7323e séance – matin
CS/11671

Il est essentiel d’améliorer l’application des régimes de sanctions de l’ONU, ont souligné de nombreux intervenants devant le Conseil de sécurité

Il est nécessaire de renforcer l’efficacité des régimes de sanctions des Nations Unies à travers une meilleure coordination des parties prenantes et une plus grande intégration, ont souligné, ce matin, de nombreux intervenants devant le Conseil de sécurité.  Le projet de résolution, visant à refléter ce constat et appelant à assister davantage les États Membres tenus de mettre en œuvre ces mesures juridiquement contraignantes, sera adopté, demain, mercredi 26 novembre.

L’Australie, qui a initié ce projet de résolution, s’est appuyée sur les exposés du Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, et le Secrétaire général d’INTERPOL, M. Jürgen Stock, pour défendre la pertinence du texte.

Dans sa présentation, M. Feltman a souhaité rappeler que depuis l’adoption des premières sanctions de l’ONU en 1966, ces mesures coercitives « ne servaient pas à affaiblir les pays mais à les aider à lutter contre l’instabilité, les violations massives des droits de l’homme, la contrebande et le terrorisme ».  « L’établissement de sanctions ciblées en 1994 a été un premier tournant décisif.  Cinq ans plus tard, la création de groupes d’experts pour superviser leur exécution a été un deuxième temps fort », a-t-il souligné.  À ce jour, l’ONU compte 15 régimes de sanctions, dont la mise en œuvre coûte chaque année quelque 30 millions de dollars, a-t-il fait remarquer.  M. Feltman a préconisé aux membres du Conseil de mener des missions d’évaluation sur l’impact des sanctions dans les pays concernés et d’établir des critères clairs pour s’attaquer « de manière ciblée et plus efficace aux violations des droits de l’homme frappant les populations les plus vulnérables ».  « Toutes les résolutions des Nations Unies établissant des sanctions doivent prévoir un cadre clair pour l’inscription ou la radiation des Listes de sanctions », a-t-il encore insisté.

Le représentant de l’Australie, M. Gary Quinlan, a salué les observations du Chef du Département des affaires politiques, en notant les possibilités de coordonner de manière plus étroite les régimes de sanctions et les autres activités de maintien de la paix, de consolidation de la paix, de médiation et de prévention des conflits.  M. Quinlan a en outre prôné une interaction plus intense entre les États Membres et les groupes d’experts, ainsi qu’entre les États Membres et les comités, afin de renforcer la confiance entre acteurs et augmenter ainsi leur degré de coopération.

« La coopération avec l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) permet de renforcer la qualité des informations dont disposent les comités, en particulier celles contenues dans la base de données de l’organisation », a déclaré, pour sa part, M. Jürgen Stock.  « Cette assistance peut concerner des sanctions ciblant des personnes, comme les interdictions de voyager ou le gel des avoirs, mais aussi des biens, comme les embargos sur les armes ou les produits tirés d’une exploration illégale des ressources naturelles », a en outre précisé le Secrétaire général d’INTERPOL.

« La relation du Conseil avec INTERPOL continue d’évoluer et de contribuer à la mise en œuvre des sanctions de l’ONU », s’est réjoui Gary Quinlan, tout en estimant qu’il était nécessaire d’établir davantage de partenariats de ce type.

L’Ambassadeur Quinlan a annoncé que sa délégation continuerait, dans les prochains jours, à travailler pour qu’un consensus soit atteint autour de son projet de résolution.  « Nous sommes fermement convaincus que cette résolution améliorerait l’accès des États Membres à l’information et à l’assistance relatives à la mise en œuvre des sanctions et qu’elle renforcerait la transparence et le niveau de réponse du système onusien de sanctions ainsi que la relation entre les États Membres et les groupes d’experts des comités », a-t-il affirmé.

Les membres du Conseil ont unanimement reconnu l’utilité politique des sanctions pour répondre, dans le strict respect du droit international, aux nouvelles menaces à la paix et à la sécurité internationales.  Cependant, des délégations comme celles du Rwanda et de la Jordanie ont attiré l’attention sur la situation particulière des pays ciblés.  M. Quinlan a répondu que son pays, dans le cadre de l’Examen de haut niveau sur les sanctions de l’ONU, avait recueilli les vues des pays ciblés, de leurs voisins et de ceux qui coopèrent régulièrement avec les mécanismes concernés.  Il a assuré que la résolution, dont l’adoption est prévue demain, refléterait leur expérience.

Le représentant du Rwanda, M. Eugène Richard Gasana, a relevé que les États ciblés et leurs voisins ne disposaient pas des capacités institutionnelles « pour mettre en œuvre les sanctions et les transformer en un système de réglementation national ».  « Les parties prenantes doivent promouvoir le principe de base que les sanctions ont pour objectif d’aider les États Membres et pas saper leur fonctionnement », a-t-il exhorté.  Il est incontestable, a déclaré son homologue de la Jordanie, M. Mahmoud Hmoud, que les pays en développement sont ceux ayant le plus besoin d’une assistance accrue pour appliquer les sanctions de l’ONU.  Appelant à la tenue d’un dialogue institutionnel entre les fournisseurs d’assistance, les donateurs et les États affectés par l’application de sanctions, il a demandé au Conseil de faciliter la coopération entre les États les plus touchés par la mise en œuvre de sanctions.

De leur côté, des membres permanents du Conseil, la France et le Royaume-Uni, ont de nouveau émis des réserves quant à la nécessité d’élargir, à l’ensemble des comités, le mandat du Bureau du Médiateur chargé d’examiner les demandes de radiation d’individus de la Liste du Comité des sanctions contre Al-Qaida.  « S’il faut garantir la régularité des procédures, tous les régimes ne sont pas équivalents les uns aux autres », a ainsi argué l’Ambassadeur Mark Lyall Grant, du Royaume-Uni.  Celui-ci a toutefois proposé que les comités des sanctions se réunissent tous les six mois pour avoir des discussions stratégiques.  Dans une allusion à l’actualité, M. Grant a assuré que la menace de sanctions par l’ONU avait ramené l’Iran à la table des négociations.  « Si les parties restent attachées à un accord sur le nucléaire iranien, il est important que l’Iran fasse preuve de plus de souplesse », a-t-il dit à ce propos.

« Le Secrétariat n’a rien à voir avec la question de la mise en œuvre des sanctions », a par ailleurs jugé l’Ambassadeur Vitaly Churkin, de la Fédération de Russie, convaincu que lorsque un État est confronté à des difficultés du fait de l’application des sanctions, « il peut se tourner vers le comité des sanctions concerné pour lui fournir assistance ».  « Ceux qui continuent de dénoncer les sanctions comme étant injustes et illégitimes sont souvent les mêmes qui agissent en violation du droit international », a fustigé le représentant des États-Unis, M. David Pressman.

QUESTIONS GÉNÉRALES RELATIVES AUX SANCTIONS

Lettre datée du 5 novembre 2014, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l’Australie auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2014/793)

Déclarations

M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a souligné que le débat du jour intervenait dans un contexte particulier, caractérisé par de nouveaux périls donnant l’impression que « le monde, soumis à d’importantes turbulences, est en train de s’effondrer ».  « Le système multilatéral est mis à rude épreuve », a-t-il ainsi concédé.  Le Conseil de sécurité, pour apporter une réponse efficace à ces défis, doit agir promptement et mettre effectivement en œuvre ses régimes de sanctions.  Il a rappelé que le Conseil avait établi à ce jour 25 de ces régimes, le premier datant de 1966.  Avec les opérations de maintien de la paix, a-t-il noté, « ces dispositifs ont contribué à faire la différence dans des terrains aussi variés que l’Afghanistan, l’Angola, la République démocratique du Congo (RDC), l’ex-Yougoslavie, Haïti, le Libéria et la Sierra Leone ».  « Le coût actuel des 15 régimes de sanctions actuellement en vigueur est de moins de 30 millions de dollars par an, un coût modeste », a-t-il estimé, en saluant la capacité continue d’innovation de l’ONU pour assurer leur application.  M. Feltman a assuré que l’établissement de sanctions ciblées en 1994 avait constitué un premier tournant « décisif ».  « Cinq ans plus tard, la mise en place de groupes d’experts pour superviser l’exécution des sanctions a été un deuxième temps fort ».  « La désignation calibrée de sanctions destinées à modifier des types de comportements ou d’actions a évolué pour inclure à présent les violations des droits de l’homme, le ciblage des civils, les discours de haine et la violence sexuelle pendant les conflits », a encore expliqué M. Feltman. 

Pour que les sanctions répondent aux normes relatives aux droits de l’homme, le Conseil de sécurité avait créé au sein du Secrétariat un point focal concernant la radiation des Listes, puis le Bureau du Médiateur pour le Comité des sanctions contre Al-Qaida.  Qualifiant ces instruments de jalons historiques dans l’histoire des régimes de sanctions, il a exhorté les États Membres à faire plus.  « Tous les États doivent prendre conscience de l’utilité de ces sanctions qui ne sont pas des mesures punitives », a-t-il insisté.  Les sanctions de l’ONU ne servent pas à amoindrir les pays mais à les aider à lutter contre l’instabilité, les violations massives des droits de l’homme, la contrebande et le terrorisme, a-t-il précisé.   Le Secrétaire général adjoint s’est félicité de ce que des États Membres demandent de plus en plus au Conseil de prendre des mesures ciblées pour appuyer leurs efforts de transition vers la démocratie ou encore les protéger du fléau du terrorisme et autres activités illégales ».  « Plus doit être en outre fait pour fournir une assistance accrue aux États mettant en œuvre les résolutions pertinentes », a-t-il ajouté.

Sur les récentes activités du Département des affaires politiques, M. Feltman a notamment cité la tenue d’ateliers entre groupes d’experts et missions de supervision en Somalie et au Libéria.  « Le 31 octobre, nous avons publié la Liste consolidée des sanctions du Conseil de sécurité », a-t-il indiqué, en précisant que ce document récapitulatif était disponible dans les six langues officielles des Nations Unies.  « Il sera mis en ligne sur les sites Web des organes subsidiaires du Conseil en avril 2015. »  Évoquant en outre la Réunion de haut niveau sur l’examen d’ensemble des sanctions de l’ONU au début de l’année, il a appuyé les recommandations selon lesquelles le Secrétariat doit développer une politique d’application des sanctions claire et élargie, en impliquant le plus grand nombre possible d’États Membres.  « Il convient également de tenir des réunions régulières et de partager de façon plus systématique les questions relatives aux sanctions avec toutes les entités rattachées à l’ONU, tant au Siège que sur le terrain », a par ailleurs estimé M. Feltman.  Cette approche est particulièrement nécessaire au moment de l’établissement d’un nouveau régime et du déploiement d’une nouvelle mission de terrain des Nations Unies, a-t-il précisé. 

S’adressant au Conseil de sécurité, M. Feltman a recommandé de mener des missions d’évaluation sur l’impact des sanctions dans les pays concernés et d’établir des critères clairs afin de s’attaquer de manière spécifique et plus efficace aux violations des droits de l’homme frappant les populations les plus vulnérables.  « Toutes les résolutions des Nations Unies établissant des sanctions doivent prévoir un cadre clair et standard d’inscription/radiation des Listes », a-t-il encore demandé.  M. Feltman a conclu en notant que, compte tenu du fait que les groupes d’experts sont opérationnels depuis longtemps, leur rôle et leurs pratiques doivent maintenant faire l’objet d’un examen approfondi, « en vue de renforcer cet outil important du Conseil ».

M. JÜRGEN STOCK, Secrétaire général de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), a rappelé que son organisation, qui compte aujourd’hui 190 membres, coopère avec les Nations Unies depuis 1949.  Il a expliqué comment INTERPOL assistait concrètement les États Membres dans la mise en œuvre des régimes de sanctions décidés par le Conseil de sécurité.  Il a aussi rappelé l’étroite relation de travail de son organisation avec le Département des affaires politiques des Nations Unies.

Alors que ces sanctions sont de plus en plus ciblées, leur mise en œuvre est devenue plus complexe pour les autorités nationales, a fait observer M. Stock.  Il a expliqué comment la capacité d’INTERPOL de communiquer des informations sur les sanctions des Nations Unies à la police partout dans le monde contribuait à augmenter leur visibilité.  Il a notamment rappelé que le Conseil de sécurité et INTERPOL avaient créé une notice conjointe après l’adoption de la résolution 1617 (2005) et une résolution de l’Assemblée générale d’INTERPOL.  Ces notices, qui ont un format standard qui permet de les identifier facilement, sont accessibles à 25 000 utilisateurs autorisés dans les 190 États membres d’INTERPOL, y compris des services de contrôle aux frontières et de l’immigration.  M. Stock a expliqué qu’il existe actuellement 526 notices conjointes valides, publiées à la demande de 10 des 13 comités des sanctions du Conseil.  Il a ensuite cité des cas concrets dans lesquels de telles notices ont permis de retrouver des personnes faisant l’objet de sanctions.

La coopération avec INTERPOL permet de renforcer la qualité des informations dont disposent les comités des sanctions, en particulier lorsque les informations demandées existent déjà dans les bases de données de l’organisation, a poursuivi M. Stock.  Cette assistance peut concerner des types de sanctions spécifiques à des personnes, comme les interdictions de voyager ou le gel des avoirs, mais aussi à des biens, comme les embargos sur les armes ou les produits tirés d’une exploration illégale des ressources naturelles. 

M. Stock a suggéré quelques mesures pour améliorer encore la coopération de son organisation avec les Nations Unies et notamment les comités des sanctions.  Il a notamment suggéré une compilation des lignes directrices nationales éditée pour assurer la mise en œuvre des sanctions du Conseil de sécurité, la création d’un nouveau type de notice spéciale consacrée au gel des avoirs ou encore des formations pour les officiers de police sur les sanctions des Nations Unies et l’utilisation des notices spéciales.  INTERPOL est intéressé par les idées émises lors du récent Examen de haut niveau des sanctions des Nations Unies, et reste disposé à aider les pays à renforcer leurs capacités, a assuré son Secrétaire général avant de conclure.

M. MARTIN S. ADAMU (Nigéria) a salué l’efficacité des 15 régimes de sanctions, même s’il a jugé que celles-ci étaient insuffisantes pour assurer le respect des résolutions du Conseil de sécurité.  Sans compter, a-t-il dit, l’impact humanitaire que certaines mesures peuvent avoir.  Il s’est ainsi félicité des efforts entrepris depuis plusieurs années pour mieux cibler les sanctions visant principalement des entités et des individus.  Partisan d’une approche qui se fonderait sur la réévaluation régulière des situations, il s’est déclaré reconnaissant de la contribution des groupes d’experts pour identifier les tendances à l’œuvre sur le terrain et le degré d’application des sanctions.  Les sanctions ciblées comme le gel des avoirs ou les interdictions de voyager ont montré leur efficacité, mais en Guinée-Bissau, elles n’ont pas rencontré le succès qu’elles ont eu dans d’autres pays, a fait observer la délégation.  C’est la raison pour laquelle le régime de sanctions applicable dans ce pays devrait faire l’objet d’un suivi et être réajusté au besoin.

Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a rappelé qu’en 2014, deux nouveaux régimes de sanctions avaient été mis en place, en République centrafricaine et au Yémen respectivement, ce qui porte le nombre total à 15 régimes de sanctions même si ces mesures sont prises à titre exceptionnel par le Conseil de sécurité.  Les sanctions ne peuvent, a-t-elle dit, être efficaces que si elles sont bien ciblées et rigoureusement appliquées.  Le manque de volonté politique dans leur mise en œuvre ou une mauvaise communication sont des obstacles majeurs, a-t-elle ajouté.  La communication, la transparence et la sensibilisation sont ainsi essentielles dans le travail des comités des sanctions qui doivent, a estimé la représentante, activement interagir avec les pays concernés dans l’application de ces sanctions.  Cet engagement collectif doit aussi toucher les entités des Nations Unies qui doivent être tenues informées à travers des séances publiques d’information régulières par les présidents des comités des sanctions.

S’agissant de l’amélioration de la communication dans ce domaine, la représentante a suggéré que les sites Internet des comités des sanctions devraient être accessibles dans toutes les langues officielles de l’ONU, de même que les communiqués de presse qu’ils publient.  Sa délégation encourage les présidents des comités des sanctions à se rendre dans les pays concernés de manière à y renforcer la prise de conscience et l’application des régimes de sanctions.

Pour la Lituanie, il faudrait un changement d’attitude dans l’application des régimes de sanctions pour en faire des outils de renforcement des capacités nationales et régionales en termes d’assistance technique, de formation autant dans le domaine sécuritaire, que financier et autres.  À cet égard, elle propose la mise en place d’une unité spéciale au sein de la Division du Conseil de sécurité qui serait chargée d’améliorer la coordination et l’intégration de l’application des régimes de sanctions, a précisé la représentante.  Cette unité pourrait à la fois apporter son soutien aux comités des sanctions, et renforcer la mobilisation de l’assistance technique et de la consolidation des capacités en réponse aux besoins spécifiques identifiés par les États Membres.  Cette proposition, a-t-elle estimé, est particulièrement utile dans la mesure où il existe une multitude d’entités des Nations Unies susceptibles de venir en aide aux États Membres qu’il s’agisse du Bureau des affaires du désarmement, du Service antimines, de l’Office pour le contrôle des drogues et la prévention du crime ou encore du Bureau de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, et des agences spécialisées comme INTERPOL.

M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a estimé que cette réunion offrait la possibilité de réévaluer la pertinence des régimes de sanctions du Conseil de sécurité.  Il a souligné qu’il était important d’établir un « seuil de convergence minimum » qui s’appliquerait dans différents contextes.  Le représentant s’est ensuite félicité de l’évolution des régimes de sanctions de plus en plus ciblées, par rapport à ceux qui étaient en vigueur il y a encore 10 ans.  Pour sa délégation, l’accent doit être mis sur les garanties de procédures régulières.  La résolution 1730 (2006) et la création d’un point focal pour obtenir la radiation de certains noms de la Liste récapitulative ont été une étape déterminante dans cette direction, a rappelé M. Barros.

Il a toutefois émis le souhait de voir le mécanisme du Médiateur du Comité des sanctions contre Al-Qaida élargi à d’autres régimes de sanctions du Conseil.  En outre, il a souhaité que des visites soient effectuées dans les États où des sanctions sont en vigueur, comme celle que le Chili a faite récemment en Côte d’Ivoire, en sa qualité de Président du Comité des sanctions concernant ce pays.  Enfin, a-t-il ajouté, les membres des Groupes d’experts doivent être élus sur la base de leurs compétences professionnelles et d’une représentation géographique équitable.

M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a souligné que les sanctions étaient des outils politiques utiles pour lutter contre les abus des droits de l’homme et le terrorisme.  « Il faut les concevoir pour qu’elles aient un impact ciblé. »  « La menace d’imposer des sanctions, comme nous l’avons constaté au Yémen, a suffi à faire réfléchir à deux fois d’éventuels fauteurs de troubles. »  Le représentant britannique a également assuré que les sanctions de l’ONU avaient ramené l’Iran à la table des négociations.  Les parties restent attachées à un accord sur le nucléaire iranien, a-t-il souligné, tout en précisant que l’Iran doit faire preuve de plus de souplesse.  Le représentant a reconnu que l’« on compte de plus en plus sur les sanctions pour répondre à une série de défis ».  Cela nous oblige à réfléchir au renforcement de l’efficacité de leur application, a-t-il insisté, avant de rappeler que « les rouages et mécanismes des régimes doivent agir de manière davantage articulée et cordonnée ». 

Prônant un examen approfondi des recommandations du Département des affaires politiques, le représentant a indiqué que son pays proposait que tous les comités des sanctions se réunissent tous les six mois pour avoir des discussions stratégiques.  « Il faut mettre en commun les expériences des différents régimes et garantir une assistance à ceux qui ne disposent pas des moyens de mettre en œuvre les régimes de sanctions. »  Pour le représentant, il faut  continuer de montrer du doigt les États qui ne mettent pas en œuvre comme il se doit ces sanctions, et garantir la régularité des procédures.  Sur ce dernier point, il a néanmoins souligné que « tous les régimes ne sont pas équivalents les uns aux autres ».

M. ALEXIS LAMEK (France) a salué les sanctions prises le 19 novembre à l’encontre d’Ansar al-Charia et d’Ansar al-Charia Benghazi par le Comité de sanctions contre Al-Qaida, soulignant ainsi le rôle précieux de ce dernier dans l’appui au processus politique conduit par le Représentant spécial Bernardino León.  Le représentant a ajouté que ces questions confirment la détermination de la communauté internationale à combattre les terroristes et encouragent les islamistes modérés à rejoindre le dialogue politique, dès lors qu’ils en acceptent les règles du jeu démocratique.

M. Lamek s’est par ailleurs félicité que la résolution 2178, adoptée par le Conseil de sécurité le 24 septembre dernier, incite les États à utiliser les sanctions pour lutter contre les combattants étrangers.  Il a ajouté que les sanctions du Conseil de sécurité constituent aussi un moyen d’accompagner les États dans le retour à la stabilité, citant l’exemple du nouveau régime de sanctions en République centrafricaine à l’encontre des personnalités qui menacent la paix.

M. Lamek a déclaré que les sanctions ne sont pas une fin en soi et doivent être perçues comme des instruments préventifs pour parvenir à un objectif politique.  Il s’est ainsi félicité de l’évolution de l’usage des sanctions par le Conseil de sécurité ces dernières années, en précisant qu’elles sont désormais ciblées et que des garanties de procédures ont été mises en place.  Les mécanismes permettant le retrait de personnes des Listes de sanctions sont essentiels, a estimé M. Lamek.  Il a ainsi salué l’appui de la France à la création d’un point focal pour les demandes de radiation concernant les autres régimes de sanctions et en faveur du renforcement du Médiateur au sein du Comité de sanctions contre Al-Qaida.  Le représentant a cependant précisé que, pour être utiles, les Listes de sanctions doivent correctement refléter l’état de la menace.

M. Lamek a également souligné l’importance de veiller à ce que les sanctions soient bien mises en œuvre et appliquées de façon universelle, en citant, à cet égard, le rôle essentiel joué par la coopération entre INTERPOL et les comités des sanctions.  Soulignant l’importance du rôle du secteur privé dans la mise en œuvre des régimes de sanctions, M. Lamek a appelé à renforcer le dialogue entre les Nations Unies et le secteur privé.

M. MARIO OYARZÁBAL (Argentine) a rappelé que la Charte des Nations Unies autorise le recours des sanctions à titre exceptionnel.  « Elles sont temporaires et conçues pour être levées quand l’objectif recherché a été atteint », a-t-il précisé.  Il convient d’améliorer l’administration et le suivi des politiques de sanctions des Nations Unies, a-t-il dit, en faisant remarquer que le Conseil de sécurité devrait évaluer l’impact des mesures qu’il prend et renforcer davantage la régularité des procédures coercitives.  « Tous les États Membres doivent participer à cette discussion qui les concerne directement. »  Le représentant a ensuite prôné l’élargissement, à tous les comités, du mandat du Bureau du Médiateur qui examine les demandes des personnes souhaitant être radiées de la Liste de sanctions contre Al-Qaida.  Ce mécanisme d’examen indépendant, le seul de cette nature en vigueur, doit être adapté au mandat des autres comités, a-t-il estimé.  Il a conclu en jugeant que le processus de sélection des experts devrait être plus transparent et respecter les principes de répartition géographique et par genre. 

M. BANTE MANGARAL (Tchad) s’est félicité, lui aussi, du nombre croissant de sanctions ciblées, qui épargnent la population civile en visant des individus et des entités spécifiques.  Mais la pratique des sanctions présente de réelles lacunes, notamment en ce qui concerne les procédures d’inscription et de radiation de la Liste récapitulative, a relevé le représentant.  De ce point de vue, la création d’un poste de Médiateur au sein du Comité créé par la résolution 1267 constitue à ses yeux une évolution appréciable.  En effet, a-t-il fait observer, si des problèmes de respect des droits de l’homme sont constatés au moment de l’inscription et la radiation, la pertinence des sanctions elles-mêmes est en cause. 

Le renforcement des capacités et de l’expertise technique nationales sont aussi des éléments importants pour permettre aux États de mettre en œuvre les sanctions imposées par les résolutions du Conseil.  Il faudrait, a proposé le représentant du Tchad, mettre l’accent sur le partage des pratiques optimales et l’échange d’informations avec les groupes d’experts pour aider les États concernés à respecter leurs obligations.  Le délégué s’est également prononcé en faveur des « instruments du dialogue et de la médiation », prévus par la Charte des Nations Unies pour faire respecter la paix et la sécurité internationales.

M. WANG MIN (Chine) s’est élevé contre la pratique consistant, pour un certain nombre de pays, à imposer des sanctions unilatérales à d’autres, qui viole selon lui non seulement le principe d’égalité souveraine entre les États, mais aussi l’autorité du Conseil, « seul habilité à élaborer des régimes de sanctions ».  Mais avant même d’envisager de telles mesures, le Conseil devrait donner la priorité aux bons offices, au dialogue et à la médiation, a estimé le représentant, en rappelant que « les sanctions ne pouvaient être imposées qu’en dernier ressort ».  Celles-ci ne devraient jamais, a ajouté M. Min, constituer une « fin en soi », mais un moyen de parvenir à un règlement politique, dans les limites prévues par la Charte des Nations Unies.  Toutefois, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine a toujours encouragé à une plus grande efficacité des régimes de sanctions dans l’intérêt général de la communauté internationale, a assuré son représentant.

Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg), qui préside par ailleurs le Comité des sanctions concernant la République populaire démocratique de Corée, a déclaré souscrire entièrement à l’objectif d’une meilleure coordination au sein du Secrétariat et une meilleure sensibilisation des États Membres.  Il ne s’agit pas de toucher à la primauté du Conseil de sécurité ou d’imposer un carcan aux comités des sanctions, mais de rationaliser leur travail, de rendre le soutien aux comités plus efficaces et améliorer la mise en œuvre des mesures imposées par le Conseil de sécurité.  Pour atteindre cet objectif, la déléguée du Luxembourg soutient l’idée d’établir une unité de politique de coordination au sein de la Division des affaires du Conseil de sécurité.  Cette unité serait chargée, entre autres, d’identifier les bonnes pratiques et de faciliter leur échange entre les différents comités des sanctions ou encore d’identifier et de mobiliser au sein du système des Nations Unies l’expertise requise pour la mise en œuvre efficace des sanctions.   

Le Luxembourg considère également que le concours des groupes d’experts est essentiel pour que les comités des sanctions accomplissent pleinement leurs mandats.  Les États Membres et les autres acteurs doivent donc être encouragés à coopérer avec eux, y compris en leur fournissant les informations sur d’éventuels violations de sanctions, a également déclaré la représentante.  Elle a estimé que le Conseil de sécurité et ses comités des sanctions pourraient aussi bénéficier d’une interaction accrue avec les organisations internationales et régionales compétentes, comme c’est le cas avec INTERPOL, qui coopère avec plusieurs comités concernant la publication de notices spéciales, a-t-elle poursuivi.   La coopération entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale est aussi primordiale dans la manière dont le Conseil gère le régime de sanctions.  Une façon concrète de soutenir cette coopération, a-t-elle dit, est d’inscrire les individus faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de ladite cour sur les listes des comités des sanctions pertinents.     

Mme PAIK JI-AH (République de Corée) a déclaré que les sanctions étaient, tout comme les opérations de maintien de la paix, un outil utile pour le Conseil de sécurité dans la réalisation des objectifs de la Charte des Nations Unies.  La multiplication des résolutions du Conseil concernant les sanctions durant les deux dernières décennies témoignent de leur nécessité et du soutien de la communauté internationale à leur utilisation en cas de menace à la paix et la sécurité internationales.  La représentante a rappelé l’obligation qu’ont les États Membres de mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité.

Mme Paik Ji-ah a rappelé que les régimes de sanctions avaient évolué: ils sont aujourd’hui ciblés, contrairement aux embargos économiques et commerciaux du passé.  Elles servent non seulement à résoudre les conflits, mais aussi à traiter toute une série de menaces pour la paix et la sécurité internationales, notamment la lutte contre le terrorisme, les violations des droits de l’homme ou encore la prolifération des armes de destruction massive.  Il demeure pourtant des lacunes, a noté la représentante, citant, en particulier, le niveau de compréhension des sanctions, les capacités de mise en œuvre des sanctions par les États Membres et les ressources du Secrétariat.

La représentante a rappelé que les mesures devraient être efficaces, sans quoi elles n’ont pas de raison d’être.  En outre, il faut que les États Membres prennent quelles sont les obligations qui leur sont imposées par l’adoption d’un régime de sanctions par le Conseil de sécurité.  Certes, les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII de la Charte sont contraignantes mais cela n’aboutit pas automatiquement à leur mise en œuvre.  Les sanctions ne seront efficaces que si leur application par les États Membres, les organisations internationales et le secteur privé converge.  Les comités des sanctions devraient donc organiser davantage de séances d’information publiques pour mieux expliquer les régimes de sanctions à l’ensemble des États Membres et faciliter les échanges de vues.  Enfin, la République de Corée estime qu’il existe un besoin croissant de renforcement des capacités des États Membres pour les aider à mettre en œuvre de manière efficace les résolutions.

M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a souligné que le grand nombre d’États Membres ayant participé à l’Examen de haut niveau avait démontré l’importance des sanctions et la nécessité de débattre du renforcement de leur application.  « En vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité peut recourir à cet instrument pour mener à bien son mandat. »  « Aujourd’hui, les sanctions sont particulièrement sophistiquées et constituent un moyen de lutte spécifique contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales », a encore noté le représentant.  Pour lui, la première condition de la pleine mise en œuvre des sanctions, est leur application « en toute bonne foi ».  Les sanctions sont juridiquement contraignantes et, ainsi, leur application doit être respectée, a-t-il rappelé. 

Le représentant a relevé que les sanctions étaient perçues comme un châtiment plutôt qu’un outil de prévention et c’est pourquoi, il a appelé à communiquer efficacement avec les pays touchés « sur la raison d’être légitime de ces mesures ».  Notant que les États ciblés et leurs voisins n’ont pas les capacités institutionnelles pour mettre en œuvre les sanctions et les transformer en un système de réglementation national, le représentant a insisté sur le fait que toutes les parties prenantes doivent promouvoir le principe de base « que les sanctions ont pour objectif d’aider les États Membres et pas saper leur fonctionnement ».  Enfin, il a considéré que les membres du Conseil de sécurité nouvellement élus devraient avoir leur mot à dire en ce qui concerne la sélection des experts. 

M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a estimé que les sanctions devraient être utilisées « en dernière instance », lorsque tous les autres moyens à la disposition du Conseil de sécurité sont épuisés et qu’il existe toujours une menace à la paix et à la sécurité internationales.  Dans le cas de sanctions « ciblées et ponctuelles », il a recommandé d’envisager un « schéma d’adaptation régulier » qui tiendrait compte de la situation humanitaire et permettrait de vérifier si les sanctions ont été couronnées de succès.  Pour le représentant, il y a certes des lacunes dans la mise en œuvre, comme plusieurs de ses collègues l’ont fait remarquer, mais elles sont, a-t-il estimé, imputables au manque de volonté politique de certains États Membres, qui ne suivent pas les décisions contraignantes du Conseil de sécurité.

M. Churkin a jugé parfaitement « infondées » les idées concernant la création de « nouvelles couches » bureaucratiques dans une machinerie déjà très lourde.  Il serait préférable, a-t-il suggéré, de se tourner vers un mécanisme « peu connu », le Groupe de travail officieux du Conseil de sécurité sur les questions générales relatives aux sanctions.  Le Secrétariat n’a rien à voir avec la question de la mise en œuvre des sanctions, a tenu à rappeler M. Churkin.  Lorsqu’un État a un problème, il a le droit de se tourner vers le Comité de sanctions concerné, a-t-il rappelé.  Avant de conclure, le représentant s’est livré à un réquisitoire contre l’imposition par certains États de mesures unilatérales qui, a-t-il dit, sapent le système international et les efforts diplomatiques pour résoudre les crises.

M. MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a déclaré qu’il était évident que les pays en développement sont ceux ayant le plus besoin d’une assistance accrue pour mettre en œuvre les sanctions de l’ONU.  Il a ainsi appelé à la tenue d’un dialogue institutionnel entre les fournisseurs d’assistance, les donateurs et les États affectés directement ou indirectement par l’application de sanctions.  Le représentant a souhaité que le Conseil de sécurité réfléchisse à une approche plus structurée pour faciliter la coopération entre États les plus touchés par l’application des sanctions de l’ONU, qu’il s’agisse de pays ciblés ou de pays voisins de ces derniers.

M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) s’est déclaré d’accord avec l’idée d’assurer un suivi de l’application des sanctions et de réfléchir à améliorer cet instrument dont dispose le Conseil de sécurité.  « La complexité croissante des sanctions et la possibilité pour les personnes visées d’y échapper exigent une amélioration », a noté le représentant.  Il s’est toutefois félicité des régimes de sanctions, en soulignant par exemple l’impact des sanctions ciblées contre Al-Qaida ou l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) ou un certain nombre d’individus visés en République centrafricaine et en République démocratique du Congo (RDC). 

Même s’il a reconnu l’importance pour les sanctions de s’inscrire dans le cadre d’une stratégie plus vaste, il a fustigé ceux qui continuent de les dénoncer comme « injustes et illégitimes », souvent les mêmes qui agissent en violation du droit international, a accusé M. Pressman.  En appliquant des sanctions à ceux qui ne tiennent pas compte des résolutions contraignantes du Conseil de sécurité, « nous renforçons les principes fondamentaux de notre système international ».  Alors que ces dernières années, l’application de ces mesures ne s’est toujours pas maintenue « au même niveau », le représentant des États-Unis s’est félicité de ce que le projet de résolution qui sera adopté, dans les prochains jours, encourage les États à en assurer une application efficace et le Conseil à consacrer davantage de temps à aider ceux qui ont besoin d’assistance pour parvenir à respecter les régimes de sanctions.

M. GARY QUINLAN (Australie) a indiqué que la contribution de son pays à l’Examen de haut niveau sur les sanctions de l’ONU au cours des six derniers mois avait consisté en la tenue d’intenses consultations sur le renforcement des régimes pertinents des Nations Unies.  Il a expliqué que l’Examen avait été l’occasion d’entendre les vues des pays ciblés, de leurs voisins et de ceux qui coopèrent régulièrement avec le système de sanctions de l’ONU.  « L’Australie espère faire adopter très bientôt un projet de résolution reflétant l’expérience de ces États Membres et d’autres parties prenantes et soulignant la nécessité de faciliter la fourniture d’une assistance technique aux fins de mise en œuvre des sanctions », a-t-il fait observer.  Sur ce dernier point, il a dit compter sur le rôle accru du Secrétariat, en particulier le Département des affaires politiques.  « Nous saluons par ailleurs les observations du Secrétaire général quant aux possibilités de coordonner de manière étroite les régimes de sanctions et les autres activités de maintien de la paix, de consolidation de la paix, de médiation et de prévention des conflits », a-t-il indiqué. 

M. Quinlan a en outre prôné une interaction plus intense entre les États Membres et les groupes d’experts, ainsi qu’entre les États Membres et les comités, afin de renforcer la confiance entre acteurs et augmenter ainsi leur degré de coopération.  S’agissant de la relation du Conseil avec INTERPOL, il a déclaré qu’elle continuait d’évoluer et de contribuer à la mise en œuvre des sanctions de l’ONU.  « Nous avons besoin de plus de partenaires de ce type », a-t-il dit.  En conclusion, le représentant de l’Australie a annoncé que sa délégation continuerait, dans les prochains jours, à travailler pour qu’un consensus soit trouvé autour de son projet de résolution.  « Nous croyons fermement que cette résolution facilitera l’accès des États Membres à l’information et à l’assistance relatives à la mise en œuvre des sanctions », a-t-il déclaré.   

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