7369e séance – matin
CS/11755

Conseil de sécurité: 12,2 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire en Syrie, prévient la Sous-Secrétaire générale Kyung-wha Kang, en lançant un appel au financement

Douze millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire en Syrie, contre un million au début du conflit il y a 4 ans, a expliqué ce matin aux membres du Conseil de sécurité la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, Mme Kyung-wha Kang, en indiquant qu’elle s’exprimait au nom de Mme Valerie Amos, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies chargée des affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence du système de l’ONU.  Mme Kyung-wha Kang a précisé que le conflit en Syrie avait entraîné un nombre record de personnes déplacées (7,6 millions de déplacés et 3,8 millions de réfugiés).

Mme Kyung-wha Kang, qui est aussi la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a donc lancé un appel pressant pour le financement de la réponse humanitaire à la crise: il faut collecter et mobiliser 2,9 milliards de dollars cette année, tout en sachant que les besoins humanitaires de l’année 2014 n’ont été financés qu’à hauteur de 48% de la somme nécessaire à leur satisfaction.  « Le plan de préparation pour l’hiver, que l’ONU a lancé en octobre 2014, accuse toujours un déficit de financement de 70 millions de dollars », précise le Secrétaire général dans le rapport (S/2015/48) dont il saisissait aujourd’hui le Conseil de sécurité.

Invité à s’exprimer au cours de cette séance de travail du Conseil, le représentant de la République arabe syrienne a assuré aux membres du Conseil de sécurité que le Gouvernement syrien avait mobilisé toutes ses capacités nationales pour fournir, sans aucune discrimination, aux citoyens syriens affectés par les terroristes toute l’assistance nécessaire.  3,6 millions de personnes ont ainsi bénéficié d’une assistance alimentaire, et un demi-million d’une aide humanitaire dispensée par le Gouvernement, a précisé le représentant.

Dans l’exposé qu’elle a présenté, Mme Kyung-wha-Kang a rappelé que la Syrie entrait dans la cinquième année d’un conflit caractérisé par une violence et une brutalité extrêmes, malgré les appels lancés par le Conseil de sécurité pour qu’il y soit mis fin à l’emploi aveugle d’armes comme les obus d’artillerie lourde, les bombes aériennes ou les barils d’explosifs dans les zones habitées.

« Ces appels continuent d’être ignorés », a-t-elle regretté, notant que le Gouvernement continuait à lancer des raids pour larguer des bombes et des barils d’explosifs contre des zones très peuplées.  Entre le 21 et le 26 janvier, les attaques lancées par la voie des airs par le Gouvernement contre la zone rurale de la Ghouta orientale, près de Damas, ont tué près de 100 personnes, a accusé Mme Kyung-wha Kang.  Elle a aussi dénoncé l’usage d’explosifs, dont des roquettes et des obus de mortiers, par les groupes de l’opposition et certaines organisations terroristes.  Ces attaques ont fait au moins 7 morts et 50 blessés à Damas le 25 janvier, a-t-elle indiqué.

Mme Kyung-wha Kang a également déploré les attaques qui visent délibérément les services essentiels, donnant l’exemple de la coupure d’eau imposée à la ville d’Idlib par le Front el-Nosra.  Six cent mille personnes ont été privées d’eau, a-t-elle précisé.  Les hôpitaux et les écoles n’ont pas été épargnés, a-t-elle ajouté.  Six des huit attaques menées contre des centres médicaux ont été commises par les forces gouvernementales, celles-là mêmes qui ont tué sept membres du corps médical, dont trois sont décédés des suites de tortures, tandis qu’un était exécuté.  Concernant les écoles, au moins trois ont été frappées par des raids aériens gouvernementaux dans le gouvernorat d’Idleb au mois de décembre.  Ces attaques ont causé neuf morts parmi les enfants.

Mme Kyung-wha Kang a également détaillé les atrocités commises par l’« État islamique d’Iraq et du Levant » (EIIL) dans les zones qui sont sous son contrôle.  Elle a évoqué les exécutions par lapidation, les assassinats de personnes que les combattants de l’EIIL obligent à sauter dans le vide du haut d’immeubles, ou encore la brutale subjugation des femmes et l’esclavage sexuel dont elles sont victimes.

Les organisations humanitaires rencontrent toujours des difficultés pour accomplir leur travail, du fait de l’insécurité ambiante, a poursuivi Mme Kyung-wha Kang.  Cependant, malgré cela, 3,6 millions de personnes ont pu recevoir une aide alimentaire au mois de décembre.  Cinq cent mille autres ont reçu des fournitures d’urgence.  1,5 million de personnes ont bénéficié d’un approvisionnement en eau et de services d’assainissement, tandis que 680 000 autres ont reçu une assistance médicale.  Les organisations non gouvernementales (ONG) syriennes ont porté assistance à 1,5 million de personnes, a-t-elle ajouté.

Mme Kyung-wha Kang a parlé de l’aide apportée par l’ONU en passant par les frontières turque et jordanienne.  Au 26 janvier, a-t-elle indiqué, on a dénombré 59 envois d’aide alimentaire, d’eau, de fournitures médicales et autres biens et services.  Au mois de décembre, le Programme alimentaire mondial (PAM) a porté secours à 315 000 personnes résidant dans les zones rurales et à Alep, mais cette agence manque de fonds pour porter à la hausse le niveau d’intervention dans les mois qui viennent.

Malgré ces efforts, les besoins dépassent toujours les quantités de l’aide fournie et les capacités et moyens disponibles, a averti Mme Kyung-wha Kang.  Environ 4,8 millions de personnes, soit 40% de la population ayant besoin d’aide humanitaire, résident dans des zones où il est difficile de leur fournir des services de base.  La Sous-Secrétaire générale et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence a, à cet égard, mentionné en particulier les zones contrôlées par l’EIIL à Raqqa et Deir el-Zor, où les agences de l’ONU n’ont pas pu livrer d’aide alimentaire à 600 000 personnes parce qu’aucun accord n’avait pu être trouvé avec les groupes armés.  En outre, de nombreuses ONG locales ont dû interrompre leurs activités et certaines ont même dû fermer leurs portes la semaine dernière.

Mme Kyung-wha Kang a aussi regretté l’absence de progrès en ce qui concerne l’inclusion d’outils et de matériels chirurgicaux dans les convois humanitaires.  Les forces gouvernementales s’y opposent toujours, ce qui constitue, a-t-elle précisé, une violation du droit international et du droit humanitaire.

En outre, elle a dénombré 212 000 personnes qui sont toujours assiégées.  185 500 d’entre elles sont bloquées par le siège imposé par les forces gouvernementales, et 26 500 par les blocus des forces de l’opposition, cette situation faisant obstacle à toute possibilité de fourniture d’aide.

La Sous-Secrétaire générale a ensuite parlé de la situation dans la zone de la Ghouta orientale, où 9 000 personnes ont pu être évacuées à la suite d’accords passés entre les parties au conflit.  La livraison de l’aide dans cette région reste cependant très restreinte, a-t-elle prévenu, se plaignant que seulement 4 demandes de convois sur 16 avaient été autorisées par le Gouvernement en 2014.  Aucune assistance n’a pu atteindre le camp de Yarmouk depuis le 6 décembre, a ajouté Mme Kyung-wha Kang, ceci à cause des combats qui ont lieu à l’intérieur et autour du camp, qui abrite pourtant 18 000 personnes dans le besoin. 

Elle a par ailleurs mentionné qu’une ONG internationale supplémentaire avait été approuvée en janvier par le Gouvernement.  Cela étant, a-t-elle regretté, il n’y a pas eu de progrès en ce qui concerne une possible levée des obstacles administratifs placés à l’encontre des activités que pourraient mener d’autres ONG internationales.

Dans son intervention, le représentant de la République arabe syrienne, M. Ali Ahmad Haydar, a indiqué que le Gouvernement syrien avait exprimé le vif regret qu’il éprouve de voir certains pays préparer des résolutions ou adopter des positions qui ne sont pas constructives vis-à-vis de la situation humanitaire en Syrie.  La Syrie regrette que ces pays politisent le dossier alors qu’ils ignorent la réalité prévalant sur le terrain, et utilisent les mêmes stéréotypes que l’on retrouve dans le rapport du Secrétaire général en semblant oublier que la situation humanitaire actuelle est le résultat des attaques menées par les groupes terroristes armés, a dit M. Ali Ahmad Haydar.

On ne pourra améliorer l’état de la situation humanitaire en Syrie tant que ne seront pas reconnus les crimes commis par les groupes terroristes armés tels que l’EIIL ou les mouvements alignés à Al-Qaida, a-t-il estimé.  Il a souligné qu’il est important que les politiques humanitaires promues par le Secrétariat de l’ONU soient alignées sur les principes énoncées par la Charte des Nations Unies.

Le représentant a en outre insisté sur la nécessité, pour le Conseil de sécurité et tout autre acteur ou État, de coopérer avec le Gouvernement syrien pour pouvoir mettre fin à la crise en Syrie.  De même, a-t-il ajouté, il est indispensable que des pays comme l’Arabie saoudite et le Qatar cessent de financer les terroristes, et que la Turquie assure le contrôle de ses frontières.

 

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