7531e séance – matin
CS/12072

Le Conseil de sécurité autorise l’arraisonnement de navires servant au trafic de migrants et à la traite d’êtres humains en provenance de Libye

Vivement préoccupé par le récent essor du trafic de migrants en Méditerranée, le Conseil de sécurité a autorisé ce matin, « pendant un an », les États Membres concernés à inspecter les bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes, s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont utilisés pour le trafic de migrants ou la traite d’êtres humains en provenance de Libye.

En adoptant par 14 voix pour et une abstention (Venezuela) la résolution 2240 (2015)*, présentée par le Royaume-Uni, le Conseil a également décidé d’autoriser les mêmes États Membres à saisir des navires inspectés « dont ils ont la confirmation qu’ils sont utilisés à des fins de trafic de migrants ou de traite d’êtres humains en provenance de Libye ».

Les États Membres concernés sont ceux qui sont « engagés dans la lutte contre le trafic de migrants et la traite d’êtres humains », « agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux », comme l’Union européenne.  Ils sont autorisés à utiliser tous les moyens « dictés par les circonstances spécifiques » pour lutter contre les trafiquants de migrants et d’êtres humains, « dans le strict respect du droit international et des droits de l’homme ».

Le Conseil souligne que la résolution a pour objectif de « déstabiliser les entreprises criminelles organisées impliquées dans le trafic de migrants et la traite d’êtres humains » et de prévenir la perte de vies humaines.  Ainsi, les victimes pourront « obtenir une protection en vertu du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés », précise le texte.

Pour les représentants du Royaume-Uni et de la France, la résolution 2240 (2015) donne aux États membres de l’Union européenne les garanties juridiques nécessaires pour mener à bien les opérations prévues « dans le cadre de la phase 2.a de l’opération EUNAVFOR MED SOPHIA, mise en œuvre le 7 octobre ».

Plusieurs voix se sont toutefois élevées pour exiger que la mise en œuvre de cette résolution se fasse dans le strict respect du droit international.  Celle de la Fédération de Russie, en particulier, a prévenu que toute interprétation abusive serait « inacceptable ».

Le Venezuela, a expliqué son représentant, s’est abstenu de voter en faveur de cette résolution parce que le « recours à la force militaire » constitue une erreur grave.  L’objectif réel de ce texte, a-t-il estimé, serait « d’empêcher des êtres vivants d’arriver à destination ».

« Disons-le franchement, ce débat tragique trouve ses racines dans les interventions militaires en Syrie, en Libye et en Iraq et l’appui apporté à des groupes terroristes dans le but de saper des gouvernements en place au profit des centres de pouvoir mondiaux », a lancé le représentant.

D’autres orateurs ont souligné le caractère « multidimensionnel » des flux migratoires, le représentant de l’Espagne reconnaissant que la résolution était une « première étape » dans la bonne direction.  Son homologue de la France a ajouté que l’adoption de cette résolution par le Conseil de sécurité représentait un élément de la « réponse globale » à la crise migratoire en Méditerranée.  « D’autres mesures doivent suivre », a-t-il reconnu.

De son côté, la délégation du Tchad a estimé qu’« engager une lutte militaire contre les passeurs et les trafiquants en haute mer sans s’attaquer à leurs réseaux sur la terre ferme sera insuffisant ».  Le texte adopté aujourd’hui demande d’ailleurs aux États Membres d’aider la Libye à renforcer les moyens dont elle dispose pour sécuriser ses frontières.  Les délégations du Chili et de la Lituanie ont, pour leur part, jugé qu’il était urgent de se pencher sur les causes profondes des migrations, comme les crises ou la pauvreté.

Se félicitant de l’adoption de ce texte, le représentant de la Libye a expliqué que son gouvernement ne parviendrait pas à gérer efficacement les flux migratoires qui transitent par son territoire tant que son gouvernement n’en aurait pas repris complètement le contrôle et ne recevrait pas l’intégralité de l’assistance dont il a besoin.

Le délégué s’est toutefois félicité de l’accord politique conclu hier par les parties libyennes, dans le cadre du Dialogue inter-libyen et sous l’égide de l’ONU, et aux termes duquel des nominations au Conseil de la Présidence du Gouvernement libyen d’Union nationale ont été proposées.

*S/2015/768

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Texte du projet de résolution S/2015/768

Le Conseil de sécurité,

Rappelant la déclaration qu’il a faite à la presse le 21 avril sur la tragédie maritime survenue en mer Méditerranée,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Libye,

Rappelant que les activités maritimes sont régies par les normes de droit international codifiées dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982,

Réaffirmant la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que son Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer et celui visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui constituent les principaux instruments juridiques internationaux de lutte contre le trafic de migrants et les pratiques connexes et contre la traite des personnes,

Soulignant que bien que le trafic de migrants et la traite d’êtres humains puissent avoir des points communs dans certains cas, les États Membres doivent être conscients qu’il s’agit de crimes distincts, tels que définis dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles y relatifs, exigeant des mesures juridiques et opérationnelles et des politiques distinctes,

Déplorant les accidents tragiques qui continuent de survenir en Méditerranée et font des centaines de morts, et notant avec préoccupation que les organisations criminelles transnationales qui facilitent le trafic illégal de migrants par des méthodes dangereuses, pour leur bénéfice personnel et sans aucun respect pour la vie humaine, et qui exploitent les migrants et leur donnent de fausses informations en sont parfois responsables,

Se déclarant vivement préoccupé par le récent essor du trafic de migrants en Méditerranée, qui provient notamment des côtes libyennes, et par le danger qu’il représente pour la vie humaine et conscient que parmi ces migrants peuvent se trouver des personnes qui répondent à la définition de réfugié au sens de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés,

Soulignant à ce propos que les migrants, notamment les demandeurs d’asile et quel que soit leur statut migratoire, doivent être traités avec humanité et dignité et dans le plein respect de leurs droits et, à cet égard, exhortant tous les États à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés, selon qu’il convient, une attention particulière devant être accordée à l’obligation de protéger les droits de l’homme des migrants, quel que soit leur statut migratoire, y compris lorsqu’ils appliquent leurs politiques relatives à la migration et à la sécurité des frontières,

Réaffirmant à ce sujet la nécessité de promouvoir et de défendre efficacement les droits de l’homme et les libertés fondamentales de tous les migrants, en particulier des femmes et des enfants, quel que soit leur statut migratoire, et de traiter la question des migrations internationales par la voie de la coopération et du dialogue aux plans international, régional ou bilatéral et d’une manière globale et équilibrée, en tenant compte du rôle et des responsabilités des pays d’origine, de transit et de destination dans la promotion et la défense des droits de l’homme de tous les migrants et en évitant des approches qui pourraient rendre ces derniers encore plus vulnérables,

Rappelant la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer et la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes,

Constatant avec préoccupation que la situation en Libye est exacerbée par les activités de trafic de migrants et de traite des êtres humains qui utilisent le territoire libyen comme destination, zone de transit et point de départ, et qui pourraient profiter à d’autres réseaux de criminalité organisée ou à des réseaux terroristes dans le pays,

Conscient que la Charte des Nations Unies lui confie la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales,

Soulignant qu’il incombe au premier chef au Gouvernement libyen de prendre les mesures voulues pour lutter contre le récent essor des activités de trafic de migrants et de traite des êtres humains qui transitent par la mer territoriale et le territoire libyens, et contre le danger qu’elles représentent pour la vie humaine,

Conscient qu’il faut appuyer davantage les efforts menés pour renforcer la gestion des frontières de la Libye, compte tenu des difficultés qu’éprouve le Gouvernement libyen à gérer efficacement les flux migratoires qui transitent par son territoire, et s’inquiétant des répercussions de ce phénomène sur la stabilité du pays et de la région de la Méditerranée,

Se félicitant de l’aide déjà apportée par les États Membres les plus concernés, y compris ceux de l’Union européenne, et notamment du rôle de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne et du mandat spécifique d’appui au Gouvernement libyen de la mission d’assistance de l’Union européenne à la frontière entre la République de Moldova et l’Ukraine, ainsi que par les États limitrophes de la Libye,

Saluant la déclaration du Conseil européen, du 23 avril 2015, et le communiqué de presse du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, du 27 avril, dans lesquels il a été souligné qu’il fallait prendre des mesures efficaces à l’échelle internationale pour faire face aux conséquences immédiates et à long terme de la traite des êtres humains vers l’Europe,

Prenant note que le Conseil de l’Union européenne, par sa décision du 18 mai 2015, a mis en place l’opération EUNAVFOR Med, montrant qu’il était nécessaire de prendre des mesures efficaces à l’échelle internationale pour faire face aux conséquences immédiates et à long terme de la traite des êtres humains vers l’Europe,

Prenant note également des pourparlers en cours entre l’Union européenne et le Gouvernement libyen concernant les questions liées à la migration,

Faisant part de son appui sans réserve aux États de la région qui sont touchés par le trafic de migrants et la traite des êtres humains, et soulignant qu’il faut mieux coordonner les efforts déployés en vue d’adopter une démarche multidimensionnelle plus efficace pour faire face à ces défis communs, dans un esprit de solidarité internationale et de responsabilité partagée, afin de remédier à leurs causes profondes et de protéger les gens des trafiquants de migrants et d’êtres humains,

Conscient qu’il faut aider les États de la région, à leur demande, à mettre en place, aux niveaux régional et national, un ensemble global et intégré de stratégies, de cadres juridiques et d’institutions visant à lutter contre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, le trafic de migrants et la traite des êtres humaines, y compris des mécanismes d’exécution, dans le cadre des obligations qui incombent aux États au regard du droit international applicable,

Soulignant que pour lutter contre le trafic de migrants et la traite des êtres humaines, y compris démanteler les réseaux de la région et engager des poursuites contre les trafiquants, il faut que les États d’origine, de transit et de destination adoptent une démarche coordonnée et multidimensionnelle, et conscient qu’il est nécessaire d’établir des stratégies efficaces pour prévenir ces phénomènes dans les États d’origine et de transit,

Affirmant avec insistance que les migrants doivent être traités avec humanité et dignité et dans le plein respect de leurs droits, à cet égard, exhortant tous les États à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, notamment du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés, selon qu’il convient,

Considérant l’obligation qui incombe aux États, en vertu du droit international, d’agir avec la diligence voulue pour prévenir et combattre le trafic de migrants et la traite d’êtres humains, engager des enquêtes au sujet de ceux qui s’y livrent et les punir, ainsi que d’identifier les victimes de la traite et les migrants et de leur apporter une aide efficace, et de coopérer, dans toute la mesure possible, en vue de prévenir et de réprimer le trafic illicite de migrants et la traite d’êtres humains,

Constatant que la situation en Libye continue de menacer la paix et la sécurité internationales,

Affirmant qu’il faut mettre fin à la prolifération récente du trafic de migrants et de la traite des êtres humains en Méditerranée au large des côtes libyennes et au danger qu’il représente pour la vie humaine et, à cette fin précise, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Condamne tous les actes de trafic de migrants et de traite d’êtres humains qui utilisent le territoire libyen et le large des côtes libyennes comme destination, zone de transit et point de départ, fragilisent davantage le processus de stabilisation de la Libye et mettent en péril les vies de milliers de personnes;

2.    Demande aux États Membres, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, notamment l’Union européenne, d’aider la Libye, à sa demande, à renforcer les moyens dont elle dispose pour sécuriser ses frontières et prévenir les actes de trafic de migrants et de traite d’êtres humains, enquêter à leur sujet et en poursuivre les auteurs sur son territoire et dans ses eaux territoriales, afin d’empêcher que le trafic de migrants et la traite d’êtres humains utilisant le territoire libyen et le large des côtes libyennes comme destination, zone de transit ou point de départ ne se développent davantage et d’éviter que des vies humaines ne soient mises en péril à cause de ces actes;

3.    Demande instamment aux États Membres et aux organismes régionaux de coopérer avec le Gouvernement libyen et entre eux dans un esprit de solidarité internationale et de responsabilité partagée, notamment en échangeant des informations sur les actes de trafic de migrants et de traite d’êtres humains dans les eaux territoriales libyennes et en haute mer au large des côtes libyennes, et de venir en aide aux migrants et aux victimes de la traite d’êtres humains secourus en mer, conformément au droit international;

4.    Engage vivement les États et les organismes régionaux dont des navires et des aéronefs opèrent en haute mer au large des côtes libyennes, ou dans l’espace aérien situé au large de ces côtes, à faire preuve de vigilance à l’égard des actes de trafic de migrants et de traite d’êtres humains et, dans ce contexte, encourage les États et les organismes régionaux à renforcer et coordonner, en coopération avec la Libye, l’action menée pour décourager le trafic de migrants et la traite d’êtres humains;

5.    Exhorte les États Membres, qui sont engagés dans la lutte contre le trafic de migrants et la traite d’êtres humains, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, à inspecter, comme le droit international l’autorise, en haute mer au large des côtes libyennes, tous les bateaux sans pavillon, y compris les bateaux, radeaux et canots pneumatiques, s’ils ont des motifs raisonnables de penser qu’ils ont été utilisés, sont utilisés ou sur le point de l’être pour que des groupes criminels organisés se livrent au trafic de migrants ou à la traite d’êtres humains en provenance de Libye;

6.    Exhorte également les États Membres à inspecter les navires en haute mer au large des côtes libyennes, avec l’autorisation de l’État du pavillon, s’ils ont des motifs raisonnables de penser qu’ils ont été utilisés, sont utilisés ou sur le point de l’être par des groupes criminels organisés pour se livrer au trafic de migrants ou à la traite d’êtres humains en provenance de Libye;

7.    Décide, afin de sauver les migrants ou les victimes de la traite humaine dont la vie est mise en péril à bord des embarcations mentionnées ci-dessus, dans ces circonstances exceptionnelles et précises, pendant un an à compter de l’adoption de la présente résolution, d’autoriser les États Membres qui sont engagés dans la lutte contre le trafic de migrants et la traite d’êtres humains, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, à inspecter les bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont utilisés pour le trafic de migrants ou la traite d’êtres humains en provenance de Libye, à condition que ces États Membres et organismes régionaux cherchent de bonne foi à obtenir le consentement de l’État du pavillon avant de procéder à l’inspection en vertu de l’autorisation conférée par le présent paragraphe;

8.    Décide également d’autoriser les États Membres agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, pour un an à compter de la date d’adoption de la présente résolution, à saisir, en vertu du pouvoir conféré par le paragraphe 7, des navires inspectés dont ils ont la confirmation qu’ils sont utilisés à des fins de trafic de migrants ou de traite d’êtres humains en provenance de Libye, et souligne que des mesures complémentaires concernant les navires inspectés en vertu du paragraphe 7, notamment leur destruction, seront prises conformément au droit international en vigueur en prenant dûment en considération les intérêts de tiers qui agissent de bonne foi;

9.    Demande à tous les États du pavillon concernés de coopérer relativement aux activités mentionnées aux paragraphes 7 et 8 et décide que les États Membres agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux en vertu desdits paragraphes doivent informer régulièrement les États du pavillon des mesures prises en ce qui concerne les navires battant pavillon de ces États et invite les États du pavillon qui reçoivent des demandes à les examiner et à y répondre rapidement et dans les délais prévus;

10.   Décide d’autoriser les États Membres agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux à utiliser tous les moyens dictés par les circonstances spécifiques pour lutter contre les trafiquants de migrants et d’êtres humains et à mener les activités prévues aux paragraphes 7 et 8, dans le strict respect du droit international des droits de l’homme, selon qu’il convient, souligne que les autorisations données aux paragraphes 7 et 8 ne s’appliquent pas aux navires jouissant de l’immunité souveraine en vertu du droit international, et demande aux États Membres et aux organismes régionaux qui mènent les activités prévues aux paragraphes 7 et 8 et dans le présent paragraphe d’assurer en priorité absolue la sécurité des personnes à bord et d’éviter de causer des dommages au milieu marin ou de porter atteinte à la sécurité de la navigation;

11.   Affirme que les autorisations données aux paragraphes 7 et 8 ne s’appliquent que dans la situation du trafic de migrants et de la traite d’êtres humains en haute mer au large des côtes libyennes et n’ont aucun effet sur les droits, obligations ou responsabilités découlant pour les États Membres du droit international, notamment les droits ou obligations résultant de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, y compris le principe général de la juridiction exclusive de l’État du pavillon sur ses navires en haute mer, pour ce qui est de toute autre situation, et déclare en outre que l’autorisation donnée au paragraphe 10 s’applique uniquement à la lutte contre les trafiquants de migrants et d’êtres humains en haute mer au large des côtes libyennes;

12.   Souligne que la présente résolution a pour objectif de déstabiliser les entreprises criminelles organisées impliquées dans le trafic de migrants et la traite d’êtres humains et de prévenir la perte de vies humaines et qu’elle ne vise pas à porter atteinte aux droits de l’homme des personnes ou à les empêcher d’obtenir une protection en vertu du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés;

13.   Affirme avec insistance que tous les migrants, notamment les demandeurs d’asile, doivent être traités avec humanité et dignité et dans le plein respect de leurs droits et, à cet égard, exhorte tous les États à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, notamment du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés, selon qu’il convient;

14.   Demande instamment aux États Membres et aux organismes régionaux agissant en vertu de la présente résolution de tenir dûment compte des moyens de subsistance des pêcheurs et d’autres personnes qui ont des activités légitimes;

15.   Exhorte tous les États tirant juridiction du droit international ou de leur droit interne à mener des enquêtes et à poursuivre en justice les personnes qui ont commis des actes de trafic de migrants et de traite d’êtres humains en mer, conformément aux obligations que leur imposent le droit international, notamment le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés, selon qu’il convient;

16.   Demande aux États Membres d’envisager de ratifier le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ou d’y adhérer, et demande aux États Parties de les appliquer efficacement;

17.   Prie les États qui agissent en vertu des autorisations données dans la présente résolution de l’informer de l’état d’avancée des mesures prises en vertu des pouvoirs qu’ils tirent des paragraphes 7 à 10 ci-dessus dans les trois mois qui suivront la date d’adoption de la présente résolution puis tous les trois mois;

18.   Prie le Secrétaire général de lui rendre compte, onze mois après l’adoption de la présente résolution, de son application, en particulier de celle des paragraphes 7 à 10 ci-dessus;

19.   Entend suivre la situation et, le cas échéant, envisager de reconduire pour des périodes supplémentaires les autorisations découlant de la présente résolution;

20.   Décide de rester saisi de la question.

Explications après le vote

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) s’est félicité de l’adoption du texte sur le trafic des migrants aux larges des côtes libyennes, présenté par sa délégation.  La crise des migrants est sans aucun doute un des grands défis de notre temps, auxquels l’Union européenne s’efforce de répondre, a-t-il souligné.  Cette situation ne fait que s’aggraver et c’est pourquoi, a-t-il expliqué, le Conseil a autorisé, aujourd’hui, l’EUNAVFOR à prendre des mesures contre les passeurs et les trafiquants, qui font voyager des personnes désespérées dans des conditions épouvantables et abandonnent leurs passagers aux premiers signes de danger.  Le représentant s’est aussi félicité de la coopération apportée par les autorités libyennes à l’élaboration de ce texte, lequel constitue, selon lui, un élément important d’une approche globale de la réponse à apporter aux problèmes rencontrés par les migrants.  C’est une réponse à laquelle sa délégation souhaite continuer à contribuer, a-t-il assuré.

M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) a indiqué que la résolution qui vient d’être adoptée a fait l’objet de longues négociations afin de recueillir le plus large consensus possible.  Le Royaume-Uni a fait preuve de leadership à cet égard, en tenant compte des préoccupations des pays africains.  Si le Tchad ne peut qu’approuver une initiative visant à prendre des sanctions à l’égard de criminels, le représentant a toutefois souhaité qu’elle ne serve qu’à lutter contre les réseaux des passeurs et trafiquants, « sans porter atteinte aux migrants, ni à leurs droits, et encore moins à l’intégrité territoriale des pays africains riverains ».  Sa délégation souligne donc la nécessité de conduire la mission autorisée par le Conseil de sécurité dans le respect absolu du droit international, et sans que ce texte donne lieu à des « interprétations extensives » comme cela a pu être le cas par le passé.  La multiplication des conflits au Moyen-Orient, en Syrie, en Iraq et en Libye a donné une nouvelle ampleur au phénomène des migrations et les passeurs profitent d’un chaos généralisé, a relevé le représentant.  « Pour nous, engager une lutte militaire contre les passeurs en haute mer sans s’attaquer à leurs réseaux de manière ferme sera insuffisant. »  C’est pourquoi nous pensons qu’une approche globale qui prenne en compte l’ensemble des facteurs économiques et sociaux et les spécificités de chaque pays serait effective.  Les mesures de répression à l’encontre des passeurs doivent également s’accompagner de mesures de développement pour les pays touchés, a-t-il estimé.

M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a indiqué que l’adoption de cette résolution tombait à point nommé afin de mettre un terme au trafic de migrants.  Il a rappelé que la résolution donnait la priorité à la préservation de la sécurité des migrants.  Ce texte a trouvé un point d’équilibre, s’est-il félicité.  La Malaisie va accueillir 3 000 migrants, a assuré son représentant, en ajoutant que ce phénomène n’était pas limité à la région de la mer Méditerranée.  Des solutions rapides doivent être trouvées pour mettre fin aux situations de violence qui ont déclenché ces flux migratoires, a-t-il insisté.

M. RAFAEL DARIO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a affirmé que l’actuelle crise humanitaire ne pouvait être examinée sous l’angle militaire sous le prétexte de combattre les groupes criminels.  Ce n’est pas en érigeant des murs que nous allons régler la situation, a-t-il dit.  Le Venezuela, a-t-il expliqué, s’est abstenu parce que le défi tragique des migrants a été examiné sous le seul angle militaire, ce qui, de l’avis de sa délégation, est « un angle erroné ».  Le recours à la force militaire est une erreur grave, lourde de périls, a-t-il poursuivi, en expliquant que l’objectif de cette résolution était d’empêcher que des êtres vivants arrivent à leurs points de destination.  « Disons-le franchement, ce débat tragique a ses racines dans les interventions militaires en Syrie, en Libye et en Iraq et dans l’appui apporté à des groupes terroristes dans le but de saper des gouvernements en place au profit des centres de pouvoir mondiaux. »  En conclusion, il a estimé que le défi multidimensionnel des flux migratoires aurait dû être examiné par l’Assemblée générale, avant de rappeler que son pays avait proposé d’accueillir 20 000 migrants.

M. PETR ILIICHEV (Fédération de Russie) a dit attendre de ceux qui vont mettre en œuvre la résolution qu’ils le fassent dans le respect du droit international et dans le souci d’assurer la sécurité des migrants.  Toute interprétation extensive de la résolution serait inacceptable, a-t-il prévenu, en faisant remarquer que le texte comprenait des « critères très clairs ».  Enfin, il s’est félicité que la résolution prévoie un mécanisme de suivi sous la forme de rapports périodiques du Secrétaire général.

M. LIU JIEYI (Chine) a souhaité que la mise en œuvre de la présente résolution, en faveur de laquelle son pays a voté, contribue à mettre fin au phénomène du trafic des migrants et, ce, en respectant scrupuleusement la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale des États et en accordant la priorité à la protection des vies et des droits des migrants. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que son pays soutenait pleinement le texte adopté aujourd’hui, fruit d’une concertation étroite entre les quatre membres européens et leurs partenaires du Conseil de sécurité.  L’objectif de cette résolution est de donner aux États membres de l’Union européenne les garanties juridiques nécessaires pour mener à bien les opérations prévues dans le cadre de la phase 2.a de l’opération EUNAVFOR MED SOPHIA, mise en œuvre le 7 octobre.  Il s’agit notamment de l’inspection et, le cas échéant, de l’arraisonnement et de la saisie en haute mer des navires et des embarcations utilisées pour le trafic des migrants.  « Nous avons veillé à ce que le contenu du texte définisse précisément les circonstances dans lesquelles le recours à la force serait autorisé pour faire face à la résistance de trafiquants, ainsi qu’à inclure des garanties robustes en faveur de la protection des droits des migrants et des réfugiés et qui se trouveraient à bord des navires en question. »  Ce texte constitue une partie de la réponse globale à la crise migratoire en Méditerranée, « d’autres doivent suivre », a assuré le représentant avant de conclure.

M. CRISTIÁN BORROS MELET (Chili) a indiqué que sa délégation s’était prononcée en faveur de cette résolution, en raison de la gravité de la crise des migrants.  Pour le Chili, la lutte contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants doit être menée dans le respect du droit international et ne peut donner lieu à une criminalisation des migrants.  Les causes profondes de ce phénomène doivent être examinées de près par les différentes entités du système des Nations Unies, sur la base de leurs compétences respectives, avec pour objectif ultime de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des personnes victimes du trafic, a estimé le représentant.  Il a enfin noté que le texte adopté habilite, « à titre exceptionnel et pour une durée limitée », les États et les organisations régionales à intercepter les embarcations en haute mer au large des côtes libyennes, uniquement lorsqu’il y a des raisons de suspecter qu’elles servent le trafic de migrants ou la traite d’êtres humains.

Mme DINA KAWAR (Jordanie) a expliqué que sa délégation avait voté en faveur de la résolution afin d’apporter un appui au Gouvernement libyen.  Cette résolution ne doit pas être comprise comme un moyen de contourner les principes régissant le recours à la force et le droit international humanitaire.  Le septième paragraphe du préambule de la résolution ne saurait être interprété sous un angle étroit, a-t-elle prévenu, en expliquant que les réfugiés de guerre constituaient un nombre important des victimes des trafiquants.  Elle a rappelé qu’actuellement, les réfugiés représentaient 20% de la population de son pays.  Cette résolution n’est pas un bouclier derrière lequel des parties pourraient agir en violation du droit international, a-t-elle précisé.

Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a indiqué que 2 988 migrants avaient perdu la vie depuis le début de l’année.  La résolution que vient d’adopter le Conseil de sécurité traite d’un aspect important de la crise migratoire qui est la lutte contre le trafic de migrants, a-t-elle précisé.  Elle a ensuite souligné l’importance de pourvoir aux besoins des migrants, en rappelant que la durée d’exil des migrants est aujourd’hui de 20 ans alors qu’elle ne dépassait pas 9 ans en 1993.  Tant que le Gouvernement de Bashar Al-Assad continuera de bombarder son peuple et que les Gouvernements de l’Érythrée et du Soudan continueront d’oppresser leurs peuples, alors des Érythréens, Soudanais et Syriens continueront de tenter de rallier l’Europe, a-t-elle affirmé.

Mme RAIMONDA MURMOKAITÉ (Lituanie) a souligné la nécessité de mettre un terme à l’industrie de la traite des êtres humains.  La résolution que nous venons d’adopter, a-t-elle dit, permet de prendre des mesures permettant de sauver des vies humaines dans le respect du droit.  Elle a jugé cruciale la coopération en cours entre pays européens et pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.  Avant de conclure, elle a souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la crise migratoire, sans quoi, a-t-elle prévenu, « nous ne ferons que nous attaquer aux conséquences ».

Mme JOY OGWU (Nigéria) a déploré les milliers de vies humaines qui ont péri dans la mer Méditerranée et condamné le « mépris total » pour la vie humaine dont font montre les trafiquants qui exploitent le désespoir des migrants.  Elle s’est ensuite félicitée de l’adoption de la résolution qui, a-t-elle dit, leur adresse un message clair.  Pour elle, la coopération entre les États constitue une dimension clef de la lutte contre ces individus et leurs réseaux.

M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) s’est félicité de l’adoption de la résolution 2240 (2015), qui constitue, selon lui, un « premier pas » dans les efforts de lutte contre les réseaux de passeurs et de trafiquants.  L’Espagne, qui est le témoin de l’exploitation « sans scrupules » des migrants en mer Méditerranée, maintient une excellente coopération avec plusieurs pays africains, dont le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie et le Sénégal, dans les efforts qu’elle déploie pour mettre fin à ce phénomène.  Il a ensuite remercié tous les pays coauteurs de la résolution que le Conseil de sécurité vient d’adopter. 

M. IBRAHIM O. A. DABBASHI (Libye) a estimé que le texte adopté ce matin marquait une étape importante dans les efforts visant à résoudre la crise des migrants.  « Nous sommes conscients, a-t-il dit, des préoccupations exprimées par l’Union européenne à la fois concernant les dangers auxquels sont exposés les migrants et le fardeau énorme que subissent certains de ses États membres.  Cependant, tant que le Gouvernement libyen ne sera pas en mesure de reprendre le contrôle de l’ensemble de son territoire et ne recevra pas l’intégralité de l’assistance dont il a besoin, il ne sera pas en mesure d’endiguer les départs de migrants, a tenu à préciser le représentant libyen.  Ce phénomène, a ajouté le représentant, doit être combattu dans ses causes profondes, qui sont « les conflits armés, les crises et la pauvreté ».  Parallèlement, a poursuivi M. Dabbashi, il faut promouvoir le développement et la prospérité.

La délégation a ensuite plaidé pour une mise en œuvre de la résolution dans le respect du droit international et des principes de souveraineté nationale et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  M. Dabbashi a déclaré que son pays n’avait pas d’objections au déploiement de moyens d’interception au large des côtes libyennes, à condition qu’il se fasse en consultation avec les pays concernés, « notamment lorsqu’il s’agit d’opérations militaires dans la zone exclusive économique de ces derniers ».  C’est pourquoi, sa délégation est opposée à toute interprétation abusive du texte adopté aujourd’hui.  Par ailleurs, a-t-il fait observer, le fait que les migrants soient moins exposés à un péril en mer pourrait les encourager à tenter plus souvent la traversée.  Pour leur part, les autorités libyennes restent engagées dans la lutte antiterroriste avec des ressources limitées, en faisant face à de nombreux obstacles pour fournir l’armée en équipements nécessaires.  Le chaos à Tripoli s’explique par le manque d’autorité politique sur les milices, ce qui pousse les civils à fuir, a déploré le représentant.  La communauté internationale, a-t-il insisté, doit appuyer les efforts de la Libye à restaurer la stabilité sur son territoire.  Il s’est ainsi félicité de la proposition faite, hier à Skhira, au Maroc, de former un gouvernement d’unité nationale, donnant ainsi l’assurance que les autorités libyennes coopèreront avec tous les partenaires internationaux en vue de résoudre la crise des migrants.

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