DSG/SM/1079-SC/12970-PKO/663

La Vice-Secrétaire générale souligne l’importance du travail en commun pour la cohésion entre les activités de maintien et de pérennisation de la paix

On trouvera, ci-après, l’allocution de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina J. Mohammed, prononcée, aujourd’hui, à l’occasion du débat thématique du Conseil de sécurité consacré aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies:

Je remercie le Conseil de sécurité et la présidence égyptienne de cette opportune réflexion sur la contribution des opérations de maintien de la paix des Nations Unies aux efforts déployés partout dans le monde pour pérenniser la paix.

La nature des défis actuels nous oblige à mener de front tous nos efforts pour la paix et la sécurité, les droits de l’homme et le développement durable.  Les États Membres ont explicitement reconnu leur solidarité, tout récemment dans les résolutions jumelles 2282 (2016) du Conseil de sécurité et 70/262 de l’Assemblée générale relatives à l’examen du dispositif de consolidation de la paix.

L’universalité du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de son engagement de ne pas faire de laissés-pour-compte a placé le développement durable au centre du programme de pérennisation de la paix.  Le développement durable ne peut être assuré en l’absence des conditions de la paix, et la réalisation de tous les objectifs de développement durable contribuera immensément au programme de pérennisation de la paix.  Les liens entre les deux programmes ne sont pas visibles seulement dans l’objectif 16, qui porte sur les institutions fortes et les sociétés inclusives, mais dans la totalité des 17 objectifs.  La pérennisation de la paix, entendue comme un processus et un objectif d’édifier une vision commune de la société, souligne l’approche globale, de grande portée et centrée sur l’humain du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Appliquer le programme de pérennisation de la paix suppose une stratégie inclusive qui sous-tende le vaste éventail de nos missions et prenne en considération la continuité des efforts de paix, depuis la prévention, le règlement des conflits et le maintien de la paix jusqu’à la consolidation de la paix et au développement à long terme.  Les résolutions relatives à l’examen du dispositif de consolidation de la paix mettent en lumière l’importance de solides coordination, cohésion et coopération entre le Conseil de sécurité et la Commission de consolidation de la paix en matière de formation, examen et retrait progressif des opérations de maintien de la paix. 

Le Conseil a ici un rôle vital à jouer.  Les opérations de maintien de la paix ont besoin de mandats clairs, réalistes et actualisés, avec des priorités bien identifiées, une séquence adéquate d’opérations et une souplesse qui leur permette d’évoluer au fil du temps.  La cohésion, la complémentarité et la collaboration entre les activités de paix et sécurité des Nations Unies, ainsi que leur développement et l’action humanitaire, sont non moins essentielles pour prévenir les conflits et atténuer les risques, favoriser des issues plus durables et garantir qu’il n’y aura pas de laissés-pour-compte.

Regardant vers l’avenir, nous devons œuvrer ensemble pour faire en sorte que le maintien de la paix accomplisse pleinement son potentiel en tant qu’outil crucial pour pérenniser la paix – non pas isolément, mais comme un aspect de notre nouvelle approche intégrée.  Les missions de maintien de la paix opèrent en liaison étroite avec le système de développement des Nations Unies et avec la communauté humanitaire afin de faciliter une approche plus intégrée des initiatives de maintien de la paix, des stratégies de sortie et des plans de transition, comme nous l’avons vu dans les cas du Libéria et de Haïti.

La pérennisation de la paix est un processus politique inclusif par nature, qui englobe les activités de développement, les mesures de prévention, la médiation, la gestion des conflits et le règlement des conflits.  Atteindre l’objectif de pérennisation de la paix signifie donner la première place aux États Membres et à leurs populations, choisir en priorité les solutions politiques, faire de la prévention une priorité et multiplier la force des trois piliers de l’action de l’Organisation des Nations Unies –droits de l’homme, paix et sécurité et développement– en les consolidant mutuellement.

L’image de la prévention que propose le Secrétaire général va au-delà du détournement des crises et des conflits violents et tient compte de la nature changeante des crises dans le monde imprévisible d’aujourd’hui.  Elle suppose une vaste approche qui fasse intervenir tout le système des Nations Unies, ainsi que des synergies plus amples au service d’une efficacité accrue de la prestation et de l’impact. 

Il nous faut accroître notre soutien en faisant appel à la capacité d’alerte rapide, la médiation, la diplomatie préventive des Nations Unies, enfin leurs programmes et activités sur le terrain.  Dans le prolongement de cette vision, le Secrétaire général s’est engagé à faire plus de place à la diplomatie pour la paix, en partenariat avec un large éventail d’acteurs. 

Les mesures de prévention et les processus de paix doivent recevoir une impulsion des dirigeants nationaux, étant reconnus les besoins et contributions de tous les secteurs de la société, surtout ceux des femmes et des jeunes qui sont nos agents de développement et de paix.  Avec l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030, la communauté internationale a reconnu le rôle des jeunes et des femmes en tant qu’agents critiques du changement.  Ils trouveront dans les objectifs de développement durable une plateforme où canaliser leurs capacités vers la création d’un monde meilleur. 

L’avenir de l’humanité est entre leurs mains et ils passeront la torche aux générations futures.  Pour les autonomiser et édifier un avenir durable, il faut des institutions plus fortes et une meilleure gouvernance.  C’est pourquoi nous devons investir davantage dans le développement et mobiliser nos efforts au service de sociétés pacifiques, justes et inclusives qui soient à l’abri de la peur et de la violence.  Il ne peut y avoir de développement durable sans paix, ni de paix sans développement durable, et il ne peut y avoir ni l’un ni l’autre sans droits de l’homme.

Pour assurer la pérennisation de la paix et le développement durable, nous devons mener une action collective solide et renforcer la collaboration et les partenariats, y compris avec le monde des affaires, les institutions financières, la société civile et les organisations régionales et sous-régionales.  Nous devons resserrer les liens avec les partenaires régionaux et sous-régionaux, ainsi qu’avec la Banque mondiale, qui augmente considérablement sa participation dans les pays touchés par un conflit, et le Fonds monétaire international, qui s’emploie à réduire l’influence déstabilisatrice de la corruption afin d’assurer un meilleur investissement dans la paix.

Lors du Sommet de l’Union africaine en juillet, je me suis engagée à renforcer notre partenariat sur les questions politiques et les opérations de paix, grâce à un appui mutuel renforcé et au renforcement continu des capacités au sein du Cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité.  La Commission de consolidation de la paix joue un rôle tout à fait particulier en rassemblant tous ces partenaires.  J’invite le Conseil de sécurité à coopérer plus activement avec la Commission. 

Ces partenariats doivent reposer également sur un financement solide et prévisible, y compris en faveur de la prévention, conformément au programme de pérennisation de la paix.  J’espère qu’un Conseil uni envisagera de soutenir les missions appuyées par une résolution du Conseil et mises en œuvre par nos partenaires, soit avec des contributions mises en recouvrement, soit par la promotion d’’autres mécanismes de financement prévisibles.

J’en viens maintenant à la question de la réforme.  Nous devons améliorer la façon dont nous examinons les opérations de maintien de la paix, en consultation avec nos partenaires du développement et de l’action humanitaire, et accorder une attention particulière aux droits de l’homme et à l’égalité des sexes.  Les femmes sont les premières victimes des conflits et de la transition après un conflit, et c’est sur elles aussi que l’on compte pour jeter les bases de la paix.  Dans tous les domaines du maintien de la paix, les femmes qui participent au maintien de la paix ont prouvé qu’elles peuvent jouer les mêmes rôles, être assujetties aux mêmes règles et opérer dans les mêmes conditions difficiles que leurs homologues masculins.  Il est un impératif sur le plan opérationnel que nous recrutions et maintenions en fonction le personnel féminin du maintien de la paix et de la police.  Non seulement parce que la parité entre les sexes est essentielle en tant que telle, mais parce que la participation des femmes augmente les chances de pérennisation de la paix et réduit le nombre des abus sexuels et l’exploitation.

Nous devons travailler ensemble et non pas en vase en clos pour considérer le lien existant entre l’action humanitaire, le développement et la paix, ainsi que les causes profondes de la violence et des conflits. 

Seule une vision plus large de la prévention peut garantir la pérennisation de la paix. 

Les acteurs humanitaires et du développement doivent travailler ensemble pour combler le fossé entre les efforts de secours et l’aide au développement et permettre aux gouvernements et aux communautés de renforcer et d’accroître leurs capacités en matière de résilience, de réduction et d’atténuation des risques de catastrophe, et de prévention des conflits, en particulier dans les pays en développement.

Il est de notre devoir d’appuyer les populations dans le monde entier en leur fournissant à la fois une aide humanitaire et des programmes de développement efficaces et en temps opportun, dans le cadre d’une approche globale cohérente.  Guidés par l’ambition du Secrétaire général de surmonter la fragmentation et de faire de la prévention la priorité des Nations Unies, nous avons pris des mesures importantes pour définir un programme exhaustif et audacieux visant à améliorer la manière dont les Nations Unies sont au service des personnes qu’elles servent. 

Il est essentiel de reconnaître que le développement est une fin en soi et un élément central de notre travail.  Le repositionnement par le Secrétaire général du système des Nations Unies pour le développement, ainsi que la réforme du dispositif de consolidation de la paix, reflètent le rôle essentiel du Programme 2030 en tant que feuille de route pour le développement durable et la pérennisation de la paix.  Les objectifs de développement durable constituent des outils essentiels pour prévenir les crises et parvenir à une paix durable.  La réforme du système des Nations Unies a été conçue pour renforcer les liens entre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et le programme de pérennisation de la paix, comme il est indiqué dans la présentation au Conseil économique et social, en juillet 2017, du rapport du Secrétaire général sur le système des Nations Unies pour le développement (E/2018/3). 

Entre autres mesures, les recommandations du Secrétaire général appellent à renforcer le rôle moteur des coordonnateurs résidents et à établir un lien direct entre eux et le Secrétaire général, permettant ainsi plus de réactivité, de responsabilité, de coordination et d’efficacité sur les questions liées à la prévention, au développement durable et à la pérennisation de la paix. 

Afin de mettre en œuvre efficacement ces réformes et de pérenniser la paix, nous devons renforcer les capacités de résilience des personnes pauvres et de celles qui se trouvent dans des situations vulnérables et réduire leur exposition et leur vulnérabilité aux événements climatiques extrêmes et à d’autres chocs et catastrophes économiques, sociaux et environnementaux. 

Chaque mission, chaque opération de maintien de la paix doit être considérée dans son contexte politique et de développement particulier.  À bien des égards, les préparatifs pour le retrait sans heurt et efficace des missions de maintien de la paix et le transfert des activités à l’Équipe de pays des Nations Unies constituent l’une des contributions les plus importantes à la paix du dispositif de maintien de la paix.  Nous avons vu récemment des exemples réussis de ce processus en Côte d’Ivoire et nous en verrons bientôt au Libéria. 

En Haïti et au Darfour, les programmes communautaires de réduction de la violence permettent d’éviter le recrutement de jeunes à risque par des groupes criminels armés, contribuant ainsi à la stabilité et à la cohésion sociale.  Au Mali, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali met l’accent sur la prévention et la réponse aux violences sexuelles liées aux conflits dans les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration et les processus de réforme du secteur de la sécurité.  Pour accroître ces succès, nous devons œuvrer en faveur de l’égalité des sexes, en particulier dans les missions englobant les opérations militaires, policières et civiles.  Par exemple, nous devons utiliser les possibilités offertes par la réduction de la composante militaire de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti pour engager plus de femmes dans les opérations policières et civiles.

Les processus de paix sont rarement brefs ou simples.  La complexité des conflits actuels nécessite une approche multidimensionnelle privilégiant toute une gamme d’initiatives.  Parmi elles figurent la protection cruciale des civils menacés et le renforcement des institutions et de l’état de droit afin de renforcer le respect des droits de l’homme à tous les niveaux.  Cela exige le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés, et que la priorité soit donnée à la justice et la réconciliation, à la tenue d’élections crédibles et à l’extension de l’autorité légitime et responsable de l’État.

Pour de nombreuses personnes qui souffrent dans les pays touchés par les conflits, les missions de maintien de la paix des Nations Unies sont une source d’espoir que la paix puisse revenir.  Leur succès est une source de grande fierté pour nous tous.  Je tiens à rendre hommage aux hommes et femmes courageux qui participent aux opérations de maintien de la paix de l’ONU – civils, militaires ou policiers- et à saisir cette occasion pour encourager davantage de femmes à se joindre à nos missions.  Je tiens tout particulièrement à rendre hommage à ceux qui ont perdu la vie en fournissant un service indispensable.

Afin de nous assurer que nous sommes sur la bonne voie, celle de la consolidation de la paix, nous devons mettre en place des politiques appropriées.  Les opérations de maintien de la paix sont des instruments politiques qui, dans l’idéal, accompagnent un processus de paix au niveau local.  À cette fin, les missions fournissent de bons offices et travaillent en étroite collaboration avec différentes parties et communautés pour réaliser et mettre en œuvre des accords de paix. 

Au vu de tous ces domaines, un niveau d’engagement plus large et plus soutenu de la part des membres d’un Conseil de sécurité uni et solide -individuellement ou collectivement – est essentiel pour que les États Membres, le système des Nations Unies et tous nos partenaires aient un objectif commun, une vision commune d’une action englobant tous les piliers de l’ONU et regroupant toutes ses activités d’une manière véritablement intégrée.

En adoptant le Programme 2030 et les résolutions sur la pérennisation de la paix, nous avons tracé la voie menant à un monde plus sûr, plus résilient et plus durable.  Le défi consiste maintenant à faire en sorte que ce processus soit couronné de succès et que les gains obtenus soient irréversibles.  J’attends avec intérêt l’appui du Conseil de sécurité pour orienter les efforts et les ressources vers notre objectif ultime: la réalisation du développement durable et la pérennisation de la paix.

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