revendications de l’opposition désormais reprises par l’Église catholique; et la sécurisation du pays par rapport à l’activisme des groupes armés.  Il a noté que l’appui et l’accompagnement de la communauté internationale s’avéraient déterminants, soulignant aussi le respect de la souveraineté et de l’indépendance de la RDC. 

En ce qui concerne le Kenya, M. Balé a salué l’engagement pris, le 9 mars dernier, par le Président, M. Uhuru Kenyatta, et le chef de l’opposition, M. Raila Odinga, qui ont décidé de réconcilier le pays.  Le Président de la CIRGL et du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre et ses pairs ont par ailleurs déploré la persistance de la violence en République centrafricaine (RCA) et réitéré leur appel à la communauté internationale afin qu’elle apporte son soutien plus ferme au processus de stabilisation et de réconciliation nationale.  Le processus de dialogue conduit par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) au Soudan du Sud est du reste suivi avec attention.

Pour le cas du Burundi, le suivi du processus a permis de noter qu’un référendum constitutionnel est prévu en mai 2018, même si le processus de dialogue conduit par la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), bien que grippé, devra être relancé sous l’impulsion du Médiateur, le Président Museveni, et le Facilitateur, l’ancien Président Mkapa.  M. Balé a estimé que la libération de 740 détenus prisonniers, dont une majorité condamnée pour participation au mouvement insurrectionnel de 2015, est un motif d’apaisement dans la crise sociopolitique dans le pays.  Le Président Sassou Nguesso poursuit également ses efforts pour décrisper le climat et améliorer les relations entre le Rwanda et le Burundi. 

Revenant à la situation en RDC, M. Balé a invité la communauté internationale à se projeter au-delà des échéances électorales qui ne sauraient être une fin en soi.  Pour lui, la pérennisation de la paix et de la stabilité dans la sous-région, à laquelle les peuples aspirent, nécessite aussi d’autres ressorts que les consultations électorales.  Il a rappelé que la RDC était le « centre névralgique de la région des Grands Lacs », faisant observer que ce n’est pas en vain qu’elle constitue la pierre angulaire de l’Accord-cadre.  Il faut donc l’aider à recouvrer une stabilité durable pour qu’elle joue le rôle auquel ses immenses potentialités la prédisposent, a-t-il conclu. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a souligné l’importance d’élections crédibles et acceptées par tous en République démocratique du Congo, qu’il a jugées cruciales pour la stabilité du pays et de la région.  À cette fin, le représentant a demandé le respect du calendrier électoral et la mise en place d’un climat apaisé « dans lequel tous les candidats peuvent se déclarer et faire campagne librement sans craintes de représailles ».  « Le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales est crucial », a-t-il ajouté.

M. Delattre a également plaidé pour une meilleure intégration régionale, afin de garantir la bonne coopération entre les États de la région.  « C’est un objectif privilégié par l’Union africaine et par la France, qui a adapté ses politiques de soutien et ses instruments afin d’inscrire son action dans une perspective régionale », a-t-il expliqué.  L’Institut français de Goma, -« la Halle des volcans »- inauguré il y a six mois, souhaite s’adresser à la jeunesse de toute la région, a-t-il déclaré. 

Le règlement du défi posé par les « forces négatives » dans la région requiert tout d’abord un engagement militaire, a estimé M. Delattre, pour qui c’est notamment le rôle de la brigade d’intervention de la MONUSCO fournie par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).  Pour le représentant, le mandat renouvelé de la MONUSCO doit lui permettre de mener des « actions offensives décisives ».  Il a ensuite plaidé pour une action politique pour démobiliser, rapatrier et réintégrer ces combattants dans leur pays d’origine, avant d’appeler à une lutte accrue contre les trafics illégaux de ressources naturelles.  « Tant que ces trafics subsisteront, aucune stabilisation durable ne pourra être envisagée », a-t-il dit, avant de demander une action forte et concertée des pays de la région et un engagement continu des partenaires internationaux pour la transparence des industries extractives et une meilleure traçabilité des minerais. 

« Cinq ans après la signature de l’Accord-cadre, des progrès visibles et notables dans sa mise en œuvre seraient un signe extrêmement positif de l’engagement de tous les pays signataires pour la stabilité et le développement de la région des Grands Lacs », a conclu M. Delattre. 

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a jugé inquiétant l’état de la sécurité dans la région des Grands Lacs, tout en notant « les progrès modestes » accomplis jusqu’à présent.  Il a souligné l’importance du rôle joué par les « forces négatives » et a dit espérer que le Conseil accorderait à cette question l’attention nécessaire.  Il a appelé à la bonne tenue des élections en République démocratique du Congo et exhorté les responsables congolais à faire preuve de retenue.  Il a souligné l’importance du rôle joué par le Président Sassou Nguesso, du Congo, avant de demander la pleine application de l’Accord d’Arusha au Burundi. 

L’application de l’Accord-cadre est cruciale pour toute la région, a poursuivi le représentant, tout en notant les difficultés qui subsistent.  Enfin, M. Alemu a dit son accord avec le constat établi dans le rapport du Secrétaire général sur la situation dans la région des Grands Lacs. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a rappelé que la stabilité dans la région des Grands Lacs avait un impact sur celle de tout le continent.  Les acteurs de la région peuvent s’appuyer, a-t-il dit, sur l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région.  Soulignant qu’avec la paix, les énormes sommes d’argent englouties dans le conflit pourraient être réorientées vers le développement, il a invité les pays de la région à régler leurs différends par le dialogue. 

Insistant sur le respect de la souveraineté nationale, le représentant a plaidé pour l’implication des pays de la région, des organisations sous-régionales et de la communauté internationale pour la paix en République démocratique du Congo.  Il a tenu à faciliter le Président du Congo, M. Sassou Nguesso, pour sa présidence des deux mécanismes et les efforts consentis, avec son pair d’Angola, pour la paix en RDC.  Il a jugé cruciale la tenue des élections en décembre prochain en RDC, de même que la période postélectorale qui s’ensuivra.  Il a enfin invité la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) à travailler étroitement avec les autorités de la RDC, avant de se féliciter d’une normalisation en cours de la situation au Burundi. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a fait observer que la situation en République démocratique du Congo affectait toute la région, et que tout ce qui se passerait en RDC au cours des prochains mois serait décisif pour la stabilité de toute la région.  Le Royaume-Uni appuie la mise en œuvre de l’Accord-cadre et attend la tenue des élections en décembre prochain.

Le Royaume-Uni est préoccupé par le non-rapatriement des combattants désarmés et par la prolifération de la violence dans certaines régions de la RDC, qui a conduit 4,5 millions de Congolais à fuir leur domicile.  Le Royaume-Uni invite donc les acteurs de la région à s’unir et à coopérer. 

Mme Pierce a déclaré que seules des élections crédibles qui respectent la Constitution sont gage de la sortie de crise en RDC, insistant sur l’importance du respect du code électoral et des dispositifs de l’Accord du 31 décembre 2016, notamment la libération des prisonniers politiques. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que l’Accord-cadre était la pierre angulaire de la stabilité de la région, ajoutant que son application devait se faire dans le respect de la souveraineté des pays de la région.  Il a demandé des efforts accrus contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), avant de déplorer la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord-cadre.  La République démocratique du Congo et la Mission des Nations Unies dans ce pays doivent coopérer pleinement, a poursuivi le représentant en insistant sur le rôle déstabilisateur des « forces négatives » en RDC. 

M. Polyanskiy a demandé le rétablissement de l’autorité de l’État congolais dans les zones libérées des rebelles et regretté que des personnes déplacées soient recrutées par les forces négatives.  Une autre menace est la présence en RDC d’éléments sud-soudanais fidèles à Riek Machar, a ajouté le représentant.  Ce dernier a enfin estimé que toute solution politique intérieure dans les pays connaissant des tensions électorales serait favorable à la stabilité régionale, mais a ajouté qu’imposer des solutions de l’extérieur était inacceptable. 

M. ZHANG DIANBIN (Chine) a insisté sur la fragilité de la situation dans la région des Grands Lacs, avant de plaider pour des « solutions africaines à des défis africains ».  Il a apporté son soutien à l’Union africaine et à la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et salué la coopération des pays de la région pour faire face à la menace posée par les groupes armés.  La MONUSCO doit apporter son soutien au Gouvernement de la RDC face à ces groupes armés, a-t-il déclaré.  Enfin, le représentant a appuyé le processus de paix et rappelé l’aide que son pays apporte au développement des secteurs agricoles et des infrastructures des pays de la région des Grands Lacs. 

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a salué des progrès dans les Grands Lacs, même si les perspectives de paix et de sécurité durables dans la région continuent de se heurter à des défis sécuritaires, politiques et humanitaires.  Il a invité l’Envoyé spécial du Secrétaire général à poursuivre ses efforts en vue de la mise en œuvre effective de l’Accord-cadre.  En ce qui concerne la RDC, la Côte d’Ivoire appelle toutes les parties à la mise en œuvre de l’Accord de la Saint-Sylvestre dans un climat apaisé, en vue de la tenue effective d’élections crédibles le 23 décembre prochain.

La Côte d’Ivoire salue les efforts du Facilitateur pour le Burundi, M. Benjamin Mkapa, en vue de relancer le dialogue politique interburundais, sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).  Le représentant a salué la décision prise par les chefs d’État de la CAE, lors du sommet du 23 février dernier en Ouganda, de continuer de soutenir le processus politique burundais. 

M. Tanoh-Boutchoué a par ailleurs déploré la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire en RDC, notamment dans l’est du pays, et a salué la volonté des Nations Unies de neutraliser les groupes armés à travers le renforcement des moyens de la brigade d’intervention de la force de la MONUSCO, en collaboration avec les autorités congolaises.  Le représentant a également salué les efforts déployés par la communauté internationale, les organisations humanitaires, les États voisins et les ONG locales, en vue d’apporter une assistance humanitaire aux populations dans le besoin, et il a encouragé les donateurs à contribuer au succès de la conférence internationale humanitaire de haut niveau pour la RDC, prévue le 13 avril 2018 à Genève.  Il a conclu en appelant au soutien des Nations Unies et de l’ensemble de la communauté internationale pour une meilleure mise en œuvre de l’Accord-cadre, le jugeant indispensable pour la paix et la stabilité dans cette partie du continent africain. 

M. DIDAR TEMENOV (Kazakhstan) a salué les efforts des pays signataires pour la mise en œuvre de l’Accord-cadre, jugeant cette dernière vitale pour la stabilité de la région.  Il s’est dit préoccupé par les cycles récurrents de violence et de conflits et la détérioration de la situation humanitaire dans la région.  Il a notamment appelé à renforcer les capacités des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) dans leur lutte contre les groupes armés, avec l’assistance de la brigade d’intervention de la MONUSCO.  Il a aussi appelé au rapatriement des combattants désarmés en RDC et dans les pays voisins, souhaitant que la réunion des garants de l’Accord-cadre, qui a eu lieu à Addis-Abeba du 24 au 26 février dernier, produise des résultats positifs. 

Le Kazakhstan est préoccupé par le manque de progrès dans le dialogue interburundais et invite toutes les parties prenantes à faire des efforts pour établir un dialogue constructif, dans l’esprit de l’Accord d’Arusha. 

M. Temenov a indiqué que la souffrance de 11 millions de déplacés de la région devait être au cœur des actions de la communauté internationale, assurant que les engagements des donateurs étaient cruciaux, notamment à l’occasion de la conférence des donateurs qui aura lieu à Genève, le 13 avril.  Le représentant a en outre souligné l’importance de la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles dans la région, rappelant que les fruits de ces trafics alimentent les groupes armés.  Il a insisté sur le besoin de renforcer le lien entre sécurité et développement dans le cadre des mesures pour venir à bout de la crise politique, sécuritaire et socioéconomique de la région.

M. OLOF SKOOG (Suède) a appuyé les efforts régionaux robustes consentis pour mettre en œuvre l’Accord-cadre, en particulier la revitalisation du Mécanisme régional de suivi et l’engagement des présidents de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.  L’ONU a un rôle important d’appui à ces efforts à jouer, a-t-il estimé. 

Jugeant que la situation en RDC était la plus pressante, le représentant a appelé tous les acteurs à appuyer la tenue d’élections crédibles, transparentes, inclusives et pacifiques dans ce pays le 23 décembre prochain. 

Le représentant a souligné combien il est important que la voix des femmes de la région soit entendue et a demandé qu’elles jouent un rôle accru dans les processus politiques dans la région, en particulier dans un contexte d’élections.  Beaucoup doit encore être fait pour mettre en œuvre les Déclarations de Nairobi et prendre les mesures nécessaires pour promouvoir le processus de désarmement, démobilisation, réintégration, et réinstallation ou rapatriement, a conclu M. Skoog. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a souligné les difficultés graves que connaît la région des Grands Lacs, en particulier la détérioration de la situation humanitaire.  Pour les surmonter, le représentant a appelé à une coopération régionale forte, en soulignant le rôle de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).  Il a souligné l’importance de la neutralisation des groupes armés et de la promotion des droits de l’homme pour que l’impunité ne prévale pas. 

Nous devons remédier aux causes profondes des souffrances des populations, a poursuivi M. Alotaibi, qui a rappelé les espoirs soulevés par la signature, il y a cinq ans, de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, avant de déploré que les souffrances soient toujours aussi aiguës.  Enfin, le représentant a plaidé pour une unification des efforts des gouvernements de la région pour faire face à la menace grave posée par les groupes armés au plan régional. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a mentionné les progrès significatifs accomplis depuis la signature de l’Accord-cadre, tels que la réduction de la présence de groupes armés étrangers, même si des « défis sérieux » subsistent.  Des membres de groupes armés, y compris les ex-combattants du M23 et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), n’ont pas encore été rapatriés, a-t-il fait observer, en jugeant que l’Accord-cadre était l’instrument idoine pour régler ces défis.  Le représentant a ensuite exhorté les Gouvernements de la RDC et du Burundi à respecter les droits humains et à ménager un espace politique suffisant pour les partis pacifiques, les médias et la société civile.  Ils détiennent la clef des portes ouvrant sur la stabilité, a-t-il déclaré. 

Pour M. van Oosterom, seuls des efforts régionaux permettront de régler les défis actuels.  Le représentant a souligné le rôle crucial joué par l’Union africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.  Enfin, il a cité un proverbe africain: « Lorsqu’un homme est piqué par une abeille, il ne détruit pas toutes les ruches. »  Il en va de même pour l’Accord-cadre: des défis demeurent mais avec les efforts nécessaires, sa mise en œuvre peut être renforcée, a conclu le représentant. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a rappelé que la signature de l’Accord-cadre, il y a cinq ans, avait suscité des espoirs, avant d’inviter les signataires à œuvrer à sa mise en œuvre afin de parvenir à la stabilité dans la région.  Il a rappelé que cette région, l’une des plus riches en ressources naturelles, était victime des actions des multinationales qui utilisent des mécanismes néocoloniaux pour exploiter les ressources de la région.  La Bolivie est également préoccupée par la situation humanitaire dans la région, avec des millions de déplacés et de réfugiés.  Enfin, le représentant a salué les processus électoraux en cours dans la région et insisté sur le fait que l’Accord-cadre était un exemple qui devrait être reproduit.

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a déclaré qu’il fallait rétablir l’état de droit et restaurer le processus électoral, notamment au vu des tensions politiques en RDC, au Burundi, en République centrafricaine et au Soudan du Sud.  Il a également demandé de renforcer la lutte contre les activités commerciales illégales, afin d’inciter les combattants à se lancer dans le processus de désarmement, démobilisation et réintégration. 

Le représentant s’est dit préoccupé par le nombre de déplacés et de réfugiés et la grave crise humanitaire sévère qui s’ensuit dans la région.  Il a souhaité que des efforts supplémentaires soient consentis pour la mise en œuvre de l’Accord-cadre, invitant enfin la communauté internationale à continuer d’accorder une attention particulière à la situation dans la région des Grands Lacs.

Mme ELAINE MARIE FRENCH (États-Unis) a rappelé le lien entre la stabilité en RDC et la stabilité dans l’ensemble de la région, avant de dénoncer les activités des groupes armés.  La représentante a déploré la lenteur du processus électoral en RDC et exhorté l’Envoyé spécial à se concentrer sur l’avancement de celui-ci.  La RDC doit organiser des élections crédibles pour une transition pacifique du pouvoir, a-t-elle rappelé, avant de mettre en exergue le rôle de la Communauté de développement de l’Afrique australe et de l’Union africaine à cette fin. 

Mme French s’est dite préoccupée par le prochain référendum sur une réforme constitutionnelle au Burundi, estimant qu’il pourrait exacerber les tensions.  L’irrespect de l’Accord d’Arusha nourrit les tensions au Burundi et dans la région, a-t-elle affirmé.  Enfin, elle a demandé à l’Envoyé spécial d’œuvrer au renforcement du Mécanisme régional de suivi. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a indiqué que seule une approche régionale cohérente permettrait de régler les défis de la région et d’instaurer une paix durable.  Le représentant a insisté sur la nécessité de respecter le calendrier électoral en RDC et de promouvoir le dialogue interburundais.  Il s’est dit préoccupé par la situation humanitaire dans la région des Grands Lacs, qui compte 11 millions de personnes déplacées, plaidant pour que soit apportée une protection adéquate aux femmes et aux enfants.  Enfin, il a demandé une action coordonnée et robuste face aux groupes armés de la région. 

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