7953e séance – matin
CS/12844

Moyen-Orient: le Coordonnateur spécial prévient le Conseil de sécurité que la crise humanitaire à Gaza s’aggrave et qu’un nouveau conflit est possible

Le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. Nickolay Mladenov, a présenté ce matin au Conseil de sécurité son exposé mensuel sur la situation dans cette région, en prévenant que les dynamiques complexes sur le terrain avaient instauré un climat explosif au cours du mois écoulé. 

Avec la crise humanitaire qui ne fait que s’aggraver à Gaza, il a craint un nouveau conflit qui aurait des conséquences dévastatrices pour les Palestiniens comme pour les Israéliens.

Auparavant, en début de séance, les membres du Conseil de sécurité avaient observé une minute de silence en hommage aux victimes de l’attentat perpétré aujourd’hui en Égypte.  « Cet exposé, a souligné M. Mladenov, s’inscrit dans le sillage d’attentats terroristes méprisables dans le Sinaï et à Manchester. »

Le Coordonnateur spécial a rappelé à ce propos que le Président des États-Unis, au cours de sa visite récente au Moyen-Orient, avait fait pression pour que soit adoptée une approche commune pour faire face au fléau de l’extrémisme et du terrorisme, en mettant l’accent sur la nécessité pour cela de résoudre le conflit israélo-palestinien.

M. Mladenov a d’emblée alerté le Conseil de sécurité d’une nouvelle crise naissante à Gaza, laquelle pourrait devenir incontrôlable si des mesures urgentes ne sont pas prises pour faire retomber les tensions.

« Depuis que le Hamas a établi, en mars, un Comité administratif, une institution parallèle chargée de diriger les affaires gouvernementales à Gaza, la lutte politique acharnée entre les Palestiniens a entraîné une détérioration des relations entre le Hamas et le Fatah. »  La crise humanitaire ne fait ainsi que s’aggraver, a ajouté M. Mladenov.

Il a aussi indiqué que, en avril, le Gouvernement palestinien avait maintenu sa décision de réduire les salaires de près de 60 000 employés du secteur public à Gaza.  Il est important, à son avis, que le poids des décisions de réduire les dépenses soit réparti équitablement.

Gaza est également au milieu d’une crise sans précédent, a-t-il poursuivi.  La centrale électrique qui fournit 30% de l’électricité à Gaza a cessé de fonctionner le 16 avril à cause d’un différend entre l’Autorité palestinienne et le Hamas sur l’imposition du carburant. 

Étant donné que l’approvisionnement en électricité venant d’Égypte ne fonctionne plus, il ne reste plus que l’électricité israélienne qui fournit 60% des besoins.  Mais le Gouvernement palestinien a décidé de mettre un plafond à l’achat d’électricité d’Israël, une décision qui entraînera une réduction de 30% de la fourniture d’électricité que Gaza obtient d’Israël, ce qui promet une catastrophe humanitaire.

Actuellement et depuis avril, les Palestiniens de Gaza reçoivent en moyenne quatre heures d’électricité par jour.  « Combien de temps pensez-vous qu’ils puissent survivre si la durée quotidienne tombe à deux heures? »  Ce sont les Palestiniens pauvres, a-t-il prévenu, qui en paieront le prix en perdant l’accès à l’électricité, à l’eau, et aux services de santé et d’assainissement.

Personne n’a intérêt à ce que survienne un autre conflit à Gaza, a-t-il martelé, estimant que tout le monde avait la responsabilité de l’éviter.  Les avertissements lancés par les Nations Unies depuis plusieurs mois sont en train de devenir une réalité.

M. Mladenov a indiqué que les hôpitaux étaient obligés de reporter certaines opérations chirurgicales et avaient réduit de 80% les services de stérilisation. 

Depuis la mi-avril, les centrales de désalinisation ne fonctionnent qu’à 15% des capacités et l’eau potable n’est fournie que quelques heures tous les deux à quatre jours.  Il a ajouté que 100 000 mètres cubes d’eaux usées étaient rejetés dans la mer Méditerranée au quotidien, « une catastrophe environnementale en puissance pour Israël, l’Égypte et Gaza ».

Il a également souligné la hausse des prix alimentaires, à cause de la hausse du coût de l’eau pour l’irrigation, ainsi que le chômage qui touche le secteur manufacturier.

Le Coordonnateur spécial a assuré que l’ONU œuvre dans le but d’atténuer les conséquences humanitaires de cette crise.  Ainsi, une opération d’urgence pour livrer des combustibles est en cours, mais les réserves vont s’épuiser dans les jours à venir, a-t-il dit.

Il a donc appelé l’Autorité palestinienne, le Hamas et Israël à s’acquitter de leurs responsabilités à l’égard des Gazaouïs, avant de signaler un autre évènement inquiétant survenu hier: l’exécution de trois hommes à Gaza.  Cela porte à 28 le nombre de peines de mort exécutées depuis 2007.

Concernant le conflit palestinien au sens large, M. Mladenov a recensé six morts parmi les Palestiniens au cours des dernières semaines.  Il s’est aussi inquiété de la grève de la faim menée par des prisonniers palestiniens depuis 40 jours.  Plus de 60 d’entre eux ont fait l’objet d’une évacuation médicale, tandis que près de 600 ont été transférés dans l’infirmerie.  Ces personnes ont un accès restreint à leurs avocats et aux visites de membres de leurs familles, a-t-il regretté.

Les défis socioéconomiques auxquels fait face l’Autorité palestinienne ont été discutés lors de la réunion du Comité de liaison ad hoc, le 4 mai dernier à Bruxelles, mais bon nombre d’entre eux restent sans solution.  M. Mladenov s’est toutefois réjoui de la réunion des Ministres des finances israélien et palestinien qui a conduit à la première réunion en sept ans du Comité conjoint sur l’eau. 

Il a aussi pris note des mesures annoncées par les Israéliens pour aider l’économie palestinienne en Cisjordanie, telles que le développement de zones industrielles à Tarkumiya et à Hébron.

Au cours de cet exposé, le Coordonnateur spécial a aussi fait le point de la situation au Liban et dans le Golan.  Constatant le peu d’avancées sur le plan des institutions libanaises, il a espéré que les négociations seraient rapidement finalisées pour éviter une instabilité institutionnelle et pour tenir les élections conformément à la Constitution.  Pour ce qui est du Golan, il a relevé que le cessez-le-feu entre Israël et la Syrie avait été maintenu malgré un environnement instable.

En conclusion, M. Mladenov a expliqué que chaque partie devait en faire davantage pour augmenter les chances de parvenir à la paix, pour que le rêve des Palestiniens ne reste pas qu’un rêve.  Il a conseillé à Israël de prendre des mesures pour améliorer la vie quotidienne des Palestiniens et d’avancer de manière significative vers une solution négociée.  Il a demandé aux Palestiniens de ne pas appeler à la violence et de parvenir à une réconciliation interne.

Près de 10 ans après la reprise violente de la bande de Gaza par le Hamas, il a observé la spirale qui fait régresser cette région en termes de développement et l’écart socioéconomique qui se creuse entre elle et la Cisjordanie.

Après cet exposé, le représentant de la Bolivie a exprimé son inquiétude, notamment quant au sort des prisonniers palestiniens en grève de la faim, ainsi que ses espérances.  Il a souhaité que le Conseil de sécurité prenne les mesures qui s’imposent, qu’Israël comprenne l’illégitimité de ses activités de colonisation dans les territoires palestiniens occupés, et que la communauté internationale agisse.  

Il a également souhaité que des cartes actualisées soient établies pour cartographier la totalité des territoires palestiniens occupés dans lesquels Israël a implanté des colonies.

« Toutes les démarches qui permettraient de trouver une solution pacifique, y compris de la part des États-Unis, sont bienvenues », a conclu le représentant bolivien.

Son homologue de l’Uruguay a également placé de l’espoir dans l’engagement du Président américain Donald Trump pour rapprocher les parties.  Il a réitéré son appui infaillible au droit d’Israël et de la Palestine à vivre dans la paix dans le cadre de frontières sûres et reconnues.  Selon lui, il n’y aura pas de paix juste et pérenne sans la solution des deux États et sans la création de conditions propices. 

Il a exhorté les parties à reprendre les pourparlers bilatéraux le plus rapidement possible sans préconditions, et à examiner les mesures qu’elles vont prendre pour éviter que les positions les plus extrémistes ne prévalent. 

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