Soixante-neuvième session -
Manifestation de haut niveau sur les changements climatiques - Matin & après-midi
AG/11658

À cinq mois de la conférence de Paris sur le climat, l’Assemblée générale tient un débat de haut niveau pour accélérer la négociation d’un accord salvateur

Les délégations rappellent l’objectif de limiter à 2 degrés Celsius l’augmentation des températures autour du globe d’ici 2100 pour éviter des effets climatiques dévastateurs

À cinq mois de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21) qui se tiendra à Paris, en France, du 30 novembre au 11 décembre 2015, une manifestation de haut niveau sur les changements climatiques a été organisée depuis ce matin par l'Assemblée générale des Nations Unies.  En présence du Secrétaire général des Nations Unies et des représentants de près de 200 pays, dont une trentaine de ministres de l’environnement ou des affaires étrangères, cette réunion a offert à ses participants l’opportunité de lancer de nombreux appels à l’action pour donner une nouvelle impulsion destinée à accélérer la négociation d’un accord sur le climat qui soit ambitieux, universel et contraignant.

Tous les intervenants aux échanges de la journée ont prévenu des effets dévastateurs qu’aurait pour la vie sur la planète un réchauffement supérieur à 2 degrés Celsius d’ici l’année 2100, certains orateurs rappelant que de nombreuses régions du monde paient déjà un lourd tribut aux effets climatiques du réchauffement de l’atmosphère de la planète en terme de santé publique, de développement, de sécurité et de paix. 

Dans une déclaration liminaire, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-Moon, s’est tout d’abord félicité que le deux plus importants émetteurs de gaz à effet de serre de la planète aient annoncé d’ambitieuses actions en faveur de la préservation du climat, faisant ainsi preuve d’un leadership basé sur le respect mutuel et l’esprit de collaboration.  D’autres économies majeures du G7 et du G20 ont également annoncé qu’elles avaient l’intention de suivre le même chemin, s’est réjoui M. Ban.  Les trois plus grandes économies- États-Unis, Chine et Union européenne- parient désormais sur le succès d’une croissance basée sur la promotion d’appareil de production à faible émission de carbone et résiliente aux fluctuations climatiques.  

Le Secrétaire général a souligné la nécessité pour la communauté internationale de parvenir lors de la Conférence de Paris à un accord qui envoie un signal fort aux gouvernements et aux marchés.  Ces derniers vont devoir comprendre que le monde est engagé dans la construction d’un avenir à faible teneur en carbone et qu’il n’y aura pas de retour en arrière, a indiqué M. Ban Ki-moon.  Il a aussi souhaité un accord qui offre au secteur privé un horizon prévisible et des cadres politiques lui permettant d’investir dans les énergies renouvelables et d’adopter des approches résilientes face aux changements climatiques.  « L’accord à conclure doit être souple et flexible pour pouvoir intégrer au cours du temps des objectifs déterminés au niveau national et il doit s’appuyer sur le principe de l’équité et les besoins particuliers d’adaptabilité des pays en développement » , a insisté Ban Ki-moon avant d’appeler à la négociation et l’adoption d’un accord disposant de mécanismes clairs pour que l’on puisse mesurer, évaluer et faire rapport sur les progrès réalisés en toute transparence.

Les sociétés civiles et les leaders spirituels et religieux du monde, dont récemment S.S. le pape François, demandent que des actes soient posés et nous rappellent que nous avons l’impératif moral de protéger les plus vulnérables d’entre nous et de prendre soin de notre maison commune, la Terre, a souligné le Secrétaire général.  

« Un accord en lui-même ne suffira pas » ont quant à elle souligné de nombreuses délégations en rappelant qu’il faudra trouver 100 milliards de dollars par an à partir de l’année 2020 pour mette en place les programmes qui permettront d’atténuer les effets du changement climatique et aider les pays les plus vulnérables à y faire face.

Sur un ton optimiste le président de la COP 21, M. Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères de la France, a dit observer une volonté réelle des États en faveur d’un accord universel et contraignant et une prise de conscience nouvelle manifestée par beaucoup d’entreprises, de collectivités locales et de financiers qui doivent participer aussi à l’ effort entrepris.  Il a déclaré qu’il avait la conviction que « l’accord à Paris  est indispensable et possible à condition qu’il respecte ce qu’on appelle généralement la justice ».  La justice c’est d’abord l’équité dans les efforts.  « Nous savons que nos responsabilités,  passées et présentes, dans la dégradation du climat ne sont pas identiques », a rappelé M. Fabius.  « Nous savons que nos capacités à réduire les émissions ne le sont pas non plus », a-t-il poursuivi pour conclure que « de là découle que les différences nationales devront être prises en compte dans l’accord ».  Indiquant ensuite que la justice c’est aussi la solidarité financière et technologique, le Ministre des affaires étrangères et du développement international de la France a appelé les pays développés à respecter l’engagement de mobiliser 100 milliards de dollars de fonds publics et privés d’ici 2020 en faveur des pays en développement et prioritairement au bénéfice des plus pauvres et des plus vulnérables.  Il faut déployer des efforts supplémentaires pour soutenir les efforts de ces pays et satisfaire leurs besoins, notamment en matière de partage des technologies, a souligné M. Fabius. 

Plus réservé, l’Envoyé spécial adjoint des États-Unis pour le changement climatique, M. Trigg Talley, a estimé que « nous ne pourrons arriver cette année à des engagements qui garantissent la limitation à 2 degrés de l’augmentation de la température de la planète d’ici l’année 2100 ».  Néanmoins, il a appelé les autres États et acteurs de la scène mondiale à persévérer dans les efforts actuels et à faire un bilan tous les cinq ans pour procéder à des ajustements en fonction des nouveaux acquis scientifiques et technologiques.  Dans l’attente, M. Talley a estimé que l’atténuation des effets du changement climatique commençait par la réduction du volume des émissions aussi vite que possible. Dans ce contexte, il a indiqué que les États-Unis ont décidé, au mois de mars 2015, d’atteindre un objectif de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre d’un niveau atteignant 26 à 28%, d’ici 2025, par rapport au niveau qu’atteignaient leurs émissions en 2005.  Le deuxième objectif que s’assignent les États-Unis est de parvenir à réduire de 80%, d’ici 2050, leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau qu’elles atteignaient en 2005, a précisé l’Envoyé spécial adjoint.  

« Échouer n’est plus une option », a réagi M. Mogens Lykketoft, Président élu de la 70ème session de l'Assemblée générale, session au cours de laquelle les États Membres devront au mois de septembre prochain, adopter les Objectifs de développement durable (ODD) et le nouveau programme de développement pour l’après-2015.  Le Président du Parlement et ancien Ministre des affaires étrangères du Danemark a indiqué qu’en tant que Président de l’Assemblée générale, il organiserait en avril 2016 une réunion de mise en œuvre des ODD en mettant l’accent sur les flux financiers et les investissements qui tiennent compte de la question du changement climatique.

« Il nous reste de moins en moins de temps, et la fenêtre d’opportunité va se réduire considérablement dans les 15 prochaines années.  Si nous ne sommes pas capables de trouver des moyens d’atténuer le changement climatique dans les 15 années à venir, nous devrons alors parler « d’adaptation au changement climatique », car il sera alors trop tard pour parler d’atténuation », a pour sa part souligné l’ancien Président du Mexique, M. Felipe Caldéron, en sa qualité de président de la Commission mondiale sur l’économie et le climat (CMEC), qui est une nouvelle alliance, dont le but est d’examiner de plus près les rapports bénéfices-coûts des actions menées pour atténuer le changement climatique. 

S’agissant des moyens, M. Caldéron a relevé que la CMEC a estimé que  l’investissement programmé pour les infrastructures énergétiques et l’aménagement des territoires et des villes de la planète était d’environ 9 trillions de dollars (90 000 milliards de dollars) à l’échelle mondiale, d’ici 2030.  Il a dit qu’il suffirait d’ajouter 4 trillions (4 000 milliards) à ces 90 000 milliards pour rendre nos économies sobres en carbone et, ce faisant, promouvoir l’emploi, la croissance et l’innovation.   

« L’argent n’est pas le problème, il est déjà disponible », a renchérit la Ministre de la coopération internationale au fin du développement de la Suède, Mme Isabella Lövin, avant d’appeler à rediriger les subventions versées à la production, la commercialisation et la consommation d’énergies fossiles vers les énergies renouvelables.  Au-delà des coûts des investissements à opérer dans les énergies renouvelables, elle a appelé à mettre l’accent sur les opportunités de croissance de ces énergies.  

De nombreuses délégations ont demandé avec insistance que l’on parvienne à un accord qui tienne compte des responsabilités, passées et présentes, de chaque pays et société dans la dégradation du climat et des capacités des uns et des autres à réduire le volume de leurs émissions de gaz à effet de serre.  « Il faut tenir compte du principe de la responsabilité commune, mais différenciée », ont souligné ces délégations en rappelant que le continent africain était celui qui souffrait le plus des conséquences du changement climatique alors qu’il est aussi celui qui a le moins contribué à la dégradation du climat de la planète.

S’agissant des motifs de satisfaction le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, s’était félicité en début de journée que les deux plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, les États-Unis et la Chine, aient annoncé des actions ambitieuses en matière de climat, suivies en cela par des économies majeures du G7 et du G20 dont les dirigeants ont annoncé aux aussi leur volonté d’agir.

Depuis 2009 le nombre de lois et politiques consacré à la question du climat a doublé.  La Chine, les États-Unis et l’Union européenne font désormais le pari d’une croissance résiliente face aux changements climatiques et faible en émissions de dioxyde de carbone.  

De son côté, M. Sam Kutesa, Président de l'Assemblée générale, a noté en s’en félicitant que l’Union européenne s’est engagée à réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005.

Plusieurs intervenants ont salué l’importance de l’encyclique du Pape François sur les questions que pose le changement climatique pour sa capacité à susciter des débats sur les considérations morales de la lutte contre les effets provoqués par ce phénomène.  

« Un accord commence à voir le jour », a estimé Mme Christina Figueres, Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) avant de souligner la nécessité d’une mise en œuvre diversifiée des mesures d’adaptation et d’atténuation.  « L’accord que nous appelons tous de nos vœux ne sera pas un accord punitif, mais plutôt facilitateur, pour nous mener vers une économie mondiale à faible teneur en carbone », a-t-elle assuré.  

« Ce qui est en jeu, c’est l’existence même de notre génération », a rappelé M. Xiuhtezcatl Roske Martinez, un jeune militant environnementaliste de 15 ans, Président de l’ONG  « Gardiens de la Terre », avant d’appeler à « trouver de nouvelles connections avec la Terre et de cesser de prendre sans rendre ». 

« Pour nous, il est déjà trop tard », a déploré le Président de Kiribati, M. Beretitenti Anote Tong, en appelant à la mise en place d’un mécanisme d’aide d’urgence qui puisse venir en aide aux pays ayant un relief de basse altitude qui sont en première ligne et sont menacés par la montée du niveau des océans.  Illustrant son propos, il a indiqué que des villages entiers de Kiribati ont déjà dû être déplacés et que des récoltes sont perdues en raison de l’érosion, de la salinisation des terres et de la montée du niveau des eaux.  Il a appelé à passer de la reconnaissance du défi du changement climatique à l’action. 

Tables rondes

Le débat de haut niveau de ce jour a été articulé autour de deux tables rondes.  Animée par M. Achim Steiner, Directeur du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), la Première table ronde, tenue sur le thème « Mobiliser le dynamisme politique pour des actions ambitieuses sur l’atténuation, l’adaptation et les moyens de mise en œuvre », a entendu des présentations de M. Khaled Fahmy, Ministre de l’environnement de l’Egypte, en sa qualité de Président de la conférences des ministres africains de l’environnement (AMCEN) ;  M. Thoriq Ibrahim, Ministre de l’environnement et de l’énergie des Maldives, qui parlait au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), Mme Isabella Monica Vieira, Ministre de l’environnement du Brésil ; et M. Xie Miguel Arias Canete, Commissaire européen à l’action climatique et à l’énergie

Le Ministre de l’environnement de la Chine a dit la nécessité de parvenir à un accord solide, qui combine équité et principe de responsabilité commune mais différencié en tenant compte des différents stades de développement des États. Illustrant la détermination de son pays, il a indiqué que la Chine avait réduit ses émissions de carbone de 33% entre 2005 et 2014 et multiplié par 180, en sept ans, la production d’énergie d’origine éolienne.  

De son côté, le ministre des affaires étrangères de l’Islande, M. Gunnar Bragi Sveinsson, a annoncé le lancement, à Paris, en décembre d’une « Alliance de la géothermie »  pour aider les pays à atteindre l’objectif de doubler d’ici 2030 la production d’énergie renouvelable. 

« Notre niveau d’émission de gaz à effet de serre est au plus bas depuis 20 ans grâce au développement de la production d’énergie d’origine renouvelable », a expliqué le Ministre de l’environnement du Portugal, en indiquant que c’était  grâce à une réforme fiscale incitant à l’investissement dans les énergies renouvelables.

Animée par l’ancien président du Mexique, M. Felipe Calderon, en sa qualité de Président de la Commission mondiale sur l’économie et le climat (CMEC), la table ronde numéro 2 avait pour thème : «  Mobiliser les parties prenantes pour des actions ambitieuses sur l’atténuation, l’adaptation et les moyens de mise en œuvre ».  Les participants à cette table ronde ont entendu les présentations liminaires de Mme Edna Molewa, Ministre de l’eau et de l’environnement de l’Afrique du Sud ; M. Gabriel Vallejo, Ministre de l’environnement et du développement durable de la Colombie ; M. Ephraim Kamuntu, Ministre de l’eau et de l’environnement de l’Ouganda ; Mme Isabella Lövin, Ministre de la coopération internationale pour le développement de la Suède ; et M. Trigg Talley, Envoyé spécial adjoint des États-Unis pour le changement climatique.          

De nombreux intervenants aux échanges de cette table ronde ont souligné les synergies à trouver entre la COP 21 et la Troisième Conférence internationale des Nations Unies sur le financement du développement, qui doit avoir lieu à Addis Abeba, en Éthiopie, du 13 au 16 juillet prochain, ainsi qu’avec la Conférence mondiale sur les Objectifs de développement durable (ODD) qui se tiendra au Siège de l’ONU à New York au mois de septembre.  Les intervenant ont à ce propos rappelé que 6 des 17 ODD examinés concernent l’environnement

Toujours dans le domaine des synergies, Mme Monique Barbut, Secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), a jugé indispensable d’intégrer la réhabilitation des terres dégradées à la négociation climatique.  Si le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat(GIEC) note que la productivité agricole mondiale va décliner de 2 % tous les dix ans à cause des changements climatiques, Mme Barbut a rappelé que pour nourrir les 9,6 milliards d’habitants qu’accueillera la planète à l’horizon 2050, il faudra augmenter de 75 % la production alimentaire par rapport au niveau actuel.  Pour y parvenir, il faut réhabiliter 4 nouveaux millions d’hectares de terres chaque année, a-t-elle indiqué, avant de citer l’objectif de  parvenir à la « neutralité en termes de dégradation des terres d’ici 2030 ».

Des délégations ont aussi salué l’importance du Fonds vert pour le climat, créé à Copenhague en 2009, en tant que mécanisme financier de l’ONU rattaché à la  CCNUCC, avec pour objectif de réaliser le transfert de fonds des pays les plus avancés vers les pays les plus vulnérables pour leur permettre de mettre en place des projets pour combattre les effets des changements climatiques.  

Les pays bénéficiant d’une grande couverture forestière ont aussi mis l’accent sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement, et sur le rôle de la conservation, de la gestion durable des forêts, et du renforcement des stocks de carbone forestiers dans les pays en développement (REDD+). Rappelant que la déforestation mondiale est à l’origine de 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ils ont rappelé l’importance du programme REDD+ en tant qu’élément du régime international d’atténuation des effets du changement climatique.

L'Assemblée générale poursuivra son débat de haut niveau sur la question du climat demain, mardi 30 juin, à 10 heures.

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