7512e séance – matin
CS/12022

​Conseil de sécurité: le Chef de la Mission de l’ONU en Libye fait état d’une situation sécuritaire mitigée, après la signature de l’Accord politique

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Bernardino León, a décrit, ce matin devant le Conseil de sécurité, une situation sécuritaire mitigée dans le pays, un mois-et-demi après la signature, sous l’égide de l’ONU, de l’Accord politique libyen, qui prévoit un cadre de négociations futures relatif à la formation d’un gouvernement d’entente nationale.  Le peuple libyen commence à sentir que cette crise pourrait être réglée, a commenté le Représentant spécial de la Libye, M. Ibrahim Dabbashi, jugeant que le Représentant spécial et le Conseil de sécurité « doivent orienter les participants au dialogue politique » et prendre une « position ferme pour mettre un terme à la procrastination et aux retards inutiles ».

M. Bernardino Léon s’est dit convaincu que sept mois après son lancement par la Mission d’appui des Nations Unies dans ce pays (MANUL), dont il est le Chef, le processus de dialogue politique entrait désormais dans sa « phase finale ».  Ce fut un « processus difficile et exigeant », a-t-il dit, se félicitant que les acteurs politiques de la Libye aient pu « forger un accord sur une feuille de route qui définit une vision en vue de mettre fin immédiatement à la crise politique et aux conflits militaires qui ravagent la Libye depuis plus d’un an ».

Le 11 juillet dernier, une importante percée a été enregistrée lorsque la plupart des participants au dialogue politique inter-libyen, tenu sous l’égide de l’ONU, ont paraphé l’Accord politique libyen qui prévoit un cadre de négociations futures relatif à la formation d’un gouvernement d’entente nationale.

Dans son rapport sur les activités de la MANUL*, que M. León présentait au Conseil de sécurité, le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, assure que les Nations Unies s’emploieront à aider les Libyens à conclure l’Accord politique du 11 juillet et affirme son « intention de dépêcher une mission d’évaluation technique en Libye pour formuler des propositions sur la manière dont l’ONU devrait s’adapter, en particulier, au nouveau contexte opérationnel qui apparaîtra à la suite de la formation d’un gouvernement d’entente nationale ».

Le rapport du Secrétaire général « dresse un tableau mitigé de l’évolution des dynamiques de la sécurité en Libye », a souligné M. León.

Si le Chef de la MANUL a fait état d’une réduction des tensions militaires dans l’ouest du pays et la région de Tripoli après des initiatives de cessez-le feu et de réconciliation entre les différentes communautés locales, il a en revanche décrit un état de « guerre de tranchées » à Benghazi, dans l’est, où plus de 100 000 personnes restent déplacées et 70% des centres de santé sont inaccessibles ou non fonctionnels.

Il a présenté une « situation tout aussi épouvantable » dans le sud, en proie à la concurrence locale de groupes rivaux pour le pouvoir et les ressources, « un conflit qui a ses racines dans des décennies de marginalisation et de négligence des autorités centrales ».

« Au niveau national, l’ampleur de la souffrance humaine est énorme pour un pays qui possède de grandes réserves de pétrole et un fort potentiel économique », a-t-il poursuivi.  « On estime que 1,9 million de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire d’urgence », a-t-il dit, précisant que la nourriture était devenue désormais un « problème majeur pour quelque 1,2 million de personnes, pour la plupart à Benghazi et dans l’est ».

Le nombre des personnes déplacées à travers la Libye s’élève aujourd’hui à environ 435 000, a-t-il indiqué, faisant aussi état d’un système de santé « au bord de l’effondrement », avec de nombreux hôpitaux surpeuplés, ayant une « capacité fortement réduite » et connaissant de « graves pénuries de médicaments, de vaccins et de matériel médical ».  « Les coupures d’électricité sont endémiques dans de nombreuses régions du pays », a-t-il également souligné.

De même, le nombre des migrants dans le pays ou y transitant est évalué à près de 250 000, beaucoup d’entre eux faisant face à des problèmes de protection importants, y compris des arrestations et des détentions arbitraires et abusives, à des abus sexuels, au travail forcé, à l’exploitation et à des extorsions de fonds.

M. León a ainsi rappelé que cette année, plus de 2 000 migrants se sont noyés en Méditerranée, une grande majorité d’entre eux tentant désespérément de rejoindre les rives de l’Europe à partir de la Libye.

Sur le plan économique, le pays est confronté à une diminution importante de ses recettes pétrolières en raison de la chute du prix du pétrole et d’une faible production.  Les réserves financières de la Libye se sont également fortement appauvries en grande partie à cause de larges dépenses dans des domaines non productifs.

« Dans ce contexte sombre de difficultés et de misère croissantes résultant de la détérioration de la sécurité et de l’anarchie générale, les violations et les abus généralisés des droits de l’homme et du droit international humanitaire se poursuivent impunément à travers le pays », a affirmé le Représentant spécial.

« Les groupes armés de tous bords continuent d’enlever des civils en raison de leur opinions politiques ou de leur identité, souvent dans l’espoir de les échanger en contrepartie d’une rançon ou des combattants et autres civils pris par des groupes rivaux », a-t-il expliqué, ajoutant que même les agents humanitaires n’étaient pas épargnés.

Le Chef de la MANUL a réitéré son appel à toutes les parties au conflit pour qu’elles prennent les « mesures nécessaires pour protéger les civils contre les attaques directes et aveugles, faciliter leur évacuation et permettre un accès sans entrave et en toute sécurité à l’aide humanitaire ».

M. León a en outre déclaré que le danger posé par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL)/Daech était « réel, imminent et palpable » en Libye.  Selon lui, les acteurs de la sécurité et les militaires libyens, pleinement conscients de cette menace, « doivent reconnaître qu’aucune stratégie visant à la contenir, voire à l’éliminer, ne sera viable si elle ne vient pas d’efforts concertés, unifiés et coordonnés qui rassemblent tous les Libyens sous une seule bannière ».

« Le message aux dirigeants de la Libye est clair: il n’y a tout simplement pas d’autre alternative qu’une action unifiée et collective pour empêcher une répétition des avances catastrophiques que Daech a faites dans des pays comme la Syrie ou l’Iraq. »

« Surmonter la polarisation politique et la division en Libye ne sera pas facile » et « l’ampleur des défis ne doit pas être sous-estimée », a observé le Représentant spécial, jugeant que « le plus important sera la détermination et l’engagement des Libyens eux-mêmes, plus particulièrement leurs dirigeants politiques, à préserver l’unité nationale et l’intégrité territoriale, et à épargner le peuple du fléau d’une longue guerre civile et de l’instabilité ».

M. León a lancé un appel aux membres du Congrès général national pour qu’ils « ne gaspillent pas l’occasion historique et unique qu’ils ont devant eux d’être les artisans de la paix ».  « L’accord qu’ils ont négocié n’est peut-être pas parfait, mais il est juste et raisonnable, et les seuls gagnants en sont les Libyens », a-t-il dit.

Selon le Chef de la MANUL, « toute tentative de faire dérailler le processus politique par des moyens non démocratiques ne doit pas être tolérée », le processus de dialogue demeurant « le seul mécanisme crédible et légitime par lequel les Libyens peuvent assurer la continuité du processus démocratique dans leur pays ».

« Le temps est compté » et « il incombe aux dirigeants de la Libye de tous les côtés, et à tous les niveaux, de faire ce dernier effort de paix », a-t-il lancé.  Le Représentant spécial du Secrétaire général a appelé la communauté internationale à « agir rapidement pour présenter une stratégie clairement articulée autour de l’appui à l’État libyen et aux efforts déployés par le Gouvernement pour contenir et éliminer la menace que des groupes comme Daech posent non seulement à la stabilité de la Libye, mais aussi à la sécurité régionale et internationale ».

De son côté, le Représentant permanent de la Libye, M. Ibrahim Dabbashi, a affirmé que son pays traversait « la phase la plus critique de son histoire contemporaine » et était « menacée dans son existence même en tant qu’État libre et souverain ».

« Récemment, le peuple libyen a commencé à sentir que cette crise pourrait être réglée », a-t-il expliqué, soulignant que cet « optimisme est lié à la formation d’un gouvernement d’entente nationale », lequel, selon lui, « doit avoir les connaissances minimums du fonctionnement d’un État, appliquer les règles de bonne gouvernance et être capable de discuter avec toutes les parties ».

M. Dabbashi a souligné l’« importance essentielle du rôle joué par le Représentant spécial du Secrétaire général et du Conseil de sécurité » car, a-t-il dit, ceux-ci « doivent orienter les participants au dialogue politique ».  « L’objectif doit être de choisir un nouveau leadership pour le pays loin des intérêts partisans et personnels. »

Le représentant a ajouté que les Libyens attendaient du Chef de la MANUL et du Conseil de sécurité une « position ferme pour mettre un terme à la procrastination et aux retards inutiles ».

Pour M. Dabbashi, « la formation d’un gouvernement d’entente nationale n’est pas la fin du processus » et « le travail direct de la MANUL est utile pour permettre de désamorcer la crise actuelle dans le pays ». 

Le délégué a cependant assuré que les efforts du Représentant spécial seraient vains si l’on ne définissait pas « clairement la carte du terrorisme en Libye ».  « L’ampleur du danger posé par les djihadistes d’Al-Qaida en Libye dépasse celui posé par ceux de Daech », a-t-il jugé, notant que ces derniers étaient localisés dans des zones précises, tandis que les premiers occupaient plusieurs régions.

« Al-Qaida va reprendre le devant de la scène et mènera une résistance féroce lorsqu’il se sentira désarmé », a prédit l’Ambassadeur libyen, qui a espéré que les États sauront choisir, dans ce contexte, d’« appuyer le peuple libyen ».

* S/2015/624

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