Instance permanente sur les questions autochtones - Quatorzième session,
10e & 11e séances – matin & après-midi
DH/5248

L’Instance permanente évalue les obstacles à l’exercice par les peuples autochtones de leurs droits économiques, sociaux et culturels

L’Instance permanente sur les questions autochtones a évalué aujourd’hui les obstacles à l’exercice par les peuples autochtones de leurs droits économiques, sociaux et culturels, dont l’accès aux ressources et la protection de la culture et de la langue.  L’Instance a dialogué avec la Rapporteuse spéciale et le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones.

Nombreux ont été les représentants des peuples autochtones à souligner « l’urgence » de faire cesser les agressions « multiformes » contre les Amazigh du Maghreb, les Aborigènes d’Australie, les Sami de Scandinavie, les Tatars de Crimée, les Massaïs de Tanzanie ou encore les Guarani au Brésil.

« Chez nous, les Amazighs, peuple autochtone du nord de l’Afrique, la priorité est de faire cesser le harcèlement violent et multiforme, la répression qui s’abat particulièrement sur les défenseurs de nos droits, l’occupation par la force militaire de nos territoires, la spoliation de nos ressources naturelles, l’exclusion qui frappe notre langue et les discriminations de toute nature que nous subissons au quotidien », a dit le représentant du Congrès mondial Amazigh.  Il a dénoncé l’absence de référence aux Amazigh dans la nouvelle Constitution tunisienne, les menaces islamistes auxquelles fait face son peuple en Libye et la double menace, climatique et prédatrice, que subissent les Touaregs en proie aux multinationales. 

Après avoir fait état de l’impossibilité pour certains Tatars de revenir en Crimée, le Vice-Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones a aussi dénoncé l’octroi forcé de la citoyenneté russe, les actes de violence contre les sites culturels et religieux et l’interdiction de parler tatar à l’école et à l’université.  « Nous avons besoin d’une aide internationale pour convaincre le Parlement finlandais de ratifier la Convention 169 de l’OIT », a dit la représentante du Parlement sami de la Finlande, membre d’un sous-groupe sami qui n’a plus que 300 locuteurs.  La Convention 169 concerne « les peuples indigènes et tribaux ».

La représentante a particulièrement fustigé la décision du Gouvernement finlandais de rejeter un projet de loi sur l’amélioration de l’autonomie culturelle samie.  Son homologue massaï a alerté l’Instance sur les attaques du Gouvernement tanzanien contre la vie nomade, et celui du Congrès des premières nations d’Australie a dénoncé le fait que les Aborigènes n’ont reçu aucune réparation pour les terres perdues, malgré les cinq milliards de dollars australiens promis. 

« Je suis victime de la pénalisation de notre lutte », a déclaré le représentant des Guarani du Brésil, en affirmant qu’il avait dû demander l’autorisation d’un juge pour participer aux travaux de l’Instance.  La représentante du Brésil a annoncé l’organisation dans les sept prochains mois de 700 rencontres qui déboucheront sur une conférence nationale sur les politiques autochtones, en novembre 2015. 

La Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones a en effet souligné qu’il est du « devoir » des États de consulter les populations autochtones avant toute décision ou mesure législative les concernant.  Le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones a indiqué que la prochaine et huitième session du Mécanisme, prévue à Genève du 20 au 24 juillet 2015, se concentrera sur les meilleures pratiques en matière de  protection du patrimoine culturel des droits des peuples autochtones. 

L’Instance poursuivra ses travaux demain matin 28 avril à partir de 10 heures. 

Table ronde sur l’application de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels

Mme Dalee Sambo Dorough, Ancienne Présidente de l’Instance et Modératrice, a souligné que les peuples autochtones continuent de pâtir de l’absence de statistiques et de données sur leur situation économique et sociale.  Dans sa présentation liminaire, M. Rodrigo Uprimny Yepes, Membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a mis en évidence la « jouissance précaire » de leurs droits par les peuples autochtones, affaiblissant les droits collectifs, comme les droits à l’éducation et à la santé, et conduisant à un cercle vicieux où certains États hésitent à garantir ces droits.  Là où ils peuvent jouir de leurs droits économiques et sociaux, les peuples autochtones voient leurs spécificités culturelles bafouées et leur droit à la différence nié.  Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels ne cesse de demander aux États de reconnaître les droits des peuples autochtones à l’autodétermination, leurs langues autochtones et leur savoir traditionnel.  Le représentant du Comité a préconisé le renforcement des liens entre l’Instance, le Comité et les autres organes de traités des droits de l’homme.  Il a d’ailleurs invité les organisations autochtones à renforcer leur présence au sein du Comité et a rappelé aux États l’importance d’intégrer dans leurs rapports quinquennaux des informations sur la situation de leurs peuples autochtones.  Ces peuples doivent participer « de manière stratégique » au travail du Comité, des autres organes conventionnels et du Conseil économique et sociale (ECOSOC), a renchéri M. Devasish Roy, Membre de l’Instance.

L’économie maorie continue son expansion, a annoncé le représentant de la Nouvelle-Zélande, citant un chiffre de 42 milliards de dollars.  Mais, a-t-il reconnu, beaucoup reste à faire pour améliorer les indicateurs sociaux, culturels et de la santé.  En 2010, « Whanau Ora », un programme de santé publique a été lancé qui comprend une approche novatrice centrée sur la famille et qui peut être considérée comme l’illustration de l’article 3 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.  La Nouvelle-Zélande a aussi mis en place une « Stratégie de logement », sans compter le fait que le « Te Reo Maori », la langue autochtone néozélandaise, fera l’objet d’une nouvelle loi.  La langue autochtone est l’un des droits fondamentaux, a souligné M. Edouard John, Membre de l’Instance qui a dénoncé le fait qu’une langue autochtone disparaît par semaine.  « Tuer l’Indien dès son enfance en faisant disparaître sa langue est une politique qui existe encore », a-t-il affirmé, en jugeant essentiel que l’ONU et ses États Membres prennent des mesures urgentes. 

L’interdiction de parler tatar à l’école et à l’université a été dénoncée par M. Olivier Loodge, Vice-Président de l’Instance, qui a aussi dénoncé l’octroi par la force de la citoyenneté russe aux Tatars ainsi que les actes de violence contre les sites culturels et religieux. Les Tatars de Crimée continuent de vivre les conséquences de la déportation du siècle dernier, a commenté le représentant du Mejlis des Peuples Tatars de Crimée.  Les nouvelles autorités d’Ukraine ont certes reconnu les droits des Tatars mais la situation a, une nouvelle fois, changé après l’invasion russe en 2014.  Le respect des droits économiques, sociaux et culturels est impossible dans le contexte d’une occupation étrangère.

L’absence d’une référence aux langues autochtones dans le projet de constitution du Népal confirme le refus du Gouvernement de créer un système éducatif multilingue, ce qui a déjà conduit à un très fort taux d’abandon scolaire des élèves autochtones, a alerté le représentant de la Fédération népalaise des nationalités autochtones, qui regroupe 59 communautés autochtones.   Il a dénoncé les efforts du Gouvernement népalais de faire de la culture hindou la culture dominante dans un pays où 51% de la population sont issues des communautés autochtones et où 1% seulement du budget national est consacré au Fonds népalais pour les communautés autochtones.  Au Pérou où cohabitent 54 peuples et 47 langues autochtones, a dit sa représentante, le Gouvernement a mis en place, en 2012, un vaste programme de formation aux langues autochtones.  En 2015, 200 interprètes des langues autochtones ont été formés.  Au Guatemala, a indiqué le Conseiller technique du « Programme Maya » du Programme de développement des Nations Unies (PNUD), le renforcement de capacités dans le domaine de l’éducation ont permis un enseignement bilingue.

Dénonçant « l’interdit qui frappe notre langue et les discriminations de toutes natures », le représentant du Congrès mondial amazigh a jugé qu’il y a urgence à faire cesser les agressions diverses que subissent les peuples autochtones.  Il a pointé le doigt sur le harcèlement violent et multiforme, la répression des défenseurs des droits de l’homme, l’occupation militaire des territoires et la spoliation des ressources naturelles.  Donnant des exemples au Maroc, en Kabylie, en Tunisie et en Libye, sans parler des Touaregs et de la lutte des populations de l’Azawad « contre toute forme de colonialisme et de néocolonialisme et pour le droit à l’autodétermination », le représentant a estimé « important » de dénoncer « parallèlement et inlassablement » les vilaines pratiques qui violent les droits de l’homme et provoquent les révoltes populaires.  « Les victimes doivent au minimum avoir le droit de crier et notre devoir à nous, c’est de faire en sorte que leurs voix puissent être entendues ici et partout. »

« Nous rejetons l’idée que les droits des phoques soient plus importants que les droits des peuples autochtones », a par exemple « crié » le représentant du Conseil circumpolaire Inuit, arguant que les chasseurs autochtones ne tuent qu’une petite fraction des phoques pour leurs besoins domestiques.  L’interdiction de commercialiser les produits dérivés est « une injustice contre notre culture ».  Ce ne sont pas les phoques qui sont en péril mais bien les chasseurs de phoques.  Chez nous, c’est l’interdiction de consommer de la viande de bœuf et du lait de vache qui met en péril les sources de revenus des autochtones, a dit en écho, le représentant de la Fédération népalaise des nationalités autochtones.  Les choses s’arrangent au Paraguay, a affirmé son représentant, en parlant d’un plan visant notamment à restituer des terres aux 144 groupes autochtones, dont 14 millions d’hectares en 2014, alors qu’au Pérou, ce sont 5 millions d’hectares qui sont devenus des réserves pour les peuples autochtones.  Les peuples autochtones sont en effet couverts par un large éventail de conventions et de recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a dit son représentant qui a reconnu que le test dans l’élimination des problèmes socioéconomiques est de faire en sorte que les politiques publiques soient compatibles avec les aspirations et les modes de vies des peuples autochtones.  Cela demande coopération et participation de ces peuples à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures.  Le représentant a donné des exemples du travail de l’OIT au Bangladesh, au Costa Rica, au Guatemala, au Pérou et au Chili.  En juin 2015, le nouveau cadre stratégique et le budget pour la période 2016-2017 reflèteront l’approche de l’OIT en faveur des peuples autochtones.

La ratification de la Convention 169 de l’OIT a d’ailleurs été conseillée au Gouvernement burundais par le représentant de l’Union des peuples autochtones pour le Réveil au développement, au nom des Batwa du Burundi. Il a demandé à son Gouvernement de mettre en œuvre les recommandations en faveur des Batwa, d’assurer la gratuité scolaire et universitaire, de lutter contre la discrimination et la marginalisation, d’octroyer des terres fertiles et de distribuer gratuitement les cartes d’assurance-maladie.  À l’Instance permanente, il a demandé d’appuyer les efforts des organisations des Batwa pour bien collaborer avec le Gouvernement du Burundi.

Les stratégies et les programmes doivent être définies en fonction de chaque peuple autochtone, a estimé la représentante de la Fédération de Russie qui a parlé du programme de développement durable pour les peuples autochtones de Sibérie, étalé sur 15 ans et se focalisant sur les ressources économiques et la préservation de la culture.  Plus de 1500 livres sur les cultures autochtones ont été publiés depuis le lancement du programme.  L’Instance, a estimé le représentant de l’Assemblée des Premières Nations du Canada, doit faire comprendre aux États que la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones offre un cadre commun pour la réconciliation, la justice et la paix.  Elle doit aussi encourager les organes et mécanismes de traités à étudier la situation des droits de l’homme dans les États afin de traiter effectivement du « ritualisme des droits », à savoir une manière d’embrasser le langage des droits de l’homme pour mieux éviter les analyses approfondies de la situation et l’obligation de rendre compte des abus.

L’Instance doit également prendre des mesures pour faire en sorte que les engagements et les obligations des États ne soit pas violés dans les autres fora internationaux comme cela a été le cas avec la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique dont les États parties ont accepté de parler « des peuples et communautés locales autochtones » à condition que ces termes n’aient aucun effet juridique.  Une étude doit être entreprise sur le fait que les États exploitent la faiblesse des règles de procédure des organisations internationales pour « dévaluer » la Déclaration.  Enfin, l’Instance doit exhorter les États à développer une législation conforme à la Déclaration. 

Pour réaliser les droits énoncés dans la Déclaration, il est en effet important d’avoir des structures pour assurer transparence et reddition des comptes, a acquiescé la représentante de Danemark, au nom des pays nordiques.  L’Instance est un lieu de dialogue mais aussi un mécanisme de reddition des comptes.  Les États doivent donc donner la priorité aux rapports qu’ils présentent à l’Instance et cette dernière doit faire plus attention au suivi de ses « nombreuses » recommandations.  S’agissant du Groenland, des mesures viennent d’être prises pour améliorer la transparence.  L’année dernière, le Conseil des droits de l’homme du Groenland et l’Institution danoise des droits de l’homme ont publié le tout premier rapport sur la situation des droits de l’homme au Groenland dont les conclusions ont été présentées au Parlement danois et au Parlement du Groenland, instaurant ainsi un examen « systématique et global » des défis des droits de l’homme au Groenland.

D’autres défis ont été mis en avant par la représentante du Caucus des jeunes.  Elle a demandé à l’Instance de travailler avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) pour créer des programmes de renforcement de capacité qui aideront à améliorer l’éducation sur la diversité, l’histoire et les droits des peuples autochtones non seulement celle des jeunes autochtones mais aussi des populations non autochtones.  Elle a aussi exhorté l’Instance à travailler avec les États Membres et les communautés autochtones pour mettre sur pied des organes de prises de décisions jouissant d’une participation effective, égale et pleine des jeunes autochtones. 

L’Instance doit aussi travailler étroitement avec les Groupes d’appui interorganisations sur les questions concernant les peuples autochtones, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), le PNUD, le Conseil des droits de l’homme et les Rapporteurs spéciaux sur les droits des peuples autochtones et sur le droit à l’eau potable, pour étudier les violations des droits de l’homme commises par le Gouvernement mexicain contre le peuple yaqui dans l’État de Sonora.  L’Instance et les autres acteurs concernés doivent enquêter sur la situation carcérale des peuples autochtones, en prison y compris les jeunes; initier un mécanisme avec des sensibilités culturelles pour aider à la réinsertion des prisonniers et jeunes délinquants autochtones, dans le cadre d’une approche basée sur la communauté et sur la justice réparatrice.  L’Instance doit, par ailleurs, travailler avec le bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme et l’UNICEF pour créer des services culturels appropriés au Danemark et aider les peuples autochtones, en particulier les jeunes et les enfants, à vivre leur identité culturelle unique. 

Exprimant avec son homologue de Tonatierra son inquiétude face aux violences systématiques dont souffrent les jeunes autochtones, il a souhaité le retour des 43 étudiants autochtones disparus à Ayotzinapa au Mexique et la traduction en justice de leurs tortionnaires.  Reprenant la parole, le Membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels s’est dit à la fois « pessimiste et raisonnablement optimiste ».  Je suis pessimiste devant la « jouissance précaire » de leurs droits par les peuples autochtones mais je peux aussi faire preuve d’un optimisme raisonnable car beaucoup d’États ont commencé à mettre en pratique les droits des peuples autochtones.  La solution est de faire de ces droits la norme, de travailler dans le cadre des structures existantes comme l’Instance permanente et de se focaliser sur des domaines clefs.  Le Gouvernement australien, a promis sa représentante, continuera à donner la priorité à la lutte contre le décrochage scolaire, le chômage et l’insécurité pour aider les peuples aborigènes et les insulaires du Détroit de Torres à réaliser leurs droits de l’homme et à jouir des mêmes opportunités que les autres Australiens.  L’Australie est tout à fait disposée à partager son expérience et présente d’ailleurs régulièrement des rapports aux mécanismes existants au sein de l’ONU sur la mise en œuvre de la Déclaration.  Le pays souhaite tout de même qu’un effort soit fait pour éviter les doubles emplois entre ces différents mécanismes, a souligné la représentante.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones et le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones

Avant toute chose, M. Legborsi Saro Pyagbara, Président du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones, a indiqué que le Fonds fêtait cette année son trentième anniversaire et qu’un documentaire était en cours de réalisation pour cet anniversaire.  En 30 ans, le Fonds a permis à plus de 2 000 autochtones de participer aux travaux de l’ONU dont les négociations ont permis l’adoption en 2007 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.  Ce Fonds a aussi servi à financer des ateliers de formation et, pour 2014-2015, il faudra 1,4 million de dollars. 

Le Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, M. Albert Deterville, a indiqué que la prochaine et huitième session du Mécanisme aura lieu à Genève du 20 au 24 juillet 2015.  La septième session s’est tenue en juillet 2014 avec des représentants de 50 États Membres et 150 représentants de la société civile et du monde universitaire.  Deux études commandées par le Mécanisme, dont une sur l’accès à la justice, ont été examinées.  Conformément à la résolution 27/13 du Conseil des droits de l’homme, le Mécanisme prépare un rapport sur les meilleures pratiques en matière de  protection du patrimoine culturel des peuples autochtones.  Le Mécanisme entend consolider les droits des autochtones au sein de l’ONU et au-delà.  Il a organisé deux séminaires d’experts, en Arizona aux États-Unis en février et à Winnipeg au Canada en mars, pour approfondir la réflexion sur la mise en œuvre du paragraphe 28 du Document final de la Conférence mondiale de 2014. 

Mme Vicki Tauli-Corpuz, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, a jugé de bon augure de débattre des droits économiques, sociaux et culturels des populations autochtones alors que les États Membres sont en train de négocier les objectifs de développement durable pour l’après-2015.  Les multiples crises financière, économique et environnementale que nous vivons témoignent en effet de l’échec du modèle de développement économique et social actuel.  Les autochtones représentent 5% de la population mondiale mais 15% des pauvres.  L’élimination de cette pauvreté des autochtones exige donc des changements transformateurs, dont un réel respect des droits collectifs.  Il faut, a estimé la Rapporteuse spéciale, des mesures spéciales pour lever les obstacles à l’exercice des droits.  « Il est du devoir des États Membres de  consulter les populations autochtones avant l’adoption de toute décision ou mesure législative les concernant »  a-t-elle insisté avant de regretter que les difficultés des autochtones restent souvent invisibles dans les statistiques nationales.

Illustrant les efforts de son pays pour protéger le patrimoine culturel autochtone, le Vice-Ministre des autochtones et populations d’origine africaine du Nicaragua, a cité la loi 28 de 1987 sur le statut d’autonomie de 23 communautés autochtones, la loi 759 sur les médecines traditionnelles ainsi que le nouveau Code de la famille promulgué en avril 2015 qui reconnaît les cadres spécifiques de la famille autochtone.  Il a assuré que le futur canal interocéanique ne se traduira pas par aucune confiscation ni expropriation de terres autochtones. 

« Nous avons besoin d’une aide internationale afin de convaincre le Parlement finlandais de ratifier la Convention 169 de l’OIT », a dit la représentante du Parlement Sami de la Finlande, membre d’un sous-groupe sami qui n’a plus que 300 locuteurs.  Elle a particulièrement fustigé la décision du Gouvernement finlandais de rejeter un projet de loi sur le renforcement de l’autonomie culturelle samie.  La Vice-Présidente de l’Instance, Mme Joan Carling a en effet exhorté la Finlande à ratifier la Convention 169 de l’OIT et les États de travailler de concert avec les populations autochtones.  Tout en se félicitant que le Gouvernement norvégien ait accepté en 2005 le principe de consultation des Samis pour tout projet les concernant, le représentant du Parlement Sami de la Norvège a regretté la mise en pratique insuffisante de cette consultation s’agissant de l’extraction minière, de la pêche et de l’élevage de rennes.  Le représentant des Massai a cité des campagnes organisées par le Gouvernement de la Tanzanie dans le but de mettre fin aux modes de vie nomade.  Il a parlé des milices qui attaquent les villages massaï.  « Je suis victime de la pénalisation de notre lutte » a dit un représentant des Guarani du Brésil, qui a précisé qu’il a dû demander l’autorisation d’un juge pour participer aux travaux de l’Instance.  Il a ajouté que sa communauté du Mato Grosso do Sul a connu ces dernières années 150 conflits fonciers et l’assassinat de 15 autochtones.  Illustrant le désespoir de sa communauté, il a cité 709 suicides depuis 14 ans dont 70% étaient des jeunes.

Le représentant du Congrès des premières nations d’Australie s’est, pour sa part, inquiété de la marginalisation des Aborigènes qui n’ont eu aucune réparation pour les terres perdues, malgré les 5 milliards de dollars australiens promis.  Celle des autochtones américains d’origine Anasazi a défendu l’héritage de cette communauté et a souhaité que ce peuple soit répertorié dans le recensement de 2020.  « Recenser des groupes ethniques spécifiques peut exacerber des tensions » a mis en garde le représentant de la Banque mondiale avant d’annoncer deux événements parallèles, cette semaine, sur les initiatives de sa Banque tenant compte des spécificités culturelles autochtones.

Du côté des bonnes nouvelles, la représentante du Paraguay a cité l’adoption de la loi 53/14 qui accroît la part du budget consacré aux questions autochtones et la loi 51/94 qui a permis d’octroyer 14 400 hectares de terres aux autochtones Enxet.  Elle a aussi cité la création d’un outil informatique qui permet de suivre la mise en œuvre des droits de l’homme, dont ceux relatifs aux autochtones.  Le représentant du Costa Rica a cité l’adoption en 2011 d’un décret qui reconnaît les langues autochtones pour la mise en place de programmes scolaires bilingues.  Son homologue du Bangladesh a expliqué les efforts de son pays pour améliorer l’éducation bilingue mais aussi les opportunités de la population autochtone de la région des Collines de Chittagong dans les domaines du tourisme, du commerce et de l’agriculture.

Citant les efforts de son pays, la représentante du Brésil a reconnu la nécessité de consulter les autochtones, conformément au cadre de la Convention 169 de l’OIT, sur tous les projets les concernant.  « Nous allons organiser dans les sept prochains mois 700 rencontres qui déboucheront sur la conférence nationale du Brésil sur les politiques autochtones prévues fin novembre 2015 », a-t-elle précisé en citant la participation de 1 200 représentants de 186 communautés autochtones sur la gestion des ressources naturelles des territoires autochtones. 

Le délégué aux droits des peuples autochtones de la Fédération de Russie a exhorté les États Membres à suivre l’exemple de son pays en créant eux aussi un poste de délégué aux droits des peuples autochtones qui a pour mission de formuler des recommandations sur le respect de ces droits, dont les droits fonciers et la protection de la langue.  La représentante de l’Indonésie a noté que son gouvernement a adopté, en 2001, un projet de loi sur l’autonomie des Papous indonésiens, en insistant sur le fait que cette question ne se règlera que dans le respect de l’intégrité territoriale de l’Indonésie. 

La volonté politique des États Membres est insuffisante, peut-être parce que les peuples autochtones ne représentent que quelques pourcents de la population, a commenté Mme Vicki Tauli-Corpuz, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones.  L’expérience montre, a-t-elle souligné, que lorsque les populations autochtones se mobilisent le succès est possible.  Il faut nous demander d’où vient l’argent alloué aux peuples autochtones et quel est l’impact des investissements.  À l’instar du représentant du Danemark, qui parlait au nom des pays nordiques, le représentant du Mexique a souligné le rôle de l’Instance pour aider les États Membres à mettre en œuvre la Déclaration de 2007 et le Document final de la Conférence mondiale de 2014.  Un appel au secours a été lancé à l’Instance par la représentante des peuples autochtones de Sakhaline qui rejette l’idée que son peuple figure sur la liste des peuples disparus d’ici un siècle même si les progrès sont réels en matière de consultations et qu’un budget annuel de 14 millions de roubles a été alloué aux autochtones de Sakhaline. 

Le représentant de l’Union européenne a dit attendre avec intérêt la présentation d’ici la fin de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale du plan d’action, à l’échelle du système, commandé au Secrétaire général pour promouvoir les droits des peuples autochtones et aider les États Membres à établir des plans d’action nationaux.  L’Union européenne présentera en 2017 ses nouveaux objectifs, a-t-il promis.

 

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