7626e séance – matin
CS/12248

Les membres du Conseil de sécurité se disent préoccupés par le risque de voir Al-Chabab regagner du terrain en Somalie

Le recul du groupe terroriste Al-Chabab en Somalie ne doit pas occulter la gravité de la menace que ses miliciens continuent de faire peser sur ce pays de la corne de l’Afrique, ont estimé, ce matin, les membres du Conseil de sécurité.

« Les quinze » s’étaient réunis pour entendre l’exposé du Président du Comité des sanctions concernant la Somalie et l’Érythrée, l’Ambassadeur Rafael Darío Ramírez Carreño, du Venezuela, qui préside également les travaux du Conseil au cours de ce mois.

Alors que le Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée –formé de huit experts chargés de surveiller l’application desdites sanctions et de faire rapport* au Comité–, n’a pu se rendre en Érythrée depuis 2011, M. Ramírez Carreño a annoncé qu’il venait de recevoir une lettre du Président érythréen, M. Isaias Afwerki, invitant le Groupe de contrôle à se rendre à Asmara dans les prochains mois.

Le Président du Comité a indiqué qu’à ce jour, le Groupe de contrôle n’avait pu recueillir aucune preuve établissant que le Gouvernement érythréen avait apporté un appui quelconque au groupe Al-Chabab en Somalie.  En revanche, les experts affirment que l’Érythrée soutiendrait d’autres groupes en Éthiopie, en violation des résolutions pertinentes du Conseil, et selon certaines allégations, elle jouerait un rôle dans le conflit au Yémen.  En outre, a précisé M. Ramírez Carreño, le règlement du conflit frontalier entre l’Érythrée et Djibouti se trouve toujours dans l’impasse.

S’il a reconnu que le Gouvernement érythréen avait montré « peu d’empressement » à coopérer avec le Groupe de contrôle au cours de la période à l’examen, le représentant du Venezuela a cependant, en sa qualité nationale, estimé que les sanctions imposées à l’Érythrée n’avaient plus lieu d’être et que le Groupe de contrôle outrepassait ses prérogatives en se saisissant de questions liées au conflit entre ce pays et l’Éthiopie.  La Fédération de Russie et la Chine ont abondé en ce sens.

Plusieurs membres du Conseil, notamment le Japon, ont espéré, au contraire, que la nomination, par le Secrétaire général, de nouveaux experts au sein du Groupe de contrôle après l’adoption de la résolution 2244 (2015), serait suivie d’une coopération renforcée de la part de l’Érythrée.

La question du soutien éventuel d’Asmara au groupe Al-Chabab est d’une importance cruciale aux yeux du Conseil et de la communauté internationale, dans la mesure où ce groupe, malgré les défaites qu’il a essuyées, continue de faire peser une menace aiguë sur la stabilité de la Somalie, pays engagé sur la voie de la réconciliation nationale et la reconstruction, après des décennies de conflits.

C’est la raison pour laquelle un embargo sur les armes** vise la Somalie, même s’il ne s’applique pas aux livraisons destinées aux Forces de sécurité du Gouvernement fédéral somalien, qui continuent d’avoir besoin de l’appui de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), déployée depuis 2007 avec l’autorisation du Conseil de sécurité.

Ce sont les violations répétées de l’interdiction des exportations de charbon de bois au départ du littoral somalien qui ont préoccupé aujourd’hui le Conseil.  Le Président du Comité s’est fait l’écho des « divergences » et des « tensions » persistantes entre le Gouvernement fédéral somalien et les administrations régionales au sujet de la gestion des ressources naturelles, dans un pays où le rétablissement de l’autorité de l’État est inachevé et où la mobilisation des forces armées nationales et étrangères est déjà maximale.

C’est un contexte dont profite le groupe Al-Chabab, a-t-il fait observer, appuyé en ce sens par le représentant du Sénégal.

Pour le Président du Comité, le Groupe de contrôle a suggéré que la Somalie, les États Membres de l’ONU, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et les pays contributeurs de troupes coopèrent étroitement dans le cadre d’un mécanisme efficace de lutte contre le commerce illicite de charbon somalien, grâce auquel Al-Chabab parvient à se réarmer.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement fédéral somalien doit être épaulé par la communauté internationale dans les efforts qu’il déploie pour consolider son emprise sur l’ensemble de son territoire, tout particulièrement dans les zones reprises aux miliciens d’Al-Chabab, où des services de base sont nécessaires.  Le Japon, qui a récemment débloqué 37,1 millions de dollars supplémentaires en faveur de Mogadiscio, notamment pour appuyer le processus électoral et la formation de la police nationale, a ainsi invité les bailleurs de fonds à suivre son exemple.

Tandis que le représentant de l’Égypte a souligné qu’il était primordial de parvenir à la réconciliation politique dans un pays qui est encore fragilisé par les divisions internes, son homologue des États-Unis a mis l’accent sur la réforme du secteur de la sécurité.  Le représentant de la France a, quant à lui, fait observer que l’action militaire serait insuffisante.  « Ce sont les cœurs qu’il faut gagner, pour rallier la population au projet de stabilité et de reconstruction de la Somalie, plutôt qu’au funeste dessein poursuivi par Al-Chabab. »

 

*     S/2015/802
**    CS/12094

LA SITUATION EN SOMALIE

Exposé

S’exprimant en sa qualité de Président du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 751 (1992) et 1907 (2009) sur la Somalie et l’Érythrée, M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a déclaré qu’il avait reçu trois notifications au cours de la période à l’examen concernant l’embargo sur les armes imposé en Somalie.  Par ailleurs, a-t-il précisé, le Comité a examiné, le 9 octobre 2015, les rapports finaux du Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée, qui a constaté un intérêt national accru pour les ressources maritimes et minérales en Somalie, tout en précisant qu’il était important d’assurer une gestion et un contrôle efficaces sur ces ressources.  La convoitise pour ces ressources pose un risque pour la stabilité et la paix en Somalie, a-t-il prévenu.

Le Président a fait observer que le Groupe de contrôle avait noté une hausse des tensions entre le Gouvernement fédéral et les administrations régionales, et que le mouvement Al-Chabab avait profité de la mobilisation de l’AMISOM, de l’armée nationale somalienne et des forces alliées.  Le Groupe de contrôle a aussi constaté que les miliciens du groupe Al-Chabab cherchaient à maintenir les communications ouvertes avec Al-Qaida dans la péninsule arabique au Yémen, tandis que les administrations régionales se sont heurtées à des difficultés pour contrôler les zones reprises à ce groupe.

Sur le front humanitaire, a fait remarquer le Groupe de contrôle, l’accès continue d’être précaire, a poursuivi le Président du Comité, en signalant que le groupe terroriste Al-Chabab avait dressé des barrages dans les zones qu’il contrôle et que des éléments étrangers armés et nationaux avaient continué d’attaquer des civils en Somalie.  L’application de l’interdiction d’exportation de charbon de bois s’est améliorée depuis que le groupe Al-Chabab a été repoussé des zones d’exportation, a indiqué le Président du Comité, en ajoutant que de faux documents avaient cependant été utilisés par des transporteurs.  Le Groupe de contrôle a ainsi suggéré que la Somalie, les États Membres, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et les pays contributeurs de troupes coordonnent mieux leurs efforts pour mettre en place un mécanisme efficace contre le commerce illégal de charbon somalien.

En ce qui concerne la situation sécuritaire, le Président du Comité a déclaré que le Groupe de contrôle a fait part de son inquiétude quant au manque d’informations sur la formation et l’emplacement des forces de sécurité.  Tous les États Membres, a-t-il rappelé, doivent soutenir le programme de réforme du secteur de la sécurité annoncé par le Gouvernement fédéral somalien le 9 septembre 2015, afin de fournir l’assistance technique et financière dans ce secteur.

S’agissant de l’Érythrée, il a déclaré que le Groupe de contrôle n’avait pas trouvé de preuves établissant que le Gouvernement de ce pays avait soutenu le groupe Al-Chabab.  Il a cependant soutenu d’autres groupes en Éthiopie, en violation du paragraphe 16 de la résolution 1907 (2009).  Le Gouvernement érythréen a montré peu d’empressement à coopérer avec le Groupe de contrôle, qui a également cité un manque de progrès dans le règlement du conflit frontalier entre l’Érythrée et Djibouti.  Si la participation des Érythréens à la crise yéménite était confirmée, elle pourrait constituer une violation de la résolution 1907 (2009).

M. Ramírez Carreño a rappelé qu’après l’adoption de la résolution 2244 (2015), le Secrétaire général avait nommé huit experts –sur les armes, les groupes armés, les affaires financières, les affaires humanitaires, les affaires maritimes et les questions régionales, entre autres– rejoignant le Groupe de contrôle.  Entre le 11 et le 15 janvier, le Groupe de contrôle s’est rendu à New York pour tenir des discussions bilatérales avec des représentants de divers groupes, ainsi qu’avec le représentant de l’Érythrée.

Dans sa première mise à jour, le Groupe de contrôle a indiqué qu’il travaillait avec la communauté internationale et les parties prenantes diplomatiques dans la corne de l’Afrique pour élargir son réseau de contacts, conformément à son nouveau mandat, a fait remarquer le Président du Comité.  Le Coordonnateur fournira au Comité une mise à jour à mi-parcours et un rapport final en octobre 2015.  Le Comité a été en outre saisi d’un projet de note d’orientation aux États contenant des recommandations pour une application plus efficace de l’embargo sur les armes.  Le Comité a approuvé ces documents et les publiera en mars.

Déclarations

M. PETER WILSON (Royaume-Uni) a estimé que le Conseil devrait être plus que jamais attentif à la situation en Somalie, comme en témoigne la tentative d’attentat contre un avion de ligne en Somalie au début du mois de février.  Jugeant inévitable que certains, à la fois au sein du Gouvernement et à l’extérieur, tentent de faire dérailler le processus politique, le représentant a déclaré que des informations pertinentes à ce sujet devraient être portées à l’attention du Conseil par le Groupe de contrôle.  Sur le plan militaire, il a souligné que le groupe Al-Chabab ne pouvait être sous-estimé, en rappelant que son affaiblissement momentané ne signifiait pas pour autant une perte de vitesse.  Le Groupe de contrôle, a poursuivi le délégué britannique, doit veiller à ce que le Gouvernement fédéral somalien remplisse les conditions requises pour la levée de l’embargo sur les armes et renforce ses forces armées nationales.  En ce qui concerne l’Érythrée, M. Wilson a qualifié de « franchement scandaleux » le fait que le Groupe de contrôle n’ait pas été en mesure d’entrer dans ce pays au cours de ces trois dernières années.  La balle est désormais dans le camp de l’Érythrée, a-t-il dit, avant de souhaiter qu’avec l’établissement d’un nouveau groupe de contrôle, une meilleure coopération sera établie.

M. YOSHIFUMI OKAMURA (Japon) a souligné que la gestion des finances publiques au cours de la période préélectorale était cruciale.  Les éléments perturbateurs ne doivent pas être autorisés à intervenir, a-t-il dit, en prévenant que le Conseil était prêt à identifier ceux qui s’immiscent ou tentent de s’immiscer dans le processus en cours et à leur imposer des sanctions ciblées.  Par ailleurs, a noté le représentant, si le processus d’édification de l’État doit être conduit par la Somalie elle-même, il doit en revanche être soutenu par la communauté internationale.  À cette fin, le Japon, a-t-il indiqué, a récemment fourni 37,1 millions de dollars supplémentaires, notamment pour appuyer le processus électoral et la formation de la police nationale.  Le délégué a regretté que le Groupe de contrôle n’ait pas pu se rendre en Érythrée depuis 2011, en soulignant qu’il incombait aux États Membres de respecter les résolutions du Conseil de sécurité.  Avant de conclure, il a souhaité que le Gouvernement de l’Érythrée démontre, à l’avenir, auprès du nouveau Groupe de contrôle sa coopération, avec le soutien du Comité des sanctions et du Conseil.

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte), reconnaissant la nuisance toujours avérée du groupe Al-Chabab en Somalie, a déclaré que les récents développements avaient démontré à quel point il est important pour le Conseil de maintenir un élan en faveur de la réconciliation politique dans le pays.  Les menaces qui se posent aux organismes de secours et l’obstruction de l’aide humanitaire aux civils sont encore des sources de grave préoccupation, tout comme l’exportation de charbon à partir des ports somaliens, a fait remarquer le représentant.

M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a estimé que le Groupe de contrôle devrait s’acquitter pleinement de ses fonctions, tout en regrettant qu’il n’ait pu se rendre en Érythrée.  Il a ensuite salué les avancées enregistrées en Somalie ces derniers temps, notamment en matière de sécurité et de reconstruction du pays.  Le Gouvernement fédéral somalien, a-t-il préconisé, doit travailler de manière étroite et transparente avec les institutions régionales.  Il a aussi souhaité que les divergences entre les autorités fédérales et locales sur la question de la gestion des ressources minérales soient résolues.  Le représentant a en outre salué les efforts en cours pour améliorer la sécurité dans le pays, en invitant le Gouvernement fédéral somalien à agir pour protéger les enfants.  Il s’est dit très préoccupé par la présence de Daech dans la corne de l’Afrique, avant de recommander, dans ce contexte, que les Comités des sanctions concernant Al-Qaida, la Somalie et l’Érythrée travaillent en étroite coopération.  Il a par ailleurs appelé à ce que des mesures soient prises pour faire obstacle au trafic illicite du charbon qui prive le Gouvernement de revenus.

M. PHILLIP TAULA (Nouvelle-Zélande) a relevé que les nombreuses richesses naturelles de la Somalie, notamment les richesses minérales et maritimes étaient un atout majeur pour le pays, mais qu’en même temps, en l’absence d’une gestion et d’un contrôle efficaces, ces ressources pourraient exacerber le conflit.  Ce risque, a-t-il prévenu, pourrait s’amplifier avec le processus de fédéralisme en cours de mise en œuvre.  Il a invité le Conseil à faire preuve de prudence en appuyant le pays dans sa gestion des ressources, en estimant que l’expertise du Groupe de contrôle et d’autres partenaires pourrait contribuer à cet effet.  Il a ensuite dit qu’une bonne gestion des ressources somaliennes devrait permettre d’avoir des fonds utiles pour renforcer les institutions de l’État ou pour d’autres dépenses importantes comme le paiement régulier des salaires des soldats somaliens. 

Outre les efforts entrepris par la Somalie, des pays voisins et la communauté internationale, le représentant a jugé utile que d’autres acteurs régionaux soient impliqués pour le suivi du régime de sanctions concernant la Somalie, notamment la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) ou encore les Forces maritimes combinées.  Il a par ailleurs salué l’initiative récente du Groupe de contrôle qui a élaboré une note visant à faciliter l’application des résolutions sur les armes concernant la Somalie.  Il a expliqué que cette mesure pratique serait utile pour clarifier les obligations dont doivent s’acquitter les États qui ne siègent pas au Conseil de sécurité. 

En ce qui concerne l’Érythrée, il a émis le vœu que 2016 sera marquée par une meilleure coopération entre le pays et le Groupe de contrôle, en se disant convaincu qu’une visite de ce dernier dans le pays serait déjà une étape importante.

M. PETR ILIICHEV (Fédération de Russie) a exprimé la préoccupation de sa délégation concernant les « tactiques de terreur » employées par le groupe Al-Chabab et de ses liens possibles avec Boko Haram et Daech.  En dépit du contrôle exercé par les forces de l’AMISOM sur 80% du territoire somalien, les attaques asymétriques perpétrées par ce groupe témoignent de leur capacité à déstabiliser la situation, en a conclu le représentant.  Ces facteurs, associés aux conséquences négatives du conflit au Yémen voisin, soulignent la nécessité d’exercer une pression continue, a-t-il estimé. 

Le délégué a ensuite encouragé le soutien international aux Casques bleus africains, en exprimant l’espoir que la mise en œuvre de la résolution 2245 (2015) et l’élargissement du mandat du Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie (UNSOS) augmenteraient l’efficacité de l’AMISOM.  Exhortant les États Membres à prêter une assistance technique à cet égard, le représentant de la Fédération de Russie a appelé à un renforcement des sanctions imposées en Somalie.  S’agissant de l’Érythrée, il a, à son tour, pris note des conclusions du Groupe de contrôle selon lesquelles il n’existe pas de preuves établissant que ce pays soutiendrait le groupe Al-Chabab.  Il a jugé contreproductives les tentatives d’augmenter la pression sur Asmara.

M. FODÉ SECK (Sénégal) s’est déclaré inquiet des divergences entre le Gouvernement fédéral somalien et les administrations régionales concernant la gestion des ressources naturelles, tout en déplorant la tendance de celles-ci à conclure des accords avec des entreprises privées.  Il a ainsi plaidé en faveur d’une plus grande coopération pour parvenir à un mécanisme fiable de lutte contre le trafic de charbon de bois somalien, mais aussi pour empêcher le mouvement Al-Chabab de financer ses activités grâce à ce commerce illicite.  Sur le plan sécuritaire, le Sénégal reste fortement préoccupé par les difficultés rencontrées pour faire régner la sécurité sur l’ensemble du territoire, y compris dans les secteurs repris au groupe Al-Chabab.  Face à cette situation, le représentant a lancé un appel en faveur du respect de l’embargo sur les armes.  Il a également rappelé que la Somalie avait récemment sollicité le concours des Nations Unies pour obtenir un financement rapide de ses forces de sécurité.  S’agissant de l’Érythrée, le représentant a noté que le Comité n’avait pas été en mesure de réunir des preuves du soutien qu’apporterait Asmaa au groupe Al-Chabab.  Il s’est déclaré en conclusion troublé par les informations faisant état de la présence de soldats érythréens au Yémen.

M. ALEXIS LAMEK (France) a déclaré que sur le plan politique, il était important de rester vigilant et de continuer à œuvrer, avec les responsables somaliens, à la mise en œuvre des accords, et à la continuité de l’engagement de tous dans la stabilisation somalienne.  Sur le plan politique, Al-Chabab est sur le déclin, l’activité économique reprend, et ces signes sont encourageants, a-t-elle dit.  Pourtant, le groupe Al-Chabab est loin d’être défait.  « Notre objectif commun est de poursuivre sans relâche la lutte contre ce groupe terroriste qui a déjà fait trop de victimes et se nourrit de la guerre et de la violence en Somalie », a souligné M. Lamek, tout en faisant observer que l’action militaire ne suffisait pas.  Ce sont les cœurs qu’il faut gagner, pour rallier la population au projet de stabilité et de reconstruction de la Somalie, plutôt qu’au funeste dessein poursuivi par Al-Chabab.  Il y a là une exigence d’exemplarité du comportement de toutes les forces engagées dans la lutte contre Al-Chabab et, en particulier, des troupes de l’AMISOM, en termes de respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire, a expliqué le délégué de la France.  Il est indispensable que les manquements, qui profitent in fine à Al-Chabab, fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites, a-t-il estimé, car il en va de la crédibilité et de l’efficacité de l’AMISOM.

Concernant l’Érythrée, le représentant a noté que le Groupe d’experts n’avait pas démontré que ce pays participait au financement ou au soutien des groupes armés dans la corne de l’Afrique.  Il a toutefois considéré que les conditions n’étaient pas réunies pour décider de la levée des sanctions, comme le demandent les autorités d’Asmara.  « Nous attendons une coopération franche et sincère de leur part avec le Comité des sanctions, notamment sur la question des prisonniers politiques djiboutiens.  C’est la première étape vers une évolution éventuelle du dispositif.  Que cache le Gouvernement d’Asmara, qui l’empêche de coopérer pleinement avec le groupe? » a demandé le représentant.

M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a déclaré que le régime de sanctions sur la Somalie avait contribué à limiter les exportations illégales de charbon, affaiblissant ainsi les ressources du groupe Al-Chabab.  La paix ne peut être durable tant que les Somaliens ne sont pas en mesure de renforcer le secteur de la sécurité, a-t-il affirmé.  Il a aussi invité le Gouvernement fédéral de transition somalien à faire preuve de plus de transparence en communiquant à ses partenaires internationaux des informations sur la position et les équipements de ses troupes.  Il a expliqué qu’une telle mesure permettrait d’assurer un meilleur suivi de l’application des sanctions.  Dans l’optique de priver le groupe Al-Chabab de sa principale source de financement, le représentant a également invité les autorités somaliennes à partager des informations relatives au commerce du charbon de bois.  Il faudrait rompre le lien entre le trafic de ressources naturelles et l’instabilité dans le pays, a-t-il expliqué.

Le délégué des États-Unis a par ailleurs invité le Conseil de sécurité à continuer à suivre de près la corruption en Somalie, en soulignant que la mauvaise gestion des fonds publics ne contribuera pas à faire avancer la reconstruction du pays.  Les allégations selon lesquelles des « soldats de la paix » auraient attaqué des civils dans la région de Gedo, le 13 janvier dernier, au lendemain de l’attaque du groupe Al-Chabab contre une base militaire kényanne sont profondément inquiétantes, surtout lorsque les actions visant à combattre des terroristes risquent de mettre en danger les civils au lieu de les protéger.  Il a demandé de vérifier ces allégations.  Passant à la question des sanctions contre l’Érythrée, il a estimé que lorsque le Gouvernement fédéral somalien engagera une véritable coopération avec le Groupe de contrôle, sa demande visant la levée des sanctions sera prise au sérieux par le Conseil de sécurité.

M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a rappelé que la question de la capacité des autorités somaliennes à prendre pleinement le contrôle des territoires libérés de la présence des Chabab avait déjà été posée dans le passé.  Il a appelé le Conseil à combattre fermement le commerce illicite des ressources naturelles somaliennes.  Il a estimé que des mesures de contrôle fermes devraient être établies et a aussi mis en garde contre la possibilité de falsification de documents pour faciliter la contrebande.  Le Groupe de contrôle a conclu qu’aucune preuve ne pouvait établir l’implication de l’Érythrée dans le conflit en Somalie, a noté le représentant.  Il a ensuite invité les autorités de la Somalie, de l’Érythrée et de l’Éthiopie à coopérer en vue de régler leurs différends.  Il a en particulier invité les autorités érythréennes à coopérer avec le Groupe de contrôle.  Le délégué a dit espérer que ce pays n’était pas en train d’importer le conflit yéménite sur son territoire en ouvrant ses bases militaires aux troupes saoudiennes impliquées dans le conflit au Yémen.  Il a aussi émis le vœu que le Groupe de contrôle ne prendra pas d’initiative de son propre chef, agissant ainsi au-delà de ses prérogatives.

M. ZHAO YONG (Chine) a déclaré qu’au cours de ces dernières années, le processus politique avait beaucoup progressé en Somalie qui, avec l’aide de la communauté internationale, a-t-il estimé, « peut aller encore plus loin ».  Rappelant qu’il n’y avait pas de preuves selon laquelle l’Érythrée soutiendrait le groupe Al-Chabab, il a souhaité que le Comité modifie le régime de sanctions en vigueur.

Se joignant à la déclaration faite par la Nouvelle-Zélande, M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a rappelé que la transparence était aujourd’hui une condition sine qua non.  « Pour que ce Conseil soit pleinement démocratique, nous devons permettre aux autres États Membres de l’Organisation des Nations Unies d’entendre les exposés périodiques des présidents des comités de sanctions », a-t-il souligné.  Un espoir est né « pour une nouvelle Somalie », qui doit emprunter la voie de la réconciliation, a-t-il dit.  Pour freiner l’élan du mouvement Al-Chabab, il est urgent d’adapter la stratégie de lutte à la situation actuelle en faisant preuve de fermeté.  Pour sa délégation, il est impératif de prévenir les exportations de charbon et de supprimer les sources de financement du groupe Al-Chabab.  Le représentant s’est ensuite dit préoccupé par les violations commises, en particulier dans les zones sous le contrôle de ce groupe terroriste.  Avant de conclure, il a reconnu que si les sanctions ne constituent pas une fin en soi, elles sont toutefois un instrument important pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a insisté sur la protection des civils en Somalie, encourageant le Gouvernement fédéral de transition somalien à utiliser davantage l’outil de la médiation.  Il s’est également dit préoccupé par les informations faisant état « d’attaques menées par des membres de la force internationale » contre la population civile.  Au sujet de l’Érythrée, il a noté que le Groupe de contrôle a indiqué n’avoir pas établi de preuve sur une éventuelle implication du pays dans le conflit somalien.  Il a aussi invité l’Érythrée à coopérer davantage avec le Groupe de contrôle pour démontrer sa bonne foi, et prouver qu’il ne soutient aucun groupe armé, que ce soit en Somalie, en Éthiopie ou à Djibouti.

M. RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela), reprenant la parole en sa capacité nationale, a salué les succès de la lutte contre le groupe Al-Chabab.  Il a déploré les allégations selon lesquelles des « forces internationales et des soldats somaliens » auraient pris pour cible la population civile au lendemain de l’attaque perpétrée par le groupe Al-Chabab, le 13 janvier dernier.  Il s’est inquiété des répercussions du conflit au Yémen sur les pays voisins.  Il a invité la communauté internationale à soutenir la Somalie afin qu’elle mette en place des structures administratives dans les zones que ne contrôle plus le groupe Al-Chabab.  Il a regretté que le pays ne puisse pas exploiter ses ressources naturelles alors que la population en a tant besoin.

En ce qui concerne l’Érythrée, le représentant a noté que le dernier rapport du Groupe de contrôle avait conclu qu’il n’existe aucune preuve établissant des liens entre ce pays et le groupe Al-Chabab.  Il a aussi salué la médiation du Qatar entre l’Érythrée et Djibouti.  Comme les raisons ayant motivé les sanctions contre l’Érythrée n’existent plus, il serait temps d’examiner à nouveau leur pertinence afin de pouvoir y mettre fin.  Le représentant a ensuite salué le travail du Groupe de contrôle.  Il a cependant estimé que le Groupe de travail agissait au-delà du mandat défini par le Conseil en traitant de la question du conflit entre l’Érythrée et l’Éthiopie.  « Certains éléments introduits par le Groupe de contrôle compliquent le travail du Comité des sanctions », a-t-il fait observer.  Il a par ailleurs informé le Conseil qu’en sa qualité de Président du Comité des sanctions, il envisageait de donner une suite favorable à la demande faite par le Président de l’Érythrée afin d’entendre toutes les parties concernées.

 

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