7288e séance – matin
CS/11616

Le Chef de la MONUSCO, appuyé par l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, réaffirme qu’il est impératif de neutraliser les groupes armés en RDC

Le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, le Secrétaire général adjoint et Chef de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), M. Martin Kobler, qui a lancé un véritable ultimatum aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).  Lors de la réunion trimestrielle que consacre le Conseil aux activités de la MONUSCO, M. Kobler a averti qu’en cas d’échec du processus de désarmement des FDLR au-delà du 2 janvier prochain, « une action militaire » contre les éléments réfractaires de ce mouvement serait « inévitable ».

Le Chef de la MONUSCO a également mis en garde contre les agissements des Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé qui avait récemment commis un massacre de civils dans le Nord-Kivu et contre lequel seule une action ferme sera efficace.

L’impératif de neutralisation des groupes armés sévissant dans l’est du pays, que souligne le Secrétaire général dans son rapport, présenté ce matin aux membres du Conseil, a été reconnu par  l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, M. Saïd Djinnit, et le Représentant permanent du Rwanda, M. Eugène-Richard Gasana.  Ce dernier a toutefois critiqué dans les termes les plus vifs, « l’inaction collective » de la communauté internationale face au FDLR, « un mouvement génocidaire » en activité depuis plus de deux décennies.

Par ailleurs, le représentant de la République démocratique du Congo (RDC), M. Ignace Gata Mavita, a expliqué que l’expulsion du Chef du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Scott Campbell, par son gouvernement résultait de la publication, par ce fonctionnaire des Nations Unies, d’un rapport « mensonger » sur l’opération menée le 15 octobre dernier par les Forces de police congolaises contre des gangs de Kinshasa. 

« J’exhorte le Gouvernement de la RDC à revenir sur sa décision et, de plus, à faire cesser les intimidations et menaces contre le personnel de la MONUSCO », a déclaré, à ce propos, M. Kobler.

Le Représentant spécial pour la RDC est d’abord revenu sur les récents massacres perpétrés dans l’est du pays.  Il a confirmé qu’à la fin de septembre, les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé composé de rebelles ougandais, avaient brutalement massacré 80 villageois de la région de Beni, dans le Nord-Kivu.  M. Kobler a rappelé que ce groupe avait été affaibli au cours de ces derniers mois, grâce notamment aux opérations menées par les Forces armées de la RDC.  À la suite de ces opérations, a-t-il indiqué, des dizaines de milliers de réfugiés sont retournés dans la région de Kamango.  Pour M. Kobler, les attaques de Beni démontrent la capacité de résilience des Forces démocratiques alliées, sous pression, utilisent les tactiques asymétriques de la guérilla et des attaques terroristes contre les civils.  « Contre ces forces, seule une action ferme est efficace et permettra de restaurer la confiance de la population à l’égard des Forces armées et de la MONUSCO », a-t-il assuré. 

« Les opérations conjointes des Forces armées et de la Mission contre ce groupe sont le seul moyen de mettre fin au fléau de la terreur », a-t-il ajouté avant d’attirer l’attention sur le processus de désarmement volontaire des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Regrettant que ce processus soit dans l’impasse, le Chef de la Mission a souligné que les représentants de l’ONU dans la région des Grands Lacs continuaient de partager le même objectif sécuritaire: la neutralisation des FDLR, qui devront déposer les armes d’ici au 2 janvier 2015.  Il a prévenu qu’au-delà de cette date, si le désarmement n’avait pas été parachevé, l’action militaire contre les éléments FDLR ayant refusé de déposer les armes serait inévitable.  « Le Conseil de sécurité a rappelé, le 3 octobre, que les FDLR étaient un groupe visé par des sanctions des Nations Unies car il continue à commettre des violations flagrantes des droits de l’homme.  Il a également réitéré l’importance de neutraliser ce groupe.  « Les FDLR ont deux mois et six jours pour déposer les armes, et ce, de manière inconditionnelle. »  « Le 2 janvier, il n’y aura plus d’excuse pour expliquer des retards supplémentaires », a insisté Martin Kobler, qui a en outre noté que la crédibilité de l’ONU, du Gouvernement congolais et de la région était en jeu.  Le Secrétaire général adjoint a par ailleurs exhorté le Gouvernement de la RDC  d’accélérer la mise en œuvre du programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) afin de réintégrer les ex-combattants du Mouvement du 23 mars (M23).

Le Chef de la MONUSCO s’est ensuite attardé sur la situation en matière de droits de l’homme, en affirmant que la justice, la responsabilité et le respect des droits de l’homme formaient le socle de la paix et de la stabilité.  Il a rappelé, à cet égard, que le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme chargé de documenter les violations graves des droits des Congolais n’avait pas pour vocation d’affaiblir et de porter préjudice au Gouvernement.  Ses activités, au contraire, devraient servir à renforcer la bonne gouvernance et les engagements pris au titre de l’Accord-cadre sur la paix, la sécurité et la coopération.  Faisant référence aux derniers rapports du Bureau, y compris ceux établis en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, il a indiqué que, le 15 octobre, le Gouvernement congolais avait mené une opération contre des gangs de Kinshasa.  « Cette opération dite ‘Likofi’ a été marquée par les assassinats extrajudiciaires de 9 personnes et la disparition de 32 autres », a-t-il relevé.  M. Kobler a indiqué que la publication de document sur l’opération considérée avait donné lieu à l’expulsion du Chef du Bureau conjoint, M. Scott Campbell, dans les 48 heures. 

« J’exhorte le Gouvernement de la RDC à revenir sur sa décision et, également, à faire cesser les intimidations et menaces contre le personnel de la MONUSCO. »  « Les droits de l’homme mènent à la stabilité et notre travail doit être mené de manière constructive et avec la coopération des autorités du pays en vue de renforcer l’autorité morale du Gouvernement ».  M. Kobler a proposé aux autorités congolaises de se retrouver dans le cadre d’un dialogue régulier de haut niveau sur les droits de l’homme. 

Par ailleurs, le Secrétaire général adjoint a réaffirmé que la protection des civils était la raison d’être de la Mission et un impératif de l’ONU.  « Pour être efficace à ce niveau, nous avons besoin d’un nouveau paradigme », a-t-il dit, en appelant les pays contributeurs de troupes à réfléchir de manière approfondie à cette orientation.  Il a également mis en garde contre les conséquences des tensions politiques liées aux élections de 2015-2016 sur la situation humanitaire dans le pays, en précisant que le nombre de réfugiés dans les camps du Katanga risquait d’augmenter. 

Le représentant du Rwanda, M. Eugène-Richard Gasana, s’est lancé dans un long réquisitoire contre l’inaction collective de l’ONU à l’égard des FDLR.  « Les FDLR, dont nous parlons depuis 20 ans, ne sont pas une simple force négative mais une entité à l’origine d’autres groupes armés.  Les FDLR sont un groupe génocidaire. »  Le représentant rwandais a insisté sur le fait que les FDLR continuent de promouvoir les assassinats à caractère ethnique en RDC mais aussi au Rwanda.  « Ils sont la principale menace militaire et sécuritaire pour le Rwanda et la région des Grands Lacs. » 

M. Gasana a exhorté la MONUSCO à trouver une réponse durable à la question des FDLR, en tenant à rappeler que la Brigade d’intervention rapide mise en place par la résolution 2198 (2014) du Conseil avait, en réalité, limité ses actions contre le M23, « sans traiter de manière directe le problème des FDLR ».  « Non seulement la Mission n’a pas neutralisé les FDLR, mais elle n’a pas non plus pris de mesures concrètes contre ce mouvement génocidaire. »  « La présence de ces combattants parmi la population civile complique davantage toute opération militaire menée contre eux par la Mission. »  « C’est faux, nous avons fourni à la Mission des éléments de preuve sur l’emplacement de camps militaires des FDLR séparés des civils », a assuré l’Ambassadeur Gasana.  Il a souligné que les FDLR avaient profité de l’impasse dans laquelle se trouve, à cet égard, la communauté internationale pour former des alliances contre son pays.  Concernant le processus de désarmement du groupe armé, il a affirmé que toutes les parties prenantes le disent: « les FDLR n’ont jamais voulu déposer les armes ». 

Interpelant le Conseil, il s’est demandé pourquoi, depuis 20 ans, le Conseil de sécurité avait échoué à mettre hors d’état de nuire un mouvement génocidaire dont certains éléments avaient participé au massacre de près d’un million de Tutsis en quelques mois.  « Pourquoi ne pas s’attaquer à la cause inhérente de l’insécurité dans l’est de la RDC? »  « Pourquoi le Conseil de sécurité ignore cette cause et se concentre sur les conséquences et ne met pas en œuvre les résolutions qu’il a lui-même adoptées? » a-t-il encore dit, en qualifiant de honte l’inaction du Conseil et le montant du budget de la MONUSCO: « deux milliards de dollars sont utilisés chaque année à mauvais escient ». 

Pour sa part, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, M. Saïd Djinnit, a présenté l’état de mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en République démocratique du Congo et dans la région, qu’il est chargé de surveiller.  « Les conclusions sont claires, a-t-il relevé: il faut accélérer les progrès, particulièrement en ce qui concerne la neutralisation totale des forces négatives opérant dans l’est de la RDC, notamment les FDLR et les Forces démocratiques alliées, ainsi que la mise en œuvre des Déclarations de Nairobi sur le processus de désarmement des M23 ».

Répondant aux propos de M. Kobler, il a souligné la nécessité de continuer à faciliter les conditions d’un désarmement volontaire des FDLR « tout en débutant un processus crédible grâce auquel une pression militaire pourrait être exercée après la fin de la date butoir fixée contre les éléments refusant de rendre leurs armes ».  « Il n’y aura plus de prorogation et, à partir du 2 janvier 2015, des actions militaires seront engagées pour désarmer cette force négative », a confirmé, de son côté, le représentant de la RDC, M. Ignace Gata Mavita.

« C’est maintenant que nous devons agir », a insisté M. Djinnit.  « Tout échec à la neutralisation des FDLR à temps ne fera qu’exacerber les tensions, affaiblir notre crédibilité collective et mettre l’Accord-cadre en danger », a-t-il, à son tour, prévenu.

Pour le représentant congolais, le constat est qu’au 20 octobre, ce groupe n’a pas été désarmé, en dépit de quelques mouvements enregistrés au mois de juin où environ 200 éléments ont déposé les armes.  « Pour mon gouvernement, tous les éléments réfractaires des FDLR vont devoir faire face aux opérations de désarmement forcé.  Ils doivent tous quitter le territoire congolais pour regagner leur pays, le Rwanda, ou chercher d’autres pays d’accueil.  Ils n’ont pas de place en RDC », a-t-il insisté.

M. Djinnit s’est dit préoccupé par la mise en œuvre trop lente des Déclarations de Nairobi, relatives au désarmement du M23, même s’il s’est félicité de l’élan donné récemment à ce processus sous l’impulsion du Gouvernement congolais.

Pour le haut fonctionnaire, le double objectif de désarmement des FDLR et du M23 reste une priorité.  Mais il faut aussi rester alerte face à la menace que posent les Forces démocratiques alliées, dont les « actes horribles perpétrés récemment contre les populations de Beni rappellent de manière regrettable que la situation sécuritaire demeure fragile » et que les gains réalisés jusqu’à présent peuvent connaître des revers.

Sur ce point, l’Envoyé spécial a évoqué son récent déplacement en RDC, où il s’est entretenu avec plusieurs parties prenantes.  « À cette occasion, nous avons salué les Forces armées congolaises pour leur campagne militaire couronnée de succès contre les Forces démocratiques alliées, avec le soutien de la MONUSCO et sa brigade d’intervention rapide.  « Nous les avons également encouragées à renforcer leur coopération et à entreprendre des actions conjointes pour neutraliser complètement ce groupe armé avec le soutien des populations. »

M. Mavita s’est, lui aussi, dit alarmé par la résurgence des activités terroristes de ce groupe armé, « un nouveau défi auquel il faut absolument répondre ».  Avec les Casques bleus, les Forces armées congolaises sont déployées et actives dans la région de Beni, a-t-il assuré.  Répondant ensuite à M. Kobler, il a contesté le rapport établi par M. Campbell le 15 octobre, en qualifiant de « contre-vérités » les informations qu’il contient au sujet des agissements de la Police nationale congolaise.

Faisant référence aux allégations de « 32 cas de disparitions forcées » citées dans le document, M. Mavita a tenu à faire remarquer que « tout Kinshasa sait que la plupart des Kulunas (ou gangsters), qui auraient disparu, avaient quitté d’eux-mêmes la capitale pour se réfugier à Brazzaville et dans les provinces voisines telles que le Bandundu, le Bas-Congo et l’Équateur, lorsqu’ils se sont sentis identifiés et cernés dans leurs quartiers ».  « Selon M. Campbell, plutôt que de documenter ses rapports et les étayer par des éléments probants, les autorités congolaises devaient apporter la preuve de leur innocence dans ces crimes réels ou supposés alors qu’il appartient à celui qui allègue un fait d’en apporter la preuve », s’est élevé le Représentant permanent de la République démocratique du Congo.

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