Soixante et onzième session,
27e et 28e séances – matin & après-midi
AG/J/3534

Sixième Commission: en désaccord sur l’immunité de juridiction pénale des représentants de l’État, les délégations en appellent à la prudence

La Commission se penche en outre sur la protection de l’environnement  en rapport avec les conflits armés et l’application provisoire des traités

La Sixième Commission (Commission des questions juridiques) a commencé aujourd’hui à examiner les derniers chapitres thématiques du rapport de la Commission du droit international, consacrés respectivement à la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et à l’application provisoire des traités.  Le second sujet a été l’occasion de vifs débats.

Lors de sa présentation des derniers chapitres du rapport, le Président de la CDI, M. Pedro Comissário Afonso, avait souligné la complexité et la haute sensibilité politique de la question des limitations et exceptions à l’immunité de juridiction pénale étrangère.  Celles-ci font l’objet d’un projet d’articles 7, sur lequel la CDI n’avait pu se prononcer lors de sa session, du fait notamment que le rapport de la Rapporteuse spéciale n’était disponible que dans deux des six langues officielles, ce qui a par ailleurs suscité la protestation de la Fédération de Russie, après celle de la France il y a quelques jours.

Le débat s’est transporté à la Sixième Commission, où un franc désaccord s’est fait jour entre ceux qui veulent limiter ces exceptions et ceux qui veulent l’étendre.  Toute la difficulté consiste, comme l’a résumé El Salvador, à trouver le bon équilibre entre le respect des immunités, nécessaire au bon fonctionnement des relations internationales, et la responsabilité individuelle qui doit découler de la commission de crimes internationaux graves, auxquels l’immunité ne peut s’appliquer.

La Fédération de Russie a ainsi jugé l’approche de la Rapporteuse spéciale subjective, affirmant qu’elle risquait de diluer une norme fondamentale du droit international, à savoir que les représentants de l’État jouissent d’une immunité pour les actes commis dans le cadre de leurs fonctions.  Il y a trop de tentatives de faire rendre des comptes à des fonctionnaires alors que l’immunité n’est pas l’impunité et que des moyens conventionnels de reddition de comptes existent en matière de crimes internationaux, a assuré la représentante, appelant à faire preuve de prudence avant toute tentative pour prendre des mesures concrètes. 

Le Soudan a adopté une position semblable, estimant même qu’au lieu de restreindre le champ d’application des immunités ratione materiae et personae, on ferait mieux de les étendre à toute personne appartenant à l’appareil d’État, exerçant des fonctions ou agissant au nom de l’État, sans considération de hiérarchie ou de la nature des actes.  D’ailleurs, a ajouté le Soudan, le principe des immunités de juridiction pénale pour les représentants de l’État a été reconnu par le droit international de manière claire par la Cour internationale de Justice.

En revanche, au nom de la lutte contre une impunité inacceptable, les pays nordiques, El Salvador ou encore la Croatie estiment que certains crimes doivent être exclus des immunités de juridiction pénale étrangère, en particulier ceux prévus dans le Statut de Rome: crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et de génocide.  Beaucoup veulent y ajouter, sous des incriminations particulières, les disparitions forcées et la torture, ce que prévoit le projet d’articles de la Rapporteuse spéciale non encore accepté.  L’addition de la corruption, également envisagée, est plus controversée: l’Autriche y serait favorable, mais pas le Royaume-Uni. 

Face à ces désaccords et à la difficulté de dresser une liste des crimes exclus de cette immunité, Singapour a redit sa suggestion pour une démarche plus pragmatique.  Elle permettrait de déterminer qui décide de l’existence de l’immunité ratione materiae, des crimes auxquels elle s’applique, de la base légale sur laquelle s’appuierait cette décision.  Pour Singapour, il faudrait aussi développer des mesures de sauvegarde pour éviter la subjectivité dans l’application de ces immunités.

Autre sujet qui a opposé les délégations, la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  L’Espagne et la République tchèque ont estimé que le nombre de projets de principe dépasse ce qui est raisonnable et ils manquent en outre de précisions sur les normes qui s’appliquent durant les différentes phases d’un conflit armé: avant, pendant et après.  Même si des divergences existent, nul État ne peut se soustraire aux règles actuelles et notamment aux obligations qui incombent aux États en ce qui concerne le droit international humanitaire, ont toutefois rappelé les pays nordiques.  

Alors que le Portugal estimait que le sujet devait être abordé de manière globale et inclure la dimension des droits de l’homme, tenant compte des dégâts environnementaux et du devoir de protection de l’environnement qui incombe aux États, la Micronésie a rappelé que des épaves de navires de guerre japonais datant de la Seconde Guerre mondiale continuaient de porter atteinte aux populations et à l’environnement de ce territoire insulaire sans que le Japon ne fasse preuve de volonté de débarrasser ces restes de guerre et réparer les dommages causés, en vertu de ses obligations internationales en la matière.

Enfin sur l’application provisoire des traités, les délégations sont plus ou moins tombées d’accord pour dire que les projets de directives ne devaient pas aller au-delà de l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Les pays nordiques ont sur ce point également appelé à faire preuve de prudence,  car le fait qu’un pays applique provisoirement les traités ou non dépend aussi de ses dispositions constitutionnelles internes.  Néanmoins, si un État a accepté les obligations de l’application provisoire des traités, il ne devrait pas être autorisé à invoquer son droit interne pour justifier sa défaillance à remplir ses obligations internationales, a pour sa part estimé l’Australie.

La Sixième Commission a, par ailleurs, achevé l’examen des chapitres du rapport de la CDI portant sur la protection de l’atmosphère, le jus cogens et les crimes contre l’humanité.

La Sixième Commission poursuivra son examen du rapport de la Commission du droit international demain, mercredi 2 novembre, à partir de 10 heures.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-HUITIÈME SESSION (A/71/10)

Fin de l’examen des chapitres VII, VIII, et IX

Déclarations

Mme SONALI SAMARASINGHE (Sri Lanka), a estimé que l’Accords de Paris de 2015 améliore les efforts de la Commission du droit international dans le domaine de la protection de l’atmosphère.  Elle a souligné à cet égard que la notion de « préoccupation commune de l’humanité » devrait être incluse dans le travail actuel de la Commission. 

La représentante a salué le dialogue mis en place avec la communauté scientifique.  Elle a constaté avec préoccupation que, chaque année, 7 millions de personnes meurent du fait de la pollution, ajoutant que ce sujet devait être considéré par la CDI, a-t-elle déclaré.  L’atmosphère est une ressource naturelle limitée.  Dès lors, le Sri Lanka soutient le projet de directive 5 sur l’utilisation durable de l’atmosphère et le projet de directive 6 sur l’utilisation équitable et raisonnable de l’atmosphère.

Enfin, la représentante a noté qu’en ce qui concerne le paragraphe 4 du projet de préambule, sur la situation et les besoins particuliers des pays en développement, l’article 2 de l’Accord de Paris fait référence aux « responsabilités communes mais différenciées », article qui devrait être répété dans le projet de la Commission du droit international.

Mme CATHERINE BOUCHER (Canada) a déclaré que toute définition du jus cogens devait être conforme à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 et ne pas entraîner de dérogation à ladite convention, ni être interprétée comme une telle dérogation.  Pour le Canada, il serait même dangereux que la Commission, dans son analyse, élargisse l’idée de l’acceptation et de la reconnaissance d’une norme impérative par les États de manière à ce qu’elle soit aussi reconnue par d’autres entités, comme les organisations internationales et non gouvernementales et, de manière plus générale, par la communauté internationale. 

Le Canada estime aussi que dresser une liste des normes appartenant au jus cogens serait un exercice utile, à condition qu’il se concentre sur les normes les plus largement acceptées auxquelles les États ne peuvent se soustraire.  Par ailleurs, et bien qu’il voie l’utilité de procéder à l’analyse du jus cogens régional, le Canada souhaite qu’une méthodologie adéquate soit adoptée et qu’une distinction claire doit être faite entre ce principe et celui du jus cogens universel.  La même clarté et distinction devra être faite entre le jus cogens et le jus dispositivum, a également demandé la représentante.

Mme ANNE-MARIE O’SULLIVAN (Irlande) s’est félicitée du mémoire du Secrétariat contenant des informations sur les mécanismes conventionnels de suivi qui pourraient être pertinents pour les travaux futurs de la Commission du droit international.  Pour l’Irlande, cette étude peut servir de base à l’élaboration de mécanisme de suivi d’une future convention sur les crimes contre l’humanité. 

La représentante s’est, en outre, félicitée que le Rapporteur spécial sur la question des crimes contre l’humanité ait reproduit l’article 28 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale pour son projet d’articles 5 sur l’incrimination en droit.  L’Irlande note, en revanche, que les recommandations de la Commission sur la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité s’écartent un peu de l’approche retenue pour la version finale du Statut de Rome.  Il avait été finalement décidé de ne pas inclure ce type de responsabilité dans le Statut de Rome, en raison des divergences de vue sur ce point, a rappelé la représentante, qui a demandé à la CDI de bien vouloir reconsidérer la question. 

Concernant le jus cogens, la représentante a déclaré que chercher à établir une liste illustrative des normes impératives de droit international risquait de changer la nature du sujet à l’étude de la Commission.  L’Irlande penche plutôt pour une approche visant à déterminer les normes de jus cogens et les conséquences juridiques qui en découlent.  La délégation est en outre d’avis que les articles 53 et 64 de la Convention de Vienne sur le droit des traités sont les bases essentielles du sujet et que la Commission devrait entreprendre une étude de fond pour démontrer que les normes de jus cogens ne peuvent être créées par inadvertance.  Enfin, l’Irlande attend que le Rapporteur spécial examine dans son prochain rapport les sources des normes de jus cogens et la relation entre le jus cogens et la clause de non dérogation dans les traités relatifs aux droits de l’homme, a-t-elle conclu.  

Mme JANE J.CHIGIYAL (États fédérés de Micronésie) a déclaré que la fragmentation du droit international était un sujet de préoccupation pour les pays en développement, avant de se concentrer sur la question de la protection de l’atmosphère.  Elle a salué la collaboration de la CDI avec la communauté scientifique sur ce sujet et a fait observer que le rôle que jouent les activités humaines dans la dégradation de l’atmosphère est désormais prouvé scientifiquement.  La représentante a insisté sur l’obligation qu’ont les États de protéger l’atmosphère et salué en ce sens l’adoption en première lecture par la CDI du projet de directive 3.  Les activités d’un État ont des répercussions sur les autres États, a-t-elle souligné.  Ainsi, toute activité d’un État qui porte atteinte à l’atmosphère au-dessus de son territoire aura des répercussions sur l’atmosphère en général.  L’obligation de protection de l’atmosphère est une obligation « erga omnes », en ce qu’elle touche l’ensemble de la communauté internationale, a poursuivi la représentante, qui a également fait valoir que la CDI faisait, dans le projet de directive 3, une distinction entre les mesures prises au titre de la lutte contre la pollution atmosphérique transfrontière d’une part et celles qui concernent la dégradation globale de l’atmosphère d’autre part.  La représentante a souligné à cet égard qu’un État ne saurait réduire ses obligations au titre de lutte contre la pollution atmosphérique transfrontière en réclamant des standards plus bas en ce qui concerne la dégradation de l’atmosphère.

En outre, la représentante a soutenu avec force, la suggestion du Rapporteur spécial que la Commission traite des interrelations du droit de l’atmosphère avec les autres domaines du droit international, en particulier le droit de la mer et le droit international humanitaire.  Elle a estimé que la dégradation de l’atmosphère avait des conséquences sur les océans, y compris les ressources vivantes et non vivantes.

M. YUKI HIROTANI (Japon) a redit l’attachement de son pays à la justice internationale en matière de crimes contre l’humanité et souhaité que la CDI continue à travailler de manière constructive sur le sujet.  Concernant la  protection de l’atmosphère, le représentant a dit apprécier le travail fait par la Commission avec l’aide de scientifiques.  Mais le Japon estime que la CDI devrait reconsidérer son point de vue sur la notion de « préoccupation commune de l’humanité ».  Sur le jus cogens, le représentant a reconnu les difficultés à établir une liste exhaustive de normes de jus cogens.  Il faut avancer avec prudence sur cette question, a-t-il dit, ajoutant qu’il ne fallait surtout pas modifier les dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités. 

Mme FERRY ADAMHAR (Indonésie), a déclaré que l’Indonésie incriminait et sanctionnait en droit interne les crimes contre l’humanité et le crime de génocide.  « Nous avons mis en place un cadre juridique pour protéger les témoins de crimes contre l’humanité ».  L’Indonésie sera heureuse de donner à la Commission du droit international des informations sur son droit national, d’autant que le pays est en train de réformer son droit pénal, a-t-il déclaré.

Passant au sujet de la protection de l’atmosphère, le représentant a pris note des projets de directive 5 et 6 et du paragraphe 4 du préambule.  Il a souligné que l’Indonésie a été le quatre-vingt neuvième pays à avoir ratifié l’Accord de Paris.  Il a pris note du fait que les obligations de coopérer avec d’autres États pour protéger l’atmosphère avaient également été prévues dans les projets de directive.  Des mesures doivent être prises contre les personnes qui polluent l’atmosphère, par exemple par les feux de forêt, a-t-il affirmé.  Il a souligné qu’à ce jour, l’Indonésie avait sanctionné administrativement plus de 30 entreprises pour cause de feux de forêt.  En outre, il a annoncé que son pays envisageait de mettre en place une coopération avec des pays et des entreprises contre les feux de forêt qui ont connu un regain ces dernières années.  Concernant le jus cogens, le représentant a noté que le sujet est en cours d’évolution.

M. KOTESWARA RAO MADIMI (Inde) a déclaré que les travaux de la CDI sur les crimes contre l’humanité risquaient de faire doublon avec les mécanismes internationaux existants, notamment le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.  Sur la protection de l’atmosphère, l’Inde estime que le projet de préambule devrait souligner la responsabilité particulière des pays industrialisés, qui ont joué un rôle majeur en matière de pollution.  Le représentant a ajouté que les capacités des pays en développement devraient aussi être prises en compte.  Concernant le jus cogens, le représentant a déclaré soutenir les travaux futurs de la Commission, notamment l’établissement d’une liste des normes relevant du jus cogens, ainsi que les sources de celui-ci et ses relations avec le régime de dérogation. 

M. STEPHANE OJEDA, Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a estimé que tout nouvel instrument de droit international concernant les crimes internationaux devait être cohérent.  La lutte contre les crimes internationaux est un sujet majeur, a-t-il déclaré, avant de rappeler que la coopération avec les tribunaux internationaux pour lutter contre les crimes contre l’humanité était essentielle.  Il revient également de renforcer les capacités nationales sur ces questions, a-t-il fait valoir.

Conclusion des rapporteurs spéciaux

M. SHINYA MURASE, Rapporteur spécial sur le sujet de la protection de l’atmosphère, a remercié les délégations qui se sont exprimées et assuré que leurs commentaires et observations seraient reflétés dans son quatrième rapport.  Il a également reconnu le rôle majeur des scientifiques en ce qui concerne la protection de l’atmosphère, assurant qu’il allait continuer à organiser des débats avec eux afin d’enrichir la compréhension générale du sujet.

M. DIRE TLADI, Rapporteur spécial sur le sujet jus cogens, a lui aussi assuré que les observations faites seront reprises dans le prochain rapport du Rapporteur spécial, quel qu’il soit.  

Examen des chapitres X, XI, et XII

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO, Président de la Commission du droit international, a présenté les trois derniers chapitres thématiques de la CDI, portant respectivement sur « la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés », « les immunités de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État » et « l’application provisoire des traités ».

Le sujet « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés » a été inscrit au programme de travail de la Commission en 2013.  Désignée Rapporteuse spéciale, Mme Marie G Jacobsson, a présenté cette année à la CDI son troisième rapport, qui vise essentiellement à déterminer les règles particulièrement pertinentes applicables aux situations d’après-conflit, tout en traitant également de certaines mesures de prévention à prendre pendant la phase précédant le conflit. 

Le Président a noté qu’au total neuf projets de principe étaient proposés dans le rapport, qui vise essentiellement à déterminer les règles particulièrement pertinentes applicables aux situations d’après conflit, tout en traitant également de certaines mesures de prévention à prendre pendant la phase précédant le conflit.  Le rapport contient aussi trois projets de principe sur les mesures de prévention et cinq autres relatifs principalement à la phase d’après conflit.  Il comporte également un autre projet de principe sur les droits des peuples autochtones et une analyse succincte des travaux déjà effectués ainsi que des suggestions concernant le programme de travail futur sur le sujet, Les commentaires des projets de principes devraient être examinés au cours d’une session future.  M. Comissário a déclaré que la Commission n’avait pas encore décidé une définition du terme « environnement » et, le cas échéant, s’il faudrait dire « environnement naturel ». 

Concernant les projets de principes 9 à 13, le Président a noté que les considérations environnementales telles que contenues dans le projet de principe 11 -« Considérations environnementales »-, sont prises en compte dans l’application du principe de proportionnalité et des règles relatives à la nécessité militaire.  Il a en outre fait remarquer que le projet de principe 12 sur l’interdiction des représailles, qui dispose que les attaques commises contre l’environnement naturel à titre de représailles sont interdites, a suscité beaucoup de débats.  Enfin, le projet de principe 13, intitulé « Zones protégées », établit qu’une zone d’importance environnementale et culturelle majeure déclarée zone protégée par accord est protégée contre toute attaque, aussi longtemps que ne s’y trouve aucun objectif militaire.

M. Comissário a ensuite présenté le sujet « Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État », inscrit au programme de travail de la Commission depuis 2007.  Mme Concepción Escobar Hernández, qui a succédé en 2012 au premier Rapporteur spécial, M. Roman A Kolodkin, a présenté cette année à la CDI son cinquième rapport, qui analyse la question des limitations et des exceptions à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Étant donné qu’au moment de l’examen du rapport, celui-ci n’avait été fourni à la Commission que dans deux des six langues officielles de l’Organisation, le débat au sein de la Commission sera poursuivi à la soixante-neuvième session de la Commission, a-t-il déclaré. 

La question des limitations et exceptions est complexe et hautement sensible politiquement pour les États, a relevé le Président de la CDI.  Il a rappelé à propos du nouveau projet d’article 2 f), qui concerne un acte réalisé à titre officiel accompli par un représentant de l’État, qu’il faut qu’il existe un lien direct entre l’acte et l’autorité de l’État.  L’autre projet d’articles adopté cette année, le projet d’articles 6 « portée de l’immunité ratione materiae », porte sur le régime général applicable aux fin de l‘immunité ratione materiae. M. Comissário a noté à ce sujet que peu importe que le représentant de l’État soit toujours à son poste ou qu’il ait cessé d’être un représentant de l’État.

Enfin, le Président a indiqué à propos de l’application provisoire des traités, thème du chapitre XII, que le comité de rédaction de la Commission n’avait pu conclure ses travaux sur les projets de directive qui lui ont été renvoyés.  Par conséquent, la Commission n’a rien adopté sur le sujet.  Cela dit, il y a eu débat sur le quatrième rapport du Rapporteur spécial, qui analyse le rapport entre l’application à titre provisoire et les autres dispositions de la Convention de Vienne de 1969, de même que de la pratique des organisations internationales pour ce qui était de l’application provisoire des traités et son additif, qui contient des exemples de pratiques récentes de l’Union européenne concernant l’application provisoire d’accords avec des États tiers.  Ces discussions ont mis en avant le besoin d’éclaircissements sur les effets juridiques d’un traité, notamment savoir s’il a les mêmes effets avant et après son entrée en vigueur, a commenté M. Comissário.

Mme EGLANTINE CUJO, Union européenne, a déclaré il n’y avait pas de point de vue commun au sein de la Commission du droit international sur la méthodologie générale à adopter concernant le thème de l’Application provisoire des traités.  Alors que le Rapporteur spécial procède sur la base de commentaires sur des articles de la Convention de Vienne pour, ensuite, présenter de larges conclusions par analogie, le rapport de la CDI reflète toutes sortes de points de vue exprimés par les membres de la Commission.  Ces questions doivent être examinées à la lumière de la pratique internationale pertinente, a-t-elle déclaré.  La représentante a estimé qu’il faudrait que l’analyse soit combinée avec l’examen de pratiques ciblées pour que le travail porte ses fruits.  Le problème vient peut-être de l’article 25 de la Convention de Vienne, a-t-elle fait observer, en ce qu’il ne limite pas les effets juridiques de l’application provisoire.  Mme Cujo a salué la décision de la Commission de demander au Secrétariat un mémorandum analysant la pratique des États au regard des traités.

L’Union européenne considère que les projets de directives gagneraient à avoir pour objectif une analyse des tendances principales de la pratique des traités, pour déterminer notamment si les modalités d’une application provisoire sont fournies dans le traité lui-même ou si elles peuvent être définies d’une autre manière.  En outre, la représentante a posé une série de questions: l’application provisoire est-elle utilisée pour l’accord en entier ou pour certaines parties seulement? Y-a-t-il une corrélation entre les degrés de complexité des accords et l’application provisoire?  Est-ce que les mécanismes de l’application provisoire diffèrent si le traité est bilatéral ou multilatéral ?

M. OYVIND HERNES (Norvège), au nom des pays nordiques, a dit qu’en dépit des divergences actuelles sur la Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, tous les États avaient le devoir de respecter leurs obligations relatives au droit international humanitaire.  Il ne peut y avoir aucun doute sur l’applicabilité des règles actuelles de droit international humanitaire, a dit le représentant.

S’exprimant sur l’immunité de juridiction pénale des représentants de l’État, le représentant a déclaré qu’en cas de crimes contre l’humanité, le génocide ou crimes de guerre, les pays nordiques estiment que les principes d’immunité ratione materiae et d’immunité ratione personae ne devraient pas s’appliquer, y compris devant les juridictions nationales.  Les pays nordiques ne s’opposent, en outre, pas à ce que d’autres catégories de crimes soient ajoutées à cette liste, a dit le représentant, qui a précisé que ces pays sont également en faveur de la clause « sans préjudice », qui fait explicitement référence à l’obligation de coopération.

S’agissant de l’application provisoire des traités, les pays nordiques pensent qu’un traité a les mêmes effets juridiques avant et après son entrée en vigueur.  Mais cette pratique doit être étudiée en ce qui concerne les organisations internationales, a ajouté le représentant, qui a appuyé la demande d’une étude à confier au Secrétaire général.  Cela dit, il faut faire preuve de prudence car le fait qu’un pays applique provisoirement les traités ou non dépend aussi de ses dispositions constitutionnelles internes, a encore déclaré le représentant, avant de préciser que les pays nordiques soutiennent les projets de directives sur cette question et l’étude de clauses modèles

M. HELMUT TICHY (Autriche) s’est interrogé, dans le cadre de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, sur le bien-fondé de l’usage du mot « efficace » devant les termes « législatif » et « autres mesures ».  Il a expliqué que cette pratique n’est pas commune dans la pratique du droit international, et que cet ajout posait un problème de cohérence.  Sur le projet de principe 7, relatif à la présence de forces militaires dans le cadre d’un conflit armé, le représentant a cru voir un chevauchement entre ce qui est dit dans cette partie du rapport et le contenu du principe 1-3 portant sur les accords sur le statut des forces et accords sur le statut de la mission.  Le représentant a également souhaité que le principe 8 –relatif aux « opérations de paix »- soit bien explicité car cette expression n’est pas définie en droit international, y compris en droit international humanitaire.  Il a aussi relevé que le terme « paix » utilisé dans le principe 14 sur les processus de paix n’avait pas un sens clair internationalement agréé.

M. Tichy a indiqué que l’Autriche, bien que très intéressées par les discussions qui ont eu lieu cette année, préfère attendre l’an prochain pour commenter de nouveau le thème de l’Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, quand la Commission aura terminé son examen.  Il a toutefois soulevé le question de l’inclusion dans le champ des immunités des actes de nature privée d’un État, citant en exemple le cas d’un achat de matériel de guerre interdit.  Pour M. Tisch, la définition proposée par la CDI de l’acte effectué à titre officiel n’est pas claire sur ce point et les législations nationales citées par le Rapporteur spécial offrent des solutions distinctes.

S’agissant des exceptions à l’immunité, l’Autriche souscrit à l’idée qu’elles ne portent que sur certaines procédures criminelles, mais il a averti que de telles restrictions pourraient conduire à des abus, notamment à des fins politiques ou frauduleuses.  M. Tisch a, de ce fait, plaidé pour l’établissement d’un mécanisme international de prévention de tels abus, notamment dans le cadre de la future convention sur le représentant a précisé que l’immunité ne devrait pas être prise en compte en cas de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de torture et de disparition forcée.  Il a ajouté qu’un débat devra déterminer s’il faudrait appliquer ou pas l’immunité en cas de crimes de corruption, de même que pour les cas d’activités d’espionnage.  Il a enfin rappelé que tout État est tenu de respecter les dispositions d’un traité international dès lors qu’il y est partie, mais il a relevé que le droit de réserve peut aussi être invoqué dans les cas de traités provisoirement appliqués.

Mme PETRA BENESOVÁ (République tchèque) a jugé inutile le projet de principe 1 sur le champ d’application de l’étude sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.  Quant au projet de principe 2 (objet de l’étude) la représentante a regretté qu’il n’explique pas comment l’objectif d’amélioration de la protection de l’environnement pourrait être atteint par le biais d’un texte juridiquement non contraignant.

Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, Mme Benesova a estimé que le projet d’articles 7 reflétait bien la tendance des États en faveur de l’exception d’immunité ratione materiae lorsqu’il s’agit du crime de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Elle a exprimé son accord avec les principaux éléments du projet d’articles 6 sur la portée de l’immunité ratione materiae.

Mme SKYE BALE (Australie) a noté qu’il était clair que l’article 25 de la Convention de Vienne autorise une application provisoire des traités, ajoutant qu’il pouvait y avoir de nombreuses raisons pour que les États aient besoin de recourir à une telle application provisoire.  Elle a cité à cet égard certains traités concernant l’aviation civile, avant de juger utile que la CDI se penche sur les motifs qui mènent les États à avoir recours à l’application provisoire. Relevant que la pratique d’État en la matière était soit rare soit difficile à obtenir, elle a incité les États à fournir des commentaires sur leur pratique.  La représentante a, en outre, fait valoir que rien n’empêche un État de formuler des réserves.  Il faudrait toutefois les distinguer de telles réserves des dispositions d’un traité accordant expressément à un État la possibilité de faire une déclaration excluant ou limitant l’application provisoire en ce qui le concerne.  Par ailleurs la représentante a reconnu que le projet de directive 10, relatif au droit interne des États, est basé sur l’article 27 de la Convention de Vienne.  Si un État a accepté les obligations de l’application provisoire des traités, cet État ne devrait pas être capable d’invoquer son droit interne pour justifier sa défaillance à remplir ses obligations internationales, a-t-elle estimé.  En même temps l’Australie reconnait avec le Rapporteur spécial qu’une telle situation est différente de celle des situations autorisées dans lesquelles un État limite l’application provisoire des traités du fait de son droit interne. Enfin, en ce qui concerne la forme finale à donner à cette étude, l’Australie appuie le développement de directives ou de clauses modèles. 

M. DAVID LOW (Singapour) a déclaré que Singapour partage le point de vue du Rapporteur spécial sur le fait qu’il existe bel et bien des limitations et exceptions à l’immunité de juridiction pénale étrangère ratione materiae pour les représentants d’État.  Compte tenu des difficultés à dresser une liste des crimes exclus de cette immunité, Singapour a déjà suggéré une approche pragmatique, afin notamment de déterminer qui décide de l’existence de l’immunité ratione materiae et des crimes auxquels elle s’applique; quelle serait, dans chaque cas, la base légale d’une telle décision; et, enfin, de quelle preuve est-il besoin pour décider de l’existence de cette immunité en fonction du crime en question.  Par ailleurs, il faudrait développer des mesures de sauvegarde afin de s’assurer que ces immunités ne sont pas appliquées de façon subjective, a ajouté le représentant. 

Par ailleurs, le Singapour fera connaitre ses pratiques concernant l’application provisoire des traités au Secrétaire général dans le cadre de l’étude qui lui est demandée.  Le représentant a, toutefois, expliqué que, pour le Singapour, les questions relatives aux réserves dans l’application provisoire et de l’invalidité des traités doivent être étudiées en profondeur, comme le suggère d’ailleurs certains membres de la Commission.  La délégation ne soutient en revanche pas le développement de clauses modèles pour l’instant, ni l’examen de la question de l’applicabilité provisoire des traités portant sur les droits individuels, car Singapour est d’avis que les règles concernant l’application provisoire des traités doivent être les mêmes pour tout type de traités, sauf dispositions contraires, a indiqué le représentant.

M. HECTOR ENRIQUE CELARIE LANDAVERDE (El Salvador) s’est félicité que les projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés abandonnent la distinction entre conflits armés internationaux et non internationaux.  Le représentant a, en revanche, recommandé la vigilance en ce qui concerne la temporalité, estimant que certaines obligations devaient être respectées à tout moment.  Il a, par ailleurs, regretté que la notion d’attaque contre l’environnement ne soit acceptée que lorsqu’il a été pris pour objectif militaire, sans évaluer les particularités de l’environnement ni l’irréversibilité de certains dégâts.

En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, El Salvador est favorable au maintien d’un équilibre entre le respect des immunités, nécessaire au bon fonctionnement des relations internationales, et la responsabilité individuelle qui doit découler de la commission de crimes internationaux graves, auxquels l’immunité ne peut s’appliquer.  En termes de méthodologie, il ne partage pas la position de certains membres de la Commission qui demandent de vérifier préalablement le caractère de norme coutumière de chaque crime: le travail de la CDI ne doit pas se limiter à la codification du droit international coutumier; il consiste aussi à le développer progressivement.  En outre, l’existence irréfutable d’une telle norme coutumière n’est pas le seul moyen d’aborder la question des limites et exceptions à l’immunité, a dit le représentant.  L’absence de pratique générale peut d’ailleurs démontrer l’impunité maintenue face à la commission de graves crimes internationaux.  En conséquence, El Salvador est favorable à ce que soient exclues des immunités de juridiction pénale étrangère l’ensemble des crimes prévus dans le Statut de Rome, autrement dit les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et de génocide, ainsi que les disparitions forcées et la torture comme catégories indépendantes.  Quant à l’agression, étant donné son caractère particulier, El Salvador estime qu’il faut attendre une étape ultérieure des travaux de la CDI pour dire si elle doit être exclue des immunités de juridiction pénale.

M. ELSADIG ALI SAYED AHMED (Soudan) a souhaité, s’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, que soit conservé le terme « environnement » sans le mot son adjectif « naturel », car le terme « environnement » est un plus général et définit le cadre de vie des individus.  Les projets de textes doivent également conserver la mention « conformément à ce qui est consacré par le droit international humanitaire », afin que chacun sache de quoi il en retourne.  Enfin, le Soudan souhaite que la Commission mette au point des projets de principes spécifiques à l’eau, en tant qu’élément vital.

Le représentant a déclaré que le principe des immunités de juridiction pénale pour les représentants de l’État avait été reconnu par le droit international de manière claire par la Cour internationale de Justice.  Ce principe ne peut, par conséquent, pas faire l’objet d’un débat.  Dans ce contexte, le Soudan souhaite que la portée de la définition des représentants de l’État ne doit pas être restreinte, mais au contraire élargie à toutes personnes appartenant  à l’appareil d’État, exerçant des fonctions ou agissant au nom de l’État, sans considération de hiérarchie au sein de l’État.  Il estime aussi que tous les actes pris par les acteurs de l’État doivent être couverts par les immunités, sans que leur nature criminelle ou non ne soit prise en compte.  L’immunité de juridiction pénale étrangère est une conséquence du principe d’égalité souveraine des États, a encore déclaré le représentant, qui a estimé qu’on ne saurait accorder le même poids aux pratiques nationales et la jurisprudence des États, qui sont changeants et diverses, à la jurisprudence des cours internationales, et en premier lieu de la CIJ, « qui est plus cohérente ».

Enfin, le représentant a demandé qu’on distingue bien la codification du droit international de son développement progressif et il a contesté l’existence des « valeurs » de la communauté internationale à laquelle fait référence la Rapporteuse spéciale, estimant que nombre des principes qu’elle y fait entrer ne font pas partie d’un consensus international. 

Mme  ELENA MELIKBEKYAN (Fédération de Russie) a estimé que le sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est une question devait être étudiée avec beaucoup de vigilance du fait des débats sur la responsabilité personnelle en matière de crimes internationaux.  Elle a donc regretté que le rapport n’ait pas été traduit dans l’ensemble des langues officielles des Nations Unies avant son examen.  La représentante a ensuite critiqué l’approche de la Rapporteuse spéciale, estimant qu’elle s’appuyait, pour présenter les exceptions codifiables au principe d’immunité de juridiction pénale, sur des considérations « subjectives » plutôt que sur la pratique des États et l’opinio juris.  La Fédération de Russie n’est pas d’accord avec l’idée que les exceptions à l’immunité reflètent des normes applicables.  Le Rapporteur spécial n’a pas pu nous convaincre de l’existence de ces normes, a déclaré la représentante.  La Fédération de Russie n’est pas d’accord non plus avec la conception présentée d’une évolution progressive des normes.  Pour elle, on ne peut parler d’évolution progressive du droit international s’il doit en résulter la dilution d’une norme fondamentale du droit international.  La Fédération de Russie estime qu’il y a trop de tentatives de tenter de faire rendre des comptes à des fonctionnaires d’État, et que cela n’est pas possible.  Pour la représentante, l’immunité n’implique certes pas l’impunité et faire rendre des comptes est toujours possible, mais seulement quand il existe des moyens conventionnels pour faire rendre des comptes en matière de crimes internationaux.  Tout cela doit faire l’objet de débats prudents, avant toute tentative pour prendre des mesures concrètes, a-t-elle déclaré.

Concernant l’application provisoire des traités, la représentante a estimé que le travail de la Commission avait été rendu difficile par les divers commentaires des États.  La représentante a rappelé que rien n’empêche un État de formuler des réserves au moment où il signe un accord international.

M. STEFAN RACOVITA (Roumanie) a estimé que les projets de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés reflétaient bien  le droit actuel de ce domaine.  Le représentant s’est notamment dit d’accord avec le fait que les peuples autochtones dépendent de l’environnement des territoires où ils vivent et que tout dommage à leur environnement peut avoir des conséquences sur leur existence.  Les dommages sur l’environnement causés par les conflits armés ont aussi des conséquences directes sur les peuples, par exemple sur l’agriculture.  Pour la Roumanie, la CDI devrait envisager une déclaration plus générale ayant pour objectif la protection des peuples qui ont des connections très proches avec l’environnement des territoires dans lesquels ils habitent.  Tout en détaillant le droit national en la matière, le représentant a expliqué que la législation en vigueur en Roumanie démontrait la grande importance que ce pays accorde à la protection de l’environnement en rapport avec les activités militaires.

Le représentant, a par ailleurs, salué l’approche de la Rapporteuse spéciale sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Notant le vif débat suscité par cette question, il a estimé que la Commission devrait se concentrer sur la codification des normes internationales sur le sujet. Pour la Roumanie, il convient certes d’accorder une attention particulière au développement du droit international eu égard à ces immunités, mais cette attention devrait intervenir à une étape ultérieure.  En outre, le représentant a émis des doutes quant à l’existence d’une coutume internationale concernant la corruption.

Le représentant a réitéré l’intérêt de son pays pour la question de l’application provisoire des traités et a estimé qu’une analyse de la pratique des États en la matière devrait accorder une attention particulière à l’étude de la pratique qui a été accumulée durant les années.

M. YOUSSEF HITTI (Liban) s’est dit convaincu que les questions relatives à la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés devraient continuer d’être discutées au sein de la Commission du droit international et de la Sixième Commission, compte tenu des récentes évolutions, comme l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur le climat et la résolution portant sur la protection de l’environnement dans les zones affectées par un conflit armé adoptée par l’Assemblée des Nations Unies pour l'environnement.

Le Liban appuie donc les projets de principes, en particulier ceux relatifs aux évaluations de l’environnement et mesures de remise en état après un conflit armé (principe 15) aux restes de guerre immergés en mer (principe 17).  Le Liban aurait cependant aimé des projets de principes plus prescriptifs, qui auraient tenu compte des aspects humains des conflits armés, mais aussi des principes de responsabilité, de prévention et de précaution et de proportionnalité appliqués à l’environnent.  

M. CHRISTOPHER STEPHEN (Royaume-Uni) a estimé que la base juridique internationale d’un certain nombre de principes invoqués par la CDI au sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, n’était pas claire.  Le représentant a mentionné en particulier la controverse entourant la formulation du projet de principe 12 concernant l’interdiction des représailles.  Il a ajouté que la Commission ne devrait pas chercher à modifier le droit des conflits armés.

Le représentant a estimé que les projets d’articles relatifs à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État comprennent des éléments qui représentent un développement progressif du droit international.  Dès lors, le Royaume-Uni estime que les travaux devraient mener à l’adoption d’une convention internationale.  Le représentant, a par ailleurs, noté que le cinquième rapport de la Rapporteuse spéciale n’avait fait l’objet que d’un débat préliminaire auquel seul un nombre limité de membres de la Commission ont pris part.  Pourtant, même à ce stade, il est évident que la CDI est très divisée sur la question des exceptions aux immunités, a-t-il constaté.

Du fait que la Commission n’a pas encore pris de décision sur le projet d’articles 7 portant sur les exceptions aux immunités, le Royaume-Uni attendra l’année prochaine pour faire une déclaration complète.  Néanmoins, il accueille favorablement le projet d’articles 782 qui exclut des exceptions les représentants de l’État qui jouissent d’une immunité ratione personae, tout en estimant que cette disposition pourrait devenir superflue si l’exception est confirmée au projet d’articles 4(1).  Il rappelle en outre que la violation d’une norme de jus cogens ne constitue pas en soi nécessairement une exception à l’immunité de juridiction.  De même, le Royaume-Uni ne considère pas que le crime de corruption doive constituer une exception à l’immunité.  À propos des projets d’articles 2 et 6 sur la définition d’acte réalisé à titre officiel et sur la portée de l’immunité ratione personae, le représentant a souligné qu’il s’agissait de questions difficiles qui devront être revues à la lumière des projets d’articles dans leur ensemble.

Concernant l’application provisoire des traités, le représentant a constaté qu’elle avait tendance à augmenter dans la pratique et sans toujours qu’il y ait une grande clarté.  À cet égard, il s’est félicité de la proposition de directive 10 concernant l’obligation de ne pas invoquer le droit interne pour justifier le non-respect des obligations internationales dans l’application de tout ou partie d’un traité.

Mme SUSANA VAZ PATTO (Portugal) a estimé que le sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés devait être abordé de manière globale et inclure la dimension des droits de l’homme.  Elle a également souligné que les références aux dégâts environnementaux ou à la protection de l’environnement devaient être clairement exprimées dans les projets de principes. En outre, la représentante a fait observer que les projets de principes ne doivent pas suivre strictement la règle temporelle avant, pendant et après conflit.

Par ailleurs, Mme Vaz Patto a rappelé que les solutions proposées au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État devaient démontrer le caractère exceptionnel du régime des immunités et être fondées sur une évaluation juste, équitable et raisonnable.

Enfin, la représentante a fait remarquer que le thème de l’application provisoire des traités était d’un grand intérêt politique, vu l’augmentation, dans les relations internationales, des besoins de réponses rapides et pas toujours compatibles avec le lent processus d’entrée en vigueur des traités.  Elle a estimé que le travail de la CDI ne devrait pas aller au-delà de l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, et devrait garder à l’esprit les restrictions nationales qui existent dans beaucoup d’États concernant l’acceptation de l’application provisoire des traités.

M. SEBASTIAN ROGAC (Croatie) a déclaré que la liste des crimes exclus des immunités de juridiction pénale devrait être élargie.  Il a également demandé que soit précisé si la définition prévue de la torture prévue est bien conforme à celle de la Convention contre la torture ou à celle du travail de la Commission sur les crimes contre l’humanité.

Par ailleurs, M. Rogac a rappelé que la pratique de l’application provisoire des traités doit être conforme non seulement à la Convention de Vienne et autres règles de droit international, mais également aux principes du droit international.  Il a, en outre, estimé que l’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités est, mutatis mutandis, applicable dans sa totalité dans le contexte de l’application provisoire des traités.

M. JOSÉ MARTÍN Y PÉREZ DE NANCLARES (Espagne) a estimé que le nombre de projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés dépasse ce qui est raisonnable.  En outre, l’Espagne n’est pas persuadée que tous les projets de principes aient été pourvus des explications afférentes nécessaires.  Le représentant a, en outre, constaté que la tâche visant à déterminer quelles normes s’appliquent à quoi durant les trois phases d’un conflit armé n’est pas simple.  Cette complexité doit aussi révéler un degré insuffisant de maturité de ce projet, a ajouté le représentant; qui a, en outre, estimé que le projet de principe 1 devrait dire expressément que l’étude s’applique aux conflits internationaux comme aux conflits non internationaux.

Le représentant a félicité la Rapporteuse spéciale sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État pour son rapport et a attiré l’attention sur la prudence qui doit être de mise quand on aborde ce sujet.  Il a déclaré ne pas comprendre pourquoi certains projet d’articles, telles que les projets 6 et 7, sont limité aux États.  En outre, l’Espagne ne voit pas pourquoi l’immunité dont bénéficie les chefs d’État, chefs de gouvernement et ministres des affaires étrangères après la fin de leur fonction n’est pas décrite ouvertement comme étant une immunité ratione materiae.

Enfin, le représentant a dit ne pas comprendre que les projets de directives sur l’application provisoire des traités se limitent aux États.  Il a estimé qu’il serait opportun d’aligner ce projet sur l’article 27 de la Convention de Vienne.

M. JEEM LIPPWE (États fédérés de Micronésie) a rappelé que son pays avait connu un conflit armé et subi les activités militaires de la part des puissances étrangères.  Avant la Seconde Guerre mondiale, le Japon disposait par exemple d’une base navale en Micronésie.  Aujourd’hui des épaves de ces navires et installations militaires sont encore présentes en Micronésie, avec un danger pour les populations et l’environnement naturel marin, a dit le représentant, ajoutant que les parties concernées ne font pas preuve de volonté de débarrasser ces restes de guerre, alors même que le droit international dispose que les restes de guerre, comme les épaves de navires, restent la propriété des belligérants et leur impose des obligations de les enlever et de réparer les dommages causés à la partie tierce. 

Les populations ne peuvent pas vivre sans un environnement sain, a poursuivi le représentant, affirmant ne pas comprendre pourquoi cette question ne pourrait pas jouir d’une attention appropriée lorsque l’environnement est victime de conflit armé.  On peut fort bien élaborer des principes à ce sujet, a encore déclaré le représentant, soulignant aussi qu’une évaluation de l’impact des activités militaires sur l’environnement était cruciale.  Cependant il ne devrait pas revenir aux belligérants de mener cette évaluation, ce qui en ferait des juges et parties, compte tenu de leurs obligations de réparation.  Ce travail d’évaluation devrait revenir à une ou à des organisations internationales, a plaidé le représentant.  

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