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Conférence de presse du Secrétaire général dominée par la situation au Myanmar et des initiatives sur la médiation et l’égalité homme-femme

La situation critique au Myanmar et le dossier nucléaire nord-coréen ont été les deux « questions essentielles » qui ont dominé la conférence de presse que le Secrétaire général de l’ONU a donnée, cet après-midi, à la veille de sa première participation au débat général annuel de l’Assemblée générale, dont le lancement est prévu mardi 19 septembre.

À un moment où le monde est confronté à des menaces graves, du péril nucléaire au terrorisme mondial, en passant par les inégalités, la cybercriminalité et les changements climatiques, M. António Guterres a appelé tous les pays à travailler ensemble pour garantir un avenir plus sûr et plus stable.  « C’est pourquoi la réunion de l’Assemblée générale est si importante. »

Le Secrétaire général a également saisi cette occasion pour annoncer deux nouvelles initiatives dans le cadre de la vaste réforme de l’ONU: la création du Conseil consultatif de haut niveau sur la médiation, composé de 18 personnalités éminentes, et la Stratégie égalité homme-femme des Nations Unies.

Cette Stratégie, s’est-il expliqué, répond à un besoin urgent et à un devoir moral.  C’est aussi une « priorité personnelle » dont l’objectif est d’atteindre la parité au niveau des cadres supérieurs d’ici à 2021 et, d’une manière générale, d’ici à 2028.  M. Guterres a fait remarquer que, depuis le début de son mandat, il avait déjà nommé 17 femmes au Conseil de direction, contre 15 hommes.  « Il faut donner l’exemple. »

C’est avant tout la « situation dramatique » du Myanmar qui a été au cœur des préoccupations du Secrétaire général, une situation, a-t-il fait remarquer, que l’on doit à des décennies de doléances ignorées et qui a dépassé les frontières du pays et déstabilisé la région.

« La situation humanitaire est catastrophique », a-t-il poursuivi.  Le nombre des réfugiés rohingya au Bangladesh est passé, en l’espace d’une semaine, de 125 000 à 380 000, soit le triple.  Beaucoup sont dans des abris de fortune ou dans des communautés qui partagent généreusement ce qu’elles ont, sachant que « les femmes et les enfants arrivent affamés et mal nourris ».  Le Secrétaire général a exhorté tous les pays à faire ce qu’ils peuvent pour que l’aide humanitaire parvienne à ces réfugiés.

M. Guterres a dit avoir écrit officiellement au Conseil de sécurité pour exprimer sa préoccupation.  Il s’est donc réjoui que ce dernier ait convoqué une réunion aujourd’hui.  « La dernière lettre officielle envoyée par un Secrétaire général au Conseil de sécurité remonte à 1989 », a-t-il précisé, espérant un message fort.

S’il n’a pas, dans cette lettre, invoqué formellement l’Article 99 de la Charte des Nations Unies, qui prévoit que « le Secrétaire général peut attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales », c’est parce qu’il faut accorder davantage d’importance au fond qu’à la forme. 

« J’ai condamné les attaques de l’Armée Arakan Rohingya Salvation dans l’État de Rakhine », a dit le Secrétaire général, en s’inquiétant tout autant des allégations concernant des attaques menées par les forces de sécurité contre des civils, « des attaques totalement inacceptables » et qui ont notamment pour conséquence de perturber les activités des organisations humanitaires de l’ONU comme des ONG internationales.

« Je demande aux autorités du Myanmar de suspendre l’action militaire, de mettre fin à la violence, de respecter l’état de droit et de reconnaître le droit au retour de tous ceux qui ont été contraints de fuir », a-t-il lancé en exigeant aussi l’accès humanitaire.

Plaidant pour un plan d’action efficace contre les causes profondes de la crise, le Secrétaire général a demandé que les musulmans de l’État de Rakhine reçoivent la nationalité, ou du moins pour le moment, un statut juridique qui leur permette de mener une vie normale.

Peut-on définir la situation comme une épuration ethnique?  « Quand un tiers de la population rohingya doit fuir le pays, y a-t-il un meilleur terme pour décrire la situation? » a répondu le Secrétaire général, tout en refusant un débat sur des termes techniques, préférant attirer l’attention sur « une tragédie » et « un peuple qui souffre ».

L’autre question au sommet de ses préoccupations est l’instabilité de la péninsule coréenne et de toute la région, et même au-delà, qui résulte des essais nucléaires et antimissiles de la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  « L’unité au Conseil de sécurité est essentielle », a souligné le Secrétaire général, en saluant l’adoption à l’unanimité, cette semaine, d’une nouvelle résolution qui envoie un message clair à la RPDC.

« Je demande à tous les États Membres d’assurer la pleine application de cette résolution et des autres résolutions pertinentes du Conseil de sécurité », a-t-il dit, avant d’insister sur l’occasion à saisir sur le plan diplomatique.  « La solution ne peut être que politique », a-t-il avancé, reconnaissant qu’une médiation n’aurait lieu que si toutes les parties y adhèrent.

Le Secrétaire général a également voulu braquer les projecteurs sur une situation d’urgence dont on ne parle pas assez: la République centrafricaine où le nombre de réfugiés et de déplacés a augmenté de 37%, ces trois derniers mois.  Plus de la moitié de la population a grandement besoin d’aide, s’est-il alarmé, en espérant que les dirigeants du monde en parleraient la semaine prochaine.

« Lorsque nous agissons ensemble, nous pouvons obtenir des résultats », a constaté le Secrétaire général devant la famine qui a pu être évitée cette année en Somalie, au Yémen, au Soudan du Sud et dans le nord du Nigéria, grâce aux efforts coordonnés des gouvernements, des ONG, des donateurs et du système des Nations Unies qui offrent une aide à quelque 13 millions de personnes dans ces quatre pays.

M. Guterres a été interrogé sur les Kurdes d’Iraq, la médiation à Chypre, l’État de Palestine, le Liban, la Syrie, le choléra au Yémen ou encore la Libye.  S’agissant de ce dernier pays, il a vu une crise sur laquelle on pourrait progresser à court terme.  Il a exhorté les Libyens à saisir l’occasion qui se présente et à aplanir leurs divisions.

Concernant l’Iraq, il a plaidé en faveur d’un dialogue renforcé entre Erbil et Bagdad pour arriver à un accord dans un avenir proche et éviter de perturber le tournant historique dans lequel se trouve le pays.

Sur le dossier chypriote, il a exprimé son intention d’employer ses bons offices dès que les parties les accepteront et de présenter son rapport vers la fin du mois.

S’agissant de l’État de Palestine, il a prévenu qu’il n’y avait « pas de plan B à la solution des deux États ».  Israël, a-t-il précisé, doit être traité comme n’importe quel État, avec les mêmes droits et les mêmes obligations.

Au Liban, la clef est le renforcement des institutions nationales et notamment de l’Armée libanaise, a-t-il poursuivi, en souhaitant que le pays puisse être un facteur de stabilité dans la région.

Parlant de la Syrie, il a prévenu du risque de fragmentation et appelé la communauté internationale à maintenir son attention sur cette situation.  Le Secrétaire général a espéré des progrès dans les processus d’Astana et de Genève.

Pour ce qui est du Yémen, il a indiqué que son Représentant spécial tentait de négocier un accord pour que l’aide humanitaire puisse être réceptionnée.  Il faut également des mesures pour instaurer la confiance et mettre un terme à ce conflit, « l’un des plus sanglants de notre époque », a-t-il reconnu.

La mort de deux experts en République démocratique du Congo (RDC) a également été évoquée par une journaliste.  Le Secrétaire général a fait part des consultations en cours pour mettre en place un dispositif d’établissement des responsabilités.

Les positions du Gouvernement des États-Unis ont suscité de nombreuses questions chez les journalistes, notamment sur l’envoi de nouvelles troupes américaines en Afghanistan.  « Je ne pense pas qu’il y ait de solution militaire », a répondu le Secrétaire général, convaincu que les États-Unis partagent son point de vue.

Quant au slogan « l’Amérique d’abord », M. Guterres a estimé que la meilleure façon pour le Gouvernement américain de préserver les intérêts de son pays était de soutenir le multilatéralisme et les organisations comme les Nations Unies.  Le Secrétaire général a avoué avoir consenti beaucoup d’efforts pour établir une relation constructive entre l’ONU et les États-Unis. 

En ce qui concerne l’Amérique latine, M. Guterres a estimé que « les nouvelles de Colombie sont les meilleures nouvelles du monde! » après l’accord de cessez-le-feu que viennent de conclure l’Armée de libération nationale (ELN) et le Gouvernement.  Au Venezuela, en revanche, il a espéré qu’une solution politique serait trouvée entre les deux parties avec la reprise des discussions, et que les droits de l’homme seraient protégés.

Répondant à une question sur les cas d’abus sexuels commis par le personnel des missions de l’ONU, le Secrétaire général a invoqué la nomination d’une Défenseure des droits des victimes et de ses quatre adjoints qui s’occuperont spécifiquement de la situation dans quatre pays africains.  Par ailleurs, pour faire face à la corruption au sein du système des Nations Unies, la meilleure protection, selon le Secrétaire général, c’est la protection des lanceurs d’alerte, « ce qui a été ma première mesure à ma prise de fonctions ».

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