SG/SM/15644-SC/11281

L’efficacité de l’ONU dépend de sa faculté à exploiter l’expertise des organisations régionales, déclare B. Ban, alarmé par la situation centrafricaine

14/2/2014
Secrétaire généralSG/SM/15644
SC/11281
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L’EFFICACITÉ DE L’ONU DÉPEND DE SA FACULTÉ À EXPLOITER L’EXPERTISE DES ORGANISATIONS

RÉGIONALES, DÉCLARE M. BAN, ALARMÉ PAR LA SITUATION CENTRAFRICAINE


On trouvera ci-après le discours prononcé aujourd’hui par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, lors de la réunion du Conseil de sécurité sur la « coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales, en particulier l’Union européenne »:


Monsieur le Président, je vous félicite, ainsi que le Gouvernement lituanien, d’avoir organisé ce débat qui arrive à point nommé sur la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales, en mettant particulièrement l’accent sur l’Union européenne.  C’est pour nous un honneur que d’accueillir parmi nous la Haute Représentante, la baronne Catherine Ashton.


Le principe de l’établissement de partenariats solides avec les organisations régionales est inscrit dans l’ADN même de l’Organisation des Nations Unies, puisque le Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, avec une prévoyance visionnaire, énonce le rôle essentiel des organismes régionaux dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.


Aujourd’hui plus que jamais, nous savons que l’efficacité de l’Organisation des Nations Unies dépend en grande partie de notre coopération avec les organisations régionales.  Nous tirons parti de leur expertise.  Nous maximisons l’impact de notre action en coordonnant nos efforts.  La mise en commun des ressources et l’application de stratégies communes ne sont pas seulement efficaces, mais également indispensables.  La prévention des conflits, la médiation, la gestion des crises, le maintien de la paix, le règlement des conflits et la consolidation de la paix sont des entreprises complexes.  Aucun pays ni aucune organisation ne saurait relever ces défis seuls.


C’est pour cette raison que nous avons renforcé nos relations avec les organisations régionales, aussi bien pour pouvoir intervenir rapidement en cas de crise que pour pouvoir mener conjointement une action à long terme.  Nous avons accompli des progrès considérables, notamment grâce aux bureaux de liaison, aux envoyés conjoints et aux accords de coopération.  Le déploiement d’équipes conjointes de médiation est devenu une pratique plus courante, qui permet à la communauté internationale de parler d’une même voix.


Notre coopération avec l’Union africaine a permis de modifier le cours des événements dans des pays comme la République démocratique du Congo, le Mali et la Somalie.  L’ONU a à cœur d’approfondir son partenariat avec l’Architecture africaine de paix et de sécurité.  Je salue également les efforts de médiation déployés par l’Autorité intergouvernementale pour le développement au Soudan du Sud.


En Asie, la coopération de l’ONU avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) s’est considérablement renforcée depuis que nous avons signé un mémorandum d’accord en 2007.  Nous nous réjouissons à la perspective de coopérer avec le nouvel Institut de l’ASEAN pour la paix et la réconciliation, qui a commencé ses travaux en décembre.


Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Organisation des États américains dans des domaines tels que la médiation et le dialogue, ainsi que la lutte contre le commerce illicite.  Notre partenariat avec la Ligue des États arabes a joué un rôle essentiel dans nos efforts visant à appuyer des processus politiques sans exclusive au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et à rétablir la paix en Syrie.  Bien entendu, notre coopération avec l’Union européenne s’étend à toutes nos activités et au monde entier.


Tout au long de son histoire, l’Union européenne a pris des mesures novatrices et porteuses d’avenir pour promouvoir la coopération avec les États, tant à l’intérieur de ses frontières que, de plus en plus, au-delà de ses frontières.  Les nombreuses et généreuses contributions de l’Union européenne à l’ONU incarnent le type de démarche multidimensionnelle nécessaire pour promouvoir une paix et un développement durables.  L’ONU et l’Union européenne travaillent de plus en plus côte à côte sur le terrain dans le cadre d’opérations de maintien de la paix et de gestion civile des crises, et par une diplomatie préventive.  L’Union européenne est également un précieux partenaire de la Commission de consolidation de la paix de l’ONU; un défenseur des droits de l’homme et un partenaire sur lequel on peut compter dans la promotion des objectifs du Millénaire pour le développement, le renforcement de l’égalité entre les sexes et la lutte contre les changements climatiques.


Le thème du débat d’aujourd’hui n’aurait pu être plus opportun.  L’ONU et ses partenaires régionaux doivent affronter une épreuve urgente.  Les sombres nuages d’atrocités de masse et de nettoyage confessionnel se profilent à l’horizon de la République centrafricaine.  Des lynchages publics, des mutilations et d’autres actes atroces de violence sèment le désordre et la peur.  Tous les Centrafricains en sont victimes : musulmans et chrétiens.  Dernièrement, des attaques à grande échelle ont eu lieu contre des musulmans dans des villes telles que Bouali, Boyali et Bossembélé, où les soldats de la paix n’ont pas pu être déployés. 


Je suis extrêmement préoccupé par le cycle de vengeance et de représailles.  Des communautés entières de musulmans fuient pour sauver leur vie.  Certains ont parlé d’un exode d’une ampleur historique.  António Guterres, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, était en République centrafricaine cette semaine et a décrit une « catastrophe humanitaire dont les proportions dépassent l’entendement ».  La Croix-Rouge locale a signalé la découverte d’un charnier à Bangui.  Des documents publics confirment que des pièces d’identité et des titres de propriété foncière sont détruits de manière délibérée.  Des citoyens et des responsables attisent les flammes avec des discours de haine.


Nous devons faire tout notre possible pour prévenir de nouvelles atrocités et représailles, en particulier le ciblage généralisé et coordonné de communautés musulmanes.  Nous devons comprendre ce qui est également menacé.  Le tissu même de la société, tissé au fil des générations, est en train d’être déchiré.  Des communautés qui par le passé n’ont connu aucun conflit violent suivent une voie qui, si la situation n’est pas maîtrisée, pourrait conduire à des décennies de conflit débilitant.  La paix, la sécurité, les droits de l’homme, le développement – tout ce que l’ONU défend et cherche à promouvoir est attaqué. 


Nous devons tenir les promesses faites autour de cette table pour prendre des mesures rapides et fermes face à une telle effusion de sang.  Nous ne pouvons pas prétendre nous soucier que des atrocités de masse soient commises puis nous rétracter quand cela signifie qu’il faut réellement les prévenir.  Notre engagement à protéger les civils n’a de sens que si nous déployons la force politique, militaire et financière nécessaire pour les défendre.


Notre responsabilité est claire : nous devons être aux côtés de la population centrafricaine.  Je félicite la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et l’Union africaine de leurs efforts intensifs pour faire face à cette crise ainsi que pour la création de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA).  Je salue le courage et la détermination des forces de la MISCA, qui font tout leur possible pour mettre fin à la violence et protéger les civils.  J’exhorte la communauté internationale à fournir d’urgence à la MISCA l’appui dont elle a très clairement besoin pour sauver des vies maintenant.


À cet égard, je remercie le Gouvernement français d’avoir déployé ses forces, et j’attends avec intérêt les prochaines contributions militaires de l’Union européenne, qui doivent être coordonnées avec l’opération de la MISCA.  Je suis déterminé à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour prévenir de nouvelles atrocités et réduire le risque d’une partition de fait du pays.  Maintenant, nous devons agir ensemble, nous devons agir de manière résolue et nous devons agir maintenant pour éviter le pire.


En tant que Secrétaire général de l’ONU, j’ai le devoir d’appeler l’attention du Conseil sur les meilleurs conseils que je peux donner sur les moyens de s’attaquer aux menaces à la paix et à la sécurité internationales.  J’ai l’intention de revenir au Conseil mardi avec des recommandations pour empêcher la propagation de la crise et y mettre fin.  J’espère discuter avec le Conseil de ce qu’il faudra faire pour mettre un frein immédiatement à la violence, sauver des vies, protéger les droits de l’homme, appuyer l’acheminement de l’aide humanitaire et renforcer les capacités de commandement et conduite des opérations sur le terrain.  Ce sera pour nous une occasion décisive de consolider nos efforts collectifs – une chance de montrer que la coopération entre l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne et d’autres peut aider le peuple centrafricain en cette période difficile.


Tandis que nous intensifions nos efforts de protection de la population, nous devons également chercher à établir les responsabilités pour les violations des droits de l’homme.  La commission d’enquête internationale prescrite par le Conseil deviendra opérationnelle ce mois.  Je salue la décision de la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête préliminaire sur ces violences.  La réponse internationale se renforce, mais ne correspond pas encore à ce qu’il est nécessaire de faire.


Il faut absolument faire tout ce que nous pouvons pour appuyer les efforts courageux déployés par la Présidente Catherine Samba-Panza pour stabiliser la situation, promouvoir le dialogue et trouver des solutions politiques.  La communauté internationale doit travailler avec les autorités nationales, les chefs religieux et toutes les parties prenantes pour renforcer les efforts de réconciliation dans le cadre d’un processus ouvert et transparent.


Prenons, ici et maintenant, l’engagement de faire en sorte que la population centrafricaine ait une voie de communication essentielle pour obtenir l’appui et la protection dont elle a besoin.  Déclarons notre attachement à la coopération et à la coordination les plus solides possibles entre l’ONU, l’Union africaine et l’Union européenne.  Montrons ce que la solidarité et une action concertée peuvent faire pour le peuple centrafricain.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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