8067e séance – matin
CS/13024

Conseil de sécurité: en RDC, la mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre se heurte à des défis persistants, selon le Représentant spécial

En République démocratique du Congo (RDC), les défis à l’application de l’Accord du 31 décembre 2016 persistent, sur fond de détérioration de la situation sécuritaire dans les Kasaï et les provinces de l’est, s’est alarmé, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, devant le Conseil de sécurité, qui a aussi entendu le Ministre congolais des affaires étrangères.

« La publication d’un calendrier électoral réaliste, l’établissement d’un budget pour la tenue des élections, la mise en œuvre des mesures de décrispation et la garantie du respect des droits et libertés fondamentales sont les principales conditions à remplir pour faire avancer le processus politique », a plaidé M. Maman Sambo Sidikou, venu présenter le dernier rapport du Secrétaire général sur l’examen stratégique de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), qu’il dirige. 

« L’absence de consensus politique quant à la voie à suivre me fait craindre la perte, d’ici à la fin de l’année, de la relative accalmie obtenue, dans l’escalade des tensions, par la signature de l’Accord », écrit le Secrétaire général.

Les discussions les plus récentes, a noté son Représentant spécial, ont conclu au fait que les élections ne pourraient être organisées à la fin de l’année 2017, comme initialement prévu.  Cette prise de conscience a relancé les « interprétations les plus diverses » de l’Accord et suscité le retour des incertitudes et des tensions politiques, a expliqué le haut fonctionnaire.

« La première condition pour organiser les élections, c’est de déterminer le corps électoral, ce qui sera finalisé d’ici 30 jours », a réagi le Ministre congolais des affaires étrangères, M. Leonard She Okitundu, qui a tenu à « relativiser » des inquiétudes également relayées par l’Uruguay et la Bolivie.  Selon le chef de la diplomatie congolaise, son pays aurait « bel et bien mis le cap vers les élections ». 

Cependant, le Président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) aurait lui-même déclaré que les trois élections prévues pour décembre 2017 ne pourraient se tenir à cette date pour « des raisons d’ordre logistique, financier, sécuritaire et normatif », a-t-il noté.  L’Accord du 31 décembre prévoit d’ailleurs, a-t-il rappelé, la « possibilité du report des élections », laquelle sera à l’ordre du jour d’une réunion d’évaluation du 12 au 14 octobre prochains.

Le Représentant spécial du Secrétaire général a reconnu que des progrès avaient été accomplis ces derniers mois dans le processus d’actualisation du fichier électoral, qui compterait plus de 41 millions de votants, dont 48% de femmes.  Début septembre, ce processus d’inscription s’est étendu au Kasaï et au Kasaï central, les dernières provinces congolaises à l’entreprendre, a-t-il précisé.

« Toutefois, l’incertitude plane sur la participation des membres de la diaspora, les modalités du vote ainsi que le calendrier de l’adoption de lois électorales indispensables », a nuancé le Représentant spécial.  Les ressources financières nécessaires pour se rapprocher de la tenue des élections se font également attendre: « la CENI demeure sous-financée et le fonds multipartite du Projet d’appui au cycle électoral au Congo, administré par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), n’est financé qu’à hauteur de 6% du montant fixé de 123 millions de dollars ».

En outre, réunir les conditions propices à la tenue des élections consiste aussi, a rappelé M. Sidikou, à donner effet aux mesures de renforcement de la confiance, lesquelles sont remises en cause par le sort réservé aux journalistes, aux opposants politiques et aux activistes de la société civile, visés par des tentatives d’intimidation, des harcèlements et des violences.

« Il n’existe pas de politique délibérée d’usage disproportionné de la force en RDC », a rétorqué le Ministre congolais des affaires étrangères, tout en rappelant qu’à partir du moment où certains individus appellent à l’insurrection, « nous ne sommes plus dans les cas prévus par l’exercice démocratique de la liberté d’expression ».

Simultanément à ce contexte d’incertitude politique, a relevé le Représentant spécial, la situation sécuritaire s’est détériorée dans plusieurs régions, avec une hausse des attaques ciblées des groupes Maï-Maï contre les forces nationales de sécurité dans les Kivu, sur fond de tensions intercommunautaires entre Hutus et Nandes. 

Une situation d’autant plus complexe que les Forces alliées démocratiques s’en prennent également à la MONUSCO, deux Casques bleus tanzaniens ayant été tués avant-hier au Nord-Kivu.  Au Sud-Kivu, le 15 septembre dernier, des affrontements ont fait 37 morts et 117 blessés parmi des demandeurs d’asile burundais et un mort et sept blessés parmi les forces de sécurité congolaises, a déploré le Représentant spécial, en affirmant que « cette tragédie n’aurait jamais dû se produire ».

Dans la province du Tanganyika, a-t-il ajouté, les affrontements entre les milices Twa et Louba ont repris sur fond de recrudescence des opérations des Maï-Maï Kata-Katanga et de clivages émergents entre plusieurs milices Twa.  Enfin, les incidents violents se poursuivent au Kasaï entre milices Kamuina Nsapu et forces de sécurité, là aussi dans un contexte de rivalités interethniques.

Les conséquences de ces violences se font ressentir pour la population, pas moins de 1 329 cas de violation des droits de l’homme ayant été recensés entre début juin et fin août.  Le tribut payé par les civils est également humanitaire, avec 8,5 millions de personnes –dont 5,5 millions d’enfants– en besoin d’assistance, et 3,8 millions de déplacés et 621 000 réfugiés congolais dans la région des Grands Lacs.

Mobilisée sur tous les fronts, la MONUSCO, a assuré le Représentant spécial, n’a eu de cesse d’ajuster son dispositif et sa présence, en dépit des « exigences budgétaires » imposées par la résolution 2348 (2017), qui a fait passer le plafond autorisé de sa composante militaire de 19 815 à 16 215 militaires, une réduction dont l’Uruguay s’est dit préoccupé.

La Mission, a assuré le Représentant spécial, achèvera bientôt le rapatriement de 1 687 Casques bleus, parallèlement au lancement d’une nouvelle stratégie de « protection par projection », en particulier dans les zones touchées par la fermeture des bases de la MONUSCO, où elle tient à s’acquitter de son mandat de protection des civils avec davantage de « flexibilité ».

Face au mode opératoire non conventionnel des « forces négatives », le Ministre congolais des affaires étrangères a estimé que la Mission gagnerait en efficacité en dotant de moyens adéquats la Brigade d’intervention rapide, qui devra être, selon lui, « la dernière force à quitter la RDC ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.