Comité spécial de la décolonisation,
11e séance– matin
AG/COL/3299

Le Comité de la décolonisation appelé à faire la différence entre « décolonisation « et « réforme coloniale » en Polynésie française

À quelques jours de la fin de sa session 2016, le Comité spécial de la décolonisation a été appelé à rester vigilant et à bien faire la différence entre « décolonisation » et « réforme coloniale » en Polynésie française.  Après cette mise en garde, le Comité spécial a adopté des projets de résolution sur la Nouvelle-Calédonie et la consultation populaire prévue en 2018 et sur les 12 petites îles non autonomes et leur droit d’engranger les bénéfices du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Un Chercheur de la « The Dependecy Studies Projet » a rappelé que la réinscription, le 17 mai 2013, de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes du Comité spécial de la décolonisation a été étayée par une évaluation de son niveau d’autonomie menée à l’aide d’indicateurs (SGI) qui peuvent déterminer la nature du statut politique des relations entre le territoire et la puissance administrante.  L’analyse des dimensions constitutionnelle et politique, économique et sociale et militaire et stratégique montre, a expliqué le Chercheur, que le terme « autonomie » est appliqué à tort à la Polynésie française dont le modèle pointe sur un arrangement de gouvernance dépendante modernisé au fil des ans, dans la forme et dans la nomenclature, mais certainement pas dans le fond.

Comme la France, Puissance administrante, travaille en ce moment sur un projet d’accord, le Chercheur a voulu que le Comité spécial de la décolonisation détermine s’il s’agit d’une forme de « modernisation coloniale » plutôt que d’une « véritable décolonisation », avec peu ou prou d’impact sur la nature non autonome du statut politique de la Polynésie française.  Le Comité spécial doit donc rester vigilant et bien faire la différence entre « décolonisation » et « réforme coloniale », a alerté un élu du parti « Union pour la démocratie (UPLD).  Il a d’ailleurs appelé le Comité spécial à mettre à jour son projet de résolution annuel afin d’y inclure des éléments relatifs aux droits de propriété des Polynésiens sur les ressources naturelles.

Le maire adjoint de la ville de Faa’a a soulevé un autre problème, celui des graves conséquences des 303 essais nucléaires aériens et souterrains que la France a menés pendant 30 ans.  Le pétitionnaire a attribué les conclusions « minorées et prématurées » de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) aux pressions qu’exerce la Puissance administrante sur les Nations Unies.  Les demandes d’indemnisation n’apparaissent nulle part dans les documents officiels de l’ONU, s’est énervé le pétitionnaire. 

Dans son projet de résolution sur la Nouvelle-Calédonie, le Comité spécial recommande à l’Assemblée générale de rappeler que des mesures appropriées pour l’organisation des consultations futures sur l’accession à la pleine souveraineté, y compris l’établissement de listes électorales justes, régulières, crédibles et transparentes, sont indispensables à la réalisation d’un acte libre, équitable et authentique.  Le représentant de la France a réaffirmé l’attachement de son pays au bon déroulement du processus politique et démocratique qui doit conduire le peuple calédonien à se prononcer d’ici à 2018 sur son maintien, ou non, au sein de la République française.  Si d’ici à mai 2018, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie ne fixe pas la date de la consultation d’autodétermination prévue par l’Accord de Nouméa, c’est l’État qui devra y suppléer pour tenir cette consultation au second semestre 2018. 

Une partie des 280 000 Calédoniens réclame en effet l’indépendance, mais « la très grande majorité », qu’ils soient kanaks, européens, métis, océaniens, asiatiques ou autres veut que la Nouvelle-Calédonie reste au sein de la République française, a affirmé un pétitionnaire.  Depuis 27 ans et jusqu’en 2014, s’est-il impatienté, ce Comité n’a entendu que les indépendantistes du FLNKS qui n’ont aucun droit de se présenter comme les seuls porte-parole légitimes du peuple kanak.  Il a accusé ces derniers de tenir des propos « outranciers, revanchards, accusateurs, voire souvent mensongers », comme au Séminaire régional de Managua le mois dernier.

Sur les 12 petits territoires non autonomes, le Comité spécial a adopté des projets de résolution spécifiques mais toutes recommandent à l’Assemblée générale, « prenant en considération le Programme de développement durable à l’horizon 2030, y compris les objectifs de développement durable », de souligner qu’il importe de stimuler le développement économique et social durable des territoires, en encourageant une croissance économique soutenue, partagée et équitable, en ouvrant des perspectives à tous, en réduisant les inégalités et en promouvant une gestion intégrée et durable des ressources naturelles et des écosystèmes qui contribue.  L’Assemblée devrait engager vivement la Puissance administrante à « s’abstenir de mener des activités illicites, néfastes et non productives, y compris de faire du territoire un paradis fiscal, car elles ne correspondent pas aux intérêts du peuple du territoire ».

En fin de séance, le Comité spécial a adopté le rapport du Séminaire pour la région du Pacifique*.  Il convoquera la dernière séance de sa session 2016 à une date qui reste à fixer. 

*A/AC.109/2016/CRP.1

POLYNÉSIE FRANÇAISE (A/AC.109/2016/7)

Audition de pétitionnaires

M. RICHARD ARIIHAU TUHEIAVA, Élu du parti « Union pour la démocratie (UPLD), a rappelé que la Polynésie française avait été réinscrite voilà trois ans sur la liste des territoires non autonomes, grâce à la résolution 67/225 de l’Assemblée générale.  Toutefois, a-t-il déploré, malgré cette décision de l’Assemblée générale, qui confirme l’applicabilité à la Polynésie française de l’Article 73 e) de la Charte, la Puissance administrante refuse de fournir au Comité spécial les renseignements requis.  Il n’en reste pas moins que, grâce à l’Assemblée générale, la souveraineté et les droits inaliénables de propriété du peuple ma’ohi sur les ressources de Ma’ohi Nui/Polynésie française sont réaffirmés.  Cela signifie que ces ressources appartiennent au peuple de Polynésie, et non à la Puissance administrante, malgré les mesures unilatérales prises par celle-ci, et notamment un décret présidentiel qui considère comme stratégiques par nature ces ressources. 

M. Tuheiava a en particulier dénoncé le projet de la Puissance administrante de s’approprier le plateau continental, comme en atteste le dossier soumis à la Commission du plateau continental des Nations Unies.  Il a reproché à cette dernière d’avoir pris une décision favorable à la France s’agissant du plateau continental de la Nouvelle-Calédonie d’une surface de 500 000 km2.  Une telle décision, a estimé le pétitionnaire ignore les droits de la population concernée qui n’a jamais été consultée.  Une telle décision, a-t-il insisté, va à l’encontre de l’avis de la Cour internationale de Justice et du Bureau des affaires juridiques des Nations Unies.

M. Tuheiava a insisté sur la nature critique des ressources de la Polynésie française pour le développement du territoire, arguant que la Puissance administrante montre clairement qu’elle ne veut pas de débat sur cette question.  Le Comité spécial doit donc rester vigilant et bien faire la différence entre « décolonisation » et « réforme coloniale », surtout quand cette dernière ne vise nullement une véritable décolonisation.  Le pétitionnaire a dénoncé le « leurre » qu’est le Gouvernement autonome de la Polynésie française, ajoutant que le texte en cours d’élaboration à Paris ne modifiera pas l’autorité unilatérale de la Puissance administrante sur la Polynésie française.  Ce texte, élaboré sans l’accord de la population du territoire, ne saurait faire office de décolonisation.  L’intention est bel et bien de bloquer le processus d’autodétermination car pour être véritable, cela doit être libre, équitable et sans entrave.  M. Tuheiava a donc prié le Comité spécial de mettre à jour le projet de résolution sur la Polynésie française afin d’y inclure des éléments relatifs aux droits de propriété sur les ressources naturelles. 

M. CHARLES BROTHERSON MOETAI, Adjoint au maire de la ville de Faa’a, a déclaré que la question des effets des essais nucléaires sur les peuples de Polynésie française ne peut être laissée à la discrétion de la Puissance administrante qui, pour les dissimuler à la population, se cache derrière un prétendu « secret défense ».  Les 93 essais aériens et les 210 essais souterrains menés par la France dans la région pendant 30 ans continuent d’avoir des conséquences graves pour la population, avec des morts et des effets qui se prolongeront pendant des dizaines d’années encore.  M. Moetai a dénoncé le fait que le rapport du Secrétaire général sur les conséquences sanitaires de ces essais ait été « très incomplet » et qu’il ait été publié en 2014 après la session du Comité spécial, empêchant ce dernier d’en discuter.  Il a jugé « minorées et prématurées » les conclusions d’une étude de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui estime « négligeables » les effets de ces essais sur la population. 

Les Nations Unies subissent les pressions de la Puissance administrante, a accusé le pétitionnaire, notant que les demandes d’indemnisation n’apparaissent nulle part dans les documents officiels des Nations Unies.  Il a dit prendre très au sérieux la décision de l’Assemblée générale de réinscrire la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser et a demandé aux Nations Unies d’agir conformément à cette décision.

M. CARLYLE CORBIN, Chercheur à « The Dependecy Studies Projet », a expliqué que pour étayer la réinscription de la Polynésie française dans la liste des territoires non autonomes, une évaluation de son niveau d’autonomie a été menée à l’aide d’indicateurs qui peuvent déterminer la nature du statut politique des relations entre le territoire et la puissance administrante.  Les indicateurs d’autonomie (SGI) ont été élaborés à partir des normes minimales d’autonomie consacrées dans les instruments internationaux dont les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC) et les traités des Nations Unies sur les droits de l’homme, y compris le Pacte international des droits civils et politiques, le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels ou encore la Convention sur la lutte contre la discrimination raciale.  Les SGI font expressément référence aux petits territoires insulaires non autonomes. 

S’agissant de la Polynésie française, trois dimensions ont été analysées : la dimension constitutionnelle et politique, la dimension économique et sociale et la dimension militaire et stratégique.  Il s’agit d’évaluer « le niveau d’autorité unilatérale qu’a une puissance administrante de légiférer pour le territoire sans le consentement préalable de ses habitants et contre leur volonté ».  Les conclusions sont claires: le terme « autonomie » est appliqué à tort à la Polynésie française dont le modèle pointe sur un arrangement de gouvernance dépendante, lequel arrangement a été modernisé au fils des ans, dans la forme et dans la nomenclature, mais certainement pas dans le fond.  La Polynésie française montre un équilibre politique important et un haut degré d’autorité unilatérale laissée à la Puissance administrante dans les domaines politique, socioéconomique et stratégique.  On voit des « déficiences démocratiques » dans ce type particulier de gouvernance dépendante.  La Polynésie française n’est en aucun cas conforme aux normes internationales reconnues pour une autonomie totale. 

Comme la Puissance administrante travaille en ce moment sur un projet d’accord, il est important, a estimé le Chercheur, que le Comité spécial de la décolonisation examine de très près si un tel « accord » serait susceptible de corriger le déséquilibre des pouvoirs dans les relations politiques actuelles ou s’il s’agit d’une forme de « modernisation coloniale » plutôt que d’une « véritable décolonisation », avec peu ou prou d’impact sur la nature non autonome du statut politique de la Polynésie française.  

Déclarations

M. DOUGLAS NICOMEDES ARCIA VIVAS (Venezuela) a dit que son pays suivait de près le processus de décolonisation de la Polynésie française et félicité la Puissance administrante pour la collaboration dont elle a fait preuve dans le dossier calédonien.  Il a donc regretté que le dossier de la Polynésie ne bénéficie pas de la même collaboration.  Il a exhorté le Comité spécial à mener une étude sur l’exploitation des ressources naturelles de la Polynésie française et s’est dit préoccupé par le fait que sa population continue d’être touchée par les conséquences des essais nucléaires, 17 ans après le dernier essai.  « Pour le Comité et pour la santé en général, il faut prendre une décision sur la collecte d’études et d’informations actualisées à jour sur les conséquences sanitaires de ces essais, a insisté le représentant du Venezuela. 

NOUVELLE-CALÉDONIE (A/AC.109/2016/11 ET A/AC.109/2016/L.23)

Audition de pétitionnaires

M. SHONU WAYARIDRI, Mouvement populaire calédonien (MPC), est venue dire au Comité que, si «  une partie » des 280 000 Calédoniens réclame l’indépendance, « la très grande majorité », qu’ils soient kanaks, européens, métis, océaniens, asiatiques ou autres veut que la Nouvelle-Calédonie demeure dans la République française.  Il s’est dit « fier d’être kanak et fier d’être français, comme beaucoup de mes compatriotes qui le pensent au fond de leur cœur mais n’osent pas le dire ».  Le pétitionnaire a notamment affirmé que, parmi les autres peuples mélanésiens de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des Fidji, de Vanuatu et des Îles Salomon, les Kanaks sont à la fois les plus libres et ceux qui bénéficient du niveau de vie le plus élevé. 

M. Wayaridri a estimé qu’aujourd’hui, les deux mouvements successifs de colonisation et d’indépendance étaient « dépassés, révolus ».  Pour lui, le XXIe siècle doit être celui de l’émancipation sans rompre le lien noué il y a 163 ans entre la Nouvelle-Calédonie et la France.  Depuis 27 ans, jusqu’en 2014, ce Comité n’a entendu que la parole des indépendantistes, a ajouté le pétitionnaire, qui a affirmé que les indépendantistes du FLNKS n’avaient en aucun cas le droit de se présenter comme les seuls porte-parole légitimes du peuple kanak même s’il s’agit de partis politiques légitimes.  Il a accusé les représentants du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) de tenir des propos « outranciers, revanchards, accusateurs, voire souvent mensongers », comme ce fut le cas lors du Séminaire régional de Managua le mois dernier.  Face aux accusations de fraude lancées par le FLNKS lors des élections provinciales, M. Wayaridri a rappelé que les Nations Unies avaient, avec l’agrément de toutes les parties à l’Accord de Nouméa, des représentants dans chacune des 263 commissions électorales et n’avaient constaté aucune fraude ou tricherie.  Il a accusé le FLNKS de proférer les mêmes mensonges concernant la préparation du référendum de 2018 qui doit déterminer l’avenir du territoire.

Déclarations

M. ALEXIS LAMEK (France) a rappelé que la France coopère depuis plus de 20 ans avec le Comité spécial de la décolonisation sur le dossier calédonien.  Très rapidement après la signature des Accords de Matignon-Oudinot, en 1988, la France a choisi de travailler en toute transparence avec l’ONU sur la Nouvelle-Calédonie, dont l’inscription sur la liste des territoires à décoloniser remonte à 1986.  Nous accueillons depuis mars une délégation d’experts internationaux de l’ONU au sein des commissions administratives spéciales chargées de la mise à jour des listes électorales, a indiqué le représentant.  Il a expliqué que cette association souhaitée par le Premier Ministre se traduit par la présence au total de 15 experts dont le rôle consistera à examiner les conditions dans lesquelles se déroulent les travaux des commissions chargées de la mise à jour des listes électorales.

Le représentant a indiqué que son pays était attaché au bon déroulement du processus politique et démocratique qui doit conduire le peuple calédonien à se prononcer d’ici à 2018 sur son maintien, ou non, au sein de la République française.  Il a précisé que si d’ici à mai 2018, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie ne fixe pas la date de la consultation d’autodétermination prévue par l’Accord de Nouméa, c’est l’État qui devra, en vertu de la loi organique, y suppléer pour tenir cette consultation au second semestre 2018.  L’Accord de Nouméa signé le 5 mai 1998, qui prévoit le transfert de certaines compétences de la France vers la Nouvelle-Calédonie dans de nombreux domaines à l’exception de ceux de la défense, de la sécurité, de la justice et de la monnaie a été traduit juridiquement dans la loi organique du 19 mars 1999 qui a instauré une nouvelle répartition des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie.  L’État a procédé à un transfert progressif de ses compétences et d’autres sont prévus qui présentent la particularité d’être irréversibles.  L’élargissement progressif du champ de compétences dévolues aux autorités de la Nouvelle-Calédonie, la possibilité d’action extérieure et la création d’un système normatif propre avec les lois du pays donnent à la Nouvelle-Calédonie les moyens de se préparer à une éventuelle accession à la pleine souveraineté, si elle le désire, a précisé le représentant.

En présentant le projet de résolution, M. FRED SARUFA (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a remercié la France de poursuivre son engagement en Nouvelle-Calédonie avec toutes les parties, y compris les Fidji, la Papouasie et le Comité spécial de la décolonisation.  « Alors que nous allons marquer le cent soixante-troisième anniversaire de la colonisation de la Nouvelle-Calédonie, nous allons aussi célébrer cette année le cinquantième anniversaire du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) qui dit en son article premier « Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes.  En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».  Il est essentiel, a prévenu le représentant, que ce référendum ait lieu comme prévu en 2018.  Il a souhaité que les questions soulevées sur les listes électorales en 2014 soient réglées.   

M. DOUGLAS NICOMEDES ARCIA VIVAS (Venezuela) a estimé que le projet de résolution reflète de façon adéquate les intérêts et éléments qui doivent prévaloir sur la question de la Nouvelle-Calédonie.  Il a espéré que l’Accord de Nouméa sera mis en œuvre en 2018, comme prévu.

Adoption du projet de résolution (A/AC.109/2016/L.16)

Aux termes du projet de résolution, adopté sans vote, le Comité spécial recommande à l’Assemblée générale de noter les préoccupations exprimées sur les difficultés rencontrées dans le déroulement des élections provinciales du 11 mai 2014, concernant les diverses interprétations qui continuent d’être faites des dispositions relatives au corps électoral restreint et la procédure d’appel en matière d’inscription sur les listes électorales.  L’Assemblée devrait encourager la Puissance administrante et les Néocalédoniens à répondre à l’amiable et pacifiquement aux préoccupations de tous les intervenants conformément à la législation en vigueur dans le territoire et en France, tout en respectant et en faisant respecter l’esprit et la lettre de l’Accord de Nouméa.

L’Assemblée générale devrait aussi considérer que des mesures appropriées pour l’organisation des consultations futures sur l’accession à la pleine souveraineté, y compris l’établissement de listes électorales justes, régulières, crédibles et transparentes, comme prévu par l’Accord de Nouméa, sont indispensables à la réalisation d’un acte libre, équitable et authentique d’autodétermination conforme à la Charte ainsi qu’aux principes et aux pratiques de l’Organisation des Nations Unies.  À cet égard, elle devrait se féliciter du dialogue continu mené par les parties dans le cadre du Comité des signataires de l’Accord de Nouméa pour définir les modalités de réalisation d’un acte incontestable d’autodétermination, notamment l’établissement d’une liste électorale, conformément aux dispositions de l’Accord.  L’Assemblée devrait prendre note avec intérêt de la tenue à Paris, le 5 juin 2015, d’une réunion extraordinaire du Comité des signataires au sujet du processus d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, en particulier des listes électorales en vue du référendum et des questions connexes.

Adoption de projets de résolution sur les questions des territoires non autonomes des Samoa américaines (A/AC.109/2016/1), d’Anguilla (A/AC.109/2016/2), des Bermudes (A/AC.109/2016/3), des Îles Vierges britanniques (A/AC.109/2016/4), des Îles Caïmanes (A/AC.109/2016/5), de Guam (A/AC.109/2016/9), de Montserrat (A/AC.109/2016/10), de Pitcairn (A/AC.109/2016/12), de Sainte-Hélène (A/AC.109/2016/13), des Îles Turques et Caïques (A/AC.109/2016/15) et des Îles Vierges américaines (A/AC.109/2016/16)

Le Comité spécial a adopté, sans vote, une série de projets de résolution spécifiques à chacun de ces territoires non autonomes.  Contrairement aux années précédentes, il ne s’agit pas d’une « résolution omnibus » en plusieurs parties, mais de résolutions séparées, qui comportent toutefois des éléments communs, répétés dans chaque texte.

Ainsi, aux termes de chacun des projets de résolution, l’Assemblée générale est invitée par le Comité à réaffirmer le droit inaliénable du peuple du territoire concerné à l’autodétermination, conformément à la Charte des Nations Unies et à sa résolution 1514 (XV) contenant la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, le « caractère incontournable » du principe de l’autodétermination dans le processus de décolonisation dudit territoire et le fait que ce principe constitue aussi un droit fondamental reconnu par les conventions pertinentes relatives aux droits de l’homme.

En outre, l’Assemblée générale est invitée à réaffirmer « qu’en fin de compte, c’est au peuple » du territoire concerné lui-même « qu’il appartient de déterminer librement son futur statut politique, conformément aux dispositions applicables de la Charte, de la Déclaration et de ses résolutions pertinentes ».  À cet égard, l’Assemblée générale demanderait à la Puissance administrante d’agir en coopération avec le gouvernement du territoire et les organes compétents du système des Nations Unies pour mettre au point des programmes d’éducation visant à faire prendre conscience à la population de son droit à l’autodétermination, compte tenu des différents statuts politiques légitimes envisageables sur la base des principes clairement définis dans sa résolution 1541 (XV) et ses autres résolutions et décisions pertinentes.

Par ailleurs, chaque projet de résolution prévoit que l’Assemblée générale, « prenant en considération le Programme de développement durable à l’horizon 2030, y compris les objectifs de développement durable », soulignerait qu’il importe de stimuler le développement économique et social durable du territoire, en encourageant une croissance économique soutenue, partagée et équitable, en ouvrant des perspectives à tous, en réduisant les inégalités, en améliorant les conditions de vie de base, en favorisant un développement social équitable pour tous et en promouvant une gestion intégrée et durable des ressources naturelles et des écosystèmes qui contribue, notamment, au développement économique, social et humain, tout en facilitant la conservation, la régénération et la reconstitution des écosystèmes ainsi que la résilience face aux nouveaux défis.  Elle engagerait vivement la Puissance administrante à « s’abstenir de mener des activités illicites, néfastes et non productives, y compris de faire du territoire un paradis fiscal, car elles ne correspondent pas aux intérêts du peuple du territoire ».

De même, dans tous les projets de résolution, l’Assemblée générale prie la Puissance administrante d’aider le territoire à mener à bien ses activités de sensibilisation de la population, conformément à l’alinéa b de l’Article 73 de la Charte, et invite à cet égard les organismes compétents des Nations Unies à fournir une assistance à ce territoire s’il en fait la demande. 

S’agissant spécifiquement des Samoa américaines (A/AC.109/2016/L.8), l’Assemblée générale constaterait avec satisfaction qu’en 2015, le Gouverneur des Samoa américaines a invité le Comité spécial à envoyer une mission de visite dans le territoire, demanderait à la Puissance administrante de faciliter cette mission, si tel est le souhait du gouvernement du territoire, et prierait le Président du Comité de prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin.  Le projet de résolution rappelle par ailleurs que les Samoa américaines continuent d’être le seul territoire des États-Unis à recevoir une assistance financière de la Puissance administrante pour le fonctionnement du gouvernement territorial.

Pour ce qui est d’Anguilla (A/AC.109/2016/L.9) le Comité spécial invite l’Assemblée générale à se féliciter des préparatifs en vue de l’adoption de la nouvelle constitution et à souhaiter vivement que la réforme constitutionnelle entreprise avec la Puissance administrante ainsi que les consultations publiques aboutissent le plus rapidement possible.  L’Assemblée générale prierait la Puissance administrante d’aider le territoire, s’il en fait la demande, à faire avancer le processus interne de révision de la constitution.  Elle insisterait sur l’importance du souhait précédemment exprimé par le gouvernement du territoire que le Comité spécial envoie une mission de visite, demanderait à la Puissance administrante de faciliter une telle mission, si tel est le souhait du gouvernement du territoire, et prierait le Président du Comité de prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin.

En ce qui concerne les Bermudes (A/AC.109/2016/L.10), l’Assemblée générale est invitée à souligner l’importance du rapport de la Commission pour l’indépendance des Bermudes de 2005, qui examine de près les faits entourant l’indépendance, et à continuer de regretter que les plans d’organisation de réunions publiques et de présentation d’un livre vert à l’Assemblée puis d’un livre blanc exposant les propositions politiques en faveur de l’indépendance des Bermudes ne se soient pas encore concrétisés.  En outre, l’Assemblée générale engagerait vivement la Puissance administrante à s’abstenir de mener des activités illicites, néfastes et non productives, y compris de faire du territoire un paradis fiscal, car elles ne correspondent pas aux intérêts du peuple du territoire.

S’agissant des Îles Vierges britanniques (A/AC.109/2016/L.11), l’Assemblée générale est invitée à rappeler la Constitution des îles Vierges britanniques de 2007, et souligne qu’il importe de poursuivre les débats sur les questions d’ordre constitutionnel afin d’accorder au gouvernement du territoire de plus grandes responsabilités dans la mise en œuvre effective de cette Constitution et les initiatives visant à faire mieux connaître ces questions.  En outre, l’Assemblée générale engage vivement la puissance administrante à s’abstenir de mener des activités illicites, néfastes et non productives, y compris de faire du territoire un paradis fiscal, car elles ne correspondent pas aux intérêts du peuple du territoire.

Par le projet de résolution sur les Îles Caïmanes (A/AC.109/2016/L.12), l’Assemblée générale est invitée à réaffirmer qu’il incombe à la Puissance administrante de promouvoir le développement économique et social et de préserver l’identité culturelle du territoire, et à lui demander de s’employer activement à obtenir et à utiliser efficacement toute l’assistance possible, dans le cadre d’arrangements tant bilatéraux que multilatéraux, en vue de renforcer l’économie de ce territoire.

Aux termes du projet de résolution sur Guam (A/AC.109/2016/L.14) l’Assemblée générale se féliciterait de la convocation de la Commission de la décolonisation pour l’application et l’exercice de l’autodétermination du peuple chamorro, ainsi que de ce qu’elle continue de faire en vue du référendum sur l’autodétermination et de ses efforts de sensibilisation du public.  Elle inviterait une fois de plus la Puissance administrante à tenir compte de la volonté exprimée par le peuple chamorro, soutenue par les électeurs guamiens lors du référendum de 1987 et ultérieurement inscrite dans le droit guamien, au sujet des efforts d’autodétermination des Chamorros, l’encouragerait, ainsi que le gouvernement du territoire, à entamer des négociations sur cette question et soulignerait qu’il faut continuer à suivre de près la situation globale dans le territoire.

L’Assemblée générale prierait la Puissance administrante, agissant en coopération avec le gouvernement du territoire, de continuer à transférer des terres aux propriétaires initiaux du territoire, de continuer à reconnaître et à respecter les droits politiques et l’identité culturelle et ethnique du peuple chamorro de Guam et de prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux préoccupations du gouvernement du territoire concernant la question de l’immigration.

Le projet de résolution sur Montserrat(A/AC.109/2016/L.15) demande à l’Assemblée générale de rappeler la Constitution de Montserrat de 2011, ainsi que les mesures prises par le gouvernement du territoire pour consolider les acquis prévus par ladite Constitution.  Le préambule du document note que la Puissance administrante et le gouvernement du territoire continuent d’agir pour remédier aux conséquences de l’éruption volcanique de 1995 -qui avait entraîné l’évacuation des trois quarts des habitants vers des secteurs sûrs de l’île et hors du territoire– dont il constate avec préoccupation les conséquences qui continuent de se faire ressentir sur l’économie de l’île.  Il relève aussi que Montserrat continue de recevoir de la Puissance administrante une aide budgétaire pour assurer le fonctionnement du gouvernement du territoire et rappelle qu’il importe d’améliorer l’infrastructure de Montserrat et de rendre l’île plus facile d’accès.

S’agissant du projet de résolution relatif à Pitcairn (A/AC.109/2016/L.16) l’Assemblée générale est invitée à saluer tous les efforts de la Puissance administrante et du gouvernement territorial allant dans le sens d’un plus grand transfert de responsabilités opérationnelles au territoire en vue d’accroître progressivement son autonomie, notamment par la formation du personnel local, ainsi que le travail accompli pour la préparation d’un plan quinquennal de développement stratégique de l’île.

Le projet de résolution sur Sainte-Hélène (A/AC.109/2016/L.17) demande à l’Assemblée générale de souligner l’importance de la Constitution du territoire de 2009 et du renforcement de la démocratie et de la conduite avisée des affaires publiques.  Le préambule du texte rappelle notamment la déclaration faite par la représentante de Sainte-Hélène au Séminaire de la région des Caraïbes tenu à Managua en mai 2015, selon laquelle le territoire ne souhaitait pas l’indépendance étant donné qu’il disposait déjà d’un gouvernement dûment constitué, et le fait que la représentante s’était déclarée préoccupée par les conséquences néfastes potentielles de la construction d’un aéroport, notamment l’installation d’un nombre croissant de familles expatriées dans le territoire et l’absence de plan spécifique pour la mise en place d’une liaison aérienne ou maritime entre Sainte-Hélène et les îles voisines.

S’agissant des Îles Turques et Caïques (projet de résolution A/AC.109/2016/L.18), l’Assemblée générale est invitée à réaffirmer son soutien au plein rétablissement de la démocratie dans le territoire et aux travaux de la Commission de révision de la Constitution en ce sens.  À cette fin, l’Assemblée générale prendrait note des efforts faits par la Puissance administrante pour rétablir une bonne gouvernance, notamment grâce à l’introduction d’une nouvelle constitution en 2011, à la tenue d’élections en novembre 2012 et à une gestion financière saine dans le territoire.  Elle prendrait également note des positions et des appels répétés de la Communauté des Caraïbes et du Mouvement des pays non alignés en faveur de l’établissement d’un gouvernement du territoire élu démocratiquement et du plein rétablissement de la démocratie dans le territoire, selon les modalités fixées par la population, noterait que le débat engagé sur la réforme constitutionnelle se poursuit dans le territoire.  Elle soulignerait qu’il importe que tous les groupes et toutes les parties intéressées participent à ces consultations, et qu’il faut mettre en place dans le territoire une constitution qui reflète les aspirations et les vœux de sa population, en se fondant sur les mécanismes de consultation populaire.

Enfin, aux termes du projet de résolution relatif aux Îles Vierges américaines (A/AC.109/2016/L.19) l’Assemblée générale est invitée à prier la Puissance administrante de faciliter le processus d’approbation par le Congrès des États-Unis du projet de constitution du territoire présenté en 2009 à l’issue des travaux de la cinquième Assemblée constituante des Îles Vierges américaines et qui lui a été soumis pour examen, ainsi que son application, une fois qu’il aura été approuvé dans le territoire. 

ÎLES VIERGES AMÉRICAINES (A/AC.109/2016/19)

Intervention

Après l’adoption du projet de résolution relatif aux Îles Vierges américaines, le représentant du Venezuela a regretté que des territoires doivent encore être décolonisés dans les Caraïbes et rappelé le programme Petrocaraïbe lancé par l’ancien Président Chávez pour venir en aide « aux peuples frères » des Caraïbes.  L’Alliance Alba des Caraïbes comporte aussi des instruments promus par le Venezuela pour venir à nos frères, a-t-il insisté avant d’exhorter les puissances administrantes à aider les territoires non autonomes à lutter contre les effets du changement climatique.  Il a aussi prévenu du risque de voir des territoires non autonomes transformés en paradis fiscaux et argué que le principe du droit à l’autodétermination ne s’applique pas aux îles Malvinas.

Porto Rico

Le représentant du Chili s’est étonné de la manière dont le projet de décision sur Porto Rico a été adopté lors de la réunion du 20 juin.  Regrettant une certaine précipitation, il a tenu à exprimer ses réserves.  Le texte, a expliqué le Président du Comité spécial ne faisait que se féliciter d’une proposition faite par les pétitionnaires et appelait le Président du Comité à effectuer une mission de bon office sur la possibilité de lancer un processus de dialogue entre les États-Unis et les indépendantistes portoricains.  

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