7719e séance – matin
CS/12406

Mali: le Conseil de sécurité invité à renforcer le mandat de la MINUSMA ainsi que ses capacités opérationnelles

Alors que le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) doit être renouvelé avant la fin du mois, le Conseil de sécurité a entendu ce matin le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission, ainsi que le Premier Ministre du Mali, M. Modibo Keita, qui ont tous deux plaidé pour un renforcement de son mandat et de ses capacités opérationnelles. 

Les deux intervenants ont, avec des nuances, largement souscrit aux constats et observations du rapport du Secrétaire général*.  Celui-ci estime qu’un an après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali par le Gouvernement malien et certains groupes armés, et trois ans après le début du déploiement de la MINUSMA, le Mali a « nettement progressé » vers la stabilité et que les réformes politiques et institutionnelles « offrent une occasion historique de régler durablement les problèmes liés à la gouvernance et à la sécurité », qui sont au cœur de la crise malienne depuis longtemps. 

Le Secrétaire général se dit toutefois préoccupé par la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord, qui a, estime-t-il, « fortement contribué » à la dégradation des conditions de sécurité dans le nord du pays.  Il est également très inquiet de la multiplication des attaques de groupes extrémistes et terroristes violents dans les régions de Mopti et de Ségou, qui témoignent d’une extension de l’insécurité vers le centre et le sud du pays. 

Compte tenu de l’évolution de la situation, le Secrétaire général recommande de proroger le mandat de la MINUSMA d’une autre année, soit jusqu’au 30 juin 2017, en renforçant son mandat et ses capacités opérationnelles. 

La MINUSMA devrait ainsi s’attacher en priorité à aider le Gouvernement à appliquer les principales dispositions de l’Accord, en particulier celles touchant au rétablissement et à l’extension progressive de l’autorité de l’État.  Elle devrait notamment continuer d’aider les parties à tenir les engagements pris dans l’accord de paix et de soutenir les efforts faits par le Gouvernement pour rétablir et étendre effectivement et progressivement l’autorité de l’État, notamment la mise en place d’administrations provisoires. 

Face à l’insécurité, le Secrétaire général propose aussi de « confirmer que la Mission est autorisée à prendre toutes les mesures nécessaires » pour être en mesure de s’acquitter des tâches relevant de son mandat et de protéger le personnel, les locaux, les installations et le matériel des Nations Unies.  Elle devrait également soutenir le redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes et les former. 

À cette fin, le Secrétaire général recommande un renforcement de la composante militaire de la MINUSMA, dont l’effectif autorisé passerait de 11 240 personnes à 13 289 personnes, soit une hausse de 18%.  Il estime que la Mission continue de manquer les moyens essentiels comme des d’hélicoptères d’attaque et des véhicules blindés. 

Il précise qu’en cas d’approbation, il demandera à l’Assemblée générale des ressources supplémentaires pour financer les opérations.  Actuellement, le projet de budget de la MINUSMA pour l’exercice allant du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, en cours d’examen par la Cinquième Commission, est de 945,5 millions de dollars (montant brut). 

Lors de son exposé, le premier devant le Conseil de sécurité depuis sa nomination le 15 janvier dernier, M. Annatif a estimé que la situation demeurait aussi préoccupante que lors de la visite du Conseil de sécurité au Mali les 4 et 5 mars derniers.  Comme le Secrétaire général, il a constaté que ni les signataires de l’Accord ni la médiation internationale n’étaient satisfaits du rythme d’exécution de sa mise en œuvre. 

Alors que l’Accord est un tout, le débat semble actuellement se réduire à la mise en place des administrations intérimaires, laquelle tarde à devenir effective, a également estimé le Représentant spécial, qui s’est toutefois félicité du compromis auquel sont parvenues les parties maliennes il y a deux jours.  Il a rappelé que la MINUSMA était pleinement engagée dans ce dossier, faisant constamment usage de ses bons offices. 

Mais si la mission est prête à appuyer la mise en œuvre immédiate des autorités intérimaires, c’est aux parties qu’incombe le devoir d’honorer leurs engagements, a rappelé M. Annatif.  « C’est à elles de faire de l’Accord de paix et de réconciliation une réalité. » 

La situation sécuritaire s’est « notablement dégradée » ces dernières semaines, s’est aussi alarmé le Représentant spécial.  Certes, c’est depuis son déploiement en 2013 que la MINUSMA détient le « triste palmarès de la mission des Nations Unies la plus meurtrière » parmi celles actuellement déployées.  Mais les événements des dernières semaines doivent nous interpeller, a ajouté M. Annatif, qui a rappelé que, de février à mai, 19 Casques bleus avaient été tués suite à des actions terroristes.  Or, pour le Représentant spécial, « il est indéniable que certaines pertes auraient pu être évitées » si les contingents des Nations Unies étaient mieux formés et mieux équipés, notamment en blindés. 

M. Annatif a également averti que l’attaque d’un convoi de la MINUSMA près de Mopti le 29 mai illustrait l’extension de la menace terroriste vers le centre et le sud du Mali.  La MINUSMA a pris depuis les récentes attaques un certain nombre de mesures pour être plus proactive et gagner en efficacité, a précisé le Représentant spécial, qui a toutefois dit « comprendre le scepticisme et la désillusion » qui animent certains esprits. 

Le Représentant spécial a néanmoins présenté des « signes d’espoir », du fait des avancées dans le processus de paix, même si elles sont lentes.  Il a ainsi cité le respect du cessez-le-feu par toutes les parties signataires de l’Accord de paix et de réconciliation, la poursuite des efforts consentis par le Gouvernement malien pour mettre en place un cadre juridique et institutionnel solide, et la mise en place de cantonnement qui doit permettre de lancer le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).  Il a vu dans ces éléments, parmi d’autres, « une base solide pour aller de l’avant ». 

Il a aussi noté que les Maliens, « même les plus sceptiques », s’approprient de plus en plus l’Accord.  « Il y a un an, les populations de Kidal manifestaient contre sa signature.  Aujourd’hui, les mêmes populations défilent dans les rues de Kidal, Gao et Tombouctou pour exiger sa mise en œuvre avec diligence », a-t-il affirmé. 

Mais M. Annatif a aussi insisté sur l’importance cruciale d’une confiance mutuelle entre les parties.  Plus on accumule de retard dans la mise en œuvre de l’Accord, plus on risque de voir le processus de paix se fragiliser davantage, a-t-il averti, en rappelant que la faiblesse de l’État malien dans le nord et l’absence d’un contrôle effectif du terrain par les autres parties là où elles sont présente ont favorisé la montée du terrorisme, du crime organisé, du banditisme et des tensions intercommunautaires.  

C’est pourquoi il a plaidé pour un renforcement du mandat et des moyens de la MINUSMA: « Une posture renforcée s’impose », a-t-il déclaré, en jugeant nécessaire d’« accroître les capacités de la force et de la police en termes de personnel, d’équipement et de couverture aérienne ».  L’absence de ces capacités, pourtant mainte fois sollicitées, a cruellement fait défaut et a entravé la Mission, a encore ajouté le Représentant spécial, qui a également demandé que le mandat autorise plus clairement la MINUSMA à mener des « opérations proactives et préventives » pour mieux protéger les civils et son personnel. 

Cela dit, pas plus qu’aucune autre opération de maintien de la paix, la MINUSMA ne pourra résoudre seule l’ensemble des défis sécuritaires du pays.  Il faut donc renforcer les Forces de sécurité maliennes, dont dépend le rétablissement de l’autorité de l’État. 

Il faut aussi inscrire cette problématique dans un contexte régional, dans lequel les différentes initiatives –Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), G-5 Sahel, Processus de Nouakchott– devraient jouer un rôle plus important.  La situation au Mali affecte en effet la région entière. 

Pour sa part, le Premier Ministre malien a présenté une vision plus optimiste de la situation politique.  Il a en particulier mis l’accent sur le fait qu’un an après la signature, à Alger, de l’Accord pour la paix et la réconciliation, les hostilités avaient cessé entre le Gouvernement et les mouvements signataires. 

Certes, « quelques incompréhensions ont pu se manifester » entre les signataires, mais si ces derniers « sont parvenus à résoudre ces différends au moyen de rencontres intra et intercommunautaires », a-t-il dit, ajoutant que ce processus de réconciliation méritait d’être soutenu par tous.  Il s’est félicité du fait que le rapport du Secrétaire général note à ce titre les énormes efforts de son gouvernement illustrant sa ferme volonté « d’honorer ses engagements, tous ses engagements ». 

En matière de réformes politiques et institutionnelles, M. Keita a rappelé que la loi relative à la révision du Code des collectivités territoriales venait d’être promulguée, ce qui ouvre la voie à la mise en place des autorités intérimaires.  La Commission vérité, justice et réconciliation a été mise en place et est opérationnelle, a-t-il relevé. 

S’agissant des questions de défense et de sécurité, le Premier Ministre a jugé impérieux d’avancer sur les questions urgentes comme le processus de DDR et de cantonnement, la mise en œuvre de l’Accord devant être globale et intégrale.  « Mon gouvernement dispose d’un plan de mise en œuvre de l’Accord qui permet un suivi régulier de ses engagements », a-t-il affirmé. 

Insistant sur la détermination des autorités maliennes à mettre en œuvre l’Accord de façon effective et intégrale, le Premier Ministre du Mali a lancé un appel aux autres parties pour plus d’engagement.  « Chaque jour de retard pris dans la mise en œuvre de l’Accord est un jour de plus gagné par les ennemis de la paix, qui ont fait le pari de l’échec du processus de paix », a-t-il dit, en écho aux propos du Représentant spécial. 

M. Keita a appelé la communauté internationale et le Comité de suivi de l’Accord à jouer leur rôle de garant du respect des engagements par les parties.  Le démantèlement, dans le meilleur délai, des bases et points de contrôle de tous les mouvements signataires de l’Accord est un gage de bonne volonté et d’adhésion, a-t-il estimé. 

Il a en outre demandé l’établissement et la communication des listes des combattants qui permettront d’opérationnaliser les patrouilles mixtes et d’entamer le processus de DDR et de cantonnement. 

M. Keita a jugé utile, conformément à ce que prévoit le Conseil de sécurité dans l’une de ses résolutions, d’appliquer des sanctions à tous les acteurs qui constituent une menace à la mise en œuvre de l’Accord et qui ne se démarquent pas des groupes terroristes.  « Mon gouvernement espère que l’implication réelle de tous les acteurs permettra d’éviter cette extrémité », a-t-il dit. 

Le Premier Ministre s’est ensuite réjoui de l’unanimité qui se dégage sur la nécessité de procéder à des réajustements de la posture de la MINUSMA, notant que les attaques terroristes se sont multipliées et sont devenues de plus en plus complexes.  Le Gouvernement malien accueille favorablement les recommandations du Secrétaire général tendant à renforcer les capacités opérationnelles de la MINUSMA. 

M. Keita s’est félicité du fait que le mandat de la Mission sera axé sur un appui aux autorités maliennes afin de stabiliser les principales agglomérations, notamment dans les régions du nord, et d’empêcher le retour des éléments armés.  Les Forces armées du Mali, qui sont le premier rempart légitime de protection des populations maliennes et des frontières nationales, méritent le soutien de la communauté internationale, a-t-il ajouté. 

Tout en prenant note de la recommandation du Secrétaire général d’augmenter les effectifs de la Mission, le Premier Ministre a estimé que l’efficacité de la MINUSMA passait plutôt par le renforcement de ses capacités opérationnelles.  Il a proposé à ce titre une posture plus robuste et active, une redéfinition des règles d’engagement, un soutien aux Forces armées maliennes accompagné d’une coordination opérationnelle et un soutien aux initiatives régionales de lutte contre le terrorisme, notamment celles du G-5 Sahel, de la CEDEAO et de l’Union africaine. 

Estimant que la situation au Mali constituait une menace pour la sous-région, il s’est félicité que les souhaits de la CEDEAO recoupent les recommandations du Secrétaire général s’agissant de la MINUSMA. 

M. Keita a espéré que le Conseil soutiendra l’idée de redéploiement des forces de défense et de sécurité sur l’ensemble du territoire une fois que les autorités intérimaires auront été mises en œuvre, dans le respect de l’Accord.  Ce redéploiement est la condition sine qua non du retour effectif de l’administration et des services sociaux de base dans tout le pays, a affirmé le Premier Ministre. 

« En cela, le prochain mandat devra autoriser les forces amies, notamment celles de la MINUSMA, à accompagner ce processus en veillant à la prise en compte des exigences des droits de l’homme », a-t-il demandé, avant d’indiquer que le Gouvernement malien était totalement engagé dans la défense des droits de l’homme. 

Enfin, le Premier Ministre a indiqué qu’un protocole d’entente avait été signé il y a quelques jours en vue de la mise en place des autorités intérimaires.  « Des lenteurs existent, certes, mais elles sont indépendantes de la volonté de mon gouvernement », a-t-il affirmé, rappelant que l’opposition malienne avait attaqué devant les juridictions maliennes le projet de loi sur les collectivités territoriales.  « Aujourd’hui l’espoir est réel », a conclu le Premier Ministre. 

La décision du Conseil de sécurité sur le mandat de la MINUSMA est prévue pour le 29 juin. 

 

 

 

* S/2016/498

 

 

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