7282e séance – matin
CS/11609

Soudan du Sud: « chaque jour qui passe sans accord politique aggrave la situation humanitaire sur le terrain », déplore la responsable de la MINUSS devant le Conseil de sécurité

« Je l’ai dit à tous mes interlocuteurs sur place, à commencer par le Président Salva Kiir et le leader de l’opposition, M. Riek Machar: faire taire les armes est le seul moyen de remettre le pays sur la voie de la paix et de la stabilité », a déclaré Mme Ellen Margrethe Løj.   

La Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUSS) a rappelé, ce matin, aux dirigeants du Soudan du Sud leurs responsabilités.  Lors d’une réunion sur la situation dans le pays, près d’un an après l’éclatement du conflit, Mme Løj, de retour d’une visite de six semaines au Soudan du Sud, a indiqué que les conditions de vie de quelque 100 000 personnes ayant trouvé refuge dans les sites de protection de la Mission demeuraient précaires.  

Intervenant par visioconférence depuis Genève, la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Zainab Hawa Bangura, a confié, pour sa part, que les personnes déplacées de l’intérieur étaient confrontées « quotidiennement » à l’insécurité et aux pires crimes sexuels.  

Les deux intervenantes ont estimé que seul un accord politique entre belligérants permettrait d’améliorer la protection des civils et d’assurer leur retour chez eux dans la dignité et la sécurité. 

Dans le rapport du Secrétaire général dont étaient saisis les membres du Conseil de sécurité, M. Ban Ki-moon demande au Gouvernement que dirige M. Kiir et à l’opposition armée de M. Machar de respecter l’accord de cessez-le-feu et de conclure « rapidement » un accord qui permettra d’instaurer une paix durable au Soudan du Sud. 

Le Représentant permanent du Soudan du Sud auprès des Nations Unies, M. Francis Mading Deng, a déclaré que la restauration de la paix, de l’unité et la réconciliation exigeait un leadership renforcé.  « Il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser la population à ce défi », a-t-il admis.

Sur le plan de la sécurité, Mme Løj a d’abord indiqué qu’au cours de ces derniers mois, des échauffourées avaient éclaté entre les parties au conflit, les tensions demeurant vives dans l’État de l’Unité, en particulier à proximité du site de protection de la Mission à Bentiu.  Pour le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (M/APLS), ce site est un bastion des forces d’opposition, a-t-elle noté, en ajoutant qu’en dehors des zones traditionnelles de conflit, l’ONU surveillait la situation dans l’État des Lacs où les violences intercommunales se poursuivent.  La Représentante spéciale a expliqué que d’autres régions du pays étaient toujours en proie aux violences, celles ayant éclaté dans l’Équatorial occidental résultaient de la destruction des récoltes par les troupeaux des agropasteurs venus en nombre des États de Jonglei et des Lacs.

Dans ce contexte fragile, la situation humanitaire dans tout le pays demeure critique, a ensuite déclaré Mme Løj, qui a donné les chiffres suivants: près de 2 millions de personnes ont été déplacées depuis le début des hostilités en décembre 2013 et 4 millions de personnes, soit près d’un tiers de la population sud-soudanaise, font face à l’insécurité alimentaire.  Indiquant que les agences d’aide humanitaire avaient assisté plus de 3 millions de personnes au cours de l’année écoulée, la Représentante spéciale a assuré que la MINUSS continuerait de soutenir les travailleurs humanitaires, y compris durant la saison sèche, pour que les besoins de tous les Soudanais du Sud soient satisfaits.  « Cependant, toute l’aide du monde ne résoudra pas la crise et ne suffira pas à convaincre les gens de rentrer chez eux.  Seules la paix et la réconciliation permettront de le faire », a-t-elle fait observer. 

Concernant les activités de protection de la MINUSS, Mme Løj a confirmé que les Nations Unies continuaient d’accueillir quelque 100 000 personnes déplacées réparties dans neuf sites de protection.  À l’approche de la saison sèche, la famille des Nations Unies travaille à l’élaboration d’une stratégie globale permettant d’améliorer les conditions de vie des déplacés dans ses camps, a-t-elle assuré, en précisant que des discussions sur ce point étaient en cours entre la Mission, les institutions concernées des Nations Unies, le Gouvernement du Soudan du Sud et les partenaires pertinents.  « Ces discussions portent également sur le processus de retour volontaire et sûr des réfugiés dans leur foyer », a-t-elle ajouté. 

Pour ce qui est de la situation humanitaire, Mme Løj a déclaré que la Mission continuait de recevoir des informations attestant de violations graves des droits de l’homme.  « Selon ces informations, la situation des citoyens dans de nombreuses régions est périlleuse, la Mission ayant enquêté sur des allégations de meurtres dans l’État du Haut-Nil en septembre dernier.  Elle doit en outre surveiller de près les agissements de membres du M/APLS, qui peuvent avoir un comportement agressif envers les réfugiés des sites de protection de la MINUSS. » 

Mme Løj s’est dite profondément choquée par le mépris de la vie humaine dont ont fait preuve les auteurs d’atrocités et de violations des droits de l’homme.  « Les auteurs de ces actes devront être traduits en justice », a-t-elle insisté avant d’ajouter: « J’attends avec impatience les conclusions de la Commission d’enquête de l’Union africaine sur leurs exactions. »

La Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Zainab Hawa Bangura, a avoué avoir été le témoin, à Bentiu, de situations particulièrement préoccupantes.  « Les réfugiés vivent des conditions inimaginables marquées par une insécurité chronique. »  « Les cas de violences sexuelles qui m’ont été décrits m’ont scandalisée », a-t-elle encore signalé.  Mme Bangura a été claire: la violence sexuelle au Soudan du Sud est très largement répandue, elle se traduit en actes de viols, de viols collectifs, d’enlèvements, de mariages forcés, d’esclavage et de mutilations sexuelles.  « Ces crimes sont perpétrés par toutes les parties au conflit, et ils se produisaient avant l’éclatement de la crise en décembre 2013 », a-t-elle tenu à préciser.

La Représentante spéciale s’est émue de ce que la violence sexuelle dans le pays alimente à présent le cercle vicieux des attaques et des représailles, en ciblant en particulier les ethnies Dinka et Nuer.  Après avoir souligné que les Sud-Soudanaises vivaient dans des conditions déplorables, notamment un accès très limité aux services de santé, elle a raconté que lors d’une visite dans un hôpital de Juba, elle avait appris que 75% des victimes locales de violences sexuelles étaient des mineures.  

Si elle a rappelé que le Gouvernement du Soudan du Sud avait la responsabilité morale de protéger ses citoyens contre ces violences, Mme Bangura a reconnu que la lutte contre ce fléau était devenue compliquée en raison de la prévalence d’une culture du silence et l’habitude consistant à systématiquement blâmer les autres.  Elle s’est dite toutefois encouragée par la signature, par le Président Salva Kiir et l’ONU, d’un communiqué conjoint sur la violence sexuelle liée au conflit qui réaffirme la volonté du Gouvernement sud-soudanais de mettre en œuvre la résolution 2106 (2013) du Conseil de sécurité.  « J’appelle mon Bureau, le système de l’ONU et le Gouvernement de M. Kiir d’appliquer les engagements pris au titre de cet accord, notamment ceux relatifs à la lutte contre l’impunité des auteurs de violences sexuelles et au renforcement des capacités du secteur judiciaire. » 

Sur les relations entre le Gouvernement du Soudan du Sud et l’ONU, Mme Løj a noté avec satisfaction une réduction du nombre de violations de l’Accord sur le statut des forces.  « Cependant des infractions perdurent et des travailleurs humanitaires sont arrêtés et détenus de manière illégale », a-t-elle regretté.  Au sujet des victimes d’enlèvements, notamment un sous-traitant de la MINUSS capturé le 10 octobre, elle a exhorté les autorités du pays à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour permettre leur libération rapide.  

Pour la Représentante spéciale au Soudan du Sud, il n’y a pas d’alternative à la cessation des hostilités et à l’atteinte d’un accord de paix globale.  « Je l’ai dit à tous les interlocuteurs sur place, à commencer par le Président Kiir et le leader de l’opposition, M. Machar: faire taire les armes est le seul moyen de remettre le pays sur la voie de la paix et de la stabilité », a-t-elle souligné, en notant qu’après avoir passé six semaines au Soudan du Sud, elle avait acquis la certitude que chaque jour qui passe sans accord contribue à aggraver la situation partout dans le pays.  « Cela complique le travail de la Mission et accroît les tensions et les risques. »  « C’est pourquoi, j’appelle le Conseil de sécurité, les dirigeants régionaux et tous les amis de cette jeune nation à faire les compromis nécessaires pour traduire en actes les nombreuses déclarations et les engagements publics en faveur de la paix », a-t-elle lancé.

« Le conflit est avant tout politique et, non pas ethnique, entre les Dinka et les Nuer », a précisé, de son côté, le Représentant permanent du Soudan du Sud, M. Francis Mading Deng.  Il a toutefois noté que le conflit avait pris une dimension de plus en plus ethnique, à la fois en termes de perception et s’agissant des assassinats ciblés, il avait provoqué « des divisions profondes entre des groupes qui ont pourtant beaucoup en commun ».  Il s’est pourtant voulu optimiste, en affirmant que des Dinka et des Nuer coexistent pacifiquement au Soudan du Sud et que des membres de ces deux communautés font partie du Gouvernement sud-soudanais, comme il y en a aussi dans les deux camps en conflit.  Les récents pourparlers entre les parties qui se sont tenues à Arusha sous l’égide du Président de la République-Unie de Tanzanie constituent, selon M. Deng, une étape encourageante.

Assurant que la violence sexuelle et l’enrôlement des enfants dans les groupes armés étaient « contraires à nos valeurs culturelles », le représentant a affirmé que ce qui se passe actuellement dans son pays relève d’un « effondrement de l’ordre social traditionnel ».  Par ailleurs, il s’est dit convaincu que le soutien de la communauté internationale était indispensable pour permettre au Soudan et au Soudan du Sud d’améliorer leurs relations et de mettre fin à leurs conflits internes.

D’autre part, à l’heure où les priorités du mandat de la MINUSS sont réexaminées, M. Deng a estimé que le renforcement des capacités de la Mission demeurait crucial pour permettre au Soudan du Sud de respecter les normes de bonne gouvernance, des droits de l’homme et de protection des civils.  « C’est tout particulièrement nécessaire dans le renforcement des capacités de la police et des forces de sécurité qui lui sont associées », a-t-il ajouté.

Pour le représentant du Soudan du Sud, la restauration de la paix, de l’unité et la réconciliation exigent un leadership renforcé.  « Beaucoup reste à faire pour sensibiliser la population à ce défi », a-t-il admis.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.