7367e séance – matin
CS/11748

Le Chef des opérations de maintien de la paix explique au Conseil de sécurité pourquoi le maintien d’une MONUSCO forte et efficace en République démocratique du Congo s’impose

Le Conseil de sécurité a entendu ce matin deux présentations sur la situation en République démocratique du Congo (RDC), ainsi que l’intervention du représentant de ce pays auprès des Nations Unies, qui ont souligné non seulement les progrès réalisés en RDC depuis la signature de l’Accord d’Addis-Abeba en février 2013, mais aussi les efforts à déployer pour réaliser une paix durable et instaurer la stabilité dans le pays.  Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a expliqué les raisons pour lesquelles le Secrétaire général recommande de réduire seulement de 2 000 hommes le contingent militaire de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), alors que les autorités du pays sont impatientes de retrouver leurs prérogatives de souveraineté.

En présentant le rapport* sur la MONUSCO et l’examen stratégique** mené ces derniers mois, comme demandé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2147 (2014), le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, a fait part de discussions fructueuses qui ont eu lieu entre les représentants de l’ONU et la délégation de la RDC à cette occasion.  Nous avons reconnu que beaucoup avait été fait ces dernières années, a-t-il dit en citant le retrait des forces armées étrangères, la réunification du pays, la création d’un gouvernement de transition et l’organisation de deux scrutins électoraux nationaux.

Toutefois, en dépit de la défaite militaire des combattants du M23, il a averti qu’il fallait encore neutraliser des groupes armés congolais et étrangers, en particulier les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les Forces démocratiques alliées (FDA) qui continuent de représenter une menace pour la population civile et pour la stabilité et le développement de l’est de la RDC et de la région des Grands Lacs.

La Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1533 (2004) concernant la République démocratique du Congo, Mme Dina Kawar (Jordanie), qui rendait compte du dernier rapport*** du Comité, a confirmé que les récentes opérations militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de la MONUSCO avaient affaibli les FDA, sans pour autant les vaincre.  Leurs ressources et leurs capacités de recrutement restent intactes, a-t-elle précisé.  Mais, estime le Comité, ce groupe rebelle ne semble pas avoir d’affinités avec les groupes terroristes internationaux tels que Al-Qaida ou encore Boko Haram, a précisé Mme Kawar. 

Évoquant les évènements survenus ces derniers temps, M. Ladsous s’est préoccupé de la violence qui s’est manifestée à l’occasion du processus électoral à Kinshasa, Goma, Bukavu et Lubumbashi, déplorant les pertes en vies humaines, les destructions et les pillages.  Si les Congolais ont le droit d’exprimer leur opinion et de manifester pacifiquement, l’usage de la violence est inacceptable, a-t-il rappelé.

Il s’est aussi inquiété de ce que les forces de sécurité aient apparemment fait usage de la force contre des manifestants non armés et pacifiques, et aient procédé à des arrestations arbitraires.  Il a rappelé au Gouvernement de la RDC la responsabilité qui lui incombe de préserver un espace politique pour permettre aux gens de jouir du droit à la liberté d’opinion, et a insisté sur la nécessité, pour le Gouvernement et ses forces de sécurité de réagir de manière proportionnée.  Il a noté avec préoccupation que le Gouvernement avait bloqué le fonctionnement des réseaux Internet, des services de messagerie et des stations de radio.

Au vu des menaces auxquelles fait encore face la RDC, la MONUSCO doit conserver un rôle très important dans la stabilisation de la situation, a estimé le Secrétaire général adjoint au maintien de la paix, en soulignant notamment le rôle et les capacités de la Mission pour la neutralisation des groupes armés.  Indiquant qu’il prenait très au sérieux les critiques exprimées envers les performances de la MONUSCO, il a renvoyé au rapport du Secrétaire général qui contient des recommandations visant à rendre la Mission plus efficace.  Il faut notamment que la MONUSCO intensifie son dialogue avec le Gouvernement sur des questions politiques clefs, a préconisé M. Ladsous.

En ce qui concerne la composante militaire de la Mission, M. Ladsous a expliqué que les changements à opérer dans le mandat de la MONUSCO devaient s’accompagner de la détermination des pays fournisseurs de contingents à recourir à l’usage de la Force contre les groupes armés qui menacent la population civile.  Il a rappelé le niveau de réduction des effectifs militaires recommandé par le Secrétaire général dans son rapport, qui précise que, « une réduction supérieure compromettrait la capacité de la Force à s’acquitter de son mandat ».  En ce qui concerne les forces de police, il a souligné la nécessité de remplacer les deux unités de la MONUSCO qui ont été transférées à la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) en 2014.

M. Ladsous a expliqué que les recommandations faites par le Secrétaire général se basaient sur l’amélioration relative de la sécurité dans l’est de la RDC à la suite de la défaite des combattants du M23 et sur l’amélioration des capacités des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) qui sont notamment plus mobiles et plus flexibles qu’elles ne l’étaient auparavant.  La recommandation du Secrétaire général se fonde sur une analyse solide des capacités militaires existantes, a-t-il argué.  Les opérations militaires contre les FDLR doivent commencer sans délai, a ensuite déclaré sur le ton de l’exigence le Secrétaire général adjoint, tout en soulignant qu’il faudrait plus de temps et de capacités pour arriver à défaire ces groupes.

Le Représentant permanent de la RDC auprès des Nations Unies, M. Ignace Gata Mavita, a reconnu que son pays avait besoin d’une paix durable pour pouvoir édifier un État performant, fort et prospère, et que pour ce faire, la RDC avait besoin du soutien de l’ONU, qui dispose de capacités susceptibles d’aider au renforcement des institutions publiques nationales du pays. 

« La RDC demande seulement qu’il lui soit permis d’assumer, en adulte responsable, les prérogatives de sa souveraineté retrouvée », a-t-il expliqué.  Il a donc plaidé en faveur d’une coopération entre l’ONU et la RDC basée sur le dialogue, le partenariat et l’appropriation.  Il a souhaité voir les deux parties engager une discussion véritable et franche afin d’élaborer un projet commun sur le retrait, à termes, de la MONUSCO.

M. Ladsous a précisé que « la MONUSCO n’a pas vocation à rester dans le pays indéfiniment », se disant prêt à discuter avec le Gouvernement congolais pour développer un plan qui lui permettra de reprendre la responsabilité des tâches accomplies actuellement par la MONUSCO.  Il a ajouté que la décision de retrait de la Mission serait soumise à des critères objectifs définis conjointement avec le Gouvernement.  Le rythme du retrait de la Mission dépendra de l’engagement du Gouvernement congolais de prendre à sa charge la neutralisation des groupes armés, de développer sa police et son armée, et de tenir des élections crédibles, a expliqué le Secrétaire général adjoint.

Dans son intervention, le Représentant permanent de la RDC auprès des Nations Unies a appelé à la recherche d’un consensus sur l’action future des Nations Unies en RDC.  Il a souligné les mesures qu’a prises son gouvernement après la signature de l’Accord-cadre pour remplir ses obligations qui, en fait, a-t-il souligné, correspondent à des tâches qu’il avait lui-même identifiées depuis 11 ans et qu’il traite comme prioritaires, notamment la réforme du secteur de sécurité.

Le représentant a signalé la mise en œuvre par le Gouvernement congolais, en novembre 2014, avec l’aide de la MONUSCO et de l’équipe de pays de l’ONU, des stratégies et des plans d’action en faveur de la stabilisation pour le Nord-Kivu, la Province orientale et le Sud-Kivu.  Il s’est félicité du choix de 13 zones d’intervention prioritaires dans le cadre de la Stratégie internationale révisée d’appui en matière de sécurité et de stabilisation, ainsi que de la création, par la MONUSCO, de 9 îlots de stabilité dans l’est de la RDC.  Le Gouvernement vient en outre de procéder à un réexamen approfondi du Document de stratégie et de croissance pour la réduction de la pauvreté (DSCRP), a-t-il relevé.  La République démocratique du Congo compte sur l’implication active de l’ONU et de la communauté internationale pour financer et mettre en œuvre les programmes de stabilisation et de reconstruction qui visent la consolidation et le développement des régions du nord et de l’ouest de son territoire qui, a-t-il expliqué, font face aux conséquences de l’instabilité qui prévaut encore dans certaines zones du nord et à l’est.

M. Gata Mavita a par ailleurs assuré qu’après la réforme de la Commission électorale nationale indépendante et l’adoption de nouvelles lois, la RDC se trouve résolument engagée dans le processus conduisant à l’organisation des troisièmes élections démocratiques.  Il a relevé que les derniers heurts survenus dans la capitale du pays, Kinshasa, sont « à mettre sous le signe de l’apprentissage de la démocratie », mais que cela n’entacherait pas la bonne tenue des futures élections.

M. Mavita a en outre évoqué des « progrès notables » dans le domaine de la sécurité, comparé à la situation sécuritaire qui prévalait en RDC il y a à peine deux ans. 

En ce qui concerne les FDLR, il a relevé qu’après le dépassement, le 2 janvier, de la date butoir assignée au groupe pour un désarmement volontaire, leur désarmement forcé par les FARDC, en collaboration avec la Brigade d’intervention de la MONUSCO, était devenu désormais une question militaire.  La proportion de 25% des combattants FDLR ayant déposé les armes n’est pas satisfaisante pour le Gouvernement congolais, a indiqué le représentant, avant d’annoncer que le désarmement forcé des FDLR s’effectuerait « dans les meilleurs délais et sous la forme la mieux appropriée, au regard de tous les paramètres dont disposent les forces de défense et de sécurité nationales ». 

Les FDLR ne sont pas une armée classique, a rappelé le représentant congolais, expliquant que ce sont des « combattants sans signes distinctifs qui se dissimulent derrière un bouclier humain composé de Congolais et de réfugiés civils rwandais ».

Le Comité 1533 (2004) a établi que les dirigeants des FDLR se sont retrouvés à l’étranger, a précisé Mme Kawar.  Elle a aussi indiqué qu’en 2014, différentes entités en armes, dont les ADF, les FDLR, « Nduma Defence for Congo » (groupe armé dirigé par Sheka Ntabo Ntaberi, qui tombe sous le coup des sanctions) et d’autres groupes armés ont continué de recruter, d’entraîner et d’utiliser des enfants soldats.  Ils ont aussi commis de nombreuses autres violations, dont des actes de torture, d’esclavage et de violences sexuelles, a dénoncé la Représentante permanente de la Jordanie auprès de l’ONU et Présidente du Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1533 (2004).

Mme Kawar a aussi prévenu que le trafic de minerais et de pierres précieuses continuait en RDC, malgré les progrès accomplis en matière de traçabilité des minéraux extraits et une plus grande vigilance.  En outre, a-t-elle déploré, certains éléments des FARDC et des groupes armés illégaux sont toujours impliqués dans le commerce des minerais et risquent d’introduire des minerais entachés de sang dans les circuits d’approvisionnement du pays et de ses voisins.  Elle a souligné, en même temps, que l’exploitation et le commerce illicites de produits provenant de la flore et de la faune sauvages sont aussi l’apanage des groupes armés, des éléments des forces armées congolaises, des braconniers locaux et des bandes armées sud-soudanaises. 

Le Groupe d’experts recommande au Gouvernement de la RDC de modifier le code d’exploitation minière du pays et de veiller à la fourniture de certificats pour assurer la traçabilité des produits miniers exploités en RDC, a relevé Mme Kawar.  Elle a aussi invité les Gouvernements congolais et burundais, notamment, à poursuivre, après enquête, les personnes et les entités mentionnées dans le rapport comme étant responsables du recrutement, de l’entraînement et de l’utilisation d’enfants soldats.  Elle a en outre demandé au Conseil de sécurité et au Gouvernement congolais que des enquêtes soient ouvertes sur les cas d’abus et de violences sexuels et d’en poursuivre les auteurs en justice.

 

*      S/2014/956
**    S/2014/957
***  S/2015/19

 

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