Conseil de sécurité,
7637 séance – après-midi
CS/12265

La polarisation du paysage politique entrave les progrès au Kosovo, explique le Représentant spécial du Secrétaire général au Conseil de sécurité

Cet après-midi, les membres du Conseil de sécurité ont entendu le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUK, M. Zahir Tanin, qui présentait le rapport* du Secrétaire général sur les activités récentes de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), par vidéoconférence depuis Pristina.

La majorité des délégations ont jugé que la situation politique au Kosovo restait préoccupante.  Elles ont dénoncé les perturbations du fonctionnement de l’Assemblée du Kosovo, de même que les violences et autres actes d’intimidation de la part des partis de l’opposition à l’égard des élus, et appelé les responsables « à jouer le jeu de la démocratie ».

Avant de retracer les activités de la Mission et les faits nouveaux intervenus au cours de la période allant du 16 octobre 2015 au 15 janvier 2016, M. Tanin a salué l’élection de Mme Atifete Jahjaga à la présidence du Kosovo, vendredi dernier.  Le Représentant spécial a fait remarquer que « la polarisation du paysage politique kosovar » entravait les progrès, en dépit des efforts considérables déployés par le Gouvernement pour mettre en place un programme de réformes ambitieux.  Il s’est dit préoccupé par la violence à laquelle recourt l’opposition pour empêcher l’Assemblée du Kosovo et d’autres institutions gouvernementales de travailler.  Il est important, a-t-il souligné, que celle-ci adhère aux « règles du jeu » démocratiques de base. 

Le Secrétaire général note, dans son rapport, que ces faits ont contribué à retarder certains aspects de la mise en œuvre de l’accord du 19 avril 2013 conclu par Belgrade et Pristina, ainsi que de l’ensemble d’accords du 25 août 2015.  Pour lui, « les dirigeants politiques devraient se montrer plus ouverts aux possibilités de coopération régionale ».

« Parfois les programmes sécuritaires et politiques détournent trop l’attention des problèmes de développement économiques graves que connaît le Kosovo », a ajouté le Chef de la MINUK.  Il faudrait, a-t-il estimé, créer davantage de croissance économique et d’opportunités, ce qui pourrait apaiser les tensions politiques. 

« Le Kosovo et la région entière risquent de connaître des chocs substantiels dans les années à venir », a en outre averti M. Tanin, en évoquant le flux des réfugiés et des migrants passant par la région des Balkans, puis les problèmes de la radicalisation et de l’extrémisme et le phénomène croissant des combattants terroristes étrangers qui nécessitent une coopération internationale renforcée.

« Le 17 février dernier, le Kosovo avait célébré son huitième anniversaire d’État libre, indépendant et souverain », s’est félicitée pour sa part Mme Vlora Çitaku, « Ambassadrice du Kosovo auprès des États-Unis ».  Pour en arriver là, a-t-elle toutefois longuement rappelé, « le Kosovo a payé un prix très élevé ».  « Nous attendons toujours au Kosovo que la justice soit rendue », a insisté Mme Çitaku, en précisant que le Kosovo s’était acquitté de toutes ses obligations internationales.  Elle a notamment « demandé justice » pour des milliers de femmes et les fillettes qui ont été victimes du crime de guerre que constitue la violence sexuelle perpétrée par les Forces de sécurité serbes.  Certes, a continué la représentante du Kosovo, la normalisation des relations dans la région a pris une nouvelle tournure, notamment avec le dialogue entre le Gouvernement du Kosovo et le Gouvernement de la Serbie.  Mais « la réconciliation entre les peuples ne sera possible que lorsque la Serbie aura reconnu les crimes qu’elle a commis et que des excuses officielles seront présentées », a-t-elle conclu.

Pour M. Ivica Dačić, Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, les rapports du Secrétaire général sur MINUK gagneraient, au contraire, à présenter la vie des populations serbes et non-albanaises au sud du fleuve Ibar.  « Le manque de respect pour les droits de l’homme et les problèmes rencontrés par ces communautés aujourd’hui à travers tout le Kosovo et la Metohija ne font qu’intensifier leur sentiment d’isolement, d’abandon et de désespoir », a déploré le Chef de la diplomatie serbe.  Il a souligné qu’il était important pour son pays d’axer les efforts sur la recherche de solutions pour les personnes déplacées en provenance du Kosovo et de la Metohija, d’opter pour un retour durable ou pour leur intégration. 

M. Dačić a également estimé qu’un climat négatif envers les Serbes s’était installé à la suite d’« allégations de concessions » qu’auraient faites les autorités à Pristina dans le cadre du dialogue de Bruxelles.  Il s’est élevé contre l’extrémisme religieux qui se serait emparé du Kosovo et de la Metohija, en particulier les « structures d’islamisme radical », qui feraient peser un danger supplémentaire sur les populations locales.

Sur une note positive, le représentant de la France s’est réjoui de la poursuite du dialogue politique entre la Serbie et le Kosovo sous les auspices de l’Union européenne.  Il a ajouté que la tenue récente d’une nouvelle réunion entre les Premiers Ministres serbe et kosovar était une démonstration supplémentaire de l’engagement de Belgrade et de Pristina en faveur du processus de rapprochement bilatéral.  Il a aussi indiqué que « la poursuite des efforts pour la consolidation de l’état de droit au Kosovo devrait plus que jamais demeurer une priorité ». 

À ce sujet, la ratification en fin de semaine dernière par le Kosovo de l’accord de siège avec le Gouvernement néerlandais en vue de l’installation des Chambres spéciales à La Haye, a été saluée par tous comme une avancée déterminante.

Le représentant de la Fédération de Russie a regretté le manque de progrès dans la mise en œuvre de l’accord conclu avec la facilitation de l’Union européenne, « la partie kosovare » faisant, selon lui, « abstraction de ses engagements ». 

Le représentant des États-Unis a espéré que, dans un avenir proche, « le Kosovo pourra participer à toutes les activités de l’ONU en tant que membre de plein droit ».  En attendant, a-t-il ajouté, « le Conseil de sécurité ferait mieux de consacrer son temps à d’autres activités ».

RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998),1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (S/2016/99)

Déclarations

M. ZAHIR TANIN, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUK, par vidéoconférence depuis Pristina, a commencé par saluer l’élection d’un nouveau Président vendredi dernier.

M. Tanin a fait remarquer que la polarisation du paysage politique kosovar entravait les progrès, en dépit des efforts considérables déployés par le Gouvernement pour mettre en place un programme de réformes ambitieux.  Il a cité en exemple le recours persistant à la violence par l’opposition pour empêcher l’Assemblée du Kosovo et d’autres institutions gouvernementales de travailler.  Il a souligné l’importance de l’adhérence aux « règles du jeu » démocratiques de base.

Le moment est venu de prendre du recul par rapport aux batailles politiques et de se pencher sur des questions plus fondamentales, a fait valoir M. Tanin.  Ainsi, les liens intrinsèques entre le développement après les conflits, la mise en œuvre de l’état de droit et les droits de l’homme doivent-ils être au centre d’un ordre du jour proactif et pragmatique pour le Kosovo.  Pour lui, « les dirigeants politiques devraient se montrer plus ouverts aux possibilités de coopération régionale ».

Néanmoins, le Représentant spécial a constaté que « beaucoup d’engagements essentiels pris par les dirigeants politiques kosovars sont restés solides », comme la normalisation des relations avec Belgrade à travers le dialogue facilité par l’Union européenne, ou la garantie des conditions nécessaires à la mise en place de chambres spéciales.  De même, des mesures en vue du renforcement de l’ancrage européen du Kosovo ont été prises l’année dernière.  Elles ont été notamment accompagnées par des évaluations détaillées sur le système judiciaire kosovar.

« Assurer le respect de l’état de droit représente un objectif essentiel qui n’occupe pas toujours la place qui lui revient à l’ordre du jour des autorités », a fait remarquer M. Tanin.  L’administration de la justice est trop lente et les cas d’ingérence politiques trop fréquents, a-t-il déploré.  À bien des niveaux, la corruption accroît la frustration de l’opinion publique et sape la foi dans le système politique. 

« Parfois les programmes sécuritaires et politiques détournent trop l’attention des problèmes de développement économiques graves que connaît le Kosovo », a regretté le Chef de la MINUK.  Selon lui, il faut créer davantage de croissance économique et d’opportunités, ce qui pourrait apaiser les tensions politiques.  Malgré des ressources naturelles et humaines riches, il y a peu de possibilités d’investissements d’envergure, et le chômage reste élevé.  M. Tanin a également dit qu’il faudrait s’attaquer aux pratiques environnementales nocives.

Si le cadre juridique du Kosovo garantit la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, son application est inégale et assujettie aux tensions politiques et intercommunautaires ».  Sans l’appui de l’ONU, a averti le Représentant spécial, le Kosovo ne peut directement souscrire aux instruments et aux institutions internationales et européennes en matière de droits de l’homme.  Toutefois, cela ne l’empêche pas d’adopter une législation robuste au niveau local.

M. Tanin s’est ensuite félicité de l’accord récemment signé concernant un médiateur kosovar, conformément aux Principes de Paris, et de la nomination d’un nouveau Président de la délégation de Pristina du Groupe de travail conjoint sur les personnes disparues.  La défense des groupes minoritaires et du patrimoine culturel, et l’accès des femmes à la propriété, restent des sujets importants, a-t-il poursuivi.  Il reste aussi des questions non réglées concernant la protection juridique des biens de l’Église.  De plus, il faudrait garantir les conditions nécessaires pour la réintégration sociale des personnes qui retournent au Kosovo.

« Le Kosovo et la région entière risquent de connaître des chocs substantiels dans les années à venir », a averti M. Tanin, en évoquant le flux des réfugiés et des migrants passant par la région des Balkans.  À cet égard, les plans d’urgence du Kosovo devraient bénéficier de ressources internationales.  Il faudrait également permettre aux institutions de répondre aux problèmes de plus en plus pressants de la radicalisation et de l’extrémisme, de la traite des êtres humains ou du trafic des armes.  En particulier, le phénomène croissant des combattants terroristes étrangers nécessite une coopération plus étroite.

Le dialogue Pristina-Belgrade est essentiel et son succès ultime doit être ancré dans une collaboration avec tous les dirigeants de la région, a conclu le Représentant spécial.  « Notre travail à la MINUK, a-t-il ajouté, doit s’inscrire dans une contexte international et local pour faire face aux problèmes qui ne peuvent pas être résolus séparément. »

M. IVICA DAČIĆ, Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, a souligné que les rapports du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) gagneraient à présenter la vie des populations serbes et non-albanaises au sud du fleuve Ibar.  « Le manque de respect pour les droits de l’homme et les problèmes rencontrés par ces communautés aujourd’hui à travers tout le Kosovo et la Metohija ne font qu’intensifier leur sentiment d’isolement, d’abandon et de désespoir », a estimé le Chef de la diplomatie serbe.  Il a ensuite souligné qu’il était important pour son pays d’axer les efforts sur la recherche de solutions pour les personnes déplacées en provenance du Kosovo et de la Metohija, d’opter pour un retour durable ou pour leur intégration.  Toutefois, quel que soit le soutien apporté par la Serbie à ceux qui souhaitent rentrer chez eux, il sera insuffisant sans un engagement adéquat par les institutions provisoires d’administration autonome de Pristina et la tolérance des communautés locales, a prévenu M. Dačić. 

« Si les personnes déplacées sont si peu nombreuses à prendre le chemin du retour, c’est en raison de la frustration qu’elles ressentent devant les obstacles administratifs, sécuritaires, institutionnels et juridiques auxquels elles se heurtent ».  Selon le rapport de novembre dernier publié par la Mission de l’OSCE au Kosovo, a fait remarquer le Vice-Premier Ministre, sur les 479 incidents recensés au Kosovo, 310 concernaient des victimes serbes du Kosovo et de la Metohija.  Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à peine 12 145 Serbes et autres non-Albanais qui étaient déplacés sont rentrés, 4 000 d’entre eux seulement ayant réussi une réintégration durable.  Pour le Ministre, c’est un fait que 220 000 Serbes ont été chassés de leurs foyers de toujours au Kosovo et dans la Metohija et que seul 1,9% d’entre eux ont pu être réintégrés durablement.  « La communauté internationale aurait-elle renoncé à aider ces 220 000 personnes et légitimer ainsi le nettoyage ethnique des Serbes du Kosovo et de la Metohija? » s’est-il demandé.  Après avoir dénoncé la récurrence des incidents sécuritaires sur place, le Ministre a rappelé que l’absence de « mécanismes efficaces de restitution des propriétés spoliées » constituerait l’un des facteurs les plus importants dans la décision des populations déplacées de ne pas revenir chez elles. 

M. Dačić a estimé qu’un climat négatif envers les Serbes s’était créé en raison des « concessions alléguées » qu’auraient faites Pristina dans le cadre du dialogue de Bruxelles.  Il s’est élevé contre l’extrémisme religieux qui se serait emparé du Kosovo et de la Metohija, en particulier les « structures d’islamisme radical », qui feraient peser un danger supplémentaire sur les populations locales.  Le Ministre a rappelé que les autorités à Belgrade étaient pleinement engagées en faveur du dialogue avec Pristina, sous les auspices de l’Union européenne.  Mais il a relevé que tous les rapports du Secrétaire général soulignaient que l’établissement rapide de la Communauté des municipalités à majorité serbe avait été identifié comme une mesure cruciale de mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles.  « Au lieu de prendre une telle mesure, a-t-il déploré, un nouvel élément a été présenté à l’Accord, à savoir l’inclusion de la « prétendue » Cour suprême du Kosovo, qui pourrait remettre en cause la validité d’un accord conclu au plus haut niveau, a souligné M. Dačić.

« Le 17 février dernier, le Kosovo a célébré son huitième anniversaire d’État libre, indépendant et souverain », s’est félicitée Mme VLORA ÇITAKU, Ambassadrice du Kosovo auprès des États-Unis.  Pour en arriver là, a-t-elle toutefois rappelé, « le Kosovo a payé un prix très élevé ».  Il a vécu la terreur de la guerre, associée à la violence et au nettoyage ethnique mené par la Serbie.  Au cœur de l’Europe, dans le silence, les violations des droits de l’homme au Kosovo n’étaient pas connues.  « Même entre nous, nous craignions d’en parler », a-t-elle révélé.

« Nous attendons toujours au Kosovo que la justice soit rendue », a insisté Mme Çitaku.  Les institutions du Kosovo ont établi une chambre spéciale pour juger des crimes commis en 1999, a-t-elle souligné, en précisant que le Kosovo s’était acquitté de toutes ses obligations internationales à cet égard.  « Notre coopération avec la justice internationale a toujours été irréprochable », s’est-elle enorgueillie.  Les criminels albanais kosovars se sont rendus volontairement au tribunal, « contrairement à notre voisin du nord qui a donné refuge aux accusés et utilisé ensuite leur arrestation pour ses propres intérêts ».

Pour Mme Çitaku, il faudrait « dissiper tous les doutes et soupçons » pour que les générations futures puissent vivre fières de leur passé.  Malheureusement, a-t-elle accusé, beaucoup de violations graves des droits de l’homme sont restées impunies.  Elle a donné l’exemple du général Vladimir Lazarević qui a été condamné par le TPIY pour crimes de guerre commis au Kosovo, mais qui été « accueilli en héros » après avoir purgé seulement les deux tiers de sa peine.  Des milliers de victimes n’ont pas eu droit à la justice.

La représentante a souhaité attirer l’attention du Conseil sur les femmes et les fillettes qui ont été victimes du crime de guerre qu’est la violence sexuelle.  « Les rescapées de la violence sexuelle, soit 20 000 personnes, portent toujours les cicatrices physiques et psychologiques » de la campagne de viol systématique lancé par les Forces de sécurité serbes qui ont tenté de prolonger la guerre alors qu’elle avait déjà pris fin, a-t-elle martelé.  Aujourd’hui encore, les rescapées ne sont pas mentionnées dans les résolutions ou les rapports de l’ONU.  « Au nom de ces personnes, je demande justice », a déclaré Mme Çitaku.  

Pour elle, un autre groupe très vulnérable souffre toujours des conséquences de la guerre: 88 900 personnes âgées kosovares albanaises sont privées de leur retraite.  En revanche, les minorités au Kosovo jouissent d’une kyrielle de droits entérinés dans la Constitution kosovare, a-t-elle assuré.  Elles sont pleinement représentées.  Rien qu’en février, 1,9 million d’euros ont été versés aux municipalités du nord du Kosovo et une série d’accords ont été signés pour des projets d’investissement.  De plus, le Kosovo apporte un soutien financier aux initiatives de retour et de réinsertion.  « Tous les citoyens du Kosovo sont libres de retourner dans leur foyer d’origine », a clamé Mme Çitaku.  Elle a reconnu que davantage de Serbes vivaient au Kosovo avant 1999, tout en expliquant que beaucoup d’entre eux « faisaient partie de l’appareil militaire et de police qui venait de Serbie dans le cadre de la répression au Kosovo ».  Pour Mme Çitaku, « le tableau est bien différent de celui que dresse ici la Serbie ».

Certes, a continué la représentante du Kosovo, la normalisation des relations dans la région a pris une nouvelle tournure, notamment avec le dialogue interétatique entre le Kosovo et la Serbie.  Mais « la réconciliation entre les peuples ne sera possible que lorsque la Serbie aura reconnu les crimes qu’elle a commis et que des excuses officielles seront présentées ».  La Cour constitutionnelle du Kosovo a donné des directives très claires sur l’association des municipalités à majorité serbe, a-t-elle indiqué.  « Nous ne permettrons pas que des modèles dangereux observés dans la région, où une entité entrave le progrès de tout un pays, soient reproduits », a prévenu la représentante.  Elle a ainsi mis l’accent sur la bonne foi et considéré que l’attitude de la Serbie devait changer.  « Nous devons nous assurer que l’histoire ne se répètera pas. »  Le climat politique au Kosovo est difficile et souvent tendu, a résumé Mme Çitaku, en parlant d’une démocratie encore très jeune.

Enfin, pour le Kosovo, « la MINUK est une mission qui ne présente plus que des rapports ».  Les Nations Unies peuvent décider de garder une mission onéreuse au Kosovo, mais il ne fait aucun doute que l’on ne peut pas inverser le cours de l’histoire.  « Nous sommes en 2016, et non plus en 1999 », a-t-elle fait remarquer.  La représentante a conclu qu’il restait encore beaucoup de défis à relever et qu’il faudrait œuvrer pour répondre aux attentes justifiées des citoyens du Kosovo.  

M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a mis l’accent sur la nécessité pour les autorités à Pristina et à Belgrade de poursuivre le dialogue sous l’égide de l’Union européenne.  Tout en se félicitant de l’initiative de rapprochement prise par les milieux d’affaires à Belgrade et à Pristina, le représentant s’est cependant dit inquiet de la polarisation du paysage politique kosovar, du recours à la violence et de la rhétorique incendiaire en vigueur à l’Assemblée du Kosovo.  Il s’est félicité, avant de conclure, des efforts déployés par la MINUK pour ce qui est de faire respecter l’état de droit et de faciliter le dialogue intercommunautaire.

M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) s’est fait l’écho des incidents sécuritaires signalés au cours de la période considérée, des violences physiques ayant fait de nombreuses victimes parmi les Serbes du Kosovo.  Il a regretté le manque de progrès dans la mise en œuvre de l’accord conclu avec la facilitation de l’Union européenne, « la partie kosovare » faisant, selon lui, « abstraction de ses engagements ».  Les médiateurs de l’Union européenne, a-t-il accusé, gardent le silence, n’ayant manifestement pas la volonté de faire respecter ses obligations par Pristina. 

La délégation russe a rappelé que la résolution 1244 du Conseil de sécurité restait le document de référence pour régler la question du Kosovo, en affirmant que l’Union européenne, en tant que médiatrice, doit faire preuve d’impartialité.  Il a espéré que des progrès seraient faits dans le domaine judiciaire, tous les crimes devant faire l’objet d’enquêtes.  Le représentant russe s’est dit toutefois « stupéfait » par le verdict rendu par un collège de juges internationaux de la mission EULEX dans l’affaire Oliver Ivanović, un leader politique serbe du Kosovo inculpé, selon lui, sur la base d’éléments non vérifiés.  M. Churkin a souhaité que ce « verdict politisé » soit « corrigé » en appel.  Apportant son soutien à la MINUK, le représentant a indiqué en conclusion qu’elle constituait un élément déterminant de la présence internationale au Kosovo et devait être maintenue avec des ressources financières adéquates.

M. LUIS BERMUDEZ (Uruguay) a considéré que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité restait la base juridique pour chercher un règlement à la situation du Kosovo.  Il a maintenu sa position de principe de non-reconnaissance du Kosovo, en se fondant sur le principe de l’intégrité territoriale des États, norme centrale de la coexistence pacifique.  Il s’est dit préoccupé par les entraves au bon fonctionnement de l’Assemblée du Kosovo.  Il a salué les accords conclus en 2015 dans le cadre du dialogue entre Belgrade et Pristina.  Il a en outre estimé que la MINUK devrait mettre en œuvre les recommandations du Groupe consultatif sur les droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les disparitions forcées et les enlèvements de civils.

M. ZHAO YONG (Chine) a réaffirmé le respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale de la Serbie.  La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité constitue la base juridique qui doit présider au règlement de la question du Kosovo.  Dans cet esprit, le représentant a appuyé les efforts déployés par la Serbie pour parvenir à un règlement politique et trouver une solution durable de façon à préserver la paix dans les Balkans.  Il a salué le dialogue constructif de haut niveau entre les autorités à Belgrade et à Pristina.  Pour lui, « le Kosovo reste face à de grandes incertitudes et les droits légitimes de tous les groupes ethniques doivent être protégés ».  Enfin, il a assuré la MINUK de l’appui de son pays, en soulignant que la Mission devrait continuer à « exercer son mandat défini par le Conseil de sécurité ».  

M. OSAMA ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a mis en garde contre l’escalade des tensions au Kosovo, en soulignant que les incidents commis par certains éléments pourraient avoir des répercussions sur l’accord conclu avec la Serbie.  Cet accord doit être mis en œuvre pour réaliser la stabilité du Kosovo par le biais d’un plan d’action, a recommandé le représentant.  En conclusion, il a demandé la réalisation du retour volontaire, de la protection du patrimoine culturel et religieux et de la non-discrimination au Kosovo.

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) s’est félicité des progrès accomplis par le Kosovo au cours de ses huit années d’existence.  Il s’est dit cependant préoccupé par la poursuite des incidents sécuritaires recensés dans le rapport du Secrétaire général, comme par exemple la perturbation d’une session de l’Assemblée législative par des députés de l’opposition et des manifestations violentes.  Après avoir salué la signature, le 27 octobre dernier, de l’Accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne, et sa ratification par l’Assemblée du Kosovo, le représentant a regretté les retards dans la mise en œuvre de l’Accord conclu entre la Serbie et le Kosovo.  C’est pourquoi, a-t-il estimé, la communauté internationale devrait pleinement jouer son rôle auprès des parties, à l’appui d’initiatives comme celle des chambres de commerce de Belgrade et de Pristina, qui ont décidé, en décembre dernier, de mettre de côté les divergences politiques et de favoriser une nouvelle coopération économique et commerciale.

M. ALEXIS LAMEK (France) s’est réjoui de la poursuite du dialogue politique entre la Serbie et le Kosovo sous les auspices de l’Union européenne.  Le représentant a ajouté que la tenue récente d’une nouvelle réunion entre les Premiers Ministres serbe et kosovar était une démonstration supplémentaire de l’engagement de Belgrade et de Pristina en faveur du processus de rapprochement bilatéral.  Mais, a averti le représentant, la situation politique au Kosovo reste préoccupante.  Il a dénoncé les perturbations du fonctionnement de l’Assemblée, de même que les violences et autres actes d’intimidation à l’égard des élus.  Il a appelé les responsables de ces actes inadmissibles à jouer le jeu de la démocratie et à faire valoir leurs revendications dans le cadre des institutions existantes et dans le respect de la Constitution. 

M. Lamek a aussi indiqué que « la poursuite des efforts pour la consolidation de l’état de droit au Kosovo devrait plus que jamais demeurer une priorité ».  Cela concerne d’abord la lutte contre l’impunité, a-t-il précisé.  La ratification en fin de semaine dernière par le Kosovo de l’accord de siège avec le Gouvernement néerlandais en vue de l’installation des Chambres spéciales à La Haye, a-t-il souligné, est une avancée déterminante.  Il importe désormais que toutes les composantes de ces Chambres spécialisées commencent à fonctionner selon le calendrier prévu, et que les autorités kosovares coopèrent pleinement pour que des poursuites soient engagées contre les responsables des crimes dénoncés dans le rapport Marty, a estimé M. Lamek.  La poursuite du travail engagé sur la question des personnes disparues était également de première importance, a déclaré le représentant, qui a souligné que la consolidation de l’état de droit passait également par la lutte contre la radicalisation, sous toutes ses formes.  Avant de conclure, il a salué l’engagement inconditionnel du Kosovo en la matière, au plan local comme au sein de la coalition internationale contre Daech.

Mme CAROLYN SCHWAGLER (Nouvelle-Zélande) a souligné que même si la situation sécuritaire au Kosovo demeurait généralement stable, nous sommes préoccupés par les récents incidents de violence politique.  La représentante a déclaré qu’il n’y avait pas de place pour ces incidents dans une démocratie et que tous les acteurs politiques devraient rejeter le recours à la violence et l’intimidation pour des objectifs politiques.  Le dialogue politique, seul, peut résoudre les désaccords politiques.  La représentante a regretté à cet égard que des membres des partis de l’opposition n’aient pas montré un bon exemple à travers leurs actions.  Le désordre provoqué à l’Assemblée du Kosovo, y compris l’emploi de gaz lacrymogène, ne sert qu’à encourager ceux qui souhaitent utiliser la force pour atteindre leurs objectifs politiques au lieu et place du dialogue et de la participation.  Les leaders politiques doivent rejeter tous les actes qui sapent le fonctionnement régulier des institutions démocratiques, a suggéré la représentante qui a indiqué que la Nouvelle-Zélande suivait de près les progrès vers la création des Chambres spéciales pour traiter les graves allégations de l’Équipe spéciale d’enquête de l’Union européenne.

M. GORGUI CISS (Sénégal) s’est réjoui de l’imminence du début des travaux des Chambres spéciales, institution du Kosovo qui aura son siège aux Pays-Bas et qui sera composée de juges internationaux, avec pour rôle de juger les crimes graves commis pendant ou immédiatement après le conflit au Kosovo.  Le représentant a ajouté que la poursuite des efforts, de la coopération et de la coordination entre les parties était primordiale pour faciliter, avec l’appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le retour des 16 862 personnes déplacées ou, à défaut, s’employer à leur trouver des solutions durables.  Il a aussi déclaré que le Sénégal soutenait, sans réserve, le programme conjoint Union européenne/ONU visant à renforcer la confiance au niveau des communautés par la protection du patrimoine culturel et préconiser le renforcement des synergies, notamment la coopération portant sur l’échange d’informations, pour la résolution de l’équation des personnes portées disparues.

M. CHRISTOPHER KLEIN (États-Unis) a salué les efforts de normalisation entrepris par le Kosovo.  Pour le délégué américain, le peuple du Kosovo n’a pas ménagé ses efforts et la MINUK s’est acquittée de son mandat.  « Le moment est venu de réduire encore les effectifs de la Mission », a-t-il ainsi estimé. 

Le représentant s’est tourné vers les deux pays –le Kosovo et la Serbie- « pour qu’ils poursuivent leur travail et mettent en oeuvre leurs accords ».  Il s’est notamment félicité des progrès réalisés concernant l’état de droit avec la création d’une juridiction spéciale.  Toutefois, évoquant la crise politique au Kosovo, il a jugé « incompatible avec la démocratie moderne » l’obstruction violente des travaux de l’Assemblée du Kosovo.  En outre, a-t-il fait remarquer, « ce petit pays lutte au quotidien pour améliorer sa situation économique sur un marché juste et équitable ».

M. Klein a salué le professionnalisme de la police qui, selon lui, « a bien géré la minorité qui a choisi la violence ».  Il a également salué l’élection de la Présidente « qui a bien représenté les intérêts de son pays sur la scène internationale ».  Le représentant des États-Unis a reconnu que le Kosovo avait pris des mesures fermes pour réduire le flux des combattants étrangers.  À ce sujet, a-t-il souligné, les agences de répression jouent un rôle essentiel au niveau de la situation sécuritaire dans les Balkans et au-delà.  Pour les États-Unis, le Kosovo dispose des capacités techniques et du cadre législatif nécessaires pour contribuer aux efforts de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme.

En conclusion, le représentant a espéré que, dans un avenir proche, « le Kosovo pourra participer à toutes les activités de l’ONU en tant que membre de plein droit ».  En attendant, a-t-il ajouté, « le Conseil de sécurité ferait mieux de consacrer son temps à d’autres activités ».

Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a appelé les deux parties à « se concentrer sur l’avenir et à donner la priorité aux accords en suspens dans un esprit de dialogue constructif ».  Elle s’est félicitée des garanties données par les deux capitales mais s’est dite préoccupée par les manifestations violentes de l’opposition contre les accords de 2015, et notamment la délimitation de la frontière avec le Monténégro.  Après avoir salué les efforts consentis par les dirigeants et la retenue affichée par la police en réponse à de telles manifestations, elle a reconnu des progrès accomplis pendant la période à l’examen, notamment l’Accord de stabilisation et d’association signé avec l’Union européenne.

La création d’une juridiction spéciale est un autre pas dans la bonne direction, a ajouté la représentante en insistant sur la reddition de comptes et la réconciliation.  Sur le front économique, elle a également apprécié la collaboration entre les chambres de commerce de Belgrade et de Pristina.  Enfin, exprimant sa préoccupation face à l’influence de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) dans la région, elle a appuyé les mesures prises pour contrer les groupes terroristes et dit qu’il fallait accorder la priorité à la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent.

M. YOSHIFUMI OKAMURA (Japon) s’est félicité que la démocratie soit maintenant établie au Kosovo.  Il s’est toutefois ému des troubles survenus dans l’hémicycle parlementaire au cours de la période considérée, en espérant que l’Assemblée du Kosovo pourrait fonctionner normalement à l’avenir.  Il a enjoint aux représentants serbes et kosovars de reprendre le dialogue et de poursuivre les progrès avec l’appui de l’Union européenne.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) s’est dit préoccupé par les actes de violence commis par des partis de l’opposition kosovare.  Ces actes ont des impacts négatifs non seulement sur la situation sécuritaire au Kosovo mais sur tout le processus de mise en œuvre des accords entre Belgrade et Pristina, a-t-il mis en garde.  Le représentant a appelé tous les acteurs politiques au Kosovo à s’abstenir de toute forme de violence et à respecter l’état de droit, la démocratie et les normes internationales.  Il a ensuite salué l’accord sur la création d’une association de villes à majorité serbe au Kosovo et a soutenu l’engagement des institutions kosovares de continuer ce processus.  Cet accord est un mécanisme important pour la stabilisation et tout retard dans sa mise en œuvre constituerait un pas dans la mauvaise direction et risque d’éroder la confiance nécessaire à tout processus de dialogue, a-t-il averti.  Après avoir salué la création des Chambres spécialisées à La Haye, le représentant a insisté sur la nécessité de « continuer les progrès en faveur de l’intégration des anciens membres du personnel de la protection civile serbe dans les institutions kosovares.

M. FRANCISCO JAVIER GASSO MATOSES (Espagne) a déclaré que la situation au Kosovo était toujours instable, comme en témoignent les incidents « inacceptables » qui se sont produits à l’Assemblée.  Il a regretté l’absence de réconciliation durable entre les différentes communautés, en soulignant que le maintien de la présence de la MINUK au Kosovo était essentiel et que le Conseil de sécurité devrait maintenir cette question à son ordre du jour.  Le représentant a également noté un manque de progrès significatifs dans la mise en œuvre des accords déjà conclus, en rappelant qu’il était nécessaire de mettre en œuvre l’accord sur la création de l’association/communauté des municipalités à majorité serbe du Kosovo.  Pour l’Espagne, comme pour les autres pays qui ne reconnaissant pas l’indépendance du Kosovo, l’accord de stabilisation et d’association entre le Kosovo et l’Union européenne ne saurait ouvrir la voie à l’admission du Kosovo au sein des institutions européennes.

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) s’est attaché aux principes de non-ingérence, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Serbie.  Il a dit que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité était « la base juridique internationale qui s’applique pour trouver un règlement à la question du Kosovo ».  À cet égard, il a salué le rôle joué par la MINUK, complété par la KFOR et l’EULEX qui doivent continuer à travailler de façon proactive, équilibrée et neutre pour promouvoir une solution politique pacifique juste, durable et mutuellement acceptable. 

Le représentant a déploré les actions de certains militants de l’opposition pour entraver les accords sur la normalisation des relations.  Le dialogue entre les différents secteurs politiques kosovars est une nécessité, a-t-il ajouté.  Il a également appuyé le dialogue qui se tient à Bruxelles entre la Serbie et les autorités locales du Kosovo et regretté qu’il n’y ait pas eu de réunion de haut niveau récente.

Il a encore une fois noté dans le rapport la référence au petit nombre de retours volontaires de Serbes qui ont été déplacés et souhaité qu’on leur donne des garanties sécuritaires.  Enfin, il a insisté sur la nécessité de voir les parties œuvrer ensemble à une protection effective du patrimoine et pour élucider la situation des personnes portées disparues pendant la guerre. 

Reprenant la parole, le Premier Vice-Premier Ministre de la Serbie, M. Ivica Dačić, a rejeté les accusations « les plus graves » dont son pays aurait été l’objet aujourd’hui.  À chaque fois que nous ouvrons les bras, il n’y a personne en face, a-t-il assuré.  Par ailleurs, a poursuivi le représentant, en quoi la Serbie est-elle concernée par l’incapacité du Kosovo à ne pas pouvoir organiser dans le calme une séance parlementaire?  « C’est votre problème, pas le nôtre. »  Selon M. Dačić, on ne peut pas dire que 220 000 Serbes ne peuvent pas rentrer au Kosovo.  Si le Kosovo est indépendant, il aurait pu signer l’accord d’association avec l’Union européenne en tant que pays et non en tant que territoire, a-t-il relevé.  Après avoir remercié ceux qui n’ont pas reconnu l’indépendance du Kosovo, il a déclaré attendre « avec impatience » le moment où un autre pays serait confronté à la situation dans laquelle un de ses territoires autoproclamerait son indépendance.

Mme Vlora Çitaku, du Kosovo, a déclaré que le Kosovo n’avait pas peur de gérer son propre passé issu d’une « guerre terrible ».  La Cour internationale de Justice a rendu un avis consultatif « sans ambiguïté », a-t-elle rappelé: le Kosovo avait le droit de déclarer son indépendance.  Elle a tenu à rassurer le Conseil: « nous mettrons en œuvre tous les accords conclus à Bruxelles, sans exception, mais pas au prix de notre État ».  Mme Çitaku s’est dite en conclusion favorable à la réconciliation, mais qu’elle ne pouvait pas se fonder sur le « déni ». 

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