Soixante et unième session,
8e & 9e séances – matin & après-midi
FEM/2111

Les questions de violence, d’autonomisation et de participation au cœur des exposés nationaux devant la Commission de la condition de la femme

Les difficultés rencontrées et les résultats obtenus dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement en faveur des femmes et des filles ont été abordés par six pays, ce matin, devant la Commission de la condition de la femme qui a ensuite, dans l’après-midi, débattu de l’économie du travail domestique des femmes face à l’évolution du monde du travail.

Au cours des six exposés nationaux présentés par les délégations de Malte, de la Mongolie, du Maroc, de la République dominicaine, de la Bulgarie et de l’Indonésie, les délégations de ces pays ont mis l’accent sur des thèmes forts tels que la violence à l’égard des femmes, leur autonomisation économique, leur participation à la vie politique, ainsi que les questions d’éducation, de santé et l’importance de données sexospécifiques.  Chaque exposé national était suivi de dialogues interactifs.

Cependant, les progrès qu’ont fait valoir les intervenants en matière d’égalité des sexes n’ont pas empêché la représentante de l’Australie de déclarer que « l’égalité des sexes reste un mirage ». 

Il est vrai que les femmes restent, partout dans le monde, les premières victimes de violences, notamment la violence domestique.  Ce constat a fait dire à certains délégués que les stéréotypes sexistes restent ancrés dans nos sociétés. 

Pour y remédier, Malte, par exemple, a apporté des modifications aux dispositions existantes sur les « homicides excusables » en vue d’éliminer la défense de l’honneur de la famille, de la coutume et de la religion comme justification de la violence, a expliqué la Ministre du dialogue social, des affaires des consommateurs et des libertés civiles.

La Vice-Ministre du travail et de la protection sociale de la Mongolie a, pour sa part, signalé une loi, entrée en vigueur le 1er février dernier, qui est destinée à lutter contre les violences domestiques et la traite des personnes.

Autre exemple de lutte contre la violence faite aux femmes avec le Maroc, où les parents qui imposent le mariage à leur fille sont désormais punis par la loi.  La Ministre de la solidarité, des femmes, de la famille et du développement social de ce pays a aussi indiqué que la culture de la tolérance est enseignée aux jeunes garçons et filles.

Des formations sur la violence à l’égard des femmes sont aussi dispensées en Bulgarie aux juristes et autres hommes de loi.

Les participants ont, en outre, insisté sur la nécessité d’autonomiser les femmes, notamment sur le plan économique, afin qu’elles puissent prendre en main leur destin.  Néanmoins, les efforts à faire sont encore nombreux pour parvenir à l’égalité des sexes au travail, notamment en termes de traitement salarial égal.

En outre, même si de nombreuses femmes, fortes des diplômes obtenues grâce au renforcement de leur éducation, sont de plus en plus nombreuses à travailler, il n’en demeure pas moins que leur participation à la vie politique reste limitée.  De nombreuses législations prévoient des quotas pour que les femmes occupent des postes de responsabilité dans l’administration et pour qu’elles assument des fonctions électives.  Mais, là encore, les stéréotypes et le sexisme sont de mise, ont constaté les membres de la Commission.

Au Maroc, bien que la proportion de femmes dans la fonction publique soit de 39,4% pour l’année 2015, celles ayant des postes de responsabilité ne représentent que 19%.  En Indonésie, a expliqué son représentant, même si les partis politiques proposent des candidatures de femmes, il revient en dernier ressort aux électeurs de choisir leurs représentants, et là encore le quota national de 30% reste un mirage.

La Bulgarie semble avoir pris de l’avance dans ce domaine, car en 2016, un poste de coordonnateur sur l’égalité entre les sexes a été créé dans toutes les institutions gouvernementales, afin de vérifier que les impératifs d’égalité soient pris en compte à tous les niveaux de l’action gouvernementale.  Une femme a succédé à une autre femme comme présidente du parlement national, alors que le médiateur de la République est également une femme. 

Dans l’après-midi, la Commission a organisé une réunion-débat interactive pour examiner comment intégrer le travail domestique des femmes dans un monde du travail en pleine évolution.  Les expertes et les représentants des États et de la société civile se sont accordés sur l’importance de créer des conditions d’emploi et une rémunération décentes dans l’économie domestique.

Lundi, le 20 mars, la Commission tiendra, à 10 heures, une table ronde sur « le renforcement de la disponibilité et de l’utilisation de données et de statistiques ventilées par sexe à l’appui de la mise en œuvre accélérée du Programme d’action de Beijing et du Programme de développement durable à horizon 2030 ».

SUITE DONNÉE À LA QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES ET À LA VINGT-TROISIEME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTITULÉE « LES FEMMES EN L’AN 2000: ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES, DEVELOPPEMENT ET PAIX POUR LE XXIE SIÈCLE »: RÉALISATION DES OBJECTIFS STRATÉGIQUES, MESURES À PRENDRE DANS LES DOMAINES CRITIQUES ET AUTRES MESURES ET INITIATIVES: THÈME DE L’ÉVALUATION: DIFFICULTÉS RENCONTRÉES ET RÉSULTATS OBTENUS DANS LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT EN FAVEUR DES FEMMES ET DES FILLES (E/CN.6/2017/4)

Exposés nationaux volontaires, suivis de dialogues interactifs

Mme HELENA DALLI, Ministre du dialogue social, des affaires des consommateurs et des libertés civiles de Malte, a présenté les difficultés rencontrées et les résultats obtenus par son pays dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en faveur des femmes et des filles.  Elle a commencé par mentionner le système de garde gratuit des enfants âgés de zéro à deux ans pour une période de neuf mois, lancé en avril 2014, pour les parents qui travaillent dans le domaine de l’éducation.  Les mères peuvent maintenant aller au travail au lieu de rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants, ce qui élimine un obstacle important à l’entrée des femmes sur le marché du travail », a-t-elle assuré.

Le Gouvernement maltais a, en outre, créé un fonds d’affectation sociale pour la maternité auquel doit contribuer chaque employeur du secteur privé.  Les congés de maternité et d’adoption pour les deux parents devraient être étendus aux congés liés à la fécondation in vitro, a précisé Mme Dalli.  Toujours pour accroître la parité hommes-femmes, Malte a parrainé une résolution qui a été adoptée par l’Assemblée générale pour faire du 11 février la Journée internationale pour les femmes et les filles dans la science.

Par ailleurs, a poursuivi la Ministre, Malte a inscrit l’orientation sexuelle et l’identité du genre dans l’article de la Constitution consacré à la lutte contre la discrimination.  En matière de santé génésique, les autorités médicales ont conclu que la pilule de contraception d’urgence (pilule du lendemain) devait être disponible sans prescription.

Actuellement, Malte prépare une importante législation pour régir la violence domestique et la violence sexiste.  Des modifications ont été apportées aux dispositions existantes sur les homicides excusables, en vue d’éliminer la défense de l’honneur de la famille, de la coutume et de la religion comme justification de la violence.  Il est également envisagé de modifier les dispositions relatives au pouvoir de la police pour les aligner sur celles de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).

Estimant que « l’égalité des sexes reste un mirage », la représentante de l’Australie a réitéré l’importance pour Malte, comme pour son pays, de la disponibilité des systèmes de garde d’enfants, des mesures qui favorisent la souplesse au travail, et de la promotion de l’entreprenariat des femmes.

Réagissant à son tour à l’exposé de Malte, la représentante du Canada a demandé si le Gouvernement maltais avait songé à lancer un programme pour accroitre la participation des femmes dans les sciences, les technologies et les mathématiques.  Elle a également souhaité savoir ce qui avait été fait pour aider les victimes de violences.  Mme Dalli a répondu que tout était fait pour orienter les filles dans les filières scientifiques dès la troisième année du secondaire. Pour ce qui est des services d’aide aux victimes, elle a assuré de travailler sur ce terrain avec les différents ministères impliqués, à savoir la santé, la police et les politiques sociales. 

Mme MUNGUNCHIMEG SANJAA, Vice-Ministre du travail et de la protection sociale de la Mongolie, a cédé la parole à un membre du Parlement qui a présenté un exposé détaillé sur les progrès réalisés pour accroître la parité hommes-femmes.  Elle a signalé l’entrée en vigueur, le 1er février 2017, de la loi sur les violences domestiques, ainsi que la mise en œuvre du programme national de lutte contre la traite des personnes pour la période 2016-2021.  En ce qui concerne le taux de scolarisation, il est aujourd’hui de 99% à l’école primaire et de 96% au collège, sachant que les filles sont plus scolarisées que les garçons.  Dans l’enseignement supérieur, 51,7% des étudiants sont des femmes.

En 2016, a poursuivi l’intervenante, la loi électorale a été modifiée pour instituer un système de quotas en faveur des femmes.  Ainsi, 15% des membres du gouvernement sont des femmes.  Dans le secteur privé cependant, si une loi récente orientée vers les femmes a été adoptée sur les petites et moyennes entreprises, 65% d’entre elles restent sous-représentées au niveau de la prise de décisions, a-t-elle regretté.  Par ailleurs, afin d’améliorer la prise en compte de la parité dans les données, des indicateurs et des méthodes de calcul ont été élaborés.

Abordant la transition entre les OMD et les objectifs de développement durable, elle a reconnu que certains objectifs avaient déjà été atteints grâce à des politiques qui ont fait leurs preuves, comme les stratégies de développement global et celles en matière de santé.  « Un engagement renouvelé, des actions concertées et des ressources appropriées s’imposent », a-t-elle conclu.

Réagissant à l’exposé de la Mongolie, la représentante de la Suisse a souligné que leurs deux pays entretenaient une excellente coopération bilatérale.  La Suisse soutient notamment la lutte contre les violences domestiques.  Posant ses questions à la délégation de la Mongolie, elle a voulu savoir quelles étaient les principales difficultés qui entravent la mise en œuvre concrète des politiques évoquées, notamment pour lutter contre les violences à l’encontre des femmes et des filles.  Et quelles actions sont menées pour remplir les quotas que le pays s’est fixé en matière de participation politique?

À ce propos, la représentante du Japon a salué l’introduction de quotas de femmes au Parlement.  Elle a indiqué que le Japon avait construit cinq écoles en Mongolie et que les deux pays continuaient de travailler de concert afin de contribuer à l’éducation de tous.  Elle a souhaité connaître les leçons tirées de l’application de la loi sur la parité.

La représentante de la Mongolie a expliqué que la loi sur la violence domestique avait été quelque peu « polémique » au moment de son approbation.  Deux difficultés se présentent: les agents d’application des lois doivent apprendre à traiter ces violences comme tout autre délit et l’opinion publique doit être éduquée pour combattre les stéréotypes sexistes dans la société.  Par ailleurs, a-t-elle précisé, il existe un processus consultatif entre tous les partis politiques et une commission sur la parité dirigée par le Président de la Mongolie.  Le principal défi a été de sensibiliser les décideurs et de parer au manque de financement et de ressources humaines, a-t-elle reconnu.

Mme BASSIMA HAKKAOUI, Ministre de la solidarité, des femmes, de la famille et du développement social du Maroc, a indiqué que son pays avait amorcé une série de réformes structurelles, législatives, politiques et sociales importantes, faisant ainsi de la promotion des droits de l’homme et de l’égalité une priorité.  Toutes ces réformes ont été couronnées par l’adoption d’une nouvelle constitution en juillet 2011.  Le Maroc a, en outre, adopté le programme gouvernemental pour l’égalité « ICRAM » 2012-2016, lequel a donné une impulsion à la promotion de l’égalité des sexes.

Le Fonds de cohésion sociale a permis pour sa part de financer un régime d’assistance médicale en faveur des personnes en situation défavorisée, y compris des femmes.  La Ministre a également fait part des efforts faits pour garantir la scolarisation des enfants en situation de handicap.  Des programmes spécifiques, comme le programme d’aide directe aux veuves, a permis d’aider 61 754 veuves à la date de février 2017.

En outre l’amélioration du taux net de scolarisation au primaire, qui est de 99%, a surtout bénéficié aux filles.  En milieu rural, le taux net de scolarisation de ces dernières années est passé de 22,5% à 100% entre 1990 et 2014.  Dans le même temps, le taux de mortalité maternelle s’est réduit de trois quarts.  La Ministre a néanmoins déploré le fait que, bien que la proportion de femmes dans la fonction publique soit de 39,4% pour l’année 2015, celles ayant des postes de responsabilité ne représentent que 19%.

Une entrepreneuse marocaine, Mme FATHIA BENNIS, a ensuite témoigné de son parcours.  Elle a dit que l’autonomisation économique de la femme commençait par une bonne éducation.  Elle s’est félicitée du fait qu’une femme ait été à la tête de la Bourse de Casablanca en 1998, avant de signaler aussi que c’est une femme qui préside le patronat au Maroc.  Mme Bennis a assuré que le salaire entre les sexes était le même à diplôme égal au Maroc, tout en regrettant que les femmes soient plus rarement promues.

Une autre représentante des femmes entrepreneuses du Maroc, Mme ASMAA MORINE, a également pris la parole pour expliquer que le nombre de femmes entrepreneuses était égal à celui des hommes.  Cependant, a-t-elle tempéré, l’entrepreneuriat féminin est axé sur la survie et ces femmes n’ont pas des affaires qui prospèrent autant que celles de leurs collègues de sexe masculin.

Après ces exposés, le représentant de la Belgique a demandé quelles étaient les mesures concrètes prises par le Maroc pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et contre les mariages précoces et les mariages forcés.  La Ministre marocaine a dit qu’une loi spécifique sur la violence contre les femmes avait été promulguée dans le royaume, et elle a assuré que les parents qui imposent le mariage à leur fille étaient punis par la loi.

Le Vice-Ministre de la planification de la République dominicaine, M. IVAN RODRIGUEZ, a indiqué que les questions de parités des sexes et d’autonomisation des filles et des femmes sont intégrées de manière transversale à tous les programmes mis en place par les administrations du pays, grâce à une bonne planification gouvernementale.

Mme JANET CAMILO, Ministre des femmes de la République dominicaine, a insisté sur le fait que c’est une bonne coordination qui permet de faire avancer la mise en œuvre des politiques en faveur des femmes.  Chacun des 22 ministères du pays comprend ainsi un bureau de la parité et du développement.  Elle s’est aussi réjouie de voir que le budget national était sensible à la question genre, ajoutant que l’Institut national de la statistique avait établi des indicateurs de suivi de la parité. 

La Ministre a précisé que la parité des sexes était un processus à la fois politique et technique.  Si la volonté politique est cruciale pour inciter au changement, le renforcement des capacités techniques des fonctionnaires est tout aussi important.  La présentation s’est terminée par une courte vidéo qui montrait la femme dominicaine au travail dans divers domaines professionnels.

Mme YASEMIN PAMUK, de l’Allemagne, a réagi à ces présentations en demandant si la République dominicaine avait désigné des domaines spécifiques prioritaires pour l’autonomisation des femmes.

La Ministre des femmes de la République dominicaine a affirmé que le renforcement de la participation politique des femmes était crucial dans son pays qui entend aller au-delà du quota de 33% prévu par la loi.  Elle a aussi relevé que la violence contre les femmes était un des principaux sujets de préoccupation du Gouvernement dominicain.  Les stratégies pour y faire face passent par une bonne éducation des jeunes, garçons et filles, afin d’insuffler une culture de la tolérance.

Mme OH YOUNGJU, de la République de Corée, a pour sa part demandé quel était la place des programmes d’autonomisation des femmes dans les programmes du Gouvernement dominicain.  La Ministre a expliqué que son pays prend en compte la question genre lorsqu’il intègre les objectifs de développement durable dans les programmes nationaux.  Le taux d’intégration est de 72% selon les chiffres de l’ONU, a-t-elle déclaré.  Elle a enfin assuré que la prise en compte de l’autonomisation des femmes passe par l’augmentation du nombre d’« hommes féministes » qui sont prêts à accompagner les femmes vers leur essor.

M. GEORGI VELIKOV PANAYOTOV, Représentant permanent de la Bulgarie auprès des Nations Unies, a cité une loi spéciale sur la protection contre la violence domestique dans son pays, qui met en ligne de mire la protection des femmes.  Une autre loi assure la promotion de l’entrepreneuriat féminin en Bulgarie.  En outre, des politiques ciblées ont été adoptées afin de promouvoir la participation équitable des sexes aux formations professionnelles, ainsi que l’égalité hommes-femmes sur le plan salarial.

Le pays est doté depuis 2005 d’une commission nationale de protection contre la discrimination, a dit le représentant avant de mentionner aussi le Bureau du médiateur de la République qui avait été mis en place dès 1998.  Plus récemment, en 2016, un poste de coordonnateur sur l’égalité entre les sexes a été créé dans toutes les institutions gouvernementales, afin de vérifier que les impératifs d’égalité soient pris en compte à tous les niveaux de l’action gouvernementale.

Le délégué a ensuite salué le bon niveau de participation de la femme bulgare à la vie publique en se félicitant du fait qu’une femme ait succédé à une autre comme présidente du parlement national, alors que le médiateur de la République est également une femme.  En outre, les deux commissaires européens originaires du pays sont des femmes, tout comme la Directrice générale de  l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).  Il a affirmé que la forte présence de femmes bulgares à des postes de prise de décisions était un indicateur de la volonté des autorités de réaliser la pleine égalité entre les sexes dans le pays.

Il a ensuite passé la parole à Mme GENOVEVA TISHEVA, Directrice de la Fondation bulgare de recherche sur le genre, et candidate de la Bulgarie au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes pour la période 2019-2022.  Celle-ci a explicité les rouages de la protection des filles et femmes bulgares contre toutes les formes de violence.  Des formations sur cette problématique sont organisées en direction des juristes et hommes de loi depuis 2013, a-t-elle indiqué.  Elle a ajouté que toute la société civile est impliquée dans la lutte contre ce fléau et que l’on tient compte des cas particuliers des femmes vulnérables, telles que les migrantes et les femmes issues de minorités ethniques.

Au terme de ces présentations, la déléguée de l’Autriche a voulu savoir comment la Bulgarie luttait contre le phénomène des discours haineux.  La Directrice de la Fondation bulgare de recherche sur le genre a relevé que les discours haineux et sexistes étaient le lot de toutes les sociétés, une question dont la Commission nationale contre la discrimination est bien sûr chargée.  En outre, de nouvelles dispositions légales abordent désormais le problème des prédications haineuses et de l’incitation à la violence.

Le représentant du Kazakhstan s’est intéressé, pour sa part, à la façon dont la société civile bulgare finance ses activités en faveur des femmes.  Le représentant de la Bulgarie a expliqué que les organisations non gouvernementales bulgares étaient indépendantes de l’État et que leur financement venait parfois de l’Union européenne.

M. SUBANDI SARDJOKO, Vice-Ministre du développement humain, social et culturel au Ministère du développement et de la planification de l’Indonésie, a énoncé les conditions préalables posées par son gouvernement pour garantir l’essor de la femme: l’éducation des filles, l’autonomisation économique des femmes, et leur participation active à la vie publique.  En 2007, a-t-il poursuivi, le pays a adopté une budgétisation sexospécifique et assuré la transversalité des questions de genre qui doivent être intégrées à tous les domaines.

Grâce à l’appui des partenaires au développement du pays, des investissements divers ont pu être faits en faveur des femmes, a-t-il ajouté.  Cependant, malgré les bonnes intentions du Gouvernement, le manque de ressources est un obstacle, ainsi que la rareté des données sexospécifiques aux niveaux national, provincial et communautaire.

Après cet exposé, la déléguée du Maroc a voulu savoir si l’Indonésie avait établi des quotas pour renforcer la participation des femmes à la vie publique. En réponse, le Vice-Ministre indonésien a indiqué que son gouvernement avait lancé des programmes de formation à la vie politique destinés aux femmes, notamment pour celles qui sont candidates à des postes électifs.  

Quels sont précisément les obstacles auxquels se heurte cette volonté d’implication des femmes à la vie publique a demandé le représentant de la Colombie?  M. DIAN TRIANSYAH DJANI, Représentant permanent de l’Indonésie, a expliqué que même si les partis politiques proposent des candidatures de femmes, il revient en dernier ressort aux électeurs de choisir leurs représentants.  Il a tenu à préciser que 97 des sièges de parlementaires sur 500 sont occupés par des femmes.  Le pays est donc bien loin de l’ambition de 30% de femmes au Parlement, a-t-il reconnu.

Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et autres mesures et initiatives: thème prioritaire: autonomisation économique des femmes dans un monde du travail en pleine évolution (E/CN.6/2017/3)

Réunion-débat interactive d’experts sur le thème « L’économie domestique à l’échelle mondiale dans le cadre de l’évolution du monde du travail »

L’animatrice de la réunion-débat, Mme SEKLA DURBUZOVIC (Bosnie-Herzégovine) a introduit six expertes qui ont échangé leur vues sur les perspectives de l’autonomisation des femmes qui travaillent dans l’économie des soins et des tâches domestiques mais qui sont souvent non rémunérées. 

Il faut investir dans l’industrie du travail domestique de haute qualité, afin de créer des emplois pour les femmes et de réduire les inégalités entre les sexes, a préconisé en premier lieu Mme DIANE ELSON, professeur émérite au Département de sociologie à l’Université d’Essex.  Les recherches prouvent qu’un tel investissement représente un gain net pour l’économie et, par conséquent, des ressources fiscales supplémentaires.  Soulignant l’importance de la formation et de la reconnaissance des compétences pour sortir les femmes de leur travail domestique non rémunéré, elle a dit faire confiance pour cela au secteur public car il ne recherche pas le profit.

La conception et l’exécution de politiques régissant le travail domestique a ensuite été l’objet de l’intervention de Mme PATRICIA COSSANI, conseillère au Ministère du développement social de l’Uruguay, pays où une loi de 2015 règlemente la qualité des emplois proposés aux femmes dans ce domaine.  Le Gouvernement uruguayen a réalisé des études pour mettre en évidence les inégalités dans les emplois non payés et modifier les attitudes, a-t-elle ajouté.  Elle a été d’avis que la solution au problème passe par la création de services d’aide domestique pour tous, qui incluent la garde des jeunes enfants, pour que les femmes puissent dégager du temps et trouver un emploi rémunéré.  Bien entendu, « les hommes doivent participer à cet effort », a-t-elle ajouté.  

Les exemples parlant du Japon et de la Corée du Sud ont été donnés par Mme ITO PENG, professeur de sociologie et de politiques publiques à l’Université de Toronto.  Dans ces deux pays, les gouvernements semblent avoir réussi à modifier les attitudes depuis les années 90 pour aider les femmes à concilier vie de famille et responsabilités professionnelles.  La mise en place de congés de maternité et de paternité et les gardes d’enfants payées pendant un an y ont contribué, a-t-elle expliqué.  Aujourd’hui, près d’un tiers des enfants âgés de zéro à deux ans et 90% des enfants de la tranche trois à cinq ans sont intégrés dans des systèmes de garde et de soins.  De même, une majorité de personnes âgées reçoivent des services spécifiques, a poursuivi Mme Peng.

Toutefois si les dépenses pour l’aide aux familles ont beaucoup augmenté, les différences de salaire entre les hommes et les femmes restent énormes, pratiquement 25% au Japon et 37% en Corée, où plus de 40% des femmes travaillent dans le secteur informel.  Ces pays mettent en place des mesures pour optimiser le capital humain des femmes, a indiqué Mme Peng.  Mais l’égalité entre les sexes est rendue difficile par des facteurs institutionnels et culturels, a-t-elle reconnu, avant de suggérer que les adultes et les professeurs soient « des modèles pour les jeunes » et dénonce les actes de discrimination et la misogynie.

Mme NAOMI WEKWETE, conférencière au Centre pour les études démographiques du l’Université du Zimbabwe, a décrit la situation difficile en Afrique subsaharienne, où la distribution du travail entre les hommes et les femmes est particulièrement inégale.  Cet état de fait est exacerbé par la pauvreté, la pandémie de VIH/sida et la sécheresse.  La majeure partie des tâches ménagères et des soins non rémunérés incombe toujours aux femmes, y compris à celles de plus de 60 ans, a-t-elle remarqué.  Les femmes passent trois fois plus de temps que les hommes à aller chercher de l’eau et du bois.  « Les stéréotypes sont encore bien présents dans la région », a-t-elle insisté. 

Par ailleurs, le rôle essentiel des coopératives pour autonomiser les femmes a été souligné par Mme IDA LE BLANC, Secrétaire générale de l’Union nationale des employés domestiques de Trinité-et-Tobago.  Les coopératives sont des entités juridiques reconnues par les employeurs et par les travailleurs qui exigent de bonnes conditions de travail et des salaires décents.  L’un des principaux défis, a-t-elle dit, est le manque de reconnaissance et de respect pour les travailleurs domestiques et ceux du secteur informel.  Pourtant, le travail domestique est au cœur de la vie des familles.  Dans son pays, le système de sécurité sociale est bien conçu, l’employeur devant y contribuer pour un tiers.  Dans un monde du travail en pleine évolution, il faut également tenir compte de la mobilité économique des femmes, a-t-elle ajouté, en appelant au respect des conventions de l’Organisation internationale du Travail.

Réfléchissant à l’avenir de l’économie du travail domestique, Mme EMANUELA POZZAN, spécialiste de l’égalité des sexes au bureau régional de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour les pays arabes, à Beyrouth, au Liban, a attiré l’attention sur la couverture insuffisante des soins à long terme.  Avec une population croissante et vieillissante, puisque l’on projette qu’il aura 2 milliards de personnes âgées dans le monde d’ici à 2050, la demande pour les soins augmente.  D’après l’OIT, une femme sur 25 dans le monde effectue un travail à la maison et une femme sur cinq qui a un emploi domestique est une migrante internationale.  Dans le secteur de la santé, a expliqué l’intervenante, il y a un déficit de 10 millions de travailleurs.  Dans celui de l’éducation, très féminisé également, le nombre de contrats temporaires a augmenté.  « Les femmes, partout dans le monde, travaillent plus d’heures par jour que les hommes. »

« Nous sommes tous et toutes des maillons de la chaîne mondiale des soins domestiques », a déclaré la représentante de la Suisse.  La Suisse, s’est-elle félicitée, est devenue le septième pays à respecter la convention de l’OIT sur les travailleurs et travailleuses domestiques, y compris les migrants.  Le Gouvernement s’est engagé à améliorer la situation des personnes qui prennent soin de membres de leurs familles.  Elle s’est interrogée à ce sujet sur les défis de la migration temporaire.

L’indépendance économique des femmes est également une priorité de l’Union européenne.  D’après sa représentante, il faut s’attaquer à l’absence du partage du fardeau du travail domestique entre les hommes et les femmes et créer des conditions sur le marché du travail qui permettent de concilier vies familiale et professionnelle.

Il est temps de mettre fin à la pratique injuste du travail domestique non rémunéré, a exigé la représentante de la République islamique d’Iran.  Dans ce pays, où 70% des femmes sont éduquées, des projets ont été lancés pour promouvoir la visibilité des syndicats de femmes rurales, tandis que des coopératives de femmes ont été créées.

La représentante des Philippines a ensuite livré son expérience en matière d’adoption de lois sur le travail domestique.

De son côté, une représentante canadienne de la Confédération syndicale internationale a indiqué avoir réalisé une étude mondiale sur l’économie domestique qui révèle que si l’on y investissait 2% du produit intérieur brut (PIB), des millions d’emplois seraient créés.  En Europe et dans les États du Golfe, le nombre de travailleurs migrants est en train de doubler, a-t-elle signalé.  Comment faire reconnaître que l’économie domestique apporte une valeur ajoutée, a-t-elle demandé.

Les organisations de la société civile ont apporté leurs propres témoignages en présentant les actions qu’elles mènent pour soutenir les femmes qui effectuent des tâches domestiques.  Ainsi, l’organisation « Les Filles de la Charité », qui regroupe 11 congrégations catholiques présentes dans une centaine de pays, travaille avec beaucoup de femmes et de filles abandonnées qui n’ont accès à aucun service.  La représentante d’Help Age International, une organisation qui travaille aux côtés de femmes âgées partout dans le monde, a remarqué que ces femmes sont souvent les premières à fournir des soins, notamment à cause de l’épidémie du VIH/sida.  En même temps, elles sont souvent victimes de la démence, vivent dans la pauvreté et ont été confrontées tout au long de leur vie à la discrimination. 

Le professeur de l’Université d’Essex a placé son espoir dans la science qui, face à l’évolution de la situation démographique et à la demande de soins de plus en plus complexes, a beaucoup progressé.  Elle a estimé que cela permettrait de créer des conditions d’emploi décentes dans l’économie domestique.

Nous devons étudier chaque situation spécifique à chaque pays, a conseillé l’experte de l’Uruguay.  Sur la question des travailleurs domestiques migrants, le professeur de l’Université de Toronto a recommandé d’évaluer la situation dans les pays de départ et les pays d’accueil, en s’interrogeant sur les raisons de la migration des femmes.  Ce sont les inégalités d’opportunités entre les pays qui entraînent ce phénomène, a-t-elle relevé.  En même temps, elle a reconnu que l’économie des soins avait toujours existé.

L’experte de l’OIT a aussi apporté une explication: le phénomène de la migration profite aux gouvernements qui ont des responsabilités à assumer.  La question qui se pose, a-t-elle résumé, est de savoir comment évaluer le travail qui a toujours été accompli par des générations de femmes sans rémunération.  À son avis, « la solution commence à l’école ». 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.