7787e séance – matin
CS/12546

Conseil de sécurité: le regain de violences menace les progrès de la République centrafricaine vers la réconciliation nationale

À cinq semaines d’une conférence majeure de bailleurs de fonds, il est crucial de maintenir un élan positif en faveur de la République centrafricaine, où des incidents sécuritaires attestent d’une situation toujours fragile, a exhorté, ce matin, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix.

Venu présenter au Conseil de sécurité le dernier rapport* du Secrétaire général sur la situation dans ce pays où est déployée la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), M. Hervé Ladsous a fait état de violences postérieures à la publication de ce document et susceptibles de remettre en cause les progrès significatifs à porter au crédit du Gouvernement.

Le 4 octobre en effet, un membre éminent des forces gouvernementales a été tué par balles dans le quartier, à majorité musulmane, de PK5, par un homme manifestement affilié à un groupe d’autodéfense local, a expliqué le haut fonctionnaire.  Un incident suivi de représailles, certaines imputables à des éléments « hors de contrôle » de l’armée centrafricaine, au cours desquelles 12 personnes ont perdu la vie et 20 autres ont été blessées par des soldats, des groupes d’autodéfense et des individus non identifiés, a-t-il relaté.

Soucieuse de prévenir toute flambée de violences intercommunautaires, la MINUSCA a immédiatement sécurisé le périmètre, en coordination avec les autorités centrafricaines, qui ont demandé, par la voix du Président Faustin-Archange Touadéra, l’ouverture d’une enquête sur ce cycle de violences.  « Pour la première fois », le Mécanisme conjoint de coordination a été activé, permettant le déploiement de patrouilles de la MINUSCA et des forces de sécurité nationales, a précisé le Secrétaire général adjoint.

« Le calme est revenu, mais les tensions restent palpables », a-t-il souligné, en déplorant la découverte, le 7 octobre, du corps d’un jeune musulman, « largué » par des éléments présumés des Forces armées centrafricaines à l’entrée d’un camp de la MINUSCA.  M. Ladsous a également porté à l’attention du Conseil des affrontements entre groupes anti-balaka et factions de l’ex-Séléka dans le nord-ouest du pays et à Kaga Bandoro, suivis de représailles qui ont provoqué le déplacement de 3 200 personnes.

Enfin, « rien qu’en septembre », plus de 16 attaques contre des organisations humanitaires ont contraint plusieurs d’entre elles à réinstaller temporairement ailleurs leurs personnels ou à suspendre leurs opérations, a noté le Secrétaire général adjoint, alors que « 2,3 millions de Centrafricains dépendent de l’aide », a observé de son côté le représentant de l’Uruguay.

Ces incidents ne doivent toutefois pas occulter les progrès accomplis par Bangui au cours de la période à l’examen, a déclaré le Secrétaire général adjoint.  Le Président Touadéra, a-t-il dit, a poursuivi la mise en œuvre de sa « vision nationale », notamment pour engager les groupes armés dans un dialogue formel sur le lancement du programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, dialogue dont la prochaine échéance est fixée au 12 octobre, avec la toute première réunion du Comité consultatif de suivi.

Les représentants de 11 des 14 groupes armés seront au rendez-vous, s’est félicité M. Ladsous.  Les trois ayant décliné sont le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FRPC); Retour, réclamation et réhabilitation (3R); et la faction Mokom des anti-balaka. 

À la MINUSCA, qui multiplie les efforts de sensibilisation à l’appui de ce dialogue, des représentants de l’ex-Séléka ont répondu favorablement, réitérant leur engagement en faveur d’une paix durable, tout en notant les préoccupations quant à l’engagement du Gouvernement en faveur de « solutions inclusives ».  Selon M. Ladsous, le rassemblement récent, dans la localité de Bria, de factions de l’ex-Séléka peut être interprété comme un effort de certains groupes armés pour consolider leur position commune dans le cadre des négociations avec le Gouvernement, a-t-il estimé.

À la lumière de ces éléments, la communauté internationale ne peut se désolidariser de la République centrafricaine, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, en appelant le Conseil de sécurité à obtenir des États Membres, y compris les bailleurs de fonds « non traditionnels », leur participation à la Conférence des donateurs organisée à Bruxelles le 17 novembre prochain, et où la délégation de l’ONU sera conduite par le Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson.

Dans cette perspective, le Cadre d’engagement mutuel supervisé par le Président permettra de renforcer la coopération entre la communauté internationale et la République centrafricaine, a jugé M. Ladsous.  La représentante de ce pays a toutefois prévenu que seule une amélioration des conditions de sécurité sur le terrain permettrait de goûter aux « fruits récoltés » à la Conférence de Bruxelles.

Pour sa délégation, il est indispensable d’assurer la mise en œuvre de la résolution 2301 (2016) du Conseil de sécurité, s’agissant en particulier des groupes armés non étatiques, « qui sèment la terreur sur tout le territoire », sous peine de compromettre la réalisation du programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement.

S’exprimant en sa qualité de Président de la formation République centrafricaine de la Commission de consolidation de la paix (CCP), le représentant du Maroc a encouragé bailleurs de fonds et parties prenantes à financer ce programme, mené conjointement par les autorités nationales et la MINUSCA, et à garantir le succès de la Conférence de Bruxelles.

Il a également salué l’engagement des pays de l’Union européenne et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) à former et entraîner des bataillons des forces armées nationales, dont dépend selon lui le succès de la réforme du secteur de la sécurité.

La réconciliation nationale dépendra aussi en grande partie de la lutte contre l’impunité.  Dans son rapport, le Secrétaire général considère comme une « priorité » l’établissement, dans le pays, d’une cour pénale spéciale chargée de juger des crimes graves commis pendant le conflit.  À cet égard, il salue l’engagement pris par le Gouvernement de nommer les magistrats, en particulier le Procureur spécial, « avant la fin de l’année ».  Partisans eux aussi de la lutte contre l’impunité, le Président de la formation République centrafricaine de la CCP et le représentant de l’Uruguay ont salué les mesures prises pour faciliter la création d’une telle juridiction.

 

*     S/2016/824
**    S/RES/2301 (2016)

 

 

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