7721e séance – matin
CS/12410

Le Yémen est sur la voie d’un accord, se réjouit l’Envoyé spécial de l’ONU, en avertissant que « chaque jour de retard prolonge inutilement l’agonie du pays »

Alors que les négociations de paix, entre le Gouvernement yéménite et les Houthistes, entamées le 21 avril dernier, ont donné des signes d’espoir, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed, a déclaré, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que « le Yémen est sur la voie d’un accord, et que chaque jour de retard prolonge inutilement l’agonie du pays ».

M. Cheikh Ahmed, qui s’exprimait par vidéoconférence depuis Koweït City, a en outre déploré la détérioration dangereuse de l’économie du pays, le déclin sévère des conditions de vie des populations, ou encore la situation humanitaire alarmante qui fait craindre une catastrophe humanitaire imminente si la situation actuelle continue de se détériorer.

L’Envoyé spécial a indiqué que deux mois après le début des pourparlers de paix, caractérisés par un esprit positif par moments, et parfois par une certaine appréhension, des progrès ont été faits dans certaines situations et des efforts supplémentaires sont nécessaires dans d’autres domaines.

Il a rappelé que les parties avaient, de manière unanime, reconnu la nécessité de parvenir à une solution pacifique pour mettre fin au conflit au Yémen.  Des prisonniers de guerre ont été échangés, y compris des enfants, et la cessation des hostilités à faciliter l’accès à l’aide humanitaire.

Après les échanges de vue entre les parties, l’Envoyé spécial a présenté une feuille de route étalant un plan pratique pour mettre fin au conflit, avec notamment la proposition de former un gouvernement d’unité nationale en vue d’assurer des services de base et relancer l’économie du pays.  Ce gouvernement devrait également établir un dialogue politique qui permettrait, a-t-il expliqué, d’explorer les moyens d’assurer une participation plus active du sud à la consolidation de la paix du pays.

Il a affirmé que les délégations avaient répondu à ses propositions de manière positive, tout en précisant qu’aucun accord n’a encore été trouvé sur la réalisation des différentes étapes prévues par la feuille de route, telles que la date de création du gouvernement d’unité nationale.  Il a, de ce fait, invité les États de la région et ceux du Conseil de sécurité à encourager les délégations yéménites à surpasser leurs différences rapidement, à renforcer les points de convergence et démontrer leur bonne foi.  « Le Yémen est sur la voie d’un accord et chaque jour de retard prolonge inutilement l’agonie du pays », a-t-il averti.

Depuis la cessation des hostilités le 10 avril dernier, a-t-il poursuivi, la violence a baissé dans de nombreux endroits du pays, et le Comité de coordination et de désescalade, basé au Koweït, et les Conseils locaux de désengagement, ont continué de jouer un rôle important dans la désescalade de la violence et la réduction des violations de l’accord de cessation des hostilités.  Il a néanmoins regretté que leur tâche n’ait pas réussi à faire cesser les violations de l’Accord, et il a rappelé le bombardement du marché populaire de Taiz le 4 juin dernier, lequel a fait 18 morts et des dizaines de blessés.

Pour soutenir la cessation des hostilités, l’Envoyé spécial a indiqué que son bureau avait pris des initiatives visant l’organisation d’ateliers de formation pour renforcer les capacités des membres des Conseils locaux de désengagement issus de plusieurs gouvernorats du pays.  Ces formations devraient s’intensifier au cours des prochaines semaines, afin de pouvoir atteindre tous les membres desdits Conseils, a-t-il assuré.

M. Ismail Ould Cheikh Ahmed a ensuite rappelé que le Premier Ministre yéménite, M. Ahmed Ben Dagher, et les membres de son cabinet étaient retournés à Aden le 4 juin dernier pour renforcer la stabilité et la sécurité dans le pays.  Il a souligné le « déclin sévère des conditions de vie des populations du pays », en faisant observer que l’échec de la délivrance des services de base au cours de l’année dernière avait eu un impact dévastateur.  Il a ajouté que les températures élevées et le manque de courant électrique à Aden, Hadayda et ailleurs avaient exacerbé la crise sanitaire dans ces régions et contribué à causer des morts qui auraient pu être évitées.  Il a, dans ce contexte, salué les efforts consentis par les Émirats arabes unis pour fournir du carburant et de l’électricité d’urgence à Aden.

Sur le plan économique, il a noté qu’au cours des derniers mois, l’économie du Yémen avait connu une détérioration dangereuse.  Depuis le début de cette année, a-t-il fait remarquer, le produit intérieur brut du Yémen avait baissé de 30%.  Pour faire face à cette situation, la Banque centrale du pays a continué d’assurer les importations de produits de base tels que le riz, le blé et les médicaments.  Il a cependant reconnu qu’un tel soutien était difficile à mettre en œuvre au cours des prochaines semaines car, a-t-il dit, cela affaiblirait les conditions de vie des Yéménites, notamment les groupes vulnérables.  Pour y remédier, le bureau de l’Envoyé spécial, en coordination avec le Gouvernement, la Banque centrale et certains États Membres, œuvre à des solutions urgentes pour freiner cette rapide détérioration de la situation économique.  Par ailleurs, la situation humanitaire est alarmante et des rapports crédibles mettent en garde contre une catastrophe humanitaire imminente si la situation ne s’améliore pas. 

Il a par ailleurs salué la libération de prisonniers qui a eu lieu depuis le début du mois de ramadan.  Il a invité les parties à libérer immédiatement et sans condition tous les enfants détenus et les prisonniers vulnérables, notamment les personnes âgées, les malades et les blessés, ainsi que les groupes d’individus identifiés par la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité, à savoir le général de division et Ministre de la défense du Yémen, M. Mahmoud Al-Subaihi, tous les prisonniers politiques et toutes les personnes assignées à résidence ou détenues arbitrairement.

L’Envoyé spécial a ensuite déploré les persécutions dont sont victimes les civils, y compris les journalistes et les activistes de la société civile, et il a appelé les parties à y mettre un terme.  Il a également appelé les délégations en négociation, le Gouvernement, le Congrès populaire général et Ansar Allah (Houthistes), à finaliser les pourparlers au plus vite.  Il a reconnu que tout accord serait difficile à mettre en œuvre et il a annoncé qu’il allait soumettre à ces différentes parties, dans les prochains jours, une proposition écrite pour la prochaine période de discussion.  Les parties aux négociations doivent faire preuve de volonté politique et prévaloir l’intérêt national en faisant les concessions nécessaires visant la conclusion d’un accord global qui rétablira la sécurité du Yémen et de ses citoyens.

De son côté, le représentant du Yémen, M. Khaled Hussein Mohamed Alyemany, a indiqué que son gouvernement avait réitéré son appel pour une cessation des hostilités, tandis que l’autre partie continue de mener une guerre sans relâche.  Il a ainsi dénoncé l’agression menée par les milices houthistes et groupes favorables à l’ex-Président Saleh dans les provinces du sud, notamment dans la ville de Taiz, avant de nommer les généraux à la tête de ces forces qui devront un jour rendre des comptes pour leurs exactions.  

Le représentant du Yémen a également accusé les forces qui ont pris le contrôle de Sanaa de s’enrichir par la contrebande du pétrole.  Les rebelles ont relâché 52 éléments d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) qui purgeaient de longues peines, a-t-il dit, avant d’ajouter que ce fait confirmait les liens entre les milices houthistes et les groupes favorables à l’ex-Président Saleh et AQPA.  Il a assuré de la détermination de son gouvernement à lutter contre AQPA dans les provinces du sud du pays et demandé au Conseil de faire pression afin que le Ministre yéménite de la défense soit libéré, conformément aux dispositions de la résolution 2216 (2015).  Enfin, M. Alyemany a souligné l’engagement de son gouvernement en vue de l’instauration d’une paix durable, sur la base des pourparlers de Koweït, et remercié l’Arabie saoudite pour sa « position historique » favorable au Yémen.

M. Alyemany a ensuite assuré que les propositions du Gouvernement allaient dans le sens d’une paix durable.  Le délégué a affirmé que la feuille de route pour une sortie de crise au Yémen devrait notamment prévoir le retrait des milices houthistes et groupes favorables à l’ex-Président Saleh, l’abrogation de la déclaration constitutionnelle créant un Haut Comité révolutionnaire, la restauration de l’autorité de l’État sur tout le territoire et la tenue d’élections en vue de l’avènement d’un « nouveau Yémen ».

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