Conférence sur les océans,
Matin & après-midi
MER/2056

La Conférence sur les océans se termine sur un « Appel à l’action » pour soigner « la peste du plastique »

 

Dans l’océan, la quantité de déchets plastiques s’approche dangereusement de celle des poissons, un tiers des stocks de poissons tombent dans les filets de la pêche illicite et de la surpêche et 40% du récif corallien se perd ou se dégrade.  La Conférence des Nations Unies sur les océans a fermé ses portes aujourd’hui avec en main plus de 1 300 engagements volontaires et un « Appel à l’action »* contenant 22 mesures « d’urgence » pour conserver et exploiter les océans de manière durable, y compris soigner « la peste du plastique », dénoncée au premier jour des travaux par le Président de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson. 

La Conférence de haut niveau, qui s’est déroulée du 5 au 9 juin 2017 au Siège de l’ONU, à New York, a rassemblé de nombreux chefs d’État et de gouvernement, ainsi que des représentants de la société civile, du secteur privé et de la communauté scientifique, pour soutenir la mise en œuvre de l’objectif 14 du Programme de développement durable à l’horizon 2030: « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ».

Dans leur document final, « L’océan, notre avenir: l’Appel à l’action », les participants se disent « particulièrement alarmés par les effets néfastes que les changements climatiques ont sur l’océan », notamment la hausse de la température de l’océan, l’acidification de l’océan et des zones côtières, la désoxygénation, l’élévation du niveau des mers, la diminution du couvert de glace polaire, l’érosion côtière et les phénomènes météorologiques extrêmes. 

Les participants se disent en outre « conscients qu’il faut remédier à ces effets », qui altèrent la capacité de l’océan à jouer un rôle déterminant dans la régulation du climat, la biodiversité marine, l’alimentation et la nutrition, le tourisme et les services rendus par les écosystèmes et à servir de moteur au développement et à la croissance économique durable.  À cet égard, les participants rappellent que l’Accord de Paris, conclu en septembre dernier au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, revêt une « importance particulière ».

Pour remédier aux effets des changements climatiques et au déclin des océans, « l’Appel à l’action » demande à toutes les parties prenantes de prendre 22 mesures « d’urgence » pour répondre aux 10 cibles associées à l’objectif 14.

Sur ces 22 mesures, sept ont une portée transversale et appellent les participants à aborder la réalisation de l’objectif 14 de manière « intégrée et concertée », en tenant compte des liens entre ses 10 cibles et des synergies avec les autres objectifs de développement durable; à renforcer la coopération entre les institutions internationales, régionales et locales; à consolider et promouvoir des partenariats public-privé « efficaces et transparents »; et à mettre au point des stratégies globales visant à faire prendre conscience de l’intérêt biologique et culturel de l’océan.  Il s’agit aussi d’appuyer les plans destinés à encourager l’action éducative au sujet de l’océan; de participer au processus de suivi du Programme 2030 en contribuant aux travaux du Forum politique de haut niveau pour le développement durable; et d’envisager de nouveaux moyens d’appuyer la réalisation rapide et effective de l’objectif 14.

Trois mesures visent à répondre à la « cible 1 » de l’objectif 14, qui appelle, d’ici à 2025, à réduire nettement la pollution marine résultant des activités terrestres.  Ces trois mesures invitent les participants à promouvoir la réduction de la production de déchets, en adoptant des modes de consommation et de production durables et en appliquant le concept des trois R (réduction, réutilisation et recyclage), notamment via des solutions commerciales de réduction des déchets et de leur production; et à mettre en place des stratégies visant à réduire l’utilisation de plastiques et de microplastiques.

Une mesure est conçue pour répondre à la « cible 2 » de l’objectif 14, qui appelle, d’ici à 2020, à gérer et protéger durablement les écosystèmes marins et côtiers en renforçant leur résilience, et à la « cible 5 », qui préconise de préserver au moins 10% des zones marines et côtières d’ici à cette date.  Dans cette mesure, les participants demandent de promouvoir des outils de gestion par zone « efficaces et adaptés », notamment les aires marines protégées, et diverses stratégies, telles que l’aménagement de l’espace marin et l’aménagement intégré des zones côtières.

Une autre mesure reprend la « cible 3 » de l’objectif 14, en appelant à élaborer des stratégies efficaces d’adaptation et d’atténuation pour accroître la résilience à l’acidification de l’océan et des zones côtières, à l’élévation du niveau des mers et à la hausse de la température de l’océan, ainsi qu’à combattre leurs effets.

S’agissant de la « cible 4 », qui appelle, d’ici à 2020, à réglementer efficacement la pêche pour mettre fin à la surpêche et à la pêche illicite, et de la « cible 6 », qui vise à interdire, d’ici à cette même date, les subventions à la pêche contribuant à la surpêche et à la pêche illicite, l’Appel à l’action préconise quatre mesures: développer la gestion durable des pêches; mettre un terme aux pratiques de pêche destructrices et à la pêche illicite; accélérer les programmes interopérables de documentation des prises et la traçabilité des produits halieutiques; et prendre des mesures décisives pour interdire les subventions à la pêche.

Pour réaliser la « cible 7 », qui appelle, d’ici à 2030, à faire mieux bénéficier les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA) des retombées économiques de l’exploitation durable des océans, le document recommande deux mesures: l’une visant à appuyer la promotion et le renforcement d’économies océaniques durables, basées notamment sur des activités viables telles que la pêche, le tourisme, l’aquaculture, le transport maritime, les énergies renouvelables, les biotechnologies marines; et l’autre, visant à redoubler d’efforts pour mobiliser les moyens nécessaires à la mise en œuvre de l’objectif 14 dans les pays en développement.

Afin d’aider à la mise en œuvre de la « cible 8 », qui invite à approfondir les connaissances scientifiques sur les océans, une mesure appelle à affecter davantage de ressources à la recherche scientifique marine ainsi qu’à la collecte et à l’échange de données pour encourager l’innovation scientifique et technologique.  Une autre mesure invite les participants à renforcer les capacités des pêcheurs artisanaux dans les pays en développement et accroître l’assistance technique qui leur est apportée, afin de répondre à la « cible 9 », qui demande de garantir l’accès des petits pêcheurs aux ressources marines et aux marchés. 

Une mesure correspond à la dernière et dixième cible de l’objectif 14, sur le besoin d’améliorer la conservation des océans en application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Cette mesure appelle à participer aux débats sur « l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant » lié à la Convention, portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Enfin, une dernière mesure, directement liée aux travaux effectués durant la Conférence, appelle à « accueillir favorablement le suivi des dialogues de partenaires » organisés cette semaine et à « honorer les différents engagements pris volontairement » dans le cadre de la Conférence.

La Conférence s’est soldée par la formulation de 1 328 engagements, soit des initiatives volontaires et concrètes pour mettre en œuvre l’objectif 14 prises par les gouvernements (603), les ONG et la société civile (375), le système des Nations Unies et autres organisations intergouvernementales (166), le secteur privé (73), les universités et organismes scientifiques (65) et les partenariats (46).

La Conférence a également adopté un rapport contenant les résumés des sept dialogues de partenaires qu’elle a organisés sur les thèmes suivants: pollution marine; gestion des écosystèmes marins et côtiers; acidification des océans; pérennisation de la pêche; retombées économiques pour les PEID et PMA et accès aux ressources marines et aux marchés pour les petits pêcheurs; approfondissement des connaissances scientifiques; et utilisation durable des océans et de leurs ressources, en application de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

La Conférence a enfin adopté une résolution recommandant à l’Assemblée générale d’approuver, à sa soixante et onzième session, son « Appel à l’action », avant de clôturer officiellement ses travaux, comme elle s’était ouverte, dans un soufflement de conque et des chants traditionnels des Fidji, l’un des deux pays à l’initiative de l’évènement avec la Suède. 

Les Gouvernements du Kenya et du Portugal se sont tous deux portés volontaires pour accueillir la prochaine Conférence des Nations Unies sur les océans, qui devrait avoir lieu en 2020.

Le représentant des États-Unis a insisté sur le fait que c’est parce que les droits de propriété intellectuelle sont protégés qu’ils favorisent l’innovation.  Il s’est donc opposé aux dispositions du document final sur le transfert de technologie. Il s’est également dissocié des dispositions relatives aux négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), appelant au respect de son indépendance.  Faisant référence à l’Accord de Paris, le représentant a rappelé que son pays a annoncé son intention de s’en retirer, avant que sous un tonnerre d’applaudissements, son homologue de la France n’insiste sur sa pertinence.  Le représentant de l’Union européenne a fait de même, en attirant aussi l’attention sur la validité de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Son homologue de l’Égypte a reproché au texte de ne pas faire mention des autres facteurs à l’origine « des espèces exotiques envahissantes ». La déléguée de la Fédération de Russie s’est dissociée des dispositions sur les subventions à la pêche.

« Nous avons maintenant un long chemin à parcourir », a prévenu le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires économiques et sociales et Secrétaire général de la Conférence, M. Wu Hongbo, avant que le Président de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson ne se réjouisse tout de même que ces derniers jours, un mouvement se soit mis en branle.  Cette semaine a été un évènement unique pour l’histoire de mon pays, a acquiescé le Premier Ministre des Fidji et Coprésident de la Conférence, M. Josaia Voreqe Bainimarama.  « Nous avons mis les voiles, le vent est favorable, gardons le cap », a conclu l’autre Coprésidente et Ministre du développement international et de la coopération de la Suède et Coprésidente de la Conférence, Mme Isabella Lovin.

* A/CONF.230/11

Dialogue de partenaires « Améliorer la conservation et l’utilisation durable des océans et de leurs ressources, en application des dispositions du droit international, énoncées dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer »

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer fournit le cadre juridique requis pour la conservation et l’exploitation durable des océans et de leurs ressources.  Rédigée en 1982, elle est entrée en vigueur le 16 novembre 1994 et compte actuellement 168 États parties.

Les 320 articles de la Convention et ses neuf annexes couvrent presque tous les aspects de la gestion des océans et de leurs ressources, y compris: les limites des différentes zones maritimes et les droits et devoirs des États, la question de la navigation maritime, la conservation et la gestion des ressources marines vivantes, l’exploitation des ressources non vivantes, la recherche scientifique marine, la protection et la préservation du milieu marin, y compris de diverses sources de pollution, et le règlement pacifique des différends.

Cette Convention est le reflet de notre ambition collective à trouver des solutions aux problèmes des océans, a expliqué d’emblée Mme CONCETTA FIERRAVANTI-WELLS, Ministre chargée du développement international et du Pacifique de l’Australie et Coprésidente du dialogue.  Au-delà de cette ambition collective, le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique des Nations Unies, M. MIGUEL DE SERPA SOARES, a insisté sur le fait que l’efficacité de ce cadre juridique international dépend de sa pleine mise en œuvre.  Le cadre juridique nécessaire à la mise en œuvre de l’objectif 14 du Programme de développement durable à l’horizon 2030 existe déjà.  Les États doivent juste l’appliquer, a insisté à son tour la déléguée de l’Islande, car malheureusement, a poursuivi le Conseiller juridique, cette application est insuffisante, d’où l’importance de renforcer les capacités des États Membres à cet égard.  Ce renforcement de capacités doit cibler en priorité les pays en développement, a plaidé Mme JUDI WAKHUNGU, Secrétaire d’État à l’environnement et aux ressources naturelles du Kenya et Coprésidente du dialogue.  Elle en a profité pour revenir sur la question du transfert des technologies.

Bien qu’importante, la Convention sur le droit de la mer reste incomplète, a tempéré l’animateur de la session, M. HERALDO MUÑOZ, Ministre des affaires étrangères du Chili.  Le texte a été rédigé alors que la question cruciale des changements climatiques ne faisait pas encore partie des préoccupations majeures de la communauté internationale, a expliqué le Premier Ministre des Tuvalu.  Le droit de la mer doit être adapté à un monde en constante mutation, a renchéri le délégué de l’Union européenne

La Convention souffre aussi de ne pas être universelle, a fait observer Mme FLORENCE GALLETTI, Directrice de recherche en droit de la mer et droit de l’environnement à l’Institut français de recherche pour le développement (IRD).  Elle a aussi fait observer que s’agissant des océans, l’arsenal juridique est  certes abondant mais fragmenté en fonction des espaces couverts, des secteurs maritimes et des institutions.  Mme Galletti a aussi parlé d’un droit de la mer mal connu, y compris par les institutions censées l’utiliser.  C’est un droit qui est peu enseigné dans les facultés de droit.  Tentant une solution, la représentante du Grand groupe des jeunes a proposé que la Convention des Nations Unies soit réécrite dans un langage accessible et que des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique soient menées.

L’objectif 14 du Programme 2030 sur l’exploitation durable des océans impose aux États Membres d’intégrer, dans leur arsenal juridique, les nouvelles orientations politiques qu’il contient, a rappelé Mme BILIANA CICIN-SAIN, Présidente du Forum mondial sur les océans et professeur des politiques marines à l’Université de Delaware aux États-Unis.  Elle y a vu un problème: les pays auront désormais à présenter d’autres rapports de mise en œuvre en plus de ceux qu’ils présentent déjà sur les océans, les changements climatiques et la biodiversité marine.  Tout cela va demander du temps, de l’argent et un besoin de nouvelles capacités humaines et institutionnelles.  L’Union européenne (UE) a déjà intégré les orientations de l’objectif 14 dans ses 50 mesures de gestion des océans.  L’UE, a dit son délégué, a du reste profité de la Conférence de haut niveau pour présenter 19 engagements volontaires et annoncer la tenue de la conférence « Notre océan » en octobre prochain à Malte.

En tout, la Conférence a enregistré plus de 800 engagements volontaires dont il faudra assurer le suivi, a prévenu, Mme Cicin-Saint du Forum mondial sur les océans en présageant déjà la difficulté d’assurer une bonne coordination internationale avec les autres mécanismes de suivi comme ceux de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, Rio+20, et les Orientations de Samoa de la dernière Conférence des Nations Unies sur les petits États insulaires en développement.  Peut-être devrions-nous nous atteler au plus vite à l’évaluation des partenariats et des mécanismes existants pour renforcer ceux qui en ont besoin et pouvoir identifier les pratiques exemplaires, a conseillé le Conseiller juridique des Nations Unies.  Les pays en développement doivent prendre les devants et renforcer leurs partenariats bilatéraux et multilatéraux, a jugé le Ministre des affaires étrangères du Chili craignant déjà le manque d’ambition des pays développés s’agissant de la conservation des océans.  Nous pouvons par exemple compléter les textes internationaux par des lois nationales et des traités régionaux, a acquiescé la Secrétaire du gouvernement au Ministère de l’environnement et des ressources naturelles du Kenya.

En Indonésie, a indiqué son représentant, le Gouvernement a déjà renforcé sa législation nationale contre la pêche illicite.  Il a évoqué le cas d’un navire international qui, comme sanction, a été coulé: nous ne faillirons pas face aux contrebandiers.  Sur le plan régional, la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est a été mise en avant par son Secrétaire exécutif, alors que le représentant de l’Australie a indiqué que sur les trois prochaines années, son pays compte débloquer 2 millions de dollars pour compléter le travail de démarcation des frontières maritimes dans le Pacifique.  De même, le Traité de Nioué sur la surveillance des pêches et l’application des lois dans la région du Pacifique Sud sert de cadre contre la pêche illicite dans la région. 

D’autres domaines de coopération ont été soulignés.  M. MICHAEL LODGE, Secrétaire général de l’Autorité internationale des fonds marins, a par exemple indiqué qu’il existe en ce moment 28 projets d’exploration sous-marine dans l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Indien.  Ces projets impliquent seulement cinq petits États insulaires en développement (PEID) et aucun pays d’Afrique, pourtant, l’exploration des fonds marins et des ressources minières qu’ils regorgent pourraient fournir de substantielles ressources à l’Afrique.  La plupart des États africains n’ont même pas encore procédé à la délimitation de leur plateau continental.  M. Lodge a plaidé pour l’établissement d’un code sur l’exploration et l’exploitation minières des fonds marins.  Pour l’Union européenne, « qui a établi les règles de pêche les plus sévères au monde », l’urgence est d’établir un accord international sur les pêches non réglementées dans l’Arctique.  De nombreux pays, dont l’Allemagne et le Honduras ont souhaité un instrument juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité des zones situées au-delà de la juridiction nationale.  Le Honduras a même appelé l’Assemblée générale à se prononcer au sur cette question dès qu’elle aura reçu les conclusions de son Comité préparatoire sur l’élaboration d’un tel instrument.

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