7757e séance – matin
CS/12482

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires exhorte les États-Unis et la Russie à s’accorder sur un cessez-le-feu à Alep, « sommet de l’horreur » en Syrie

« Très en colère », « hanté » par l’image, qui a fait le tour du monde, d’Omran Daqneesh, cet enfant syrien de 5 ans extrait des décombres après un bombardement à Alep, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, a demandé ce matin, devant le Conseil de sécurité, l’instauration d’une pause humanitaire de 48 heures dans cette ville afin de venir en aide aux 275 000 personnes qui sont privées de toute aide. 

« J’appelle la Fédération de Russie et les États-Unis à parvenir rapidement à un accord sur les garanties sécuritaires et les modalités opérationnelles pour un cessez-le-feu à Alep et ailleurs », a déclaré M. O’Brien, qui a jugé qu’une telle pause était nécessaire pour éviter une catastrophe sans précédent dans cette ville devenue le « sommet de l’horreur », précisant que l’ONU pourrait acheminer de l’aide « dans les 48 à 72 prochaines heures » dès que le feu vert aura été donné.  

Si cet appel a été relayé par la plupart des délégations qui se sont exprimées, le représentant de la Russie a averti qu’une telle pause ne devra « pas être utilisée par les membres de l’opposition pour se regrouper et se réorganiser ».  Cette séance du Conseil a également été marquée par les échanges très vifs entre les délégués de la Syrie et de la France, le premier reprochant au second « son illettrisme politique » sur la situation dans son pays.

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, qui présentait le dernier rapport* du Secrétaire général en application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014) et 2258 (2015), a tout d’abord indiqué que les souffrances du peuple syrien étaient la réalité de ce qui est en jeu au sein de ce Conseil, et non pas les considérations politiciennes, les postures et les jeux de pouvoir.  « La seule chose dont nous avons besoin est que les armes se taisent. »  Il a précisé que la pause demandée n’était pas une tactique de négociation mais le moyen permettant aux camions de l’ONU de faire le voyage périlleux à Alep.

M. O’Brien a salué l’annonce de la Fédération de Russie du 18 août de son soutien à une pause de 48 heures et estimé qu’une durée inférieure ne permettrait pas de répondre à l’ampleur des besoins.  « L’ONU doit être chef de file des efforts humanitaires pour assister tous ceux qui sont dans le besoin », a également affirmé le Coordonnateur des secours d’urgence.  Il a précisé que l’ONU était prête à dépêcher 50 camions d’aide humanitaire depuis l’ouest vers l’est de la ville dès que les garanties sécuritaires nécessaires auront été reçues.

L’ONU est engagée dans une véritable course contre la montre à Alep, a affirmé le Coordonnateur des secours d’urgence, qui a regretté que pas un seul camion interagences ne se soit mis en route en août.  Enfin, se disant très en colère devant la situation en Syrie, M. O’Brien a appelé les membres du Conseil à mettre leurs différences de côté afin de mettre un terme à cette « honte humanitaire, une fois pour toute ».  La plupart des délégués, dont ceux du Japon, de la Chine et de l’Angola, ont appuyé son appel et exhorté les États-Unis et la Fédération de Russie, coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie, à œuvrer dans ce sens.

« Une pause de 48 heures à Alep, que semble soutenir la Russie, pourrait constituer une étape majeure en faveur d’un changement concernant la ville », a déclaré le délégué du Japon.  Les délégations, à l’instar de celle de l’Uruguay, ont également insisté sur l’importance d’une solution politique en Syrie qui seule permettra de ramener la paix en Syrie.  De son côté, la représentante des États-Unis a appelé tous les groupes armés à appuyer cette proposition.

Une telle pause n’est pas une solution, a-t-elle tempéré, en soulignant la nécessité d’œuvrer à la consolidation de la cessation des hostilités.  Elle a également déploré que « le régime d’Assad », appuyé par la Fédération de Russie, continue de privilégier une solution militaire.  

« La Russie doit utiliser son influence sur le régime pour qu’il cesse ses attaques sur les civils syriens », a déclaré son homologue du Royaume-Uni.  Il a également mentionné certaines accusations brandies contre la Russie, selon lesquelles ce pays aurait utilisé des bombes incendiaires dans des espaces urbains.

« La situation humanitaire qui prévaut en Syrie ne pourra être résolue que par des accords politiques », a affirmé le représentant russe, ajoutant que le Gouvernement syrien tentait de faire vivre au mieux sa population.  Il a également reproché à certains membres du Conseil de sécurité de « ne pas être honnêtes » et d’accuser les forces russes d’exactions en omettant elles de leurs propres forces ou de leurs alliés.  Citant notamment les États-Unis, le représentant a invité ses collègues occidentaux à examiner leurs propres agissements et ceux de leurs protégés.

Un point de vue partagé par le délégué de la Syrie qui s’en ait pris à la « prétendue coalition autoproclamée », qui n’a pas demandé à son gouvernement le droit d’intervenir sur son territoire.  Les principaux responsables des souffrances du peuples syrien sont les États qui se prétendent ses « amis », a-t-il dit.  Il a également accusé le représentant de la France d’être « illettré politiquement » et rappelé l’hostilité de la France envers son pays depuis des décennies.  « Nous ne souhaitons pas revenir sur les élucubrations grotesques et dérisoires du représentant de la Syrie », a répondu le délégué français. 

* S/2016/714

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Rapport du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014) et 2258 (2015) du Conseil de sécurité (S/2016/714)

Déclarations

M. STEPHEN O’BRIEN, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a évoqué l’image troublante qui a fait le tour du monde, d’Omran Daqneesh, un enfant syrien de 5 ans qui venait d’être extrait des décombres après un bombardement.  C’est la réalité de ce qui est en jeu au sein de ce Conseil, et non pas les considérations politiciennes, les postures et les jeux de pouvoir, a-t-il dit.  « La seule chose dont nous avons besoin est que les armes se taisent. »

Il a rappelé qu’Alep était bombardée chaque jour, avant de rendre hommage à Khaled Omar Harrah, l’un des 130 Casques blancs à avoir perdu la vie depuis 2013 en Syrie.  « Alep est devenue le sommet de l’horreur », a-t-il dit, ajoutant que 275 000 personnes dans l’est de la ville étaient privées de toute aide humanitaire. 

M. O’Brien a indiqué que l’ONU avait développé un plan de réponse opérationnel et était prête à envoyer des camions chargés d’articles de première nécessité à Alep si la sécurité était assurée.  Il a réitéré son appel pour une pause dans les combats d’au moins 48 heures pour porter assistance à ceux qui sont dans le besoin.  Ce n’est pas une tactique de négociation, c’est ce dont nous avons besoin pour ramener la confiance parmi nos conducteurs pour qu’ils sautent dans leurs camions et fassent le voyage périlleux à Alep, a-t-il dit.

M. O’Brien a ainsi salué l’annonce de la Fédération de Russie du 18 août de son soutien à une pause de 48 heures.  Une pause d’une durée inférieure ne nous permettrait pas de répondre à l’ampleur des besoins, a-t-il dit.  Le Secrétaire général adjoint a précisé que toute pause devrait comprendre les assurances sécuritaires de toutes les parties au conflit.  L’ONU doit être chef de file des efforts humanitaires pour assister tous ceux qui sont dans le besoin, a-t-il affirmé.

M. O’Brien a dit qu’il travaillait avec toutes les parties pour que l’annonce russe se traduise par une pause complète.  Il a ensuite affirmé qu’il existait une route alternative vers l’ouest de la ville depuis la fermeture de la principale route d’accès au sud de la ville.  « Nous avons les stocks, nous avons identifié la route d’accès et sommes prêts à dépêcher 50 camions d’aide humanitaire depuis l’ouest vers l’est de la ville dès que nous aurons reçu les garanties sécuritaires nécessaires. »

Il a déclaré que l’ONU œuvrait pour envoyer 20 camions remplis de nourriture dans l’est de la ville à l’occasion de la première pause.  « Une fois que nous aurons reçu le feu vert, nous pourrons commencer à acheminer l’aide dans les 48 à 72 prochaines heures », a-t-il dit, ajoutant que les plans étaient en place mais qu’il fallait que toutes les parties fassent leur travail.

Affirmant que l’ONU était lancée dans une course contre la montre, M. O’Brien a rappelé qu’en juillet 44 attaques avaient été conduites contre des hôpitaux  en Syrie, dont 5 à l’est d’Alep.  Pas moins de 373 attaques contre 265 centres de soin ont été commises depuis l’adoption de la résolution 2139 (2014), a-t-il dit.  Si des améliorations avaient été constatées dans l’acheminement de l’aide, il a précisé que pour le mois d’août, l’ONU s’était vu refuser un accès à plus de la moitié des bénéficiaires escomptés de son plan humanitaire. 

Il a également affirmé que pas un seul camion interagences ne s’était mis en route en août.  Le Secrétaire général adjoint a précisé que le plan interagences pour le mois de septembre, qui vise à atteindre 1,19 million de personnes dans 34 zones difficiles d’accès ou assiégées, a été soumis aux autorités syriennes.  M. O’Brien a souligné la nécessité de procéder à des évacuations médicales dans toutes les zones assiégées, ajoutant que ces évacuations étaient un enjeu d’une humanité élémentaire, non pas un enjeu politique ou militaire.

Qualifiant la crise syrienne de « la plus grave crise de notre époque », le Secrétaire général adjoint a détaillé les horreurs indicibles subies par le peuple syrien et jugé glaçant que ce niveau de souffrance ait pu être toléré avec une intervention internationale minimale.  « Le Conseil ne peut pas détourner les yeux », a-t-il déclaré, en appelant ce dernier à assurer la pleine application de ses résolutions.

Il a estimé qu’une catastrophe humanitaire sans précédent pourrait survenir à Alep et a souligné la nécessité d’une pause dans les combats de 48 heures approuvée par toutes les parties.  « J’appelle tous les États Membres, tous les États Membres ayant une influence, en particulier les deux coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie, la Russie et les États-Unis, à parvenir rapidement à un accord sur les garanties sécuritaires et les modalités opérationnelles pour un cessez-le-feu à Alep et ailleurs », a-t-il dit, précisant qu’un tel accord pourrait faciliter l’instauration d’un environnement favorable à une reprise des pourparlers intra-syriens.

En conclusion, avouant être en « colère, très en colère », M. O’Brien a dit que la situation en Syrie était un outrage pour la conscience de chaque être humain et qu’elle était un échec des efforts politiques.  « Vous savez cela en tant que membres de ce Conseil », a-t-il dit, en les appelant à mettre leurs différences de côté pour mettre un terme à cette « honte humanitaire, une fois pour toute ».

Mme CAROLYN SCHWALGER (Nouvelle-Zélande) a annoncé qu’avec l’Égypte et l’Espagne, son pays jugeait nécessaire de lancer un appel public à toutes les parties concernées afin qu’elles permettent une amélioration de la situation humanitaire en levant immédiatement les sièges et en permettant un accès de l’assistance humanitaire dans tout le pays.  Toutes les initiatives prises doivent être conformes aux principes humanitaires.  La Nouvelle-Zélande prend note de la proposition de la Fédération de Russie. 

Le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, est injustifiable, a rappelé la représentante.  Daech et le Front al-Nostra ont été définis comme des groupes terroristes par la communauté internationale et celle-ci doit tout faire pour empêcher que des moyens parviennent à ces groupes.  La Nouvelle-Zélande condamne toutes les attaques contre les installations médicales.  La situation humanitaire continuera de se détériorer si on ne parvient pas à enclencher un processus politique.  La Nouvelle-Zélande est déçue qu’il n’ait pas été possible au Conseil de se mettre d’accord sur une déclaration reprenant ces différents aspects.

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a salué les travailleurs humanitaires qui font de leur mieux à Alep et en Syrie.  Il a rappelé qu’on cite beaucoup de chiffres sur la Syrie mais qu’il faudrait surtout en citer un: zéro, soit le nombre des convois humanitaires parvenus à destination ce mois-ci, que ce soit à Alep ou ailleurs, alors que les hôpitaux d’Alep sont directement visés, et ceci avec zéro justification. 

M. RYCROFT a rappelé qu’une organisation non gouvernementale comme Human Rights Watch avait accusé la Russie d’utiliser à de nombreuses reprises des bombes incendiaires dans des espaces urbains.  La Russie doit aussi utiliser son influence sur le régime pour qu’il cesse ses attaques sur les civils syriens.  Le représentant a également noté une reprise des attaques utilisant des armes chimiques, totalement inexcusables. 

Le Conseil de sécurité entendra plus tard ce mois un exposé sur les armes chimiques et doit être prêt à prendre de nouvelles mesures, a ajouté le représentant.  Il faut arrêter les attaques aveugles sur les civils et celles, ciblées, sur les travailleurs humanitaires, ensuite permettre un accès de l’assistance humanitaire et enfin reprendre les discussions politiques, a poursuivi le représentant, qui a pris note des déclarations faites ces derniers jours par la Fédération de Russie.

Les chiffres ne montrent pas le véritable impact humain du conflit, a encore rappelé le représentant, qui a cité l’enfant Omran Daqneesh comme étant devenu le visage humain du conflit syrien, tout en rappelant que quelque 13,5 millions de Syriens avaient eux aussi besoin de cette assistance humanitaire.  

M. ALEXIS LAMAK (France) a déclaré que le Conseil se réunissait aujourd’hui en séance publique pour que la situation humanitaire en Syrie reçoive l’attention qu’elle mérite.  Il a jugé le constat dressé par M. O’Brien « accablant » et a estimé qu’Alep avait rejoint la liste des villes assiégées par le régime avec les mêmes méthodes, dont la constance n’a d’égal que le caractère insoutenable. 

M. Lamak a accusé le régime syrien de chercher à anéantir l’espoir apparu en février dernier avec la cessation des hostilités et de n’avoir jamais renoncé à précipiter la ville dans un chaos humanitaire d’une ampleur inédite, mais d’avoir feint de donner son accord à la cessation des hostilités pour dissimuler une stratégie exclusivement militaire.  Alep ne doit pas être la nouvelle Homs, a ajouté le représentant français, pour qui le Conseil de sécurité doit enrayer la logique militaire aujourd’hui à l’œuvre.

Ailleurs en Syrie, la situation n’est guère plus soutenable, a poursuivi le représentant français, qui a rappelé que l’accès humanitaire était entravé à Deraa, Deraya ou Madaya.  Il a affirmé que, de l’avis même du Secrétaire général, le plan humanitaire des Nations Unies pour le mois d’août est un échec grave.  Le bilan de juillet est tout aussi décevant. 

M. Lamak a souligné que c’est le 22 décembre 2015 que le Conseil a adopté la résolution 2258 (2015), dans laquelle il exigeait que toutes les parties s’acquittent sans délai de leurs obligations au regard du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Or, depuis cette date, après une brève interruption, la violence a monté d’un cran. 

Le représentant a également fait état de la réunion publique du Conseil du 4 mai consacrée à Alep, ainsi que de la réunion sous formule Arria organisée le 8 août et de la dénonciation par des médecins de la pratique scandaleuse de ciblage des installations médicales.

Pour la France, le droit international humanitaire et les principes de l’assistance humanitaire ne sont pas négociables et l’instauration de pauses humanitaires hebdomadaires est un strict minimum qui aurait dû être mis en œuvre plus tôt.  De même, la cessation durable des hostilités est essentielle et urgente à l’échelle du pays.  Elle seule permettra des négociations politiques crédibles.

La France rappelle que seule une solution politique permettra de ramener la stabilité et de tarir durablement la source de la radicalisation.  Elle appelle donc à nouveau à la mise en place d’un processus politique ouvert conduit par les Syriens et répondant aux aspirations légitimes du peuple syrien, comme le demande la résolution 2254 (2015).  Elle insiste enfin pour que les soutiens du régime œuvrent dans le sens des engagements collectivement pris par le Conseil.

Mme CRISTINA CARRIÓN (Uruguay) a condamné les attaques perpétrées contre les centres de soins en Syrie « peu importe leurs auteurs » et qualifié la crise syrienne de pire catastrophe humanitaire de notre temps.  Elle a appuyé l’idée d’une pause humanitaire hebdomadaire de 48 heures et regretté qu’aucun camion humanitaire de l’ONU n’ait pu se mettre en route en août.  « C’est un échec du Conseil », a-t-elle dit. 

Elle a appelé les parties au conflit et les parties ayant de l’influence à œuvrer afin de garantir un accès humanitaire immédiat à Alep et ailleurs.  « Il faut consolider la cessation des hostilités et créer les conditions propices pour un acheminement de l’aide humanitaire et la recherche d’une solution politique », a affirmé Mme Carrion.  Elle a souligné l’urgence de telles actions et précisé que seule une solution politique permettra de ramener la paix en Syrie.  En conclusion, elle a appuyé sans réserve les efforts de l’Envoyé spécial.

M. JUAN MANUEL GONZÁLEZ DE LINARES PALOU (Espagne) a souligné la nécessité pour la population d’Alep de recevoir une aide humanitaire de toute urgence et demandé la cessation des attaques contre les centres de soin.  Il a demandé la mise en œuvre des recommandations du Secrétaire général concernant la protection du personnel de santé.  « Les mots manquent pour décrire les souffrances du peuple syrien », a-t-il dit, en demandant des pauses humanitaires de 48 heures à Alep.

Il a appelé le Groupe international de soutien pour la Syrie à œuvrer dans ce sens.  Le délégué de l’Espagne a appelé à une reprise des pourparlers entre les parties en Syrie afin de mettre un terme au conflit.  Les obligations des parties en droit humanitaire sont indépendantes de toute autre considération, a-t-il affirmé.  Enfin, le représentant a appuyé les efforts des deux coprésidents du Groupe international de soutien précité.

M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a estimé que le rapport présenté ce jour offrait peu de raisons d’espérer, ajoutant que l’image du petit Omran Daqneesh, victime d’un bombardement « des Syriens et des Russes » était une cause de honte pour tous.  Il a relevé que le nombre de personnes vivant dans des zones assiégées ne faisait qu’augmenter et s’est dit alarmé par les rapports faisant état de l’utilisation de certaines armes très destructrices par les forces russes lors des bombardements.

Il s’est également dit inquiet par l’utilisation par la Russie de certaines armes à partir d’une base proche de la Syrie.  Il a demandé à toutes les parties de laisser le libre accès aux travailleurs humanitaires et a appuyé les efforts des Nations Unies pour obtenir des pauses humanitaires de 48 heures, lesquelles ne devraient pas permettre aux forces syriennes de regrouper leurs forces.

M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a jugé fondamental que les membres du Groupe international de soutien pour la Syrie et du Conseil de sécurité redoublent d’efforts pour obtenir des différentes parties au conflit une pause humanitaire substantielle qui permettent d’apporter l’assistance humanitaire partout où elle est nécessaire et notamment à Alep.  Une telle pause permettrait aussi d’ouvrir la voie à un dialogue politique constructif.  L’Angola soutient la proposition de couloirs humanitaires.

M. YOSHIFUMI OKAMURA (Japon) a rappelé qu’en décembre dernier le Conseil avait été unanime pour adopter la résolution 2254 (2015) par laquelle il exprimait son espoir face aux progrès du processus politique, puis avait adopté en février la résolution 2268 (2016) par laquelle il faisait sienne la cessation des hostilités.

Il est difficile aujourd’hui de croire qu’il y a seulement six mois on discutait de l’arrêt des hostilités dans l’ensemble de la Syrie, a ajouté le représentant, qui a constaté une situation « terriblement différente » aujourd’hui et s’est dit troublé de la manière dont la situation s’était détériorée dans l’ensemble de la Syrie.  Le représentant a exhorté toutes les parties influentes à jouer leur rôle afin que la catastrophe humanitaire cesse.  

Il a félicité les coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie et a incité toutes les parties à poursuivre leurs efforts.  Le Japon exprime en outre sa gratitude aux employés des Nations Unies et des organisations non gouvernementales qui risquent leur vie sur le terrain pour aider le peuple syrien.

Le représentant a estimé qu’une pause de 48 heures à Alep, que semble soutenir la Russie, pourrait constituer une « étape majeure » en faveur d’un changement concernant la ville.  Il a souhaité que les forces de l’opposition armée soutiennent elles aussi cette pause, afin que les acteurs humanitaires puissent accéder sans risque à la ville.  La communauté internationale observe la capacité du Conseil de sécurité et du Groupe international de soutien à améliorer la situation sur le terrain.

La situation à Alep et dans les autres villes assiégées requerra l’attention du Conseil de sécurité pour quelque temps encore, a poursuivi le représentant.  

Toutefois, une fois qu’un cessez-le-feu aura été accepté pour l’ensemble du pays, il faudra, parallèlement à la recherche d’une solution politique, veiller à assurer le relèvement et à renforcer la résilience de la société syrienne.  Plus encore, il faudra apporter les moyens de subsistance et reconstruire son tissu social.  La communauté internationale doit investir dans la résilience de la société syrienne afin de prévenir de futures crises.

M. WILMER ALFONZO MÉNDEZ GRATEROL (Venezuela) a salué le travail du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) qui fournit une aide à 200 000 enfants dans les zones difficiles d’accès en Syrie.  Le traitement de la question humanitaire doit éviter toute politisation, a-t-il affirmé.  Le délégué a espéré que la Russie et les États-Unis aboutiront à des éléments communs en vue de parvenir à une paix durable dans le pays.

Les deux coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie doivent œuvrer pour appliquer les résolutions du Conseil, a-t-il dit, en appuyant l’idée d’une pause humanitaire de 48 heures.  Il a demandé la levée du siège d’Alep, avant de rendre hommage aux travailleurs humanitaires.  

Le délégué a condamné les attaques contre les centres de soin et les infrastructures civiles, lesquelles ont perduré malgré l’adoption des résolutions du Conseil.  Il a ensuite condamné les violations des droits de l’homme commises par Daech dans les zones placées sous son contrôle.  Enfin, le représentant du Venezuela a résolument appuyé les efforts de l’Envoyé spécial.

Mme MICHELE SISON (États-Unis) a affirmé que le monde avait été ébranlé par le visage d’Omran Daqneesh.  Ce qui était le plus troublant était son silence, a-t-elle dit.  « Réfléchissez à quel point il a dû être traumatisé pour ne pas émettre un seul son. »  Elle a précisé que son grand frère avait trouvé la mort à la suite d’une frappe du « régime d’Assad », avec le soutien de la Russie.  

La déléguée a expliqué que des attaques au napalm étaient conduites par la Russie dans la zone assiégée de Daraya.  La terrible attaque chimique de la Ghouta s’est déroulée il y a trois ans jour pour jour et mon pays fera tout pour que ses auteurs soient poursuivis en justice, a-t-elle également rappelé.

Elle a ensuite condamné les tactiques terribles utilisées par le « régime d’Assad », avec l’appui de la Russie.  Ce régime a empêché l’envoi de camions humanitaires dans l’est d’Alep, a-t-elle dit.  Elle a ensuite condamné toutes les parties au conflit qui usent de tactiques de siège.  Pas moins de « 68% de la population vivant dans une zone assiégée vit dans une zone assiégée par le régime Assad appuyé par la Russie », a précisé la déléguée américaine.

Elle a rappelé l’annonce par la Russie de son soutien à une pause humanitaire de 48 heures à Alep et espéré qu’une telle pause permettra un répit dans les frappes.  Tous les groupes armés doivent appuyer la proposition d’une telle pause, a-t-elle dit.  Elle a affirmé qu’une telle pause n’était pas une solution et qu’il fallait œuvrer à la consolidation de la cessation des hostilités.

Un autre élément clef qui empêche la concrétisation d’un tel objectif est la destruction des centres de soin perpétrée par le régime d’Assad, a-t-elle dit.  Elle a précisé que cinq des neuf hôpitaux dans l’est de la ville d’Alep avaient été frappés et que seuls 35 médecins étaient sur place.  « Le régime d’Assad doit reconnaitre qu’il n’y a pas de solution militaire et la Russie doit user de son influence pour aboutir à la cessation des hostilités », a-t-elle dit.

En conclusion, la représentante des États-Unis a souligné la nécessité de faire preuve de bonne foi dans la conduite des négociations et déploré que le « régime d’Assad » continue de privilégier une solution militaire.

M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a dit vouloir commencer son intervention là où M. O’Brien avait achevé la sienne.  On ne peut qu’être d’accord avec ce dernier quand il dit que la situation actuelle en Syrie est la conséquence directe d’un échec politique, a ainsi déclaré le représentant.  Le représentant a ensuite insisté sur la complexité de la situation en Syrie, ajoutant que le Gouvernement tentait de faire vivre au mieux sa population.  

La Russie continue pour sa part d’apporter une aide humanitaire, a ajouté le représentant.  La Fédération de Russie est aussi favorable à des pauses humanitaires mais estime que celles-ci ne doivent être utilisées par les membres de l’opposition pour se regrouper et se réorganiser militairement, comme c’est arrivé dans le passé.  

Pour la Fédération de Russie, il est évident qu’il ne sera pas possible de changer radicalement la situation militaire en Syrie sans lutter contre le terrorisme.  Or, il existe un problème de démarcation entre l’opposition modérée et des organisations terroristes comme al-Nosra, même si ce groupe a changé de nom.  La lutte contre le terrorisme ne doit pas empêcher l’accès de l’assistance humanitaire, a poursuivi le représentant, qui a rappelé qu’il existait actuellement six couloirs de ce type.  Mais l’assistance humanitaire ne doit pas tomber dans les mains des terroristes, ajouté M. Churkin.

La situation humanitaire qui prévaut en Syrie ne pourra être résolue que par des accords politiques, a ajouté le représentant, qui a toutefois estimé qu’elle n’était pas très différente de celle qui prévaut en Libye ou au Yémen, alors que certaines capitales ne traitent pas ces situations de la même manière. 

Le représentant a aussi reproché à certains membres du Conseil de sécurité de « ne pas être honnêtes » et d’accuser les forces russes d’exactions en omettant elles de leurs propres forces ou de leurs alliés.  Citant notamment les États-Unis, il a invité ses collègues occidentaux à examiner leurs propres agissements et ceux de leurs protégés.  Il faut redoubler d’efforts pour amener les différentes parties à discuter sur la base des documents internationaux existants, sans quoi il ne sera pas possible de faire des progrès contre le terrorisme ni d’améliorer la situation humanitaire, a conclu le représentant .

M. FODÉ SECK (Sénégal) a estimé que cette réunion permettait de se pencher une nouvelle fois, au-delà de la situation humanitaire, sur la question du processus politique, qui semble être sérieusement compromise, du fait notamment des affrontements entre forces gouvernementales et opposition armées dans plusieurs régions.  Soulignant la situation humanitaire désastreuse qui prévaut à Alep mais aussi la dégradation de la situation humanitaire à Lattaquieh et ailleurs, le représentant a rappelé aux parties leurs obligations en matière de respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme.

Le Sénégal salue tous les efforts en cours, y compris ceux de la Fédération de Russie et rappelle son soutien à la proposition de pauses humanitaires de 48 heures.  Il appelle donc le Groupe international de soutien pour la Syrie à tout faire pour obtenir l’accord du Gouvernement syrien en faveur de ces pauses.

Il souhaite aussi que les Nations Unies puissent bénéficier d’une autorisation permanente d’accès aux populations dans le besoin et dénonce la pratique qui consiste pour les forces syriennes à continuer de retirer les kits médicaux des convois humanitaires.  Le représentant a en outre salué l’action des travailleurs humanitaires en Syrie, y compris dans le cadre de campagnes de vaccinations.

En conclusion, le représentant a souhaité une action décisive qui permette de mettre fin à la crise syrienne et aux populations déplacées de retourner chez elles.  La crise humanitaire n’est que le symptôme de l’échec du processus politique, a-t-il encore insisté.

M. WU HAITAO (Chine) s’est félicité de l’appui de la Fédération de Russie pour une pause humanitaire de 48 heures et a salué les efforts déployés par le Groupe international de soutien pour la Syrie.  Soulignant la difficulté du travail des agences humanitaires à Alep, il a indiqué que la Chine œuvrait à atténuer la crise humanitaire en Syrie en fournissant notamment des articles de première nécessité.

La recherche d’une solution politique est la seule voie possible en Syrie et la communauté internationale doit rester engagée pour faire avancer un tel processus, a-t-il dit.  Le délégué a également souligné la nécessité que cette solution soit acceptable par toutes les parties.  

En conclusion, le représentant de la Chine a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour lutter contre tous les groupes terroristes que le Conseil de sécurité aura désignés comme tels.

Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) s’est dit horrifiée par l’image du visage hébété d’Omran Daqneesh qui est devenu le symbole de ce conflit.  C’est une image indicible, a-t-elle dit.  Elle a déploré le fait que le Conseil de sécurité ne se soit pas encore prononcé pour une pause humanitaire à Alep alors que cela fait deux mois que cela lui est demandé.  S’étonnant du silence persistant de ce Conseil, elle a jugé qu’une réponse immédiate appuyant une telle pause aurait été préférable.

Elle s’est néanmoins félicitée de l’appui de la Fédération de Russie à une pause de 48 heures.  « Il faut mettre de côté nos divergences et entériner cette pause qui pourrait commencer dès cette semaine », a-t-elle dit, en espérant que ces pauses deviennent durables.  La déléguée de la Malaisie a également appelé les signataires de l’accord de cessez-le-feu à assumer leurs responsabilités.  

Enfin, elle a résolument appuyé les efforts de l’Envoyé spécial en vue d’une reprise du dialogue intra-syrien.  « Nous devons tout faire pour mettre un terme aux souffrances du peuple syrien. »

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a d’abord rejeté toute responsabilité du bombardement à Alep.  Il a rappelé que le petit Omran était un enfant syrien, qui avait des rêves et souffrait, comme tous les enfants syriens.  Le représentant a également cité divers incidents sanglants qu’il a attribués à la coalition internationale, notamment le bombardement, le 30 avril 2014, d’un centre de Raqqa pour des enfants sourds-muets, celui, le 12 juillet 2016, de Deir ez-Zor et un bombardement par la France qui aurait tué 180 civils, dont de nombreux femmes et enfants.

Toutes ces victimes, sont des Syriens, a rappelé le représentant, qui a parlé d’une « guerre terroriste » imposée à son pays, avant de s’en prendre longuement à la « prétendue coalition autoproclamée », qui n’a pas demandé au Gouvernement syrien le droit d’intervenir sur son territoire, ce qui constitue une violation flagrante de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la Syrie, en violation du droit international et des principes des Nations Unies. 

Pour le représentant, les principaux responsables des souffrances des peuples syriens sont les États qui se prétendent les « amis » de ce dernier.  Il les a accusés d’avoir formé et financé des milliers de terroristes, d’avoir tenté de les légitimer en les qualifiant d’« opposition armée » ou « opposition modérée », voire « opposition légitime syrienne ».  Peut-être parlera-t-on bientôt d’« anges armés », a ironisé le représentant. 

M. Ja’afari a affirmé qu’Alep (Halab) avait été stable pendant plus d’un an avant que certains de ces groupes terroristes présentés comme une opposition modérée n’y commettent de multiples exactions et destructions, sans omettre les pillages d’œuvres anciennes transférées en Turquie.  Le représentant a affirmé que les personnes qui fuyaient la ville fuyaient vers les territoires contrôlés par le Gouvernement syrien, ajoutant que ce dernier –et non OCHA- fournit 75% de l’aide humanitaire dans le pays.  

Il a rappelé qu’en juillet, le Gouvernement avait offert une amnistie générale aux opposants à Alep, ajoutant que des centaines de familles avaient ainsi pu quitter la ville grâce à des couloirs humanitaires.  Le représentant a ensuite dénoncé les rapports du Secrétariat des Nations Unies, accusant ces dernières de se fonder sur des sources non vérifiées et de se livrer à la désinformation.

Pour le représentant, la solution à la crise en Syrie doit être politique et recherchée dans le cadre d’un dialogue entre seuls Syriens, sans intervention étrangères, en parallèle avec la lutte contre le terrorisme, lequel doit être éliminé.

Le délégué de la France n’a pas voulu revenir sur les « élucubrations grotesques et dérisoires du représentant de la Syrie ».  Nous aurions aimé que ce dernier nous parle plutôt du sujet qui nous occupe aujourd’hui et notamment de l’établissement de pauses humanitaires, a-t-il déclaré.

Le délégué de la République arabe syrienne a affirmé que ce que le représentant de la France décrit comme absurde s’appliquait en réalité à la lettre à la politique suivie par les Présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande.  « Je ne vais pas parler de régime français parce que je suis un diplomate et qu’il s’agirait d’un propos indigne de cette enceinte ».  Il a affirmé que la France était hostile à son pays depuis des décennies.  « Nous n’oublierons jamais la période coloniale qui s’est ouverte au lendemain des accords Sykes-Picot. »

Le représentant de la France n’a pas écouté un mot de mon intervention s’il prétend que je n’ai pas parlé dans mon intervention de la situation humanitaire en Syrie », a-t-il affirmé, ajoutant que « le dernier des diplomates s’en serait rendu compte ».  Il a déploré qu’un membre permanent de ce Conseil s’exprime sans aucun lien avec le sujet d’aujourd’hui « comme s’il était illettré politiquement ».  « Les jeux sont terminés et les masques doivent tomber », a-t-il poursuivi.  

Il a affirmé que les opinions publiques du monde entier, en France comme aux États-Unis, savent combien sont erronées les politiques suivies en Syrie.  « Jusqu’à quand allez-vous continuer à détruire des États Membres? » a demandé le délégué, en rappelant que le Viet Nam, l’Iraq et la Libye avaient été détruits « sur la base de mensonges ». 

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