Soixante-douzième session,
16e séance – matin
AG/AB/4256

Cinquième Commission: Cuba « frappée » par le fait que les missions politiques spéciales représentent 20% du budget de l’ONU

La Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires a examiné, ce matin, des demandes de fonds pour les missions politiques spéciales, dont le montant total proposé pour 2018-2019 est de 1,1 milliard de dollars.  « Frappé » par le fait que ce montant représente à lui seul plus de 20% du budget ordinaire de l’ONU, Cuba a dénoncé une « pratique non viable », source de « déséquilibre » dans la dotation budgétaire des mandats onusiens.

Les délégations ont examiné les demandes spécifiques suivantes pour 2018: 50 millions de dollars pour 10 missions politiques spéciales, soit un 1,1 million de moins qu’en 2017; et 111 millions de dollars pour la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), l’une des deux plus grandes missions politiques spéciales avec la Mission en Afghanistan, dont le budget diminue de 6,5 millions de dollars par rapport à 2017.

En tout, les missions politiques spéciales vont coûter 1,1 milliard de dollars sur un budget total de 5,4 milliards de dollars, a résumé Cuba, littéralement « frappée » par le fait que ce montant représente plus de 20% du budget ordinaire.  C’est bien la preuve d’un « déséquilibre » dans la répartition du budget entre les différentes priorités fixées par l’Assemblée générale, a constaté le pays, jugeant cela d’autant plus choquant que la tendance est à la réduction du budget, globalement en baisse de 3,8% par rapport à 2016-2017. 

Cuba a, une nouvelle fois, dénoncé le mode de financement de ces missions, pour la plupart créées par le Conseil de sécurité mais couvertes par le budget ordinaire.  C’est une pratique « non viable », a tranché le pays, estimant qu’il serait plus logique de financer ces missions comme les opérations de maintien de la paix, c’est-à-dire par un compte distinct fondé sur un barème des contributions.

Le maintien du poste de conseiller spécial sur la responsabilité de protéger a été rejeté par Cuba qui a argué que ce poste et ce concept n’ont jamais été approuvés par l’Assemblée générale, compte tenu de la crainte des pays en développement de voir des manipulations politiques et des menaces planer sur leur souveraineté nationale et leur responsabilité première, s’agissant du bien-être de leur peuple.

Les rapports du Secrétaire général à la Cinquième Commission ne devraient pas s’égarer dans des considérations politiques, a conseillé l’Iraq, en parlant du document relatif à la Mission d’assistance des Nations Unies pour son pays (MANUI).  L’Iraq a aussi contesté une réduction de 6,5 millions du budget, appelant à passer en revue les activités prévues en 2018 « pour ne pas saper l’exécution » du mandat.

En revanche, la Syrie s’est opposée à l’augmentation proposée du nombre de fonctionnaires à Genève et à Damas au sein de l’équipe de l’Envoyé spécial du Secrétaire général.  Les personnels actuels sont en nombre suffisant, a affirmé le pays, et rien ne justifie leur augmentation.   

Les délégations étaient aussi saisies, ce matin, d’une demande de 286 200 dollars, dont 247 200 dollars pour préparer la soixante-douzième session de la Commission des stupéfiants, imputables au fonds de réserve.  Cette dernière proposition a incité le Groupe des 77 et la Chine à noter que, si le budget-programme était approuvé dans son intégralité, le solde restant du fonds de réserve pour 2018-2019 s’élèverait à 14,8 millions de dollars.  Avant même le commencement de l’exercice biennal, 63,5% du fonds de réserve auraient ainsi été dépensés, s’est inquiété le Groupe, en réclamant des explications.

En fin de séance, les délégations ont adopté par acclamation deux projets de résolution, dont l’un* recommandant à l’Assemblée de prendre note du rapport d’activités du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) et de prier le Secrétaire général de veiller à ce que ses recommandations soient intégralement appliquées.  Dans le second projet de résolution**, qui porte sur le Plan des conférences, la Cinquième recommande à l’Assemblée d’approuver le projet de calendrier des conférences et des réunions de l’Organisation pour 2018 et 2019, ainsi que d’exhorter le Secrétariat à lutter contre la sous-utilisation des ressources en matière de services de conférence et à veiller à la publication des documents de conférence dans les délais impartis et dans les six langues officielles de l’ONU.

La prochaine réunion de la Cinquième Commission, qui aura lieu mardi 28 novembre, portera sur les missions politiques spéciales en Afghanistan et au Mali.

* A/72/7/Add.22

** A/C.5/72/L.6

PROJET DE BUDGET-PROGRAMME POUR L’EXERCICE BIENNAL 2018-2019

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur les prévisions de dépenses relatives au Groupe thématique I concernant les envoyés spéciaux ou personnels, conseillers spéciaux et représentants du Secrétaire général (A/72/7/Add.11)

Pour l’examen de cette question, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné le rapport du Secrétaire général (A/72/371/Add.1) et (A/72/371) qui donne un aperçu général des prévisions de dépenses pour 2018 au titre des missions politiques spéciales et des questions transversales apparentées.  Le Comité consultatif rappelle qu’un crédit de 1 109,6 millions de dollars pour les missions politiques spéciales a été demandé pour l’exercice biennal 2018-2019, ce qui représente une diminution de 14,8 millions de dollars par rapport au montant de 1 124,4 millions de dollars prévu dans l’esquisse du projet de budget-programme.  Selon le Secrétaire général, cette réduction s’explique par des gains d’efficacité qu’il est prévu de réaliser dans l’ensemble des missions politiques spéciales, qui s’inscrivent dans le cadre des réductions de 58,9 millions de dollars prévues au titre de la rubrique « Autres variations ».

Le montant net des crédits demandés pour 2018 au titre des 10 missions du groupe thématique I s’élève à 49 984 200 dollars, soit une diminution de 1 116 600 dollars (2,2%) par rapport au montant approuvé pour 2017.  Le Comité recommande d’approuver la proposition du Secrétaire général.

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur les prévisions de dépenses relatives à la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (A/72/7/Add.15)

Le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires a examiné une version préliminaire du rapport du Secrétaire général (A/72/371/Add.5) rédigé après que le Conseil de sécurité a reconduit le mandat de la MANUI jusqu’au 31 juillet 2018.  Le montant des ressources nécessaires pour 2018, en attendant les résultats de l’évaluation indépendante, s’élève à 111 041 200 dollars, ce qui représente une diminution globale de 6 504 000 dollars, ou 5,53%, par rapport au montant des crédits approuvés pour 2017.  L’écart est imputable à la diminution des dépenses prévues au titre du personnel militaire et de police (-25 600 dollars), du personnel civil (-1 777 800 dollars) et des dépenses opérationnelles (-4 700 600 dollars).  Le tableau d’effectifs proposé pour 2018 comprend 853 postes, dont 333 postes d’agents recrutés sur le plan international et 520 postes d’agents recrutés sur le plan national, soit une diminution nette de 15 postes, résultat de la création de 11 postes, de la suppression de 26 postes, du reclassement de 4 postes et du transfert de 8 postes.

Le Comité consultatif estime que l’évaluation indépendante n’étant pas terminée, il est prématuré de formuler des recommandations précises sur le projet de budget de la MANUI à ce stade, puisque les hypothèses de planification retenues pour l’instant par la Mission ne correspondent peut-être pas aux ressources effectivement nécessaires pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2018.  Par conséquent, le Comité recommande que l’Assemblée générale autorise le Secrétaire général à engager des dépenses d’un montant maximum de 50 millions de dollars pour la période de six mois allant du 1er janvier au 30 juin 2018.

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur les prévisions révisées comme suite aux résolutions et décisions adoptées par le Conseil économique et social en 2017 (A/72/7/Add.22)

Le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires a examiné le rapport du Secrétaire général (A/72/398) qui note que les dépenses supplémentaires, découlant des résolutions et décisions de l’ECOSOC, sont estimées à 288 700 dollars, dont 2 500 dollars à imputer sur le budget-programme de l’exercice biennal 2016-2017 et 286 200 dollars à inscrire dans le projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2018-2019.  Les résolutions et décisions de l’ECOSOC concernent le Groupe consultatif ad hoc sur Haïti et les préparatifs de la soixante-deuxième session de la Commission des stupéfiants devant se tenir en 2019.

Le Comité consultatif note que si les incidences sur le budget-programme et prévisions révisées sont intégralement approuvées par l’Assemblée générale, les dépenses supplémentaires prévues pour 2018-2019 représenteront 63,5% du montant inscrit au fonds de réserve avant même que l’exercice biennal ait commencé.  Tout en étant conscient qu’il pouvait y avoir lieu d’examiner les besoins de financement supplémentaires et qu’il n’était pas toujours possible d’inscrire de nouvelles initiatives dans le cadre du cycle biennal du budget ordinaire, le Comité rappelle qu’il incombe au Secrétaire général de veiller à ce que le projet de budget-programme présente un tableau aussi exhaustif que possible des besoins de l’Organisation pour l’exercice biennal à venir.  Il n’émet toutefois pas d’objection à la proposition du Secrétaire général.

Déclarations

Au nom du Groupe des 77 et la Chine, Mme AMÉRICA LOURDES PEREIRA SOTOMAYOR (Équateur) a commenté la décision 2017/241 de l’ECOSOC relative aux préparatifs de la soixante-douzième session de la Commission des stupéfiants qui entraînerait, à elle seule, des dépenses supplémentaires d’un montant de 247 200 dollars pour l’exercice biennal 2018-2019, imputables sur le fonds de réserve.  La représentante a noté que, selon le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), le montant du fonds de réserve approuvé pour l’exercice biennal 2018-2019 s’élevait au total à 40,5 millions de dollars et que les incidences du projet de budget-programme et des prévisions révisées sur le fonds correspondaient à un montant de 25,7 millions de dollars.  Ainsi, si le budget-programme était approuvé dans son intégralité, le solde du fonds de réserve pour 2018-2019 s’élèverait à 14,8 millions de dollars, question sur laquelle son Groupe souhaiterait obtenir de plus amples informations.

Mme Pereira Sotomayor a aussi noté que la décision 2017/214 de l’ECOSOC sur la nomination d’un membre supplémentaire du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti engendrerait une dépense de 2 500 dollars en 2017, devant être absorbée dans le cadre des crédits accordés pour l’exercice 2016-2017.

Dans ce contexte, la représentante a souhaité rappeler que le mandat du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti avait été prorogé afin de suivre étroitement et de conseiller la stratégie de développement à long terme du pays, sur la base des priorités nationales haïtiennes.  Mme Pereira Sotomayor a par conséquent appuyé, au nom de son Groupe, le montant des ressources découlant des décisions et résolutions adoptées par l’ECOSOC en 2017.

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a rappelé que si les missions politiques spéciales sont, dans la plupart des cas, créées par le Conseil de sécurité, elles sont néanmoins financées par le budget ordinaire, ce qui est une pratique « non viable ».  Il serait logique, a-t-elle argué, que ces missions soient financées de la même manière que les opérations de maintien de la paix, en fonction d’un barème des contributions.  Dans ce scénario où une minorité de délégations préconise une croissance zéro, les missions politiques spéciales doivent coûter 1,1 milliard de dollars, sur un budget total de 5,4 milliards de dollars, diminué de 3,8% par rapport à l’exercice biennal 2016-2017.

Une fois de plus, la représentante s’est dite frappée par le fait que les ressources allouées à ces missions représentent plus de 20% du budget ordinaire.  Elle y a vu la preuve d’un déséquilibre entre les priorités fixées par l’Assemblée générale.  La représentante s’est opposée à la proposition du Secrétaire général d’inclure les activités liées au concept de « responsabilité de protéger » dans l’estimation des coûts des missions politiques spéciales, en particulier sous la proposition relative au Conseiller spécial pour la prévention du génocide.  Jusqu’ici, a-t-elle ironisé, Cuba n’a jamais entendu parler d’une résolution qu’aurait adoptée l’Assemblée générale pour créer un poste de « conseiller spécial sur la responsabilité de protéger ».  Ce poste résulte d’un échange de lettres entre le Secrétaire général et le Président du Conseil de sécurité.  C’est donc un échange de lettres qui est à l’origine de ce poste, s’est emportée la représentante, « pas une décision des États Membres. »

La nomination d’un Conseiller spécial sur la responsabilité de protéger est une déviation de la lettre et de l’esprit des dispositions de la résolution 60/1 de l’Assemblée générale, a-t-elle poursuivi.  Cuba ne voit aucune base juridique à la mise en œuvre d’activités ou à la prévision de produits liés à la responsabilité de protéger.  La représentante a rappelé que, dans sa résolution 63/308, l’Assemblée générale avait décidé de « garder le concept de responsabilité de protéger à l’examen » et depuis lors, a-t-elle souligné, aucun débat ou examen formel n’a été organisé.  L’Assemblée générale n’a jamais adopté « spécifiquement » une définition du concept. 

La représentante a poursuivi en estimant qu’à la lecture du rapport du Secrétaire général, le niveau des ressources associées aux activités du Conseiller spécial sur la responsabilité de protéger n’est pas défini « de manière claire et transparente ».  Ces ressources semblent au contraire « mélangées » aux activités du Conseiller spécial sur la prévention du génocide, et le même constat s’applique à la manière dont le travail des deux Conseillers est décrit.  Avec ce genre d’informations « ambigües », s’est impatienté la représentante, on ne voit pas bien si la mission du Conseiller spécial sur la prévention du génocide est en tout point conforme aux mandats confiés par l’Assemblée ou si, au contraire, le Conseiller s’arroge le droit d’entreprendre des activités dont les objectifs n’ont pas été approuvés par les États Membres. 

Le prétendu concept de « responsabilité de protéger » pose toujours problème à de nombreux États, en particulier les pays en développement, a souligné la représentante.  Non seulement c’est un concept qui ne fait toujours l’objet d’aucun consensus, mais c’est aussi un concept qui peut être très facilement manipulé pour des intérêts politiques comme en témoigne l’histoire qui montre que, sous couvert de la responsabilité de protéger, le droit international, la souveraineté des États et leur responsabilité première, s’agissant du bien-être de leur peuple, peuvent être compromis. 

Toutes ces raisons sont plus que suffisantes pour que Cuba s’oppose, une nouvelle fois, à ce concept et au maintien du poste du Conseiller spécial, a conclu la représentante, en dénonçant le blocus injuste imposé à son pays qui est, par sa nature et son ampleur, « un acte de génocide en vertu de l’article II de la Convention de Genève de 1948 ».  Ma position ne doit en aucun cas être interprétée comme un rejet du travail du Conseiller spécial sur la prévention du génocide que Cuba appuie totalement, a rectifié la représentante.

M. MOHANAD AL-MUSAWI (Iraq) a noté le rôle décisif des missions politiques spéciales pour aider les gouvernements à pérenniser la paix et mettre en place des institutions nationales à même de satisfaire les besoins des citoyens.  Il a remercié les États Membres pour leur appui à la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI).  Le Gouvernement iraquien, a-t-il dit, dépend de cet appui financier pour permettre à la MANUI d’accomplir son mandat. 

Dans ce cadre, le représentant a estimé que les ressources financières allouées à certaines activités de la MANUI pour 2018 « devraient être revues à la hausse ».  Il a déploré que les ressources demandées ne soient que de 111 millions de dollars, soit 6,5 millions de dollars de moins qu’en 2017.  « Il nous faut par conséquent passer en revue les activités prévues en 2018 pour ne pas saper l’exécution du mandat », a-t-il estimé. 

Le représentant a en outre appuyé les recommandations du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) appelant à transformer des postes internationaux de la MANUI en postes nationaux.  Il a aussi voulu que le rapport du Secrétaire général sur les prévisions de dépenses conserve son caractère « purement financier et administratif » et ne verse pas dans des considérations politiques « qui sortent du rôle de la Cinquième Commission ».  Le paragraphe 18 du rapport contient des « affirmations erronées » sur la situation dans les territoires iraquiens repris à Daech, a souligné le représentant, qui a indiqué que les autorités de son pays ont pris bonne note de l’évaluation externe indépendante de la MANUI.  Elles l’étudieront en fonction des besoins du peuple iraquien dans la phase post-Daech, a ajouté le représentant, avant de saluer, une nouvelle fois, les « efforts inlassables » de la MANUI et du Représentant spécial du Secrétaire général .

Commentant à son tour le rapport du Secrétaire général, M. AMMAR AWAD (République arabe syrienne) a dénoncé le terme « groupes armés » lui préférant « groupes terroristes armés ».  Il a aussi voulu que l’on remplace « conflit » ou « guerre » par « crise », avant de rejeter la mention de la « Ligue des États arabes » et d’émettre des réserves sur les contacts entre la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) et l’Envoyé spécial.  Ce dernier, a-t-il tranché, n’a pas pour mandat de travailler avec la FNUOD.  Le représentant s’est aussi opposé à l’augmentation proposée du nombre de fonctionnaires à Genève et à Damas.  Rien ne justifierait cette augmentation.  Les personnels actuels sont en nombre suffisant pour effectuer le travail, a estimé le représentant. 

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