Instance permanente sur les questions autochtones - Quinzième session,
15e & 16e séances – matin & après-midi
DH/5306

Instance permanente: la frustration conduit des organisations à réclamer un « ambassadeur » pour les 300 millions d’autochtones dans le monde

Aujourd’hui devant l’Instance permanente sur les questions autochtones, les représentants des peuples concernés ont eu du mal à cacher leur frustration devant les ratés de la mise en œuvre des six domaines d’action liés à la Déclaration de 2007 sur leurs droits.  Un intervenant a demandé la nomination d’un « ambassadeur » pour les 300 millions d’autochtones dans le monde alors qu’une autre a dénoncé un Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui « menace les autochtones d’extinction ».

Les six domaines d’action de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones sont la culture, l’éducation, l’environnement, le développement socioéconomique, les droits de l’homme et la santé.  Mais c’est surtout l’article 14 sur l’enseignement qui a cristallisé toutes les frustrations quatre mois après la première réunion des experts de l’Instance permanente sur les moyens de sauver les langues autochtones.  L’article 14 parle du « droit des peuples autochtones d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue et adapté à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage ».  Le représentant des ONG Kanaks de la Nouvelle-Calédonie a prévenu, avec d’autres, que l’absence des langues autochtones dans l’enseignement est la cause principale du décrochage scolaire.    

Plusieurs intervenants ont appuyé la création d’un fonds de contributions pour financer des écoles immersives et bilingues en langues autochtones et d’un poste de rapporteur spécial sur les langues autochtones.  La représentante du « Caucus sur les langues autochtones » a jugé indispensable que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) soit enfin dotée des moyens de s’attaquer à la revitalisation de ces langues et d’exécuter son véritable mandat qui est de préserver la diversité linguistique et culturelle.  Elle a appelé l’Assemblée générale de l’ONU à autoriser le financement à l’UNESCO d’un département chargé de la revitalisation des langues autochtones.  Le représentant du Conseil Sami a appuyé l’idée d’obtenir de l’Assemblée générale qu’elle proclame une décennie internationale des langues autochtones.

Nous avons, a avoué le représentant d’« International Native Tradition Interchange », une « grande tâche » à accomplir dans les six domaines d’action.  Il a souligné que la vraie « autodétermination » ne viendra que lorsqu’on aura reconnu aux peuples autochtones une pleine « reconnaissance diplomatique » et nommé, en conséquence, un ambassadeur pour les 300 millions d’autochtones dans le monde.  On ne cesse de dire que ces peuples « vivent sur le dos des États » alors qu’en réalité ce sont ces États qui n’ont cessé d’exploiter « ces enfants de la Terre nourricière », a taclé le représentant.

Ces peuples doivent être considérés comme des sujets indépendants dotés des mêmes droits que les États Membres, a commenté Mme Valmaine Toki, Membre de l’Instance permanente.  Elle a regretté que de nombreux représentants des peuples autochtones n’aient pas eu l’occasion de s’exprimer au cours de cette session alors qu’ils consacrent des moyens conséquents pour y participer.  Elle a donc suggéré de réduire le temps de parole des États et de faire en sorte que ceux qui veulent être présents financent aussi la participation de leurs peuples autochtones.

Le Directeur général de la « National Association for the Advancement of Indigenous People » s’est en effet plaint que 16 délégués de son groupe n’aient pu prendre la parole la semaine dernière comme c’était déjà le cas l’année dernière.  Cette année, « pour marquer les esprits », ce sont les représentants de 12 tribus « historiques » du nord-est américain qui sont venus avec des chefs de tribus portoricaines et dominicaines.  Il est regrettable, a dit le Directeur général, que l’on soit encore obligé de proclamer: « Nous, les sombres aborigènes d’Amérique, nous sommes toujours là ». 

Ce que nous voulons, a dit la représentante du Forum des peuples autochtones de Colombie, c’est « un débat franc » et pas des discours et des présentations truffés de chiffres et de statistiques qui ne sauraient cacher les fléaux tels que le manque d’accès à l’éducation et à la santé, la persécution des leaders autochtones et l’exclusion de leurs peuples.  La représentante de « Future Work on Indigenous Economies that respect Human rights » est allée plus loin.  Elle a carrément dénoncé le Programme de développement durable à l’horizon 2030 comme une promotion des institutions économiques coloniales et de la « pauvreté militarisée » qui affecte de manière disproportionnée les femmes et les enfants.  Le Programme de développement menace les peuples autochtones « d’extinction », a-t-elle dit.

La représentante de la « Federation of Saskatchewan Indian Nations » a avancé quelques recommandations sur le génocide: en faire le sujet principal de la prochaine session de l’Instance permanente, organiser un séminaire sur ce crime avant la prochaine session, mener une étude sur ses conséquences sur les peuples autochtones.

L’Instance permanente tiendra la dernière séance de sa session demain vendredi 20 mai à partir de 15 heures. 

Activités menées dans les six domaines d’action de l’Instance permanente en relation avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Débat général (suite)

M. SLUMBER TSOGWANE, Ministre du Gouvernement local et du développement rural du Botswana, a expliqué que si tous les groupes ethniques de son pays sont considérés comme des autochtones, il y a d’autres parties de la population qui sont marginalisées sur les plans économique et social et qui méritent une attention spéciale.  Le Botswana est donc engagé à respecter les droits de l’homme des groupes vulnérables et s’est doté d’une Politique nationale sur la culture et d’un Conseil national culturel.  Le Ministre a mentionné les manifestations culturelles qui ont lieu dans le pays, comme le festival de dance Kuru ou le challenge Khawa dune.  Le Botswana prend également en compte la nécessité de respecter les aspects spirituels dans l’inscription des sites au Patrimoine mondial de l’humanité.  Il a entrepris de développer une politique des systèmes du savoir autochtone pour protéger les pratiques culturelles.  Pour les régions éloignées de la « Kalahari Game Reserve », le Gouvernement a créé une structure consultative pour représenter les intérêts des populations concernées.  Le Ministre s’est également prévalu de la Politique nationale sur les terres qui reconnaît les droits fonciers de tous les habitants du pays, y compris les communautés les plus isolées.

Mme ALVAREZ, Forum des peuples autochtones de Bolivie, a demandé un débat franc et ouvert et non des discours truffés de chiffres et de statistiques, car ces dernières cachent l’explosion du trafic des drogues, le manque d’accès à l’éducation et à la santé, la persécution des leaders autochtones, l’exclusion de leurs peuples et la destruction de leur environnement et de leur culture.  Le temps est venu d’appliquer la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, a-t-elle plaidé.

CHIEF MARGARET BEAR, Federation of Saskatchewan Indian Nations, a avancé six recommandations: le génocide comme thème de la prochaine session de l’Instance permanente, l’organisation d’un séminaire sur le génocide avant la prochaine session, une étude sur le génocide et ses conséquences sur les peuples autochtones, des mesures de lutte contre ce crime, la dénonciation immédiate de tout génocide contre les peuples autochtones et l’inclusion du rapport des Caucus des premières nations de 2015 dans le rapport final de cette session.

M. NABA BIKRAM KISHORE TRIPURA, Ministre du Bangladesh chargé des affaires du traité de Chittagong, a expliqué que tous les habitants du pays sont considérés comme des autochtones.  Le Gouvernement s’attache donc à protéger et à promouvoir la culture et les traditions des petites communautés ethniques qui constituent environ 2% de la population.  Le représentant a cité les institutions qui ont été créées pour garantir les droits politiques, sociaux, éducationnels et économiques de la population tribale de Chittagong Hill Tracts.  Il a ajouté que le Premier ministre a posé les fondations d’un complexe de 10 millions de dollars dédié à cette minorité, dans la capitale, Dhaka.  Un chapitre séparé de l’objectif stratégique et de la Direction politique est consacré au développement des minorités ethniques du Bangladesh, a-t-il ajouté.

M. NEIL MCFARLANE, Chef de la section new yorkaise du Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNSDIR), a rappelé que le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophes 2015-2030 comprend sept objectifs et quatre domaines prioritaires d’action.  La collecte des données sur les peuples autochtones, a-t-il relevé, est importante pour doter les gouvernements des outils permettant de mesurer les progrès.  Le Cadre de Sendai est basé sur une approche centrée sur les personnes et invite les gouvernements à reconnaître le savoir des peuples autochtones et à les inclure dans les mécanismes et plans de développement.  Les connaissances de ces peuples doivent être utilisées, selon les recommandations du Cadre de Sendai, pour compléter les connaissances scientifiques dans l’évaluation des risques de catastrophe.  Ce Cadre donne aussi la priorité à l’autonomisation des autorités locales et au travail avec les communautés autochtones.  Enfin, il a indiqué que la Journée internationale sur la réduction des risques de catastrophes en 2015 s’était concentrée sur les questions autochtones.

Si M. TUOMAS ASLAK JUUSO, Parlement sami de Finlande, s’est félicité du fait que le statut et les droits des Samis comme peuple autochtone soient protégés par la législation nationale et le droit international, il s’est néanmoins dit préoccupé par le fait que leur culture soit en danger.  Il a espéré que la Finlande deviendra un pionnier en matière de protection des droits du peuple sami.  Il a en effet rappelé que l’autorité du Parlement élu sami avait donné lieu à des polémiques tout comme l’exercice de leurs droits à l’autodétermination et aux terres.  Il a invité les responsables des droits de l’homme de l’ONU à lire le rapport du Parlement sur la situation actuelle des Samis en Finlande.  Ce document, a-t-il indiqué, souligne les préoccupations de ce peuple, y compris celles liées aux retards dans la mise en œuvre des recommandations que le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a faites à la Finlande, dont celle de consulter les Samis sur toute législation les concernant. 

Mme NANCY BORDEAUX, American Indian Movement-West, a parlé de l’importance de l’eau dans la vie des peuples autochtones, affirmant que plusieurs nations autochtones croient et savent que leur origine tient de l’eau.  Ces nations et communautés autochtones ont conservé les connaissances et la sagesse écologique traditionnelles nécessaires aujourd’hui pour une gestion plus durable de l’eau.  Elle a rappelé que l’Article 32 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones stipule que les États doivent consulter et coopérer avec les peuples autochtones sur des projets pouvant affecter leurs terres ou leurs ressources, y compris l’eau.  Elle a en outre relevé que les autochtones dirigent des initiatives relatives à l’eau, telle que le « Mni Wakan », le Sommet sur la décennie de l’eau qui va avoir lieu dans l’État du Minnesota aux États-Unis en avril 2017.  Elle a appelé à soutenir cette manifestation qui est cruciale pour la mise en œuvre des droits des peuples autochtones relatifs à l’eau.  Elle a invité les États Membres des Nations Unies et les représentants des peuples autochtones à y prendre part.  Dans le monde entier, a-t-elle conclu, les peuples autochtones se battent pour protéger « l’eau sacrée » et leur droit à l’eau doit être protégé, mis en œuvre et respecté.  « Nous ne voulons pas être un accessoire de plus.  Nous voulons écrire une histoire du monde où les générations futures bénéficieront du Mni Wkan. » 

M. MUZAMANI CHARLES NWAILA (Afrique du Sud) a expliqué que le Programme national de développement durable repose sur les pactes et instruments internationaux des droits de l’homme et donc sur l’accès de tous, y compris des peuples autochtones aux services sociaux de base.

Mme OLGA MONTÚFAR CONTRERAS, Groupe mondial des autochtones handicapés, a exhorté les États Membres à fournir des informations actualisées sur la réalisation des objectifs du mandat de l’Instance permanente, en particulier sur les réalités des autochtones handicapés et sur l’enseignement bilingue pour les enfants autochtones.  Elle a recommandé d’exhorter les États Membres à consulter directement les personnes autochtones handicapées pour élaborer des politiques publiques plus proches de leurs réalités.  « Nous sommes des personnes autochtones handicapées » qui avons des droits inaliénables, a-t-elle lancé en soulignant la possibilité de contribution de ces personnes au développement économique des communautés et des pays.

KEIKABILE MOGODU, Botswana Khwedom Council, a dénoncé que son pays ne reconnaisse qu’une seule langue nationale, imposant le monolinguisme dans l’enseignement, en violation de l’article 14 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.  Il a donc vigoureusement contesté la déclaration du représentant du Botswana qui prétendait que l’enseignement était aussi dispensé dans les langues autochtones.  Il a demandé à ce dernier quel cours exactement est enseigné dans quelle langue.  « Le Botswana marginalise les langues maternelles », a-t-il insisté, avant d’exhorté l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNCESCO) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à obtenir des États Membres qu’ils prennent les mesures nécessaires pour garantir un enseignement multilingue.

Mme OLGA FERREIRA DE LÓPEZ, membre du Parlement du Paraguay, a décompté 19 groupes ethniques qui contribuent à l’identité culturelle de son pays.  Le Gouvernement a adopté une loi sur la santé des autochtones et créé le Conseil national de santé des peuples autochtones.  Il a aussi mis sur pied le Conseil national de l’éducation autochtone et développé des politiques éducatives et des formations professionnelles adaptées à ces peuples.  La députée a ensuite parlé de ce que fait son gouvernement en faveur de l’égalité entre les sexes, citant l’existence d’un réseau de femmes maires autochtones.  Elle a en outre mentionné le Programme Tekopora, qui veut dire « bien-être » en langue guaraní, destiné à faire sortir les futures générations de la pauvreté grâce à des transferts de fonds.  Elle a ajouté que son pays travaillait, en collaboration avec le Secrétariat de l’Instance permanente sur les questions autochtones et les institutions du système des Nations Unies, à l’élaboration d’un Plan national pour les peuples autochtones.

Mme RUKKA SOMBOLINGGI, Aliansi Masyarakat Adat Nusantara (AMAN), s’est félicité de ce que les autochtones figuraient pour la première fois dans un programme présidentiel en 2014.  Malheureusement, les engagements en faveur de la lutte contre la discrimination et de la réconciliation avec les autochtones sont restés lettre morte.  Elle a dénoncé le fait que les investissements étrangers en Indonésie se traduisent toujours par des assassinats, des arrestations et le harcèlement des autochtones.  Elle a par exemple stigmatisé l’impact délétère d’une nouvelle loi qui stipule que les « terres non exploitées » deviennent des biens publics, privant ainsi les autochtones de l’accès à leurs terres ancestrales. 

M. SANTIAGO VICTORIA SAAVEDRA, de l’Université autonome de Guerrero (UAGRO), a présenté la situation des autochtones dans l’État de Guerrero, au Mexique, qui compte 529 000 autochtones, soit 17% d’une population totale qui connait un niveau d’analphabétisme avoisinant 80%.  D’où l’importance de la décision du Conseil universitaire de l’UAGRO qui a fixé, en 2010, un quota obligatoire de 10% d’inscriptions d’autochtones, un quota qui est passé à 13% depuis pour inclure les étudiants d’ascendance afro-mexicaine.  L’UAGRO, a-t-il ajouté, a une section administrative chargée des affaires autochtones et des femmes autochtones, dans le cadre du Programme national des femmes universitaires en programmes d’études de troisième cycle de qualité.

Après avoir indiqué que le Guerrero était le plus grand producteur de marijuana et de pavot au Mexique, il a présenté la situation de violence qui règne dans cette région ainsi qu’à Acapulco.  Il a aussi évoqué les problèmes de l’autoflagellation et du suicide parmi les jeunes autochtones.  Il a rejeté la faute sur le chômage, les déplacements forcés, la désintégration des familles à cause de la migration due au travail.  Il a invité les experts de l’Instance permanente à se rendre dans le Guerrero et a suggéré que l’instance recommande au Mexique d’approuver le projet de loi visant à créer un institut étatique des langues autochtones.

M. DIEGO ALONSO TITUAÑA MATANGO (Équateur) a rappelé qu’en 2012, l’Équateur, El Salvador et le Mexique avaient soutenu l’adoption par la Troisième Commission de l’Assemblée générale de la résolution « Femmes autochtones, agents de la lutte contre la pauvreté ».  L’Équateur a aussi appuyé les efforts pour améliorer la participation des femmes autochtones aux travaux des Nations Unies.  Le représentant a souligné l’importance du principe de « consentement préalable, libre et éclairé » et s’est dit préoccupé par l’absence de convention internationale juridiquement contraignante contre les activités illégales de l’industrie extractrice. Il a annoncé que son pays présentera à la Conférence « Habitat III » à Quito, un nouveau modèle de développement urbain participatif. 

Au nom de plusieurs organisations, Mme BETTY LYONS, American Indian Law Alliance, a, arguant de la responsabilité de protéger la Terre nourricière, souligné que les peuples autochtones ne font pas de distinction entre l’environnement, l’eau, la santé, la culture et le bien-être.  Pour eux, tout est lié et ne peut être séparé.  Notre identité, notre culture et la Terre nourricière forment un tout, a-t-elle précisé.  Elle a dénoncé les arrestations, les persécutions et meurtres quotidiens des autochtones qui veulent protéger leurs territoires contre l’industrie extractive et les États qui se complaisent dans une lutte sans fin pour consommer et consommer encore les ressources naturelles.  Nous, peuples autochtones, sommes alors abandonnés aux pipelines, aux déchets toxiques, aux mines, aux barrages et aux terres souillées par le goudron.  N’oublions pas que les lois de la nature et les droits de la Terre nourricière ont la primauté sur tous les autres droits, a argué la représentante.  Elle s’est dite particulièrement préoccupée par l’état des lacs, des rivières, des fleuves, des sources et autres ressources en eau, dont le lac Onondaga, lac sacré et patrie de la démocratie.  Les peuples autochtones ne sont pas les agresseurs et ils n’abonderont jamais leur lutte pour un règlement pacifique de la question de l’accès à l’eau potable.  Elle a demandé à l’Instance permanente de mener une étude sur les eaux sacrées et l’impact de l’industrie extractive.

M. ANSELMO XUNIC, Cultural Survival, a dit que les peuples autochtones doivent pouvoir utiliser les technologies de l’information et des communications pour préserver leurs langues et transmettre leurs savoirs, connaissances, leurs croyances et leur culture.  Même si nous sommes des sociétés de culture orale, nous avons besoin d’un appui à notre accès à ces technologies.  Il ne s’agit nullement de remplacer les systèmes traditionnels de communication mais plutôt de valoriser les langues autochtones.  Le représentant a recommandé à l’Instance permanente de créer un point focal sur l’apport des technologies à l’avancement des peuples autochtones.

Mme ALVAREZ (Bolivie) a déclaré que son gouvernement a élaboré un Plan de développement qui s’inspire de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et de la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les peuples indigènes et tribaux.  Des plans sectoriels ont été adoptés dans un pays qui est le seul à avoir consacré dans la loi la Déclaration des Nations Unies.  Parmi les actions en faveur des peuples autochtones, la représentante a mentionné l’éducation gratuite, dont les subventions accordées aux femmes et aux filles enceintes pour qu’elles puissent poursuivre leurs études.  En outre, un programme d’enseignement régional a été créé en langues autochtones, tout comme un Ministère de la pharmacopée traditionnelle.  Des lieux d’accueil et des logements sociaux ont été installés dans les communautés autochtones dont les peuples participent à l’élaboration des politiques publiques et à leur mise en œuvre. 

Au nom du nouvellement créé « Caucus des langues autochtones », Mme LINDA MANAKA INFANTE s’est félicitée de l’étude lancée par l’Instance sur l’état des langues autochtones et les moyens de les sauver.  Elle s’est inquiétée qu’au rythme actuel, 500 langues autochtones devraient avoir disparu d’ici à 2030.  Elle a recommandé à l’ONU de demander à ses coordinateurs résidents et à ses équipes de pays d’inclure dans leurs plans et programmes la redynamisation des langues autochtones.  Les coordonnateurs résidents devraient faire part périodiquement au Conseil économique et social (ECOSOC) et à l’Assemblée générale des progrès réalisés.  Elle a exhorté l’UNESCO à s’acquitter véritablement de son mandat de préserver la diversité linguistique et culturelle.  Pour ce faire, elle a demandé à l’Assemblée générale de financer à l’UNESCO un département chargé de la revitalisation des langues autochtones.  Elle a aussi suggéré au Conseil des droits de l’homme d’envisager la nomination d’un rapporteur spécial sur les langues autochtones.  À cette fin, elle a jugé indispensable de créer un fonds de contributions pour financer les écoles immersives et bilingues en langues autochtones. 

M. EVARISTE WAYARIDRI, Fédération des ONG en Kanaky, a rappelé que la Kanaky figure sur la liste des territoires à décoloniser depuis 30 ans et que l’État souverain n’a jamais été capable de faire des propositions qui répondent aux attentes des Kanacs.  Au contraire, l’enseignement reste inadapté aux réalités linguistiques.  « Nos enfants perdent leur langue dès l’école maternelle » et ne suivant pas un enseignement qui ne correspond pas à leur profil psychologique, ils sont en situation d’échec scolaire.  Il a rappelé que la France prévoit un referendum sur l’autodétermination en 2018 mais qui autorise les non-Calédoniens à voter.  Il a jugé cette situation « inacceptable » d’autant plus que ce sont les flux migratoires massifs qui ont rendu le peuple kanac minoritaire chez lui.  Aujourd’hui 90 000 Kanacs en âge de voter n’apparaissent pas sur les listes.

Il a demandé à l’Instance de porter une attention particulière au non–respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme, notamment l’article 3 sur l’autodétermination à la Charte du peuple kanak élaborée par le Sénat coutumier, aux articles 13, 14 et 15 de la « Déclaration »  et 24 et 25 se rapportant aux ressources naturelles.  Il a  appelé à assurer la mise en œuvre des recommandations sur la suppression des pratiques discriminatoires qui empêchent l’égalité d’accès à l’emploi.   

M. SYDNEY ALLICOCK, Vice-Président et Ministre des affaires autochtones du Guyana, a parlé du Plan d’action national pour la mise en des instruments internationaux relatifs aux droits des peuples autochtones.  Nous veillons à doter les jeunes autochtones des compétences nécessaires pour pouvoir accéder à des emplois décents, a-t-il dit avant de citer des réformes législatives pour protéger les autochtones contre toute forme d’exploitation.  Il a aussi cité la création d’une Commission des cultures et des langues et a souligné que l’article 141 G de la Constitution garantit les droits des peuples autochtones, que l’article 212 S et  T régit la Commission des peuples autochtones et l’article 212 A à F celle de la Commission ethnique. 

Mme HAUOLIHIWAHIWA MONIZ, Kamakakuokalani Center for Hawaiian Studies, a demandé au Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones de se rendre à Hawaï pour constater les violations à l’article 14 de la « Déclaration » sur l’enseignement en langue autochtone.  Conformément à l’article 15, l’Instance permanente devrait de son côté obtenir des États qu’ils financent la recherche sur la revitalisation des modes traditionnels d’apprentissage.  Elle devrait aussi solliciter l’UNESCO pour obtenir l’appui des États à la multiplication des écoles d’immersion linguistique et culturelle et le financement des universités bilingues.  Elle a demandé qu’Hawaï soit inscrite dans la liste des territoires non autonomes à décoloniser.  

Mme AILA BIRET SELFORS, Saami Council, a, contrairement à ce qu’affirmait le représentant norvégien, dénoncé le fait qu’une des quelques écoles qui enseignent en langue samie est en train d’être fermée.  Cette langue est une langue en voie de disparition et les autorités ne font rien pour la sauver.  Elle a donc appuyé l’idée d’obtenir de l’Assemblée générale qu’elle proclame une décennie internationale des langues autochtones et a voulu la même chose des pays nordiques.  La représentante a poursuivi en estimant que le manque de statistiques sur les peuples autochtones est une façon de les marginaliser.  Elle a donc salué le Groupe d’experts sur les peuples autochtones et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 pour avoir insisté sur les indicateurs et la collecte des données.  La représentante a conclu sur la question de l’accès aux terres et aux ressources naturelles, se plaignant des différentes « ingérences » dont l’industrie minière, la multiplication des parcs éoliens et autres projets de développement. 

M. BADI BOFF BRASCO, Groupe d’action pour la promotion socioculturelle et l’alphabétisation (GAPSCA), a dénoncé en République démocratique du Congo (RDC) la spoliation, l’aliénation et l’expropriation des terres appartenant aux peuples autochtones par les groupes armés, les multinationales et autres.  Il a aussi dénoncé le déni des droits coutumiers à la terre et aux ressources naturelles et la discrimination à l’égard des peuples autochtones, la persécution et l’arrestation de certains membres du GAPSCA par les « autorités locales complices ».  Il a dit avoir collecté des données relatives à la violence sexuelle et domestique et aux accouchements à risque.  Il a défendu l’accès de la femme autochtone pygmée à l’information et aux services de santé maternelle.  Il s’est félicité de ce que son ONG participe à un programme de l’ONU sur le renforcement des capacités liées aux instruments et mécanismes de protection des droits de l’homme.

M. JOSEPH GOKO MUTANGAH, membre de l’Instance permanente, a mis l’accent sur la dégradation de l’environnement dans les territoires des peuples autochtones menaçant l’existence même des communautés.  Il a exhorté l’Instance permanente, les gouvernements et les autres parties prenantes à travailler ensemble pour inverser cette tendance.  Concernant les langues autochtones, il a rappelé que l’Instance permanente a publié plusieurs recommandations sur cette question et a appelé les gouvernements à en faire une priorité. 

M. SAMARJIT SINGHA, Greater Sylhet Indigenous Peoples Forum-Bangladesh, a, à son tour, souligné l’importance d’une éducation multilingue pour que les enfants autochtones n’aient plus à se heurter à la barrière de la langue à l’école, sans compter la condescendance, la discrimination ou le harcèlement dont ils font l’objet.  Les études ont prouvé à suffisance les bénéfices d’une éducation dans la langue maternelle pour inverser les courbes du décrochage scolaire et améliorer les résultats.  Le représentant s’est d’ailleurs enorgueilli du fait que l’UNESCO ait choisi le 21 février comme Journée de la langue maternelle, le jour même où les Bangladeshis ont sacrifié leur vie pour leur langue.  Il s’est dit fier de venir d’un pays pionnier dans la promotion de l’éducation en langues autochtones.  Attendant avec fébrilité le succès et l’élargissement de cette initiative, le représentant a espéré que d’autres pays s’en inspireront. 

M. MAMANI NAVARRO, El Consejo Nacional de Ayllus y Markas del Qullasuyu (CONAMAQ-BOLIVIA), a affirmé que les peuples autochtones de Bolivie ont déjà le privilège d’avoir accès à un enseignement en langues autochtones, y compris dans les trois universités autochtones du pays.  En outre aujourd’hui, la pharmacopée traditionnelle est reconnue dans les Centres de santé.  Le représentant s’est insurgé contre les groupes qui prétendent parler au nom des peuples autochtones de Bolivie.  Il faut préserver l’unité pour défendre nos droits collectifs, a-t-il conseillé.

M. WILTON LITTLECHILD, Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a parlé des Jeux des peuples autochtones organisés l’année dernière autour de l’harmonie avec la Terre nourricière et de la spiritualité.  Il a demandé l’appui de l’Instance permanente à ces Jeux dont la deuxième édition aura lieu au Canada.

Mme YASSO KANTI BHATTACHAN, National Indigenous Women Forum- Népal, a salué les efforts consentis par le Gouvernement du Népal pour améliorer la vie des citoyens, mais elle a indiqué que les droits individuels sont placés au centre de ces efforts alors que les peuples autochtones en sont exclus.  Elle a dénoncé ces actes qui vont à l’encontre de la « Déclaration », de la Convention 169 de l’OIT et des autres normes internationales des droits de l’homme.  Elle a suggéré que l’Instance permanente et les agences des Nations Unies aident le Gouvernement à réformer la nouvelle Constitution qui doit consacrer les droits énoncés dans la « Déclaration » et dans d’autres instruments internationaux.  L’Instance permanente doit développer des indicateurs généraux et spécifiques à chaque pays, avec des données désagrégées sur les six domaines d’action.  Elle a préconisé, dans ce cadre, le suivi des progrès au Népal et appelé le Gouvernement népalais, le système des Nations Unies et ses agences à mettre en œuvre au plus vite les six domaines d’action dans le pays.

M. SURAPORN SURIYAMONTON, Peoples Foundation for Education and Environment (IPF) and Indigenous Education Network in Thailand (IEN), a déclaré qu’une des questions pressantes en Thaïlande reste le droit aux terres, les peuples autochtones étant expulsés et les défenseurs de leurs droits, menacés et enlevés.  Tout en luttant contre ces violations massives des droits de l’homme, les peuples autochtones réclament aussi l’accès à une éducation obligatoire de qualité, en particulier l’intégration d’une éducation multilingue basée sur la langue maternelle.  Le représentant a aussi appelé les équipes de pays de l’ONU à approcher le Réseau thaïlandais des peuples autochtones pour promouvoir la « Déclaration » et les plans de développement ainsi que le suivi des objectifs de développement durable.  L’UNESCO et l’UNICEF, en particulier, doivent travailler avec les organisations autochtones et leurs réseaux d’enseignement pour renforcer la politique linguistique, sa mise en œuvre et son applicabilité à tous les peuples autochtones.

M. OHORELLA, Caucus du Pacifique, a déclaré que son groupe a lancé cette année une manifestation pour marquer le dixième anniversaire de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et qu’il invite tout le monde à en faire autant.

Mme FENMEI NIAHOSA, Habitat Pro, a dit que la construction de logements est une question urgente surtout pour les jeunes autochtones qui migrent vers les villes pour poursuivre leur éducation ou pour travailler.  En la matière, il s’agit de promouvoir le droit au logement, fondé sur la culture traditionnelle.  Les projets d’Habitat Pro impliquent de nombreuses communautés autochtones et les engagent à partager leurs expériences dans les régions où elles se sont installées.  Elle a demandé à l’UNICEF et à l’UNESCO de mettre en place des programmes de bourses pour les jeunes autochtones urbains.

M. TUSHKA HUMOC XELUP, National Association for the Advancement of Indigenous Peoples, a regretté que les peuples autochtones soient considérés comme des « objets » aux États-Unis.  Il s’est dit le porte-parole de 12 tribus « historiques » du nord-est américain et des « autochtones noirs » d’Amérique.  Il a exhorté l’Instance permanente à demander aux États-Unis de mettre fin à « sa politique d’apartheid et de racisme environnemental ».

M. HEMOC XELUP, Directeur général de la National Association for the Advancement of Indigenous People (NAAIP) International, a relevé que dans le cadre du débat sur la paix et la résolution des conflits, les peuples autochtones doivent d’abord être reconnus par les colonisateurs comme des membres de la famille humaine, ce processus de reconnaissance devant venir d’en haut.  Aux États-Unis, ces peuples, encore appelés « aborigènes américains », n’ont même pas le droit fondamental à une identité.  Ils sont taxés de « constructions commerciales, de sujets et de propriétés ».  Avant même de parler de la résolution des conflits, les peuples autochtones devraient, avec l’aide des Nations Unies, obtenir des États-Unis qu’ils réforment leurs « politiques de fausse identification, d’apartheid et de racisme environnemental ». 

Parlant au nom des 16 délégués de son groupe qui n’ont pas pu prendre la parole la semaine dernière et rappelant également que l’année dernière, ils avaient participé pour la première fois à la session de l’Instance permanente sans pouvoir s’exprimer, ils sont venus cette année représenter 12 tribus historiques du nord-est américain et accompagnés de chefs de tribus portoricaines et dominicaines pour marquer les esprits.  Il est regrettable, a dit le représentant, que l’on se sente encore obligé de proclamer: « Nous, les sombres aborigènes d’Amérique, sommes toujours là ».  L’un des délégués, présent la semaine dernière, est l’un des descendants du chef qui a eu le premier contact avec les colons et paraphé le premier traité, ouvrant aux Européens l’accès aux terres d’Amérique.

Aujourd’hui, les propres descendants de ces autochtones n’ont pas le droit d’être reconnus comme tels mais doivent accepter le « génocide de papier », une fausse classification et un statut similaire aux Afro-américains ou autres fausses identités.  Les États-Unis doivent changer leurs politiques racistes.  C’est la condition préalable à l’exercice des droits consacrés par la « Déclaration » et ce changement doit être soutenu par la nomination d’un rapporteur spécial des Nations Unies pour faire appliquer les instruments internationaux de protection des droits des peuples autochtones.

Mme PARBATI THAPA, National Indigenous Women Federation (NIWF), a expliqué que les peuples autochtones représentent la majorité de la population népalaise qui compte 37,38% d’Adivasi Janajatis (caste inférieure), 36,56% de Brahman, Chhetri et autres (caste supérieure dirigeante), 21,79% de Dalits (intouchables) et 4,27% de musulmans.  La monarchie, qui a été abolie en 2008 après 247 années

de règne, a toujours promu l’utilisation d’une seule langue, l’hindou, et d’une seule culture dans le pays.  Si le Népal est unifié physiquement, les aspirations des peuples sont ignorées, a-t-elle indiqué en expliquant ainsi la disparition des langues autochtones en même temps que la marginalisation de ces peuples.

Aujourd’hui, alors que la Constitution pose le droit de toute communauté népalaise à promouvoir sa langue, son écriture, sa culture et son héritage culturel, la réalité est différente, a-t-elle affirmé.  Elle a donné l’exemple des gouvernements locaux qui n’ont pas le droit d’utiliser les langues locales.  Sur les 50% de femmes illettrées au Népal, la plupart sont des autochtones.  Elles souffrent du chômage, d’un manque d’accès à la santé, des mariages et des grossesses précoces.  La représentante a averti que, l’inaction du Gouvernement népalais qui tarde à reconnaitre l’identité des autochtones pourrait mener à des troubles socio-politiques.

CHEF EDWARD JOHN, membre de l’Instance, chef héréditaire d’un peuple de l’ouest du Canada, s’est félicité de l’élection en 2015 de 11 parlementaires autochtones au Canada.  Il a tout de même regretté que le Canada, qui s’était opposé en 2007 à la « Déclaration », souligne aujourd’hui que son adhésion est conditionnée au respect de la Constitution.  Au-delà des mots, le Canada doit rejeter la doctrine de la découverte, les autres concepts d’infériorité et toutes les politiques et mandats qui parient sur la disparition des peuples autochtones.  Il a plutôt suggéré au Canada de créer une commission de haut niveau sur les peuples autochtones.  

M. GREGORY THUANT DIT DIEUDONNÉ, DYLACHA, a indiqué qu’il représente officiellement les 50 000 Evenks de Russie, de Chine et de Mongolie qui ont le malheur de se trouver sur des terres riches en pierres de jade ou néphrites convoitées par les gouvernements et l’industrie extractive.  Dylacha est aujourd’hui détruite, après avoir fait l’objet d’une liquidation judiciaire.  Ses dirigeants ont fui le pays en laissant familles et biens.  Les Evenks sont privés de leurs droits fondamentaux, sont victimes d’un plan de destruction programmé servi par des menaces, des actes d’intimidations, des extorsions et des tentatives de meurtre.  Le représentant a attiré l’attention sur les raids menés par des troupes fédérales qui ont kidnappé les dirigeants de Dylacha en 2012.

Mme ILLA MAINALI (Népal) a dit que son gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir les droits des peuples autochtones, dans les limites de ses ressources.  Elle a rappelé que 85% des électeurs ont approuvé la nouvelle Constitution, estimant que la déclaration d’une représentante des autochtones ne vise en fait qu’à diminuer l’importance d’une Constitution qui a été saluée par la communauté internationale pour « son caractère révolutionnaire ».

M. TAWERA TAHURI, Wai 2478, a fait le point sur la procédure introduite en août 2014 devant le Tribunal Waitangi visant à montrer que la Couronne a violé certains principes du Traité de Waitangi lors de la réforme de la loi Te Ture Whenua Maori de 1993. La Couronne ayant présenté une nouvelle version de la loi, le Tribunal a conclu qu’elle contreviendrait aux principes dudit Traité si elle ne s’assure pas du soutien des Maoris.  Les propriétaires terriens maoris, leurs familles et leurs sous-tribus et leurs tribus subiraient un préjudice si la loi de 1993 était abrogée contre leur volonté et sans des arrangements adéquats pour toutes les questions régies par cette loi.  Il est clair, a commenté l’intervenant, que le Tribunal envisageait que des consultations aient lieu après des recherches empiriques.  « Or, cela n’a pas été le cas ».  Fidèle à elle-même, la Couronne a préféré publier un nouveau projet de loi une semaine avant les réunions nationales et naturellement sans recherche empirique à présenter.

M. ATAMA KATAMA, Indigenous Education Network for Change of Asia, a dénoncé les obstacles érigés devant l’éducation des jeunes autochtones dans certains pays d’Asie.  Il a aussi dénoncé la violence des forces de sécurité et des groupes de gangsters contre les femmes et les filles autochtones.  Il a également dénoncé le non-respect des cultures autochtones dans l’enseignement, d’où les taux élevés de décrochage scolaire.  Il a invité l’Instance permanente à mener des enquêtes sur les violations des droits des peuples autochtones, à prendre des mesures appropriées pour la liberté de presse et d’association des peuples autochtones, à obtenir la réintégration des anciens dans leurs communautés d’origine et la participation des peuples autochtones à l’élaboration des politiques de développement, y compris des jeunes. 

Mme CHONVIPAT CHANGTRAKUL (Thaïlande) a cité un Plan d’action 2015-2017 en faveur des minorités ethniques.  Elle a assuré que les groupes ethniques sont protégés sans discrimination en Thaïlande et cité les efforts de son pays en faveur de l’accès aux terres, de la protection juridique et de la résilience aux chocs externes.  Elle a parlé de l’enseignement bilingue tenant compte de la spécificité des groupes ethniques.

M. BASTIDA MUÑOZ, Instance internationale autochtone VIAYALA (Phonétique), a souligné les efforts de son organisation en faveur des droits fondamentaux des peuples autochtones notamment le respect du principe du « consentement libre, préalable et éclairé ». 

Mme MELISSA WASSAN, Conseil national des jeunes autochtones Navajo, a cité les actions de son organisation contre la violence sexuelle et sexiste, l’accès à un logement décent, la lutte contre la discrimination, le harcèlement et le suicide.  « Nous voulons montrer que nous ne sommes pas invisibles », a-t-elle dit avant de fustiger les programmes d’enseignement qui ne tiennent pas compte des réalités linguistiques et culturelles des autochtones.  Elle a expliqué que cette politique d’assimilation était la principale cause de suicide chez les jeunes autochtones.  Nous devons préserver notre sentiment d’appartenance pour être entendus, a-t-elle insisté, et l’éducation dans notre langue est « un médicament indispensable » pour notre participation effective à la société, a-t-elle conclu.

La représentante de Autochtones de Bolivie, a parlé de la tenue en janvier 2017 du troisième Sommet continental de la communication des peuples autochtones yala abya, après ceux du Mexique et du Pérou.  Les peuples autochtones doivent communiquer pour faire entendre leur voix, a-t-elle insisté, demandant une loi permettant à ces peuples de participer aux manifestations de l’ONU sur les questions les concernant.  Le Gouvernement de la Bolivie devrait couvrir les frais de voyage et de séjour des autochtones qui viennent participer à ces réunions.  Elle a souhaité que l’Instance se concentre en 2017 sur la question de la biodiversité.

Mme LORI JOHNSTON, Future Work on Indigenous Economies that respect Human rights, a demandé au Forum permanent de favoriser l’intégration des pratiques économiques durables des peuples autochtones au sein du Programme de développement à horizon 2030 en améliorant leur participation à sa mise en œuvre.  Ce programme, dans sa forme actuelle, promeut les institutions économiques coloniales du viol, de la prostitution, de la prison et de l’esclavage dont les monnaies mondiales dépendent, a-t-elle dit.  Elle a insisté sur les souffrances endurées par les peuples autochtones du fait des institutions coloniales précitées.  Elle a souhaité que le financement du développement, dans le cadre du Programme, privilégie des modèles économiques traditionnels permettant aux femmes d’accéder à une stabilité financière par des échanges commerciaux traditionnels excluant la prostitution, le viol, la prison et l’esclavage.  Rappelant le principe prôné par les peuples autochtones selon lequel tous les enfants de la communauté ont un accès égal aux ressources, Mme Johnston a affirmé que le Programme de développement durable promouvait une « pauvreté militarisée dans un contexte d’abondance, affectant de manière disproportionnée les femmes et les enfants ».  Les peuples autochtones et leurs nations originelles doivent protéger la nourriture et l’eau héritées de leurs ancêtres afin de garantir la stabilité économique, a-t-elle dit.  En conclusion, Mme Johnston a estimé que le Programme de développement menaçait d’extinction les peuples autochtones.

M. AKIYO INOKOK, Shimin Gaikou Centre, a appelé le Gouvernement japonais et les Gouvernements locaux dont la préfecture d’Hokkaido d’assurer la pleine participation du peuple ainu à la mise en œuvre des mesures concrètes annoncées pour améliorer leurs conditions de vie et l’éducation de leurs enfants.  Il a rappelé que, pressé par les franges extrémistes, le Gouvernement du Japon refuse de reconnaître les Ryukyuans en tant que peuple autochtone, sans en expliquer les raisons.  Le Royaume ryuku était pourtant un État indépendant avant son annexion par le Japon en 1879.  Il a signé des traités avec les États-Unis, la France et les Pays-Bas et a eu le même statut que les autres pays asiatiques, a-t-il déclaré.  Le Gouvernement japonais n’a jamais dit s’il a annexé ou colonisé le Royaume mais il est vrai, a reconnu le représentant, que discuter de cette question sans vérifier l’histoire des peuples ryukyuans est dénué de sens.  « En conséquence, nous demandons au Gouvernement japonais d’établir un comité d’experts indépendants pour vérifier de quelle manière les peuples ryukyuans sont devenus membres de la nation japonaise et si oui ou non ils sont des peuples autochtones, sur la foi de faits historiques précis », a-t-il dit, ajoutant qu’un comité similaire pourrait être mis en place pour le peuple ainu et leur réconciliation avec les Japonais. 

M. KENA RAHDRY, International Native Tradition Interchange, a salué les membres de l’Instance pour leur dévouement sincère et sans faille au travail qui consiste à réparer les torts historiques et actuels causés aux peuples autochtones, à leurs terres et à leurs ressources par les gouvernements coloniaux et les multinationales.  Nous avons, a-t-il dit, une « grande tâche » à accomplir, celle de mettre en œuvre les six domaines d’action.  Il faut dans ce cadre, souligner que la vraie autodétermination ne viendra que lorsqu’on aura reconnu aux peuples autochtones une pleine « reconnaissance diplomatique » et nommé, en conséquence, un ambassadeur des 300 millions d’autochtones dans le monde.  On ne cesse de dire que ces peuples « vivent sur le dos des États » alors qu’en réalité ce sont ces États qui n’ont cessé d’exploiter « ces enfants de la Terre nourricière », a taclé le représentant.

Mme DALEE SAMBO DOROUGH, membre de l’Instance s’est félicitée de que le Botswana ait pris des mesures importantes pour appliquer la « Déclaration » mais a relevé que les termes utilisés par le représentant de ce pays ne se réfèrent pas expressément aux peuples autochtones mais plutôt aux « peuples marginalisés qui méritent une attention spéciale ».  Elle a demandé à ce Gouvernement et aux autres États Membres de veiller à aligner leurs lois et pratiques sur les instruments relatifs aux droits de l’homme, notamment en ce qui concerne le droit foncier.

Les déclarations des États Membres sont souvent déconnectées de la réalité, a-t-elle remarqué en prenant comme exemple le droit à l’autodétermination et le « consentement libre, éclairé et préalable ».  Elle a expliqué ce que recouvre le droit à l’autodétermination, avant de rappeler que l’Association de droit international estime que la « Déclaration » est juridiquement contraignante en tant que droit coutumier international.  Revenant au droit foncier, elle a signalé que les autochtones qui le défendent sont trop souvent assassinés.  Aujourd’hui, les droits des peuples autochtones sont plus souvent attaqués que promus.

M. RAJA DEVASISH ROY, membre de l’Instance, a demandé aux États d’adopter des plans d’action nationaux pour répondre aux besoins des peuples autochtones et faire respecter leurs droits.  En ce qui concerne la terminologie, nous ne pouvons pas attendre de l’ONU qu’elle adopte des déclarations particulières pour certains groupes de citoyens, comme les personnes appartenant à des minorités religieuses et linguistiques.  Il a salué l’engagement du Gouvernement du Bangladesh qui est de plus en plus constructif, faisant référence à l’inauguration par le Premier Ministre d’un centre à Dakha.

Mme PARBATI THAPA MAGAR, Réseau mondial des autochtones handicapés, a dit représenter 54 millions d’autochtones handicapés du monde entier.  Elle a voulu faire reconnaitre le droit de ces personnes à une participation pleine et entière à la mise en œuvre des six domaines d’action.  Se plaignant de la discrimination dont souffrent ces personnes, notamment pour l’exercice de leurs droits socioéconomiques, elle a donné l’exemple de l’Asie où les conflits et les catastrophes les rendent plus vulnérables.  Elle a plaidé la cause des femmes et des filles autochtones handicapées qui sont victimes de l’insécurité, de la traite, de la violence et des attaques.  Bien souvent, leurs besoins fondamentaux en termes de nourriture et de logement ne sont pas satisfaits, a-t-elle fait remarquer avant de souligner l’aggravation de leur situation après une catastrophe.  Outre la réponse à apporter à ces problèmes, elle a exigé le respect de l’identité culturelle des peuples autochtones.

Mme MARIA EUGENIA CHOQUE QUISPE, Membre de l’Instance, a expliqué que la plurinationalité était un défi qu’il était possible d’atteindre en mettant en place des institutions propres aux autochtones.  « Nous peuples autochtones affirmons que du fait de la colonisation nous avons dû vivre sans pouvoir exprimer notre spiritualité et notre cosmovision », a-t-elle dit avant de mettre l’accent sur la nécessité de progresser dans le domaine de l’autodétermination.

Mme VALMAINE TOKI, Membre de l’Instance, a regretté que de nombreux représentants des peuples autochtones n’aient pas eu l’occasion de s’exprimer.  Notant qu’ils consacrent des moyens conséquents pour participer aux travaux, elle a suggéré de réduire le temps de parole des États et de faire en sorte que ceux qui interviennent durant les sessions financent la participation des représentants des peuples autochtones.  Ces peuples doivent être considérés comme des peuples indépendants dotés des mêmes droits que les États Membres au sein de l’Instance.  

Prônant la défense des langues autochtones de la nation navajo, Mme DAVIS, PAHTAMAWIKAN, a exhorté les gouvernements à cesser la destruction de « notre environnement, de nos langues et de nos cultures ».  Elle a dit que les autochtones se considéraient aujourd’hui comme des étrangers sur leurs propres terres.  « Utilisons notre cerveau pour faire des choix qui permettrons notre survie collective », a-t-elle lancé avant de dénoncer les activités de l’industrie extractive qui s’enrichit en exploitant abusivement les ressources des terres autochtones.       

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