SG/SM/18486-SC/12782-PKO/633

Maintien de la paix: M. António Guterres invite le Conseil de sécurité à faire preuve d’unité et à adopter des mandats clairs et réalisables

On trouvera, ci-après, l’allocution du Secrétaire général, M. António Guterres, prononcée, aujourd’hui, à l’occasion du débat thématique du Conseil de sécurité consacré à l’examen des opérations de maintien de la paix:

Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies sont un investissement en faveur de la paix, de la sécurité et de la prospérité mondiales.

Partout dans le monde, les Casques bleus incarnent la détermination des peuples « à préserver les générations futures du fléau de la guerre », inscrite dans la Charte.

Les accomplissements des opérations de paix sont un grand motif de fierté pour nous tous.  Lorsqu’elles échouent dans leur mission, la douleur que nous ressentons nous pousse à faire mieux.

Les soldats de la paix ont contribué à l’instauration d’une stabilité durable d’El Salvador à la Namibie, en passant par le Timor oriental et la Côte d’Ivoire, ou encore le Mozambique ou le Cambodge. 

Cinquante-quatre missions ont achevé leur mandat et mis fin à leurs activités; deux autres feront de même dans les mois qui viennent.

Voilà l’objectif que nous fixons à chacune des opérations de maintien de la paix: accomplir la mission qui lui a été confiée.  Sauver des vies.  Empêcher des atrocités massives.  Préparer le terrain en vue d’instaurer la stabilité et une paix durable.  Et se retirer. 

Ces missions doivent aussi, tout au long de leur cycle de vie, être efficaces en termes de coût.  Aujourd’hui, le budget du maintien de la paix représente moins de 0,5% des dépenses militaires mondiales.

Dès mon entrée en fonctions, j’ai tenu à déposer immédiatement une couronne à la mémoire des 3 500 Casques bleus qui ont donné leur vie pour les idéaux de la Charte des Nations Unies.  Nous avons une dette énorme envers eux pour leur dévouement et leur courage.  La sécurité des Casques bleus restera une priorité.

D’une grande diversité, les opérations de paix des Nations Unies se déroulent dans des environnements extrêmement complexes. 

Il est de notre responsabilité commune de les adapter à notre monde changeant.

Comme l’a clairement dit le Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix, nos ambitions ne correspondent pas à nos capacités, et nos objectifs ne correspondent pas aux ressources dont nous disposons pour les atteindre.  C’est pourquoi les opérations de maintien de la paix semblent souvent aux abois, dépassées par l’ampleur de leur tâche. 

Dans bien des cas, les Casques bleus sont déployés dans des endroits où la paix elle-même est en jeu.  Ils doivent affronter l’hostilité et le manque de coopération des gouvernements hôtes.  Parfois, leur sécurité est gravement menacée par le terrorisme, la prolifération des armes et l’augmentation de la criminalité transnationale.  Une dissociation existe entre les processus politiques et certaines de nos opérations les plus importantes, qui semblent être dans l’impasse, sans réelle perspective de progrès.

Ce sont les défis que nous devons confronter. 

Au Secrétariat, nous devons être plus efficaces, plus efficients et mieux rendre compte de notre action.

Nous comptons sur l’Assemblée générale pour nous apporter un appui politique ferme, et assouplir les règles et règlements afin de faciliter notre travail.

Nous comptons sur les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police pour déployer du personnel dévoué et bien formé.

Nous comptons que les pays voisins de zones de conflit et les organisations régionales respecteront leurs obligations à l’égard des opérations de paix. 

Nous comptons sur l’appui total des pays hôtes.

Et surtout, nous comptons sur ce Conseil pour faire preuve d’unité et adopter des mandats clairs et réalisables.

L’Organisation des Nations Unies tire sa légitimité de la confiance que lui accordent les peuples du monde.  Mais cette confiance a été ébranlée par les terribles affaires d’exploitation et d’atteintes sexuelles qui ont terni l’image de l’Organisation dans son ensemble, et notamment celle de nos missions de maintien de la paix.  J’ai présenté mon plan visant à lutter contre ce fléau et je suis déterminé à le mettre en œuvre, avec votre soutien.

Nous devons nous doter d’une stratégie globale qui appuie la grande diversité de nos missions et tienne compte de toutes les dimensions de la paix, qu’il s’agisse de la prévention, du règlement des conflits, du maintien de la paix, de sa consolidation ou du développement à long terme.

Cette stratégie doit reposer sur deux principes prépondérants:

Premièrement, il n’existe pas de solutions toutes faites.  Certaines missions ont des mandats clairs et sont chargées de séparer les parties belligérantes ou de veiller au respect du cessez-le-feu dans un environnement relativement stable.  Mais d’autres ont des mandats plus complexes et doivent protéger les civils et composer avec les nombreux groupes armés.  La protection des civils demeurera une priorité absolue des opérations de maintien de la paix.

En Somalie, nous appuyons l’opération de paix de l’Union africaine, mandat que nous a confié le Conseil de sécurité.  Au Mali, si les Casques bleus ne sont pas directement engagés dans la lutte contre le terrorisme et n’ont pas vocation à l’être, ils agissent en coordination avec les forces antiterroristes. 

Le Conseil de sécurité a récemment fait part de son appui à l’initiative régionale prise par les États Membres de la région du bassin du lac Tchad qui consiste à établir une Force multinationale mixte pour lutter contre Boko Haram. 

Enfin, nos missions politiques appuient la paix et la réconciliation en Afghanistan et en Iraq, en collaboration avec les organismes de développement et d’autres acteurs. 

Toutes ces opérations jouent un rôle essentiel dans la consolidation et la pérennisation de la paix. 

Mais nos stratégies politiques, nos systèmes de gestion et notre administration ne sont pas conçus pour les appuyer efficacement.  Nous devons tenir compte de la diversité géographique des missions et de leur évolution dans le temps pour leur donner une marge de manœuvre sans entraîner de coûts supplémentaires. 

Deuxièmement, la réussite de chaque mission dépend du processus politique et de la participation active de toutes les parties prenantes, notamment des gouvernements.  Le Conseil de sécurité a un rôle essentiel à jouer en s’assurant de la participation et de la coopération de tous.  J’appuierai personnellement cet objectif par tous les moyens.  Je me suis déjà exprimé ici, au Conseil de sécurité, sur l’urgente nécessité d’intensifier les efforts diplomatiques en faveur de la paix.

Nous avons déjà réalisé d’importantes réformes du maintien de la paix ces dernières années.  Je remercie Hervé Ladsous pour le rôle majeur qu’il a joué, et compte sur son successeur au poste de secrétaire général adjoint, Jean-Pierre Lacroix, pour reprendre le flambeau. 

Nous avons augmenté le nombre de pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police et amélioré la constitution des forces, de sorte qu’elles puissent être déployées plus rapidement.  Les technologies modernes viennent améliorer notre capacité d’apprécier et d’analyser les situations.

Nous avons décentralisé des fonctions essentielles et renforçons actuellement la gestion de la performance et le respect du principe de responsabilité. 

Ces réformes ont permis de réduire de 18% le coût de chaque soldat de la paix depuis 2008 et de diminuer sensiblement l’effectif du personnel civil.

Mais il reste encore beaucoup à faire. 

À court terme, nous devons mettre fin aux opérations qui ont atteint leurs objectifs et remodeler celles qui ne répondent plus aux besoins sur le terrain.  Nos missions en Côte d’Ivoire et au Libéria arrivent à leur terme, et nous devons envisager des réformes et des stratégies de sortie pour d’autres missions déployées de longue date.

En Haïti, nous sommes prêts à transformer notre mission afin qu’elle se concentre sur l’appui politique, le renforcement des institutions et le développement.  Au Darfour, l’évolution de la situation sur le terrain pourrait nécessiter une réduction sensible des forces. 

Chaque mission doit être envisagée dans son contexte politique particulier.  Dans cet esprit, je me félicite de la décision du Conseil, prise la semaine dernière à l’unanimité, de renouveler le mandat de la MONUSCO, notre opération en République démocratique du Congo. 

À plus long terme, je distingue neuf grands chantiers de réforme. 

Premièrement, j’ai créé une équipe chargée d’examiner comment nous pouvons améliorer notre architecture de paix et de sécurité, qui me présentera ses conclusions d’ici juin.

Deuxièmement, il nous faut faire preuve d’une plus grande efficacité et d’un meilleur respect du principe de responsabilité.  Trop de règles et règlements du Secrétariat semblent destinés à entraver plutôt qu’à faciliter nos travaux.  Je suis résolu à changer cette situation, et j’espère que les États Membres appuieront ma démarche, y compris à la Cinquième Commission de l’Assemblée générale.

Troisièmement, les opérations de maintien de la paix doivent recevoir du Conseil des mandats clairs, réalistes, actualisés, assortis de priorités bien définies et d’un calendrier adapté, et suffisamment souples pour pouvoir évoluer dans le temps.

Quatrièmement, les femmes doivent jouer un rôle beaucoup plus actif dans les opérations de paix et être présentes dans les contingents, les effectifs de police et le personnel civil.  Et cela, pas seulement parce que la parité des sexes est un objectif essentiel en soi, mais parce qu’il a été prouvé que la participation des femmes accroît les chances d’instaurer une paix durable et réduit le nombre de cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles.

Cinquièmement, il faut que nos opérations et notre stratégie fassent l’objet d’une planification, d’un contrôle et d’une direction plus efficaces et mieux coordonnés.  La création d’un comité exécutif et le renforcement de la coopération entre le Département des affaires politiques et le Département des opérations de maintien de la paix visent précisément à remédier à ce problème.  Je prévois également d’aller plus loin dans la décentralisation pour donner davantage d’autonomie à mes représentants spéciaux.

Sixièmement, nous devons recourir plus systématiquement aux technologies modernes.  Cela nous aidera à accroître notre souplesse et notre mobilité. 

J’encourage les accords trilatéraux, grâce auxquels les pays qui le peuvent fournissent une formation et du matériel aux opérations de paix. 

Mais parallèlement à ces accords, je compte sur ces pays pour qu’ils augmentent le nombre des contingents qu’ils fournissent.

Septièmement, nous devons informer le public et mieux faire connaître le rôle indispensable que jouent nos opérations aux fins de la paix, de la sécurité et de la prospérité mondiales, et les résultats qu’elles obtiennent.

Huitièmement, nous devons resserrer les liens avec nos partenaires régionaux et sous-régionaux.  Au Sommet de l’Union africaine au début de cette année, je me suis engagé à renforcer notre partenariat sur les questions politiques et les opérations de paix, en consolidant notre soutien mutuel et en poursuivant le renforcement des capacités. 

Le partenariat avec l’Union européenne continuera d’être d’une importance vitale pour les opérations de paix des Nations Unies.  Les conflits dans lesquels les missions de la paix interviennent ayant des conséquences directes sur la sécurité en Europe, de nouvelles possibilités de coopération s’offriront certainement.

Il est tout aussi important de développer nos relations avec des organisations sous-régionales comme la CEDEAO, l’IGAD, entre autres.  J’invite le Conseil de sécurité à envisager d’appuyer l’initiative du G5 Sahel. 

Neuvièmement, et pour terminer, ces partenariats doivent s’appuyer sur un financement substantiel et prévisible.  J’espère que le Conseil examinera la possibilité d’appuyer les missions auxquelles il donne son aval, soit au moyen des contributions des États Membres, soit par la promotion d’autres mécanismes de financement prévisible. 

S’agissant des opérations de paix, nous sommes à la croisée des chemins.  Notre tâche consiste à faire en sorte qu’elles gardent toute leur utilité en leur confiant des mandats clairs et réalisables, en leur proposant des stratégies efficaces et en leur fournissant l’appui nécessaire.

Il ne sera pas possible d’y parvenir sans un effort collectif.  Vous pouvez compter sur mon engagement sans réserve. 

Mais je compte également sur l’unité et l’appui du Conseil, et je veux croire que, dans ce monde en pleine mutation, il s’acquittera de sa responsabilité principale: le maintien de la paix et de la sécurité internationales. 

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