Soixante-dixième session,
2e séance – après-midi
CPSD/580

Quatrième Commission: la question des îles Falkland/Malvinas domine le premier jour du débat sur la décolonisation

« Pour être un fervent défenseur du droit à l’autodétermination des peuples colonisés, l’Argentine ne peut tolérer que ce principe soit détourné au point de justifier l’existence continue d’un différend de souveraineté coloniale anachronique qui porte atteinte à l’intégrité territoriale de l’Argentine », a affirmé cet après-midi le représentant, alors que la Quatrième Commission chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation a entamé son débat de cinq jours sur les questions de décolonisation liées aux 17 territoires non autonomes.

Dans le cas des îles Malvinas, la position du Gouvernement argentin reste inchangée: il n’existe pas de « peuple colonisé » dans ces îles dans la mesure où leurs habitants sont des sujets britanniques « protégés par une politique migratoire délibérée pour en faire une population sur mesure ».  Par conséquent, l’Argentine ne reconnaît pas le droit à l’autodétermination de cette population, comme cela a été validé, il y a 50 ans, par la résolution 2065 de l’Assemblée générale qui estime qu’il s’agit d’une situation coloniale spéciale et d’un différend de souveraineté.

Les multiples intervenants des pays d’Amérique latine se sont alignés sur la position de l’Argentine, soutenant les revendications « légitimes » de l’Argentine sur ce territoire et se prononçant pour la reprise des négociations bilatérales pour une solution pacifique et définitive. 

Répondant à cette prise de position, le représentant du Royaume-Uni a souligné, dans un droit de réponse, que son pays « n’a aucun doute sur sa souveraineté sur les îles Falkland ».  Il a accusé l’Argentine de nier le résultat du référendum dans lequel la population des îles s’est déclarée en faveur du statu quo.  Il a indiqué que l’exploration des hydrocarbures était une activité commerciale légitime et a dénoncé une tentative de blocus de la part de l’Argentine.

L’Argentine a rétorqué que le Royaume-Uni essayait de tergiverser et de modifier des faits historiques pour dissimuler l’occupation dont il s’est rendu coupable en 1833.

Parmi les faits nouveaux de cette année, on peut citer la proposition des pays membres du Mouvement des pays non alignés d’exiger des puissances administrantes le versement de réparations aux peuples colonisés ou vivant encore sous domination pour les conséquences et les pertes économiques, sociales, culturelles, humaines et matérielles subies du fait de cette occupation.

En fin de séance, la délégation algérienne a rejeté deux demandes d’audition, sur une base procédurale, émanant de deux pétitionnaires inscrits au titre de la question du Sahara occidental.  Dans leur texte, ces demandes ne font pas explicitement référence à un territoire non autonome, et, par conséquent, ne devraient pas être prises en compte dans le cadre du mandat de la Quatrième Commission.  Le représentant marocain s’est opposé à ce retrait, en expliquant que la situation des Sahraouis vivant dans les camps de Tindouf, qui fait l’objet de ces deux demandes d’audition, relevait de la question du Sahara occidental, et que, par conséquent, ces personnes devraient pouvoir s’exprimer devant la Commission. 

Suite au refus du Maroc de retirer ces deux pétitionnaires de la liste des demandes d’audition sur la question du Sahara occidental, et après avoir consulté le Bureau et les deux délégations concernées sans parvenir à une solution, le Président de la Commission a décidé de poursuivre ses discussions bilatérales avec les délégations algérienne et marocaine.

En début de séance, le Rapporteur du Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (Comité de la décolonisation ou encore Comité spécial des Vingt-Quatre), M. Bashar Ja’afari (République arabe syrienne), a présenté le rapport 2015 du Comité spécial.

Le Président par intérim du Comité spécial, M. Desra Percaya (Indonésie) a indiqué que dans le cadre de l’optimisation de ses méthodes de travail, le Comité spécial avait décidé qu’à partir de 2016 la « résolution Omnibus » serait désagrégée de manière à adopter une résolution pour chaque territoire.

La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 9 octobre à 15 heures, et commencera les auditions de pétitionnaires sur la Polynésie française, Gibraltar, Nouvelle-Calédonie, les îles Falkland/Malvinas, Guam, Gibraltar et le Sahara occidental.

DÉBAT GÉNÉRAL SUR TOUTES LES QUESTIONS RELATIVES À LA DÉCOLONISATION

Déclarations

M. DIEGO MOREJÓN PAZMIÑO (Équateur), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a réaffirmé son soutien au processus de décolonisation et souligné la nécessité d’assurer aux peuples leur droit inaliénable à l’autodétermination, tel que défini dans la Charte des Nations Unies et diverses résolutions de l’Assemblée générale.  En dépit des progrès accomplis avec l’établissement du Comité spécial de la décolonisation il y a 54 ans, le fait que 17 territoires soient toujours considérés comme non autonomes est un défi pour la communauté internationale, a-t-il dit, précisant que la responsabilité des États Membres est de libérer ces territoires du joug de la colonisation.  Les États de la CELAC appellent donc les puissances administrantes à prendre les mesures nécessaires pour parvenir à une décolonisation totale dans le contexte de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme et à pleinement coopérer avec le Comité spécial en vue d’atteindre cet objectif.  Ils appellent également le Département de l’information de l’ONU et tous ses centres régionaux à diffuser et promouvoir les buts de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux et son plan d’action pour éradiquer le colonialisme.  La CELAC lui demande aussi de mettre à jour les informations disponibles sur son site Internet consacré à la colonisation.

S’agissant de la question des îles Malvinas, de Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud, la délégation de la CELAC réaffirme sa solidarité avec l’Argentine qui revendique sa souveraineté sur ces territoires situés aux larges de ses côtes maritimes.  La CELAC appelle en outre le Royaume-Uni à reprendre les négociations afin de parvenir à une solution définitive et pacifique à ce différend territorial, conformément aux résolutions des Nations Unies et de l’Organisation des États américains sur la question.  En ce qui concerne la question du statut colonial de Porto Rico, la CELAC note que depuis 40 ans, pas moins de 34 résolutions par consensus ont été adoptées sur la question, qui demandent à l’Assemblée générale d’examiner la question sous tous ses aspects.  Le temps est venu de progresser sur ce dossier, a estimé le délégué, qui s’est en outre dit préoccupé par le statut des Îles Turques et Caïques dont les populations ne sont pas associées à la gouvernance de leur territoire.  S’agissant du Sahara occidental, la CELAC demande que les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité visant à trouver une solution à cette situation soient appliquées sans tarder, a-t-il conclu.  

M. GHOLAMHOSSEIN DEHGHANI (République islamique d’Iran), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé l’attachement des États membres de ce groupe au processus de décolonisation et leur soutien aux aspirations des peuples à l’autodétermination.  Dans ce contexte, les non-alignés soulignent l’impérative nécessité de poursuivre ce processus et d’éliminer toute forme de colonialisme encore existante, tel que stipulé dans la Charte des Nations Unies.  Il revient au Comité spécial de trouver les voies et moyens pour emmener les puissances administrantes à coopérer avec lui pour parvenir à cet objectif.  Il lui revient aussi de garantir la pleine participation des peuples concernés dans les processus d’autodétermination, a dit le représentant.  

Dans le cadre de troisième Décennie internationale de l'élimination du colonialisme (2011-2020) le Mouvement appelle en outre les puissances administrantes, à verser des réparations aux peuples colonisés ou vivant encore sous domination pour les conséquences et les pertes économiques, sociales, culturelles, humaines et matérielles subies du fait de cette occupation, a encore déclaré le représentant.  Le Mouvement réaffirme aussi sa position sur la question de Porto Rico contenue dans les documents finals du seizième sommet des chefs d’État et de gouvernements du Mouvement et de la dix-septième conférence ministérielle, dans lesquels ils réaffirment le droit à l’autodétermination de Porto Rico.  Le Mouvement appelle donc l’Assemblée générale à examiner cette question sous tous ses aspects.  Le Mouvement continue enfin de soutenir le droit inaliénable du peuple palestinien à avoir un État, avec Jérusalem-Est pour capitale, a conclu M. Dehghani.    

Au nom du Marché commun du Sud (MERCOSUR), M. FEDERICO ALBERTO GONZALEZ FRANCO (Paraguay) s’est référé au cas qui revêt une importance particulière pour le bloc: la question des îles Malvinas, de Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud, ainsi que leurs espaces maritimes.  Depuis la résolution 2065 de 1965, l’Assemblée générale et le Comité spécial de la décolonisation ont reconnu que la question des Malvinas était un conflit de souveraineté impliquant l’Argentine et le Royaume-Uni et réitéré que la façon d’y mettre un terme pacifique et définitif est de renouer les négociations bilatérales entre les deux Gouvernements, conformément au droit international et aux résolutions pertinentes des Nations Unies. 

Le délégué a également indiqué que les chefs d’État du MERCOSUR et États associés avaient adopté une déclaration spéciale sur « l’exploration des hydrocarbures et la pêche sur la plateforme continentale argentine proche des îles Malvinas », qui mentionne la résolution 31/49 de l’Assemblée générale des Nations Unies enjoignant les deux parties en conflit à s’abstenir d’adopter des décisions impliquant des modifications unilatérales qui ne contribuent en rien à trouver une situation définitive à ce conflit de souveraineté.  Dans cette déclaration spéciale, les présidents des États membres du MERCOSUR ont apporté leur soutien aux « droits légitimes » de l’Argentine sur les îles Malvinas, a-t-il rappelé.

M. GONZALO KONCKE (Uruguay), au nom des pays de l’Union des nations de l’Amérique du Sud (UNASUR), a souligné l’importance de la question des îles Malvinas pour les États membres de l’UNASUR.  Il est revenu sur le caractère « spécial » de ce différend colonial qui exclut la possibilité d’être réglé sur la base de l’exercice du droit à l’autodétermination, comme cela a été reconnu dans la résolution 2065 de  l’Assemblée générale.  Il  s’agit d’un différend de souveraineté, et les États membres de l’UNASUR reconnaissent la légitimité de la souveraineté de l’Argentine sur ces îles, a-t-il dit. 

À l’appui de ses propos, il a rappelé les dispositions de la Déclaration de Los Cardales, du 4 mai 2010 de l’UNASUR, par laquelle les États membres n’acceptaient pas non plus l’exploration et les activités d’exploitation pétrolière du Royaume-Uni dans ces îles, ainsi que toute activité relative à des ressources naturelles non renouvelables.  S’agissant de la présence militaire du Royaume-Uni dans les îles Malvinas, Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud et leur espace maritime, le représentant a affirmé qu’il s’agissait d’une présence contraire à la volonté de règlement pacifique de ce différend de souveraineté par les pays de la région.  En outre, les pays de l’UNASUR considèrent  que le référendum qui a eu lieu dans les îles Malvinas ne changeait en rien la nature de ce différend.  Ces pays invitent par conséquent à la reprise, au plus tôt, des négociations entre l’Argentine et le Royaume-Uni en vue de trouver une solution pacifique définitive à cette question.

S’exprimant également à titre national, le représentant a indiqué que l’Uruguay défendait le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et soutenait les efforts du Secrétaire général et de son Envoyé spécial, Christopher Ross, pour permettre aux différentes parties de progresser vers une solution pacifique qui prévoit l’option de l’autodétermination.  Il a également mis l’accent sur la question du respect des droits de l’homme dans les camps de Sahraouis.

M. DANIEL FILMUS (Argentine) a rappelé que 2015 marquait le cinquantième anniversaire de la résolution 2065, première résolution adoptée sur la question des îles Malvinas par laquelle l’Assemblée générale reconnaissait officiellement qu’il s’agissait d’un différend de souveraineté.  Depuis, les Nations Unies n’ont eu de cesse d’appeler les deux parties -Argentine et Royaume-Uni- à trouver une solution pacifique et durable à travers des négociations bilatérales.  Cette position a été partagée par d’autres organisations internationales, régionales et birégionales, telles que le MERCOSUR, l’UNASUR, la CELAC, le Mouvement des non-alignés et d’autres, a rappelé le représentant.

En tant que défenseur du droit à l’autodétermination des peuples colonisés, l’Argentine ne peut accepter que ce principe soit déformé au point d’en faire un argument en faveur de l’existence continue de ce différend de souveraineté « anachronique », a expliqué le délégué.  « Un différend qui porte atteinte à l’intégrité territoriale de mon pays depuis l’usurpation d’une partie du territoire de l’Argentine en 1833 par le Royaume-Uni, territoire qui est toujours soumis à l’occupation illégale britannique », a poursuivi M. Filmus. 

Pour l’Argentine, « il n’existe pas de peuple colonisé » dans ces îles, mais une situation coloniale spéciale qui implique un différend de souveraineté.  Il n’y a pas de peuple soumis au colonialisme mais un groupe d’habitants d’origine britannique qui vit sur le territoire d’un autre État, protégé par une politique migratoire systématique conçue à la seule fin d’en faire une population « sur mesure », a poursuivi M. Filmus.  Pour appuyer son propos il a rappelé les résultats du dernier recensement aux îles Malvinas qui confirment que sur les 2 800 habitants des îles -à l’exception des 1 900 soldats britanniques qui y sont déployés, seule la moitié y étaient née et que 40% des personnes nées aux Malvinas sont de première génération.

« L’Argentine n’a rien contre les habitants britanniques de ces îles.  Elle n’a aucune intention de les intégrer de force ou de leur demander de changer de nationalité et de style de vie », a précisé le représentant.  Toutefois, tout en respectant les droits de l’homme, cela ne signifie pas que l’Argentine leur reconnaît leur « soi-disant » droit à l’autodétermination, et cela  pour les mêmes raisons que celles reconnues par la communauté internationale.  L’Argentine ne renoncera pas, au nom de ces habitants britanniques des îles, à son droit historique et légitime sur ce territoire, a affirmé M. Filmus, réitérant l’invitation de son pays au Royaume-Uni à s’engager dans un dialogue bilatéral franc et ouvert sur la question.

M. WEI ZONGLEI (Chine) a indiqué que son pays avait toujours apporté son soutien aux travaux du Comité spécial de la décolonisation des Nations Unies.  Il a exprimé le regret de sa délégation de constater qu’il existe toujours des peuples colonisés et la lenteur des processus de décolonisation, faisant part de son espoir que les puissances administrantes et le Comité spécial de la décolonisation pourraient coopérer pour pleinement appliquer les résolutions pertinentes de l’ONU dans ce domaine.

M. ANTONIO DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) s’est associé aux interventions faites au nom de la CELAC, de l’UNASUR et du MERCOSUR, rappelant le soutien ferme et récurrent de son pays aux « droits légitimes » de l’Argentine dans son litige de souveraineté avec le Royaume-Uni au sujet des îles Malvinas, de Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud, ainsi que leur espace maritime.  Le Brésil a été l’un des premiers pays à s’opposer à l’invasion des Malvinas par les troupes britanniques en 1833, a-t-il souligné.

Le délégué a regretté que 50 ans après la première déclaration de l’Assemblée générale sur la question, le conflit n’ait toujours pas trouvé de solution.  En cette troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme, l’Amérique latine reste dans une situation coloniale « spéciale et particulière » qui dure depuis près de deux siècles, a-t-il noté.  Considérant que les Malvinas faisaient partie du territoire argentin, le Brésil défend l’application du principe d’intégrité territoriale et appelle les parties à s’installer à la table des négociations, ainsi qu’à l’application effective du mécanisme de bons offices comme établi dans la résolution 37/9 de 1982, a-t-il indiqué.

Le représentant a également déploré que le Royaume-Uni ne respecte pas non plus la résolution 31/49 de l’Assemblée générale, qui stipule que les parties ne peuvent introduire de modifications unilatérales dans une situation qui fait l’objet d’un litige, affirmant que l’exploration et l’exploitation des ressources renouvelables et non renouvelables dans les îles par le Royaume-Uni était « illégitime » et « devait cesser immédiatement ».  La présence continue de navires de guerre britanniques dans la région pour effectuer des patrouilles autour des Malvinas et dans l’Atlantique Sud contredit en outre l’esprit de coopération et le désir de paix que les pays de la région ont choisis, a-t-il indiqué.  Pour sa part, a-t-il précisé, le Brésil, par solidarité avec l’Argentine et en soutien au principe de la résolution 31/49, n’autorise pas l’utilisation de ses ports et aéroports pour des embarcations et aéronefs en direction des Malvinas.  En conclusion, le représentant a affirmé que son pays continuait d’apporter son appui à la mission de bons offices confiée au Secrétaire Général et estimait que la reprise des négociations entre l’Argentine et le Royaume-Uni était la seule voie pour le règlement de la question des îles Malvinas, de Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud.

M. RICARDO ALDAY GONZÁLEZ (Mexique) a rappelé que son pays défendait le droit des peuples à l’autodétermination comme un droit inaliénable et a réaffirmé son engagement pour continuer à promouvoir ce droit dans le cadre des Nations Unies.

Sur la question du Sahara occidental, le Mexique soutient le droit du peuple sahraoui à la libre détermination et considère qu’une paix durable passe par l’expression de ce droit par le biais d’un référendum incluant toutes les options à envisager pour déterminer le futur de ce territoire, a-t-il précisé.  S’agissant de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), le délégué a indiqué qu’elle la considérait comme une garante importante du cessez-le-feu et se félicitait d’y avoir déployé ses premiers effectifs cette année.  Convaincu que la situation des droits de l’homme, sur le territoire comme dans les camps de réfugiés, doit être surveillée sans interruption de manière indépendante et impartiale, le délégué a précisé que son pays encourageait les deux parties à intensifier leur coopération avec les organismes des droits de l’homme des Nations Unies.

Sur la question des îles Malvinas, le Mexique considère que le droit de l’Argentine dans le litige de souveraineté est valide juridiquement et historiquement, a poursuivi le délégué, exprimant le vœu que l’Argentine et le Royaume-Uni reprennent les négociations pour trouver une solution pacifique, juste et définitive au litige qui les oppose, conformément aux résolutions et déclarations des Nations Unies, de l’Organisation des États américains, du Sommet ibéro-américain et de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC).

Mme ANA CRISTINA RODRIGUEZ (Guatemala) a souligné que l’Assemblée générale reconnaissait depuis 50 ans, par le biais de nombreuses résolutions, l’existence d’un litige de souveraineté entre l’Argentine et le Royaume-Uni au sujet des îles Malvinas, Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud.  Ce conflit constitue une situation coloniale qui a été définie comme « spéciale et particulière », raison pour laquelle les Nations Unies ont écarté expressément la possibilité d’appliquer le droit à l’autodétermination, puisqu’il s’agit d’un territoire colonisé et non d’un peuple colonisé, a-t-elle rappelé.

Mme Rodriguez a salué la constante manifestation de volonté de l’Argentine de résoudre le litige conformément à la Charte des Nations Unies, c’est-à-dire par la voie du dialogue et de la négociation, et a appelé le Royaume-Uni à suivre cette même voie pour trouver une solution définitive et pacifique.

Concernant le Sahara occidental, la déléguée a réitéré son soutien aux résolutions adoptées par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, ainsi qu’aux efforts déployés par le Secrétaire Général et son Envoyé spécial pour aider les parties à trouver une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable au conflit.  « La solution à ce conflit est nécessaire non seulement pour la population du Sahara occidental, mais aussi pour la stabilité, la sécurité et l’intégration de la région du Maghreb », a-t-elle conclu.

M. FRANCISCO TERRYA HASEGAWA (Pérou) a noté que depuis l’adoption de la résolution 1514, il y a plus d’un demi-siècle, le processus de décolonisation a connu de remarquables avancées, plus de 80 territoires ayant obtenu leur indépendance.  Toutefois, a-t-il noté, le processus n’est pas achevé et 17 territoires sont encore « non autonomes ».  C’est pourquoi, dans le cadre de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme (2011-2020), le Pérou considère que l’ONU devrait orienter ses efforts pour changer cette injuste réalité pour lesdits territoires et leurs populations, a indiqué le représentant, soulignant le remarquable travail effectué par le Comité spécial de la décolonisation et la nécessaire conjonction de deux facteurs fondamentaux: une réelle volonté politique et l’adoption d’un cadre « au cas par cas », selon la particularité et les circonstances de chacun.

Le délégué a par ailleurs souligné que son pays soutenait historiquement les « droits légitimes » à la souveraineté de l’Argentine sur les îles Malvinas, Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud, comme stipulés dans les résolutions 2065 et 3160 de l’Assemblée générale de l’ONU et plaidait pour une reprise immédiate des négociations entre l’Argentine et le Royaume-Uni afin de trouver une solution pacifique, constructive et durable à ce litige entre les deux pays.

M. LUIS MAURICIO ARANCIBIA FERNÁNDEZ (Bolivie) a exprimé l’engagement de son gouvernement envers les travaux multilatéraux dans le but de faire progresser les processus de décolonisation des 17 territoires toujours non autonomes.  Rappelant par ailleurs que décembre 2015 marque le cinquantième anniversaire de l’adoption de la résolution 2065 par l’Assemblée générale de l’ONU sur la question des îles Malvinas, il a insisté sur la nécessité impérative pour l’Argentine et le Royaume-Uni de reprendre les négociations en vue de trouver une solution pacifique durable à ce différend.  La Bolivie rejette fermement les activités « préjudiciables » d’exploitation des ressources naturelles de ces îles et de leurs espaces maritimes par les entreprises britanniques, a précisé le représentant.

S’agissant de Porto Rico, il a affirmé qu’il s’agissait bien d’un pays d’Amérique latine sous joug colonial et a fait valoir le droit à l’autodétermination et à la pleine indépendance de son peuple.  Par ailleurs, le représentant a dénoncé les pratiques d’Israël qui continue de violer les droits de l’homme et le droit international dans le territoire palestinien occupé, évoquant  notamment l’escalade récente de la violence dans la zone de la mosquée Al-Aqsa.

M. RAFAEL RAMIREZ CARREÑO (Venezuela) a réaffirmé le droit inaliénable des peuples sous domination coloniale ou occupation étrangère à l’autodétermination, conformément à la Charte des Nations Unies.  L’augmentation du nombre d’États Membres de l’ONU témoigne du processus de décolonisation en cours depuis les années 1960, a affirmé le délégué, se prononçant pour l’intensification des efforts destinés à permettre aux peuples des territoires non autonomes d’exercer leur plein droit à l’autodétermination, y compris l’indépendance.

Le délégué a par ailleurs réclamé le droit à l’autodétermination et à l’indépendance de Porto Rico et la fin de la mise sous tutelle de ce territoire par les États-Unis, affirmant que cette question devrait faire l’objet d’un examen par l’Assemblée générale des Nations Unies.  En outre, il a appelé à la libération du nationaliste portoricain Oscar Lopez Rivera, « injustement emprisonné depuis 34 ans en raison de son inlassable lutte en faveur de l’indépendance de sa patrie ».

Le Venezuela est également particulièrement préoccupé par « l’occupation » des îles Malvinas, Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud, exemple de la persistance de « pratiques colonialistes et impériales » presque 200 ans après la proclamation de l’indépendance de la République argentine et plaidé pour une reprise des négociations entre les Gouvernements argentin et britannique pour trouver une solution pacifique, conformément au droit international.

Enfin, le représentant du Venezuela a exprimé sa solidarité et son engagement en faveur de l’autodétermination et de l’indépendance du peuple du Sahara occidental, considérant son occupation par le Maroc comme une violation flagrante du droit international.  Il s’est montré préoccupé par les tentatives du pays occupant de promouvoir des accords en dehors du Plan de règlement de 1991, affirmant que « l’indépendance ne se négocie pas, c’est un droit inaliénable du peuple sahraoui ».  En conclusion, il a évoqué une question qui n’est pas à l’ordre du jour de ce débat, à savoir l’occupation de la Palestine et le processus de colonisation mené par Israël, en violation du droit international.

M. JOSÉ ANTONIO COUSINO (Chili) a réitéré le soutien  de son pays au processus de décolonisation, rappelant qu’il fait partie du Comité spécial de la décolonisation (C24) depuis 1961.  Aujourd’hui, on peut reconnaître, selon lui, les succès de ce Comité qui avait initialement 81 territoires inscrits à son ordre du jour.  Ce processus ne sera toutefois achevé que lorsque les 17 territoires non autonomes restants auront également accédé à leur indépendance, a-t-il dit. 

Revenant à la question des îles Malvinas et au « caractère spécial » de ce différend colonial, il a affirmé qu’il s’agissait, pour sa délégation d’un différend de souveraineté.  Le Chili exhorte l’Argentine et le Royaume-Uni à reprendre le plus rapidement les négociations pour parvenir à une solution pacifique durable et appelle en outre le Royaume-Uni à ne prendre aucune mesure unilatérale d’exploitation des ressources naturelles de ces îles, a-t-il précisé, soulignant que son pays s’associait à l’appel du Secrétaire général afin que la mission de bons offices soit intensifiée et que les négociations puissent reprendre sans plus tarder.

Le représentant s’est, pas ailleurs, félicité du « renouvellement » de la manière de travailler du Comité spécial de la décolonisation.

Droits de réponse

Le représentant du Royaume-Uni a exercé son droit de réponse suite aux déclarations des pays latino-américains au sujet des îles Malvinas, soulignant qu’il n’avait aucun doute sur la souveraineté de son pays sur ces îles.  L’Argentine nie le résultat du référendum qui a montré que les habitants des îles Falkland ne veulent pas de modification de leur situation, a dit le représentant.  Le Royaume-Uni ne militarise pas les îles, il assure juste leur sécurité et a réduit sa présence militaire au fil du temps.  Quant à l’exploration des hydrocarbures, il s’agit d’une activité commerciale légitime et le droit argentin ne s’applique pas aux îles Falkland.  La réaction argentine est disproportionnée et va à l’encontre du droit des populations des îles Falkland, a indiqué le représentant, dénonçant une tentative de blocus.  L’Argentine revendique les îles sous prétexte d’intégrité territoriale, ce qui n’est pas légitime car elles n’ont jamais été administrées par l’Argentine, a conclu le représentant.

Le représentant de l’Argentine a répondu à son homologue du Royaume-Uni, indiquant que les îles Malvinas, Géorgie du Sud et-les-îles Sandwich du Sud font partie intégrante du territoire argentin et sont occupées de manière illégale, comme c’est reconnu par cette Organisation, qui demande dans plusieurs résolutions la reprise des négociations pour trouver une solution.  L’Argentine regrette que le Royaume-Uni essaie de tergiverser et de modifier des faits historiques pour dissimuler l’occupation dont il s’est rendu coupable en 1833.  Cela montre son absence de légitimité dans l’archipel en question, a déclaré le représentant.  « Le Royaume-Uni devrait honorer les engagements pris et reprendre les négociations avec l’Argentine, il agirait ainsi de manière responsable », a-t-il dit.  Le Royaume-Uni prétend fonder sa position sur le principe de l’autodétermination mais c’est hors sujet et inapplicable.  La solution de ce litige ne dépend pas de ce qu’on appellerait un référendum, les habitants de ces îles deviendraient des espèces d’arbitres, ce qui constituerait  un détournement du droit à l’autodétermination car ce n’est pas un peuple colonisé.  Concernant la présence des forces armées britanniques, il a rappelé que, depuis 1983, aucun observateur ne peut dire sérieusement que l’attitude de l’Argentine justifierait la militarisation de l’Atlantique Sud.  Concernant l’exploitation des ressources naturelles, elle se fait en violation du droit international, notamment la résolution 31/49 de l’Assemblée générale.  Les mesures prises par l’Argentine répondent à la nécessité de protéger les ressources que le Royaume-Uni souhaite exploiter de manière illégale.  Le Gouvernement argentin réaffirme son droit légitime sur les îles Malvinas, Géorgie du Sud -et-les îles Sandwich du Sud, a conclu le représentant.

Le représentant du Maroc a exercé son droit de réponse suite à la déclaration « incendiaire » prononcée par le représentant du Venezuela qui, selon lui, n’a aucune légitimité ni sur le plan doctrinaire ni sur le plan de fond.  Pour « rafraichir la mémoire » du représentant vénézuélien sur le mécanisme du référendum, il a expliqué qu’il y avait une absence dans le texte de l’ONU sur le mécanisme du référendum, rappelant que la question de l’autodétermination était uniquement traitée dans deux chapitres de la Charte des Nations Unies.  Par ailleurs, l’Assemblée générale identifie quatre solutions égales et distinctes de l’autodétermination dans sa résolution 1441, sans préférence aucune pour mener à l’autodétermination.  Dans la pratique onusienne, le référendum est la pratique la moins utilisée pour arriver à l’autodétermination, a encore souligné le représentant.  Dans le cas du Sahara, l’ONU n’a jamais organisé de référendum sur la base d’un processus d’identification, parce que l’opération d’identification n’a pas pu aboutir au bout de 10 ans.  Depuis plus de 15 ans, le Conseil de sécurité ne fait plus référence au principe du référendum, a encore rappelé le délégué marocain, avant d’accuser le Venezuela de n’avoir aucune légitimité pour parler d’une situation politique ou d’une situation des droits de l’homme.  Après avoir passé en revue un certain nombre d’abus des droits de l’homme survenus, selon ses propos, au Venezuela, il a proposé que la population du Venezuela puisse demander d’exercer son droit à l’autodétermination pour s’affranchir d’un régime de despote.

Invoquant un point d’ordre, la représentante du Venezuela a rappelé qu’il s’agissait ici de la thématique de la décolonisation et a demandé au représentant du Maroc de se limiter à ces questions.

Questions de procédure sur les auditions de pétitionnaires

S’agissant des demandes d’audition de pétitionnaires sur la question du Sahara occidental, le représentant de l’Algérie a soulevé « une question de procédure » relative aux demandes numéro 36 et 45 qui émanent de groupes qui vivent dans les camps de réfugiés sur le territoire algérien.  Conformément au mandat de la Commission, celle-ci doit examiner la situation des 17 territoires non autonomes et sur cette base sa délégation s’oppose à ces deux demandes qui sont relatives aux camps de réfugiés sur le territoire algérien.

Répondant à cette prise de position, le représentant du Maroc a affirmé que ces deux pétitionnaires souhaitaient parler d’une situation qui est traitée par la Quatrième Commission, à savoir celle du peuple sahraoui.  Par conséquent le Maroc refuse les demandes de rejet par l’Algérie.  Il estime que la Commission donne le droit « aux populations séquestrées » d’exprimer leurs souffrances, et c’est le cas des populations qui vivent dans les camps de Tindouf.

Pour son homologue algérien il n’y a pas de « séquestration », il y a des représentants légitimes de ce peuple, et la séquestration n’a pas droit de cité dans cette enceinte telle qu’elle est exprimée ici.

Face à cette prise de position, le représentant du Maroc lui a demandé d’où venaient les personnes qui vivent dans les camps de Tindouf et qui les empêchent de rentrer chez elles.

Pour la délégation algérienne, il n’y a pas lieu de « palabrer », et le cas échéant, il faudrait soumettre cette question au Conseiller juridique.  « Ces personnes ne sont pas séquestrées, elles ont fui une situation et ont trouvé refuge en Algérie », a-t-elle affirmé.

Le Maroc a refusé le retrait de ces deux pétitionnaires de la liste, craignant que cela ne constitue un précédent dangereux.

La délégation vénézuélienne est venue soutenir la position algérienne, alors que la délégation sénégalaise a soutenu celle du Maroc.

Au bout d’une interruption de séance de cinq minutes, le Président a décidé de suspendre les débats sur ce point de l’ordre du jour et de poursuivre ses discussions bilatérales avec les délégations algérienne et marocaine.

 

 

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