Soixante et unième session,
13e séance – matin
FEM/2114

En achevant sa session annuelle, la Commission de la condition de la femme s’engage à promouvoir l’autonomisation économique des femmes

La Commission de la condition de la femme, présidée par M. Antonio de Aguiar Patriota (Brésil), a terminé aujourd’hui les travaux de sa soixante et unième session entamée à New York le 13 mars 2017.  Ses 45 membres ont adopté par consensus des conclusions concertées sur « l’autonomisation économique des femmes dans un monde du travail en pleine évolution », le thème prioritaire de cette session.

Pendant deux semaines, 150 délégations d’États Membres, dont 82 ministres, ainsi que de nombreux représentants et représentantes d’organisations de la société civile et d’entités des Nations Unies, ont fait le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing de 1995, notamment en termes d’autonomisation économique.

Le consensus atteint pour adopter les conclusions concertées a été quelque peu assombri par des divergences sur la question de savoir si les droits sexuels et reproductifs sont, ou non, une condition préalable à l’autonomisation économique des femmes, ce qui a conduit plusieurs délégations à exprimer des réserves.

« Même si tout le monde n’est pas satisfait de certains éléments de l’accord final, nous avançons », a cependant assuré la Secrétaire générale ajointe pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Phumzile Mlambo-Ncguka.  « Nous faisons des progrès pour faire comprendre que tous les enfants, garçons et filles, ont des droits égaux, et pour réduire la charge que doivent supporter les femmes, mères et filles », a-t-elle dit, en évoquant « toutes les nuits passées à travailler ».

La Commission adopte chaque année des conclusions concertées qui visent à accélérer la mise en œuvre des engagements antérieurs.  Elles sont transmises au Conseil économique et social et au Forum politique de haut niveau, sous l’égide de l’ECOSOC, puis largement diffusées auprès du public afin d’encourager les mesures de suivi. 

Aujourd’hui, la Commission a également adopté par consensus une résolution inédite intitulée « Prévenir et éliminer le harcèlement sexuel », et à l’issue d’un vote, une résolution sur la situation des femmes palestiniennes.

Dans le premier texte, la Commission de la condition de la femme condamne le harcèlement sexuel sous toutes ses formes, en particulier à l’égard des femmes et des filles, et insiste sur le fait qu’il faut prendre toutes les mesures qui s’imposent pour prévenir et éliminer ce harcèlement, notamment au travail.

La délégation d’Israël, qui avait présenté ce texte, a estimé nécessaire de mettre en avant cette thématique au cours de cette session centrée sur l’autonomisation économique des femmes.  La délégation des États-Unis a reconnu que le harcèlement sexuel est une forme de discrimination qui peut déboucher sur de la violence sexiste et causer des problèmes de santé physique et mentale.

Saluant elle aussi les efforts déployés par Israël pour attirer l’attention sur cette question, la délégation de l’Espagne a toutefois réaffirmé la position de principe de l’Union européenne contre l’adoption de résolutions séparées à la Commission.

La représentante de la République islamique d’Iran a exprimé un avis tout autre en reprochant à Israël de se présenter comme progressiste, alors, a-t-elle dit, que ce pays continue de violer de façon systématique le droit international en Palestine.  « Ce qu’on nous présente ici est riche en hypocrisie », a-t-elle estimé.  La déléguée d’Oman, qui s’exprimait au nom du Groupe des États arabes, a renchérit en déclarant que « le comportement d’Israël va à l’encontre du contenu de cette résolution ».  Elle a affirmé que les législations arabes protègent les femmes de toutes les formes de violence, notamment au travail, avec des sanctions qui varient entre des amendes et des peines de prison.

Par la seconde résolution, adoptée par 30 voix pour, une voix contre (Israël) et 12 abstentions, la Commission de la condition de la femme recommande au Conseil économique et social de réaffirmer que l’occupation israélienne demeure le principal obstacle à l’amélioration de la condition des Palestiniennes, à leur autonomisation et à leur participation au développement de leur société.  Ce texte, qui était présenté par l’Équateur au nom du Groupe des 77 et de la Chine, invite la communauté internationale à continuer à fournir l’assistance et les services dont les Palestiniennes ont un besoin urgent.

La délégation des États-Unis a estimé que cette résolution était « contreproductive » et qu’elle introduisait des éléments politiques, non sans rappeler être le principal donateur de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).  L’Union européenne, a indiqué la représentante de l’Espagne, n’a pas participé aux négociations sur le contenu de ce texte dont certains aspects devraient, selon elle, être traités dans le cadre de l’Assemblée générale.

« La résolution n’a rien à voir avec la situation des Palestiniennes », a jugé à son tour Israël.  Son objectif est d’attaquer Israël et de politiser les travaux de la Commission.  La Palestine, en revanche, a salué l’adoption de cette résolution et l’appui en faveur des droits de son peuple à vivre libéré de l’occupation.

Avant l’adoption des conclusions concertées, la Vice-Présidente de la Commission, Mme Fatmaalzahraa Hassan Abdlaziz Abdelkawy (Égypte), a fait le point sur les consultations informelles qu’elle a organisées en tant que facilitateur au cours des derniers jours.

La Commission, qui discutait pour la première fois de la question de l’autonomisation économique des femmes, présente aujourd’hui un plan ambitieux sur ce sujet, en s’appuyant sur des piliers essentiels comme l’enseignement et la modification du cadre juridique, ainsi que sur les mesures socioéconomiques que les États pourront entreprendre pour donner une voix aux femmes, a résumé la Vice-Présidente. 

Première délégation à faire des remarques sur les conclusions concertées, Sainte-Lucie, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a indiqué que l’interprétation du terme « mariage précoce » sera soumise aux lois nationales des États de la région.

Le Yémen, au nom du Soudan, du Nigéria et de la Libye, a estimé que certaines de leurs opinions n’avaient pas été prises en compte et rappelé que les normes sociales et la sexualité n’étaient pas comprises de la même façon par tous les États Membres.  À son tour, la Mauritanie a exprimé des réserves sur les questions qui ne sont pas conformes à l’esprit de la loi islamique.  Pour l’Iran, « le texte ne peut pas être perçu comme contraire à ses lois et règlements nationaux ».  Le Pakistan et la Pologne ont aussi émis des réserves sur les droits liés à la reproduction au regard du droit national.

Au nom de l’Union européenne, l’Espagne a été déçue de constater que « nous en sommes arrivés à un résultat qui est davantage une interprétation que le reflet d’un compromis négocié ». D’après elle, les références à la société civile ont été limitées et le lien entre l’autonomisation économique des femmes et les droits de l’homme auraient pu être plus clairs.  L’Union européenne est également préoccupée par « le libellé qui renforce certains rôles traditionnels des femmes et des filles et ne contribue pas à leur autonomisation ». 

« Nous croyons fermement que tous les individus ont le droit d’avoir le contrôle et de décider librement, et de façon responsable, de toutes les questions liées à leur sexualité, sans contrainte, sans discrimination ou violence.  C’est une question de justice sociale », a précisé la France, au nom d’autres pays européens, en regrettant que ces éléments n’aient pas été pris en compte dans les décisions concertées.

Dans le même esprit, l’Australie, au nom d’autres pays, a estimé que le texte aurait pu être renforcé dans certains domaines, notamment en ce qui concerne la société civile, les instituions liées aux droits de l’homme et l’impact de la santé sexuelle et reproductive sur l’autonomisation des femmes.

Pour sa part, l’Argentine, au nom d’autres pays d’Amérique latine, a trouvé que ses propositions pour renforcer les références faites aux droits de l’homme, dont les droits sexuels et reproductifs, étaient reflétées dans le document final.  Elle a mis l’accent sur les femmes d’ascendance africaine, autochtones, rurales, vivant avec le VIH/sida ou handicapées.

Les États-Unis, qui ne sont pas membres de la Commission mais ont participé « activement » aux négociations, ont reconnu que tous les pays n’adoptaient pas la même démarche pour inscrire les engagements en matière d’égalité des sexes dans les dépenses publiques.  D’après eux, « le document de Beijing ne crée pas de nouveaux droits », comme le droit à l’avortement.  Les États-Unis réservent également leur position en ce qui concerne la référence aux changements climatiques.  Ils rappellent qu’il n’y a pas de définition internationalement acceptée du droit au développement et que les États ne sont pas tenus par les dispositions des instruments auxquels ils ne sont pas parties, comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Enfin, le Saint-Siège, opposé à l’avortement, a estimé que les droits reproductifs sapent l’autonomisation des femmes.

La Commission ne pas tout faire toute seule, a conclu la Directrice exécutive d’ONU-Femmes.  ONU-Femmes sert de secrétariat et apporte un appui technique à la Commission.  « Ce que vous n’avez pas obtenu au cours de cette session, vous allez devoir le trouver ailleurs pour consolider les acquis obtenus », a-t-elle averti.

Mme Phumzile Mlambo-Ncguka a vu l’année 2020 comme « une date butoir » pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes.  Elle a  dit qu’il fallait veiller à ce que tous les obstacles structurels qui entravent l’autonomisation des femmes soient supprimés dans les secteurs public et privé, y compris dans les foyers.

Vous avez souligné l’importance de la voix des femmes dans le processus de prise de décisions, l’importance du rôle de la société civile, de la réaction aux changements climatiques, des politiques macroéconomiques, de l’enseignement, des investissements directs, a-t-elle relevé.  « Nous ne voulons laisser personne sur le côté », a-t-elle assuré. Les politiques doivent veiller à ce que les femmes jouissent d’une vie meilleure et soient préparées à rentrer sur le marché du travail.

En marge du débat général, plusieurs tables rondes et réunions d’experts interactives de haut niveau ont offert des approches novatrices en vue d’aborder les problèmes ayant une incidence sur la situation des femmes ou sur l’égalité des sexes, a résumé ensuite M. Antonio de Aguiar Patriota, qui a présidé pendant deux années consécutives la Commission.  Cette année, la Commission s’est concentrée pour la première fois sur l’autonomisation des femmes autochtones.

M. Patriota s’est félicité de la teneur des débats qui ont permis d’établir des liens entre différents objectifs de développement durable et de contribuer à leur mise en œuvre.  Les discussions ont montré que tous les acteurs de la société avaient un rôle à jouer en termes de parité.

En particulier, le Président a dit que les hommes et les garçons devaient travailler de pair avec les femmes et les filles pour changer les mentalités et les normes sociales qui perpétuent les inégalités.

« La réalisation de l’égalité hommes-femmes est une tâche universelle, un défi pour tous.  Nous n’arriverons pas à le relever au cours de notre vie si nous n’agissons pas collectivement et de façon définitive », a-t-il conclu.

La Commission a pris note d’une quinzaine de documents dont elle était saisie puis adopté le rapport de sa session.

Enfin, la Commission a ouvert brièvement les travaux de sa soixante-deuxième session pour élire, par acclamation, M. David Donoghue (Irlande), à la présidence de ses soixante-deuxième et soixante-troisième sessions.  Elle a également élu M. Mauricio Carabali Baquero (Colombie) et M. Koki Muli Grignon (Kenya) en tant que Vice-Présidents.

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