Soixante et onzième session,
67e séance plénière - matin
AG/11881

L’Assemblée générale prend acte des informations sur les produits toxiques en Syrie et réaffirme la possibilité de restreindre la liberté d’expression pour protéger l’ordre public

L’Assemblée générale a adopté aujourd’hui par vote une résolution sur la coopération entre l’ONU et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) dans laquelle elle prend acte des informations sur les allégations d’emploi de produits toxiques en Syrie et se félicite des progrès enregistrés dans la destruction des armes chimiques en Libye.  L’Assemblée a aussi adopté, cette fois-ci sans vote, une résolution sur la promotion du dialogue entre les religions et les cultures dans laquelle elle condamne tout appel à la haine religieuse dans la presse écrite, les médias audiovisuels ou électroniques et souligne que la liberté d’expression peut être soumise à certaines restrictions nécessaires à la protection de l’ordre public. 

La résolution sur la coopération entre l’ONU et l’OIAC*, qui a été adoptée par 145 voix pour, zéro voix contre et zéro abstention, a d’abord fait l’objet d’un vote séparé sur son paragraphe 4 qui se lit comme suit: « prend acte de la résolution 2209 (2015) du Conseil de sécurité du 6 mars 2015, par laquelle le Conseil a pris note des premier, deuxième et troisième rapports de la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques qui a été chargée de faire la lumière sur les allégations d’emploi de produits chimiques toxiques à des fins hostiles en République arabe syrienne ».

Le paragraphe a été maintenu par 113 voix pour, l’opposition de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis et 19 abstentions.  Le libellé du paragraphe aurait pu être plus « souple », a commenté le représentant de l’Équateur pour expliquer son abstention.  Ce paragraphe est « superflu » puisque toutes les armes chimiques ont été détruites en Syrie, a commenté, à son tour, le représentant de la Fédération de Russie.

Mon gouvernement entend appliquer toutes les décisions de l’OIAC, a assuré le représentant de la Syrie qui a attribué la mise aux voix à la « politisation » du texte et à l’amalgame que ses auteurs ont voulu faire entre questions politiques et techniques.  Il les a appelés à prouver « leur crédibilité » car « cette hystérie sur la Syrie confine à l’imposture ».  Son homologue de l’Iran a jugé « inacceptable » la référence au Conseil de sécurité et a appelé au respect de la « nature technique » du texte.  Tel que libellé, le paragraphe 4 préjuge des enquêtes menées par l’OIAC, a estimé, à son tour, le représentant du Venezuela.  Une enquête, a-t-il professé, « vise à établir les responsabilités » et cette enquête, a renchéri son homologue de la Turquie, a montré que les armes chimiques ont été utilisées et par les forces armées syriennes et par les groupes rebelles.  Le représentant turc a demandé que tous les responsables soient traduits en justice.

Dans cette résolution, l’Assemblée générale accueille aussi avec satisfaction la décision du Conseil exécutif de l’OIAC en date du 20 juillet 2016 relative à la destruction des armes chimiques restantes en Libye, que le Conseil de sécurité a faite sienne par sa résolution 2298 (2016) du 22 juillet 2016, et se félicite des progrès accomplis dans son application.  Le représentant de Cuba a regretté que le texte n’ait pu être adopté par consensus conformément à la pratique établie.  Il faut renoncer « aux tentatives de confrontation et de politisation de ces questions », a-t-il plaidé, en jugeant « contreproductives » toutes ces références aux résolutions du Conseil de sécurité.

Avant l’adoption sans vote de la résolution sur la « promotion du dialogue, de l’entente et de la coopération entre les religions et les cultures au service de la paix »**, l’Arménie avait proposé un vote séparé sur le paragraphe 9 de la résolution qui se lit comme suit: « accueille avec satisfaction la Déclaration de Bakou adoptée lors du septième Forum de l’Alliance des civilisations qui s’est réuni à Bakou du 15 au 27 avril 2016 sur le thème  "Vivre ensemble dans des sociétés ouvertes à tous: défi et objectif" ». 

La demande de l’Arménie a été annulée par une motion présentée par le Pakistan et adoptée par 116 voix pour, l’opposition de l’Arménie et les abstentions de la France, de Maurice, du Nigéria et des Palaos.  Avec son homologue des Philippines, le représentant du Pakistan a en effet expliqué que le Forum de l’Alliance des civilisations avait pour but de faire respecter et de faire comprendre l’importance de la diversité religieuse pour promouvoir la culture de la paix aux niveaux international, régional et national.

Le représentant de l’Arménie a insisté sur le fait que la politique et la vision de l’Azerbaïdjan sont contraires aux objectifs du Forum de l’Alliance des civilisations.  Ce Forum, a répondu son homologue azéri, a réuni plus de 4 000 délégués de plus de 100 pays dont des chefs d’État, de gouvernement et des représentants d’organisations internationales et de la société civile.  Le Forum a réalisé son objectif qui était de souligner l’importance du rôle de la religion pour bâtir des sociétés pacifiques et harmonieuses.  L’Arménie, a conseillé le représentant, devrait plutôt tirer les enseignements du vote d’aujourd’hui, elle qui, au lieu d’être un partenaire de la paix, a choisi la voie de la guerre.

Le délégué de l’Arménie a justement choisi de lire la déclaration de son ministre des affaires étrangères retraçant par le menu l’offensive azérie du 2 avril en violation du cessez-le-feu.  Cette offensive aurait dû mener à l’annulation du septième Forum, a tranché le représentant, avant que son homologue azéri ne dénonce cette « désinformation ».

Outre la référence au Forum de l’Alliance des civilisations de Bakou, la résolution condamne tout appel à la haine religieuse dans la presse écrite, les médias audiovisuels et électroniques.  L’Assemblée générale recommande, dans ce texte, de poursuivre l’action en faveur du dialogue entre les médias de toutes les cultures et civilisations et réaffirme que l’exercice de la liberté d’expression comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales et peut, en conséquence,, être soumise à certaines restrictions expressément fixées par la loi et nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui ou à la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public ou de la santé et de la moralité publiques. 

En tant que représentant d’une « nation multiethnique et multireligieuse », son homologue des États-Unis a réitéré sa foi dans le dialogue entre les religions et les cultures et regretté, à cet égard, que la résolution ne tire pas partie des recommandations du Plan d’action du Secrétaire général contre l’extrémisme violent.  Le représentant s’est déclaré « déçu » d’un texte qui semble confondre « extrémisme » et « extrémisme violent ».  Les droits de l’homme seraient mieux protégés si les actions de l’ONU étaient « moins contreproductives », a-t-il tranché. 

L’Assemblée générale devrait se réunir demain vendredi 23 décembre, à partir de 15 heures, pour adopter les recommandations de sa Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires et suspendre ensuite cette partie de la session 2016-2017.

*A/71/L.46

**A/71/L.43

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