Soixante-dixième session,
96e séance plénière - matin
AG/11785

L’Assemblée générale appelle une nouvelle fois à l’accélération du Processus de Genève pour faciliter le retour des déplacés et des réfugiés géorgiens d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud

L’Assemblée générale a adopté aujourd’hui par 76 voix pour, 15 contre et 64 abstentions, une résolution sur « la situation des déplacés et des réfugiés d’Abkhazie et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie) » par laquelle elle invite les participants aux pourparlers de Genève à redoubler d’efforts en vue d’instaurer des conditions de sécurité propices au retour volontaire de ces déplacés et réfugiés.

Préoccupée par les changements démographiques forcés résultant des conflits en Géorgie et par la situation humanitaire causée par le conflit armé d’août 2008, qui a entraîné de nouveaux déplacements forcés de civils, l’Assemblée « invite tous les participants aux pourparlers de Genève à redoubler d’efforts en vue d’établir une paix durable, à s’engager à renforcer la confiance et à prendre immédiatement des mesures pour faire respecter les droits de l’homme et instaurer des conditions de sécurité propices au retour volontaire sans entrave, dans la sécurité et la dignité de tous les déplacés et réfugiés dans leurs foyers ».  L’Assemblée souligne la nécessité de fixer un calendrier pour un tel retour.

Le représentant de la Géorgie, qui a présenté la résolution, a précisé que près de 400 000 personnes, de toutes origines et de toutes religions, ont dû fuir l’Abkhazie et la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud en raison du conflit et de plusieurs vagues de déplacements forcés depuis le début des années 90.  Il a réitéré l’engagement de son pays en faveur des discussions de paix, ajoutant que son pays demeure impliqué de bonne foi pour atteindre des résultats tangibles.

Le Gouvernement de Tbilissi n’est pas prêt à reprendre des négociations sérieuses à Genève, a accusé le représentant de la Fédération de Russie.  Il a dénoncé la résolution comme « une initiative politisée » qui ne permettra en aucun cas d’améliorer la situation sur place et qui vise seulement à utiliser la tribune de l’Assemblée générale pour promouvoir une vision partiale et la rhétorique antirusse traditionnelle.

Dans son dernier rapport qui couvre la période allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016**, le Secrétaire général rappelle que c’est après les hostilités d’août 2008 dans la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud et l’Accord de cessez-le-feu en six points conclu le 12 août 2008, que des discussions internationales ont été engagées à Genève le 15 octobre 2008, sous la coprésidence de l’Union européenne, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’ONU.

Ces discussions sont consacrées à des questions ayant trait à la sécurité, à la stabilité et au retour des personnes déplacées et des réfugiés.  À ce jour, 35 séries de discussions se sont déroulées dans le cadre de deux groupes de travail parallèles.  Bien que la question du sort des personnes déplacées et des réfugiés et de leur rapatriement librement consenti soit restée à l’ordre du jour, le Secrétaire général juge regrettable qu’à cause des objections de certains participants, les questions de fond aient été peu abordées et qu’aucun progrès n’ait été réalisé.  Aucun retour durable à la région d’origine n’a été enregistré durant la période considérée.

Si plusieurs délégations, dont celles du Chili et de l’Uruguay, ont expliqué leur vote d’abstention afin de ne pas interférer avec le processus de Genève, d’autres ont au contraire estimé que ce projet de résolution sert ce processus.  « Ce texte est un outil important pour encourager les participants de Genève à redoubler d’efforts, à garantir les droits de l’homme et à répondre aux questions découlant de leur mandat respectif, y compris la création de conditions propices à des retours volontaires dans la sécurité et la dignité », a ainsi estimé le représentant de l’Azerbaïdjan, qui s’est exprimé au nom de la Géorgie, de l’Ukraine, de l’Arménie et de Moldova (GUAM).

« L’Assemblée générale est la mieux placée pour envoyer un signal fort aux populations déplacées, ainsi qu’aux participants des discussions internationales de Genève pour qu’ils redoublent d’efforts en faveur de leur retour », a renchéri la représentante de la Lituanie, au nom des pays nordiques et baltes.  « Que le conflit trouve au plus vite une solution politique », s’est impatienté le représentant du Brésil.

 

*    A/70/L.51

**   A/70/879

 

CONFLITS PROLONGÉS DANS LA RÉGION DU GROUPE GUAM ET LEURS INCIDENCES SUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES ET SUR LE DÉVELOPPEMENT

a) Rapport du Secrétaire général (A/70/879)

b) Projet de résolution (A/70/L.51)

Déclarations

M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a rappelé le sort d’un Géorgien déplacé de 31 ans, Giga Otkhozoria, tué par de soi-disant « gardes frontière » qui lui avaient nié le droit de retourner en Abkhazie.  « Ce meurtre montre tristement le coût humain que les déplacés géorgiens ont à supporter.  C’est pourquoi nous soumettons cette résolution. »  Le représentant a rappelé que près de 400 000 personnes, de toutes origines et de toutes religions, ont dû fuir l’Abkhazie et la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud en raison du conflit.  Plusieurs vagues de déplacements forcés ont été enregistrées depuis le début des années 90.  Sur un pays de près de 4 millions de personnes, des centaines de milliers de personnes sont déplacées et ne peuvent pas rentrer chez elles pour des raisons sur lesquelles elles n’ont aucun contrôle.  Le délégué a également dit que, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 88% des Géorgiens déplacés veulent rentrer chez eux.  Il a rappelé que l’Assemblée générale adopte depuis huit ans cette résolution, avec un appui croissant.  Il a réitéré l’engagement de son pays en faveur des discussions de paix, ajoutant que la Géorgie demeurera impliquée de bonne foi pour atteindre des résultats tangibles.

Le représentant a ensuite rappelé la discrimination que subissent les Georgiens dans ces régions laquelle est « le prolongement d’une politique d’occupation et de nettoyage ethnique et d’une stratégie dangereuse d’annexion de facto ».  Le Gouvernement de la Géorgie ne ménage aucun effort pour assurer des conditions décentes à la population déplacée, a-t-il dit.  Rappelant les cinq responsabilités fondamentales évoquées lors du Sommet humanitaire mondial qui s’est tenu fin mai à Istanbul, le représentant de la Géorgie a déclaré que les droits des personnes déplacées doivent être reconnus, réaffirmés et protégés indépendamment des processus politiques et des négociations.  Si cette résolution ne représente le cas que d’un seul pays, l’enjeu en lui-même s’inscrit dans le cadre d’une crise humanitaire plus globale, a-t-il conclu.

Au nom du Groupe GUAM, M. YASHER ALIYEV (Azerbaïdjan) a rappelé que ce texte, en tant que projet de résolution « non politique », se concentre uniquement sur les aspects humanitaires des déplacements et appelle au respect des droits des personnes déplacées et réfugiées.  La situation humanitaire s’est encore détériorée, a-t-il alerté, depuis la dernière résolution de 2015, compte tenu des nouvelles restrictions imposées par ceux qui contrôlent l’Abkhazie et la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud.  Ces nouvelles discriminations relatives « au statut juridique des étrangers » ciblent la liberté de mouvement, les droits de propriété, les droits sociaux et le droit à l’éducation dans la langue maternelle de la population géorgienne.  Ces restrictions pourraient déclencher une nouvelle vague de déplacements forcés, a prévenu le représentant, en ajoutant que « dans un tel contexte, nous trouvons particulièrement alarmante et inacceptable l’intention formulée par les autorités d’occupation de conduire un soi-disant référendum dans la région de Tskhinvali sur l’accession à la Fédération de Russie ».

Le représentant a rappelé que ces régions, encerclées par 60 kilomètres de fils barbelés et autres installations et soi-disant signes frontaliers, étaient inaccessibles pour la communauté internationale.  « GUAM réitère son ferme soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie au sein de ses frontières internationalement reconnues ».  Il s’est aussi dit convaincu que les discussions internationales de Genève sont une plateforme importante pour remédier aux défis sécuritaires et humanitaires découlant du conflit armé de 2008.  « Ce projet de résolution est un outil important pour encourager les participants de Genève à redoubler d’efforts, à garantir les droits de l’homme et à répondre aux questions découlant de leur mandat respectif, y compris la création de conditions propices à des retours volontaires dans la sécurité et la dignité ».

Enfin, le représentant a dit que les déplacements forcés étaient un défi de taille dans les pays de GUAM, qui comptent des millions de personnes affectées par un conflit armé.  Le sort de ces personnes, y compris les personnes déplacées, doit être réglé indépendamment du manque de progrès enregistré dans la résolution des conflits, a-t-il conclu.

Au nom des pays nordiques et baltes, Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a insisté sur la nature humanitaire de cette résolution qui fait « obligation à tous » de faire en sorte que les personnes déplacées puissent exercer leurs droits fondamentaux.  Elle a encouragé tous les participants aux discussions de Genève à s’accorder sur des mesures supplémentaires visant à améliorer la situation sécuritaire et à répondre aux besoins humanitaires de la population affectée par le conflit, en particulier les personnes déplacées.  Elle a réitéré son soutien à la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Géorgie.  Elle s’est félicitée du soutien croissant à la cause humanitaire que constitue le sort des réfugiés et personnes déplacées de l’Abkhazie et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud.  L’Assemblée générale est la mieux placée pour envoyer un signal fort aux populations déplacées, ainsi qu’aux participants des discussions internationales de Genève pour qu’ils redoublent d’efforts en faveur de leur retour. 

Il ne fait aucun doute, a déclaré M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) que la crise des réfugiées représente une des questions les plus importantes à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  C’est aussi le cas, a-t-il ajouté, pour le Groupe GUAM.  Il a rappelé que c’est aussi une question de grande importance pour l’Ukraine, où l’agression de la Fédération de Russie a provoqué le déplacement de quelque 1,7 million de personnes.  Pour le représentant, plusieurs centaines de milliers de personnes vivent depuis le début des années 1990 dans un « trou noir ».  Le Gouvernement géorgien a pris des mesures « sans précédent » pour améliorer leur sort mais beaucoup reste à faire et les personnes déplacées ont besoin de l’attention de la communauté internationale.  Malgré les nombreuses tentatives de politiser le contenu de la résolution, sa nature reste « clairement humanitaire », a affirmé le représentant, qui a donc demandé à tous les États de mettre de côté leurs divergences politiques et de montrer leur engagement en faveur de la Charte et du droit international humanitaire.  L’Ukraine, qui soutient pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Géorgie comme elle soutient le projet de résolution, votera pour et appelle tous les États à faire de même.

Explications de vote

Expliquant son vote, le représentant de la Fédération de Russie a dénoncé un texte « politiquement motivé » qui ne permet en aucun cas d’améliorer la situation sur place.  Ce texte, qui ne reflète pas la situation dans la région, vise seulement à utiliser la tribune de l’Assemblée générale pour promouvoir une vision partiale et la rhétorique antirusse traditionnelle.  Pour plus de pertinence, le projet de résolution devrait être élaboré avec les représentants de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, qui l’ont d’ailleurs demandé, a taclé le représentant.  Les auteurs de ce projet de résolution n’ont que faire de la situation des réfugiés, ils cherchent seulement à rappeler leur position à l’égard de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, ce qui montre une fois de plus que le Gouvernement de Tbilissi n’est pas prêt à reprendre des négociations sérieuses à Genève, a fait observer le représentant.  La partie géorgienne refuse depuis plusieurs années de reprendre ces discussions, a-t-il insisté, en annonçant un vote contre et en appelant les autres États à ne pas appuyer cette « initiative politisée ».

Cela n’a pas empêché le représentant du Canada de soutenir le texte et de se dire encouragé par les efforts constants de la Géorgie pour promouvoir un accès humanitaire sans entrave à toutes les personnes déplacées ou réfugiées de la région.  Le Canada, a ajouté son représentant, soutient sans réserve l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Géorgie dans ses frontières internationalement reconnues et considère comme illégaux et illégitimes les accords signés entre la Fédération de Russie et les autorités de fait des régions visées par la résolution.

Le représentant du Royaume-Uni a aussi annoncé un vote pour, face à une résolution, s’est-il expliqué, qui vise à consacrer les droits légitimes et inaliénables de toutes les personnes réfugiées et déplacées -plus de 250 000 déplacées en Géorgie– à rentrer dans la sécurité et la dignité dans leurs foyers.  Ce texte a un but uniquement humanitaire et il est essentiel que l'Assemblée générale montre en l’adoptant qu’elle n’oublie pas les personnes de ces régions.  Tant que ce retour ne sera pas assuré, il faudra faire davantage pour améliorer la situation des personnes déplacées.  Le Royaume-Uni lance un appel à la Fédération de Russie pour qu’elle mette fin à la définition des nouvelles frontières en Abkhazie et en Ossétie du Sud, qui empêchent le retour des personnes déplacées, a insisté le représentant.

Les mesures prises par la Géorgie pour améliorer les conditions de vie des personnes déplacées, ont été saluées par le représentant d’Israël.  Il a réitéré le soutien de son pays à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du pays et argué que l’objectif de résoudre des conflits de longue durée ne peut être atteint que par le dialogue et non pas par des actions unilatérales.  Le représentant a annoncé son vote d’abstention.

Son homologue du Chili a aussi expliqué son vote d’abstention.  Il a argué que le texte pourrait avoir des incidences contreproductives sur les discussions internationales de Genève.  Il faut garantir l’impartialité de ce processus et ne pas politiser une situation humanitaire, a-t-il dit.

Il faut que les parties aux discussions internationales de Genève redoublent d’efforts, a encouragé la déléguée de l’Uruguay après son vote d’abstention.  Elle a dit l’attachement de son pays au respect du droit humanitaire et s’est déclarée préoccupée par la détérioration de la situation dans les régions précitées et consternée par l’augmentation du nombre de personnes déplacées.

Que le conflit trouve au plus vite une solution politique, s’est impatienté le représentant du Brésil.  Il faut créer les conditions favorables au retour des déplacés, a-t-il dit, en faisant une nouvelle fois un vote d’abstention « par peur de préjuger de questions sensibles qui doivent être abordées dans le cadre des négociations  de Genève ».  Le Brésil demande à chacun d’améliorer le sort des personnes déplacées en gardant à l’esprit leur droit au retour, a conclu le représentant.

Droit de réponse

En fin de séance, le représentant de la Géorgie a remercié l’ensemble des délégations qui ont voté « en faveur des principes et de l’humanité ».  Il a dit ne pas pouvoir répondre aux accusations de la Fédération de Russie, d’autant qu’il y a eu récemment un échange de correspondances.

 

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