Seizième session,
16e séance – après-midi
DH/5360

L’Instance permanente achève ses travaux en appelant au respect du consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones

La Présidente réclame le statut d’observateur permanent pour les autochtones

À la clôture, aujourd’hui, des travaux de sa seizième session, l’Instance permanente sur les questions autochtones a dressé un bilan sévère de la situation des autochtones dans le monde, 10 ans après l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

« Dix années après l’adoption de la Déclaration, la dépossession des peuples autochtones de leurs terres et de leurs ressources se poursuit à un rythme alarmant, tandis que l’on recense également une augmentation spectaculaire des menaces et des violences contre ceux d’entre eux qui défendent leurs territoires, leurs droits et leurs moyens de subsistance », avertit notamment l’Instance.

Cette séance a également été l’occasion pour la Présidente de l’Instance, Mme Mariam Wallet Mohamed Aboubakrine d’exhorter les États Membres de permettre aux peuples autochtones de participer aux travaux de l’Organisation avec le statut d’observateur permanent « en particulier sur les questions qui nous concernent tous ».

« Comment comprendre que l’ONU ne veuille pas travailler avec nous qui avons tant à offrir? » a demandé la Présidente.  « L’histoire de la participation des peuples autochtones à l’ONU montre clairement que nous sommes au service du bien et que nous avons toujours enrichi les travaux de l’Organisation », a-t-elle argué.  « Aucune décision nous concernant ne devrait être prise sans nous. »

Les travaux de cette session, consacrée au « Dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones: mesures prises pour mettre en œuvre la Déclaration », ont été émaillés, depuis leur début, par de nombreuses dénonciations, de la part de représentants et d’organisations autochtones, du non-respect de leur consentement préalable, libre et éclairé aux fins de projets et de lois les touchant directement.  De l’oléoduc de Standing Rock, aux États-Unis, au forage sous-marin dans les territoires autochtones du Pacifique, la situation des autochtones dans le monde a valu à l’Instance de formuler plusieurs recommandations au Conseil économique et social (ECOSOC), dont elle est un organe subsidiaire.

Pour Mme Aboubakrine, il existe toutefois des raisons d’être optimiste, notamment depuis la tenue, en 2014, de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, au cours de laquelle tous les États Membres se sont engagés à mettre en œuvre la Déclaration. 

La Présidente s’est également réjouie de l’engagement croissant des États africains, félicitant au passage la collaboration engagée par le Département des affaires économiques et sociales avec la Namibie, le Kenya, la République-Unie de Tanzanie et la République démocratique du Congo en ce qui concerne les questions autochtones.  Elle a aussi annoncé que l’Ouganda va bientôt collaborer avec l’ONU en vue de mettre en application la Déclaration au niveau national.

Toutefois, un long chemin reste à parcourir, a nuancé Mme Aboubakrine, en évoquant l’augmentation des empiètements sur les terres autochtones, l’extraction des ressources naturelles, la déforestation et des projets d’infrastructures qui ont pour effet de déplacer les peuples autochtones et de les déposséder, de perturber leur mode de vie traditionnel et de causer des dommages irréversibles au milieu naturel.  

Parmi les recommandations renvoyées à l’ECOSOC, l’Instance encourage* donc les États Membres à adopter des politiques qui garantissent l’inclusion des peuples autochtones comme partenaires du développement et leur confèrent un rôle appréciable sur le plan de l’élaboration, l’exécution, la supervision et l’évaluation de tous les projets susceptibles d’avoir une incidence sur leurs territoires, leurs droits et leurs moyens de subsistance.

L’Instance a aussi recommandé** une série de mesures spécifiques relatives aux activités menées dans ses six domaines*** d’action en relation avec la Déclaration.

Elle demande notamment au Gouvernement des États-Unis d’Amérique, en application de l’article 19 de la Déclaration, de faire en sorte que les Sioux participent à la prise de décisions, sachant que la construction de l’oléoduc Dakota Access aura des répercussions sur leurs droits, leurs vies et leurs territoires.  L’Instance recommande aussi que le Gouvernement des États-Unis ouvre une enquête sur les violations des droits de l’homme qui auraient été commises par des vigiles et des agents de la force publique dans ce contexte.

Elle demande également aux Gouvernements finlandais et norvégien de renégocier l’accord relatif à la pêche dans la rivière Deatnu (Tana/Teno) qui a été adopté en mars 2017 sans le consentement préalable, libre et éclairé des Samis.

D’autres recommandations appellent par ailleurs la Colombie à faire en sorte que le principe du consentement préalable, libre et éclairé soit respecté dans l’application du volet ethnique de l’accord de paix; le Kenya à protéger officiellement les droits sur la terre et les ressources des Ogiek et des Sengwer; et le Bangladesh à établir un calendrier de mise en œuvre intégrale de l’Accord de Chittagong Hill Tracts.

L’Instance permanente prie également instamment l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ces ressources (UICN) de créer une équipe spéciale sur la protection de l’environnement et les droits de l’homme, en vue d’inscrire clairement les droits des peuples autochtones dans le contexte des initiatives de protection de l’environnement.

Elle recommande en outre la tenue, d’ici à 2019, d’une réunion d’experts sur le VIH/sida à laquelle les autochtones infectés ou touchés par le virus participeront pleinement et effectivement.

Pendant ces deux semaines de travaux, l’Instance a aussi examiné la question de l’autonomisation des femmes autochtones et la situation des jeunes autochtones.

Elle exhorte**** notamment les États à coopérer avec les peuples autochtones pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence et de discrimination contre les femmes autochtones, entre autres, et à éliminer les obstacles structurels et juridiques qui les empêchent de prendre réellement et pleinement part, sur un pied d’égalité, à la vie économique, sociale et culturelle.

L’Instance permanente recommande aussi que l’Organisation internationale du Travail prépare une étude sur l’accès au marché du travail, des femmes autochtones et des jeunes.  Elle prie par ailleurs instamment l’ECOSOC, y compris son Forum de la jeunesse, d’inviter à leurs réunions des représentants des organisations de jeunes autochtones.

En vue de préparer la célébration de l’Année internationale des langues autochtones en 2019, l’Instance permanente invite*****, en outre, les États Membres à participer activement à la planification de l’évènement, notamment en soutenant la création d’un fonds géré par des autochtones et affecté à la préservation et la revitalisation des langues autochtones.

L’Instance a également présentée une recommandation****** relative aux indicateurs des régimes fonciers et changements applicables aux territoires ancestraux (terres et eaux) des peuples autochtones.

Elle invite en outre l’ECOSOC à prendre note du rapport******* de sa seizième session, tel que modifié oralement, qui a été présenté par le Rapporteur de l’Instance, M. Brian Keane.

Enfin, l’Instance a adopté l’ordre du jour provisoire de sa dix-septième session qui sera consacrée aux « Droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources » (E/C.19/2017/L.2). 

La séance d’aujourd’hui s’est achevée avec une allocution spirituelle de M. Wilton Littlechild, prononcée en langue cree.

La dix-septième session de l’Instance se tiendra à New York, du 16 au 27 avril.

* E/C.19/2017/L.4
** E/C.19/2017/L.6
*** La santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et la culture.
**** E/C.19/2017/L.5
***** E/C.19/2017/L.7
****** E/C.19/2017/L.8
******* E/C.19/2017/L.3

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