8214e séance – matin
CS/13263

Moyen-Orient: le Coordonnateur spécial plaide une nouvelle fois pour le respect du « consensus de longue date » sur le règlement final du conflit

Le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. Nickolay Mladenov, a consacré aujourd’hui la séance mensuelle du Conseil de sécurité sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, au cinquième rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016), plaidant une nouvelle fois pour le respect du « consensus de longue date » sur le règlement final du conflit.

Se disant gravement préoccupé par l’état des efforts collectifs en vue de la paix, il a réaffirmé que le consensus devait rester le cadre directeur du processus de paix au Moyen-Orient, y compris en ce qui concerne le statut de Jérusalem et la question des réfugiés.

Tout en concentrant son intervention sur les changements survenus sur le terrain depuis le 18 décembre dernier, M. Mladenov a rappelé que ces derniers ne pouvaient pas être séparés du contexte plus large de l’occupation militaire israélienne du territoire palestinien, des incertitudes concernant la poursuite du processus de paix en vue d’une solution des deux États, des mesures unilatérales qui sapent le processus de paix et des troubles dans la région.

En outre, s’il a salué les annonces de contributions pour environ 100 millions de dollars faites lors de la récente Conférence ministérielle extraordinaire de Rome consacrée au financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), le Coordonnateur spécial a rappelé que l’agence souffrait d’un déficit de quelque 446 millions de dollars. 

Or, a-t-il fait observer, la fourniture des services de base essentiels à la population de Gaza dépend d’un approvisionnement en carburant fourni par les Nations Unies, lequel est assuré au mieux jusqu’en septembre prochain.  Plusieurs des membres du Conseil qui sont ensuite intervenus -Guinée équatoriale, Bolivie, Koweït et Chine- ont également mis l’accent sur le rôle de l’UNRWA et son financement. 

M. Mladenov a présenté l’application de la résolution 2334 (2016) sous de multiples angles: poursuite de la colonisation illégale par Israël du territoire palestinien occupé; violences de la part de l’une ou l’autre partie, y compris discours provocateurs ou haineux; mesures prises pour distinguer, dans les accords internationaux conclus avec Israël, entre le territoire israélien proprement dit et le territoire palestinien occupé depuis 1967; situation humanitaire à Gaza ou encore mesures économiques. 

Concernant ce dernier point, M. Mladenov a précisé que certains assouplissements décidés par Israël étaient certes bienvenus mais en aucun cas suffisants, estimant par ailleurs que le développement économique durable n’est, « de toute façon pas un substitut à la souveraineté et à un État ».  Il a reçu l’appui du Royaume-Uni, dont la nouvelle Représentante permanente s’exprimait pour la première fois au Conseil, pour qui l’amélioration de la situation sur le terrain, nécessaire, ne sera pas suffisante, car il faut une solution politique, qui doit être celle des deux États. 

C’est également cette solution des deux États qu’ont appelée de leurs vœux plusieurs autres membres du Conseil de sécurité, y compris ceux qui, comme le Royaume-Uni et la Guinée équatoriale, ont dit attendre la présentation des propositions de paix américaines. 

Pour sa part, le Koweït est revenu sur l’annonce faite le 6 décembre dernier du transfert de l’ambassade des États-Unis vers Jérusalem, jugeant « inacceptables » les mesures qui visent à changer la situation sur le terrain et mettant en garde contre de « graves répercussions ». 

Le Koweït a par ailleurs « exigé » la présentation d’un rapport écrit sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016), ce qu’a également demandé la Bolivie.

Enfin, trois des membres du Conseil de sécurité -le Koweït, le Royaume-Uni et les États-Unis– ont fait référence, pour les condamner, aux attaques aux missiles menées hier par les houthistes du Yémen sur des villes saoudiennes. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE

Déclarations

M. NICKOLAY MLADENOV, Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, qui s’exprimait par visioconférence depuis Jérusalem, a expliqué que son intervention visait à présenter le cinquième rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016), lequel porte sur la période allant du 18 décembre au 25 mars.  Il a concentré son intervention sur les changements constatés sur le terrain, en rappelant que ces derniers ne pouvaient pas être séparés du contexte plus large de l’occupation militaire israélienne du territoire palestinien, des incertitudes concernant la poursuite du processus de paix en vue d’une solution à deux États, des mesures unilatérales qui sapent le processus de paix et des troubles dans la région.  Il a également rappelé sa préoccupation concernant le déficit de 446 millions de dollars dans le financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), tout en saluant les annonces de contributions pour environ 100 millions de dollars faites lors de la Conférence ministérielle extraordinaire de Rome. 

La résolution 2334 du Conseil de sécurité appelle Israël à cesser immédiatement toutes ses activités de colonisation dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, a rappelé le Coordonnateur spécial, qui a répété que, pour les Nations Unies, toute activité de colonisation de ce type est considérée comme une violation du droit international et un obstacle majeur à la paix.  Il a ensuite détaillé toute une série de projets d’installations, notamment 22 projets concernant 1 500 logements dans la zone C, dont une dizaine a déjà été approuvée au cours du trimestre écoulé.  Il a en même temps noté que, selon les chiffres officiels publiés la semaine dernière, le nombre de nouvelles constructions dans la zone C avait baissé de moitié en 2017 par rapport au record de 2016.  En outre, après l’attaque du 4 janvier, lors de laquelle un rabbin a été tué près de l’avant-poste de Havat Gilad, le Gouvernement a approuvé une nouvelle implantation qui sera construite presque uniquement sur des terrains qui sont la propriété privée de Palestiniens. 

M. Mladenov a également fait état de divers amendements législatifs, y compris un amendement à la Loi fondamentale qui rend encore plus difficile le transfert éventuel de territoires définis comme relevant de la municipalité de Jérusalem à un futur État palestinien. 

La démolition de structures palestiniennes à Jérusalem-Est s’est également poursuivie, quoique à un rythme plus lent que par le passé, a indiqué M. Mladenov.  Ainsi, 92 structures, dont 15 financées par des donateurs, ont été détruites au motif d’une absence de permis de construire, lesquels sont pratiquement impossibles à obtenir pour des Palestiniens, a fait observer le Coordonnateur spécial, qui a cité divers autres cas, ailleurs dans le territoire palestinien occupé. 

La période concernée a été marquée par la poursuite de manifestations, affrontements et tensions croissantes après l’annonce, le 6 décembre, du transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem-Est, a-t-il poursuivi.  M. Mladenov a fait état de 23 Palestiniens tués, dont 6 enfants, dans divers incidents, ainsi que 3 civils et 2 militaires israéliens.  Il a aussi mentionné une escalade des tensions, incidents et représailles dans la bande de Gaza et à ses alentours. 

M. Mladenov a noté que, malgré l’appel de la résolution 2334 adressé aux différentes parties, les déclarations provocantes de la part de celles-ci se sont poursuivies, que ce soit la glorification par le Fatah des auteurs d’attaques contre des civils israéliens ou le déni par les dirigeants palestiniens des liens religieux et historiques des juifs avec Jérusalem, ou encore les déclarations de dirigeants israéliens en faveur de l’annexion de tout ou partie du territoire palestinien occupé, niant l’existence d’un « peuple palestinien » ou encore regrettant que les frappes militaires de représailles ne fassent pas assez de victimes parmi les militants. 

La résolution 2334 appelait aussi à prendre des mesures pour inverser la tendance négative menaçant sur le terrain la solution des deux États.  À cet égard, M. Mladenov a cité une série de « mesures positives et négatives » qui vont dans ce sens.  Il a aussi fait observer que l’économie de la bande de Gaza reste au bord de l’effondrement, citant en particulier des coupures d’électricité d’une durée supérieure à 20 heures par jour.  Les services de base ne fonctionnent que grâce au carburant fourni par les Nations Unies, a-t-il aussi remarqué en prévenant que ces livraisons risquent de s’arrêter avant septembre prochain.  Il a aussi signalé que plus de 40% des médicaments essentiels manquent à cause du déficit de financement.

Le Coordonnateur spécial a fait état de quelques progrès dans la distinction que la résolution 2334 demande aux États Membres de faire entre le territoire d’Israël et les territoires occupés depuis 1967.  Il a notamment cité une loi adoptée par le Parlement danois, en janvier dernier, qui exclut le territoire palestinien occupé de tout accord à venir entre le pays et Israël.

En résumé, M. Mladenov a estimé que la poursuite de la colonisation illégale par Israël continue de menacer la viabilité d’une solution à deux États et d’éroder les perspectives de paix.  Les possibilités de développement des Palestiniens sont très limitées par Israël, notamment du fait des 13 000 autorisations de démolition de structures palestiniennes, a-t-il ajouté, avant d’indiquer que la violence et l’incitation à la violence continuent de part et d’autre.  Il a appelé Israël à calibrer son recours à la force.  À cet égard, le Coordonnateur spécial a pris note des projets de marche vers la clôture de Gaza prévue le 30 mars et a appelé à la modération de part et d’autre.  Il a jugé bienvenues les mesures prises dans la zone A et à Gaza, mais estimé que le relâchement des contraintes israéliennes restait insuffisant pour permettre un développement économique durable qui, « de toute façon, n’est pas un substitut à la souveraineté et à un État ».  M. Mladenov a aussi condamné l’attentat commis le 13 mars à Gaza contre le Premier Ministre Hamdallah comme une tentative grave de faire échouer le processus du Caire de réconciliation intrapalestinienne. 

Enfin, le Coordonnateur spécial s’est dit gravement préoccupé par l’état des efforts collectifs en vue de la paix.  Le consensus de longue date de la communauté internationale sur le statut final, y compris en ce qui concerne le statut de Jérusalem et la question des réfugiés, doit rester le cadre directeur du processus de paix vers une solution finale à deux États, a-t-il plaidé.  Toute déviation de ces principes serait dangereuse, a-t-il ajouté, en citant une nouvelle fois la résolution 2334.  Les Nations Unies invitent donc les Israéliens, les Palestiniens et la communauté internationale à prendre des mesures concrètes pour renverser le cours actuel et avancer sur la voie d’une solution juste à deux États, a conclu M. Mladenov.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a constaté que depuis avril 1947, la question de la Palestine n’a jamais cessé d’être au cœur de l’instabilité dans la région.  Il est revenu sur les grandes lignes de la résolution 2334 (2016), pour ensuite faire part de son appui aux revendications de la partie palestinienne, tout en estimant que les Israéliens ont le droit de vivre dans la paix et la sécurité.  On ne peut toutefois lier le droit d’exister d’Israël au droit d’exister de la Palestine, a-t-il estimé.

Le délégué a ensuite salué l’accord de réconciliation entre le Fatah et la Hamas et le retour de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza.  Il a appelé le Conseil à faire preuve d’unité pour trouver une solution au conflit, en exerçant notamment une pression sur les autorités israéliennes et palestiniennes. 

Il a aussi espéré que les initiatives des États-Unis déboucheront sur l’élaboration d’un plan de paix acceptable pour l’ensemble des parties.

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a qualifié la situation sur le terrain de « décourageante », pointant notamment la décision prise le 4 février, par le Gouvernement israélien, de construire 350 nouvelles unités de peuplement à Netiv Ha’avot, au sud de la ville de Bethléhem.  De telles décisions, a-t-il souligné, se font en violation de la résolution 2334 (2016).  Le délégué a souhaité que le rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de ladite résolution soit transmis par écrit et contienne des cartes indiquant l’emplacement des colonies. 

Il a ensuite souligné que les activités de peuplement sont susceptibles de constituer des crimes de guerre, étant une violation « flagrante » de la Convention de Genève, entre autres. 

Le délégué s’est aussi préoccupé de la situation humanitaire « alarmante » qui prévaut à Gaza, avertissant notamment du risque d’un effondrement total des systèmes d’approvisionnement en eau ainsi que des systèmes de santé et d’assainissement, en raison de la pénurie de combustible. 

La Bolivie est préoccupée du fait que 40% de la population a accès à l’eau uniquement quatre à six heures, tous les trois ou cinq jours, a-t-il ajouté, ainsi que de la grande difficulté à sortir de la bande pour obtenir des traitements médicaux ailleurs.  Le délégué a ensuite appelé les donateurs à continuer de fournir une aide pour permettre à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) de continuer de venir en aide aux réfugiés palestiniens.

Le délégué a par ailleurs lancé un appel en faveur de l’unité intrapalestinienne et au renforcement de la présence de l’Autorité nationale palestinienne dans la bande de Gaza.  Il a condamné l’attaque perpétrée contre le Premier Ministre du Gouvernement palestinien, M. Rami Hamdallah, le 13 mars dernier, pour ensuite faire part de son appui à tous les efforts internationaux visant à trouver une solution pacifique au conflit israélo-palestinien.  Il a souligné que celle-ci doit se fonder sur la solution des deux États.

M. THÉODORE DAH (Côte d’Ivoire) a réitéré sa préoccupation devant l’absence d’avancées « significatives » dans le processus de paix au Moyen-Orient.  Il a estimé que seuls le dialogue et des négociations politiques crédibles permettront de parvenir à une solution « viable » fondée sur deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité.  Afin de sortir de l’impasse actuelle, le représentant a appelé à la reprise des négociations entre Israël et l’État de Palestine et au respect des résolutions du Conseil de sécurité. 

S’agissant de la situation dans la bande de Gaza, M. Dah s’est dit préoccupé par la crise économique et les pénuries d’eau, d’électricité et de médicaments.  Il a encouragé l’Autorité palestinienne et le Hamas à poursuivre le dialogue sur la base de l’Accord de réconciliation du 12 octobre 2017.  Enfin, il a salué les contributions financières de 100 millions de dollars en faveur de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) faites à l’occasion de la Conférence ministérielle extraordinaire qui s’est tenue le 15 mars à Rome. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) s’est inquiété de la détérioration de la situation sur le terrain, dénonçant notamment le fait qu’Israël ne respecte pas les résolutions de l’ONU.  Il a aussi condamné les mesures unilatérales israéliennes qui visent à changer la situation sur le terrain, avertissant par ailleurs des « graves répercussions » de l’annonce du transfert de l’ambassade des États-Unis vers Jérusalem. 

Le représentant a ensuite « exigé » la présentation d’un rapport écrit sur la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016).  Il a aussi fait part de son appui à la solution des deux États.

Le délégué s’est ensuite dit profondément préoccupé face à la crise qui prévaut à Gaza depuis une décennie.  Il a aussi parlé de la crise que connaît l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), avertissant que celle-ci aura des répercussions notables sur le terrain. 

Il a appelé les bailleurs de fonds à continuer d’appuyer l’Office, et a salué la tenue récente, à Rome, de la Conférence ministérielle extraordinaire qui a permis de mobiliser 100 millions de dollars en promesse de dons.

Le délégué a par ailleurs dénoncé les attaques aux missiles menées par les houthistes contre l’Arabie saoudite dans la matinée et a appelé le Conseil de sécurité à faire front commun pour les dénoncer.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni), dont c’était la première intervention en tant que nouvelle Représentante permanente de son pays, a insisté sur l’importance cruciale de l’amélioration de la situation sur le terrain, notamment à Gaza, avant de condamner la tentative d’assassinat du Premier Ministre Rami Hamdallah. 

La nécessaire amélioration de la situation sur le terrain ne sera toutefois pas suffisante, a averti la représentante, pour qui il faut une solution politique à deux États.  La déléguée a dit souhaiter voir au plus vite le plan mis au point par les États-Unis et a demandé à toutes les parties concernées de rester engagées. 

La représentante a ensuite mentionné l’attaque aux missiles menée depuis le Yémen contre l’Arabie saoudite par les houthistes, en faisant en outre observer que le conflit dans ce pays entrait aujourd’hui dans sa troisième année. 

M. WALTER MILLER (États-Unis) a condamné fermement l’attaque aux missiles menée contre plusieurs villes d’Arabie saoudite par les houthistes depuis le Yémen et a demandé à toutes les parties de revenir à la table des négociations. 

M. WU HAITAO (Chine) a souligné que la situation au Moyen-Orient ne s’améliorera que lorsque qu’une solution aura été trouvée à la question palestinienne.  Il a appelé le Conseil de sécurité à continuer d’afficher un front uni pour régler la crise, sur la base de la solution des deux États. 

C’est sur cette base aussi qu’il faut encourager la reprise des négociations, a-t-il ajouté, dénonçant dans la foulé la poursuite des activités de peuplement.  Il a appuyé la proposition en quatre points présentée par le Président du Conseil de sécurité. 

Il a souligné que l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a joué un rôle irremplaçable pour amortir les effets de la crise humanitaire sur la population palestinienne et a appelé à continuer d’appuyer l’Office.

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