CS/11319

Le vote négatif de la Fédération de Russie fait obstacle à l’appel des autres membres du Conseil pour dénoncer la validité du référendum du 16 mars en Crimée

15/3/2014
Conseil de sécuritéCS/11319
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

7138e séance – matin


LE VOTE NÉGATIF DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE FAIT OBSTACLE À L’APPEL DES AUTRES MEMBRES DU CONSEIL

POUR DÉNONCER LA VALIDITÉ DU RÉFÉRENDUM DU 16 MARS EN CRIMÉE


Le Conseil de sécurité n’a pas pu adopter, ce matin, le projet de résolution dénonçant la validité du référendum sur le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie, qui aura lieu demain, 16 mars, en raison du vote négatif exprimé par la Fédération de Russie.  À l’exception de la Chine qui s’est abstenue lors du vote, les 13 autres membres du Conseil ont appuyé le texte.


Selon les termes de ce projet de résolution, initié par les États-Unis, le Conseil de sécurité aurait notamment déclaré que ce référendum « ne saurait avoir de validité et ne saurait servir de fondement à quelque modification que ce soit du statut de la Crimée ».  Il aurait également demandé à tous les États, aux organisations internationales et aux institutions spécialisées de « s’abstenir de toute action ou de tout contact susceptibles d’être interprétés comme valant reconnaissance à une telle modification de statut ».


Le Conseil de sécurité aurait aussi exhorté toutes les parties à rechercher immédiatement un règlement pacifique à ce différend par le dialogue politique direct et à participer pleinement aux efforts internationaux de médiation.


À l’issue du vote, la représentante des États-Unis, Mme Samantha Power, a déclaré que le rejet de ce texte par la Fédération de Russie marquait un « moment triste et terrible ».  Le projet de résolution, a-t-elle fait observer, n’aurait pas dû être controversé car il se limitait à invoquer des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies, en particulier le respect de l’intégrité territoriale.


« La Fédération de Russie, qui est maintenant isolée et seule, est en tort car elle a tourné le dos aux normes internationales qui fondent les relations pacifiques entre les États et a utilisé son veto pour se rendre complice d’une action militaire illégale », a dénoncé la représentante des États-Unis.  « Si la Fédération de Russie a le pouvoir d’opposer son veto à une résolution, elle n’a en revanche pas le pouvoir d’opposer son veto à la vérité », a-t-elle tranché, avant d’affirmer que la « Crimée continuera de faire partie intégrante de l’Ukraine jusqu’à ce que son statut soit modifié en vertu du droit interne ukrainien ».


S’exprimant avant le vote, le représentant de la Fédération de Russie, M. Vitaly Churkin, a argué que le caractère même du projet de résolution allait à l’encontre du principe de l’autodétermination des peuples, tel qu’il est consacré dans l’Article 1er de la Charte des Nations Unies et dans l’Acte final d’Helsinki de 1975.


Le référendum prévu le 16 mars, en Crimée, a-t-il précisé, est « une mesure inhabituelle prise quand la coexistence dans un seul État n’est plus possible ».  En Crimée, cette situation a vu le jour à la suite du vide juridique causé par le coup d’État armé et les menaces de ses auteurs s’imposer l’ordre sur l’ensemble de l’Ukraine.  Le représentant russe a également rappelé que jusqu’en 1954, la Crimée faisait partie de la « Russie » et qu’elle avait été cédée à l’Ukraine en violation de la législation en vigueur à l’époque et sans demander l’avis de la population de Crimée.  Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, a-t-il souligné, la Crimée n’a cessé de demander d’exercer son droit à l’autodétermination.


« On peut tout justifier par l’histoire, particulièrement l’injustifiable », a réagi le représentant de la France.  « Accepter l’annexion de la Crimée, ce serait faire de la Charte des Nations Unies une farce et refaire de l’épée, l’arbitre suprême des contentieux. »  « Aujourd’hui, a déploré M. Gérard Araud, la « Russie » vient d’opposer son veto à la Charte des Nations Unies ».


« Le vote d’aujourd’hui est donc un échec.  C’est un échec pour le Conseil de sécurité et les Nations Unies.  C’est un échec pour l’Ukraine, mais c’est aussi un échec pour la Russie », a déploré, à son tour, la représentante du Luxembourg, dont le pays assure la présidence mensuelle du Conseil de sécurité.  Le projet de résolution, a-t-elle fait remarquer, aurait pu contribuer à arrêter un « engrenage néfaste et la surenchère nationaliste qui l’accompagne ». 


Mme Sylvie Lucas a également averti, à l’instar de nombreuses délégations, dont celles de l’Australie et de la Lituanie, que si ce référendum devait avoir lieu, « il constituerait un acte unilatéral qui risquerait de déstabiliser très gravement l’Ukraine et toute la région ».  Elle a notamment souligné que le référendum prévu demain en Crimée est contraire à la Constitution de l’Ukraine qui dispose que le territoire ukrainien est indivisible et inviolable.


Son homologue de la France a ainsi dénoncé « la mascarade d’un référendum, non seulement illégal, bâclé, mais également réduit au choix entre deux oui, les Criméens ne pouvant même pas se prononcer ». 


S’il a dit ne pas être surpris par le vote de la Fédération de Russie, « qui s’oppose à toute mesure destinée à appuyer la paix et la sécurité, comme par exemple en Syrie », le représentant de l’Ukraine s’est néanmoins dit optimiste pour l’avenir de son pays, car, a-t-il souligné, « la véritable voix de la Fédération de Russie est celle qui s’exprime dans les rues de Saint-Pétersbourg, de Moscou et d’Ekaterinbourg pour défendre l’intégrité territoriale de l’Ukraine ». 


M. Yuriy Sergeyev a indiqué qu’il avait reçu un appel téléphonique au cours de la séance l’informant que des forces russes, à partir du sud de la Crimée, avaient pénétré le reste du territoire de l’Ukraine.  Ce développement est un nouveau danger créé par la Fédération de Russie, s’est alarmé le représentant, qui a demandé aux États Membres de faire tout leur possible pour stopper « l’agresseur». 


Partisan d’une solution politique, le représentant de la Chine, M. Liu Jieyi, a jugé nécessaire d’établir « le plus tôt possible » un mécanisme de coordination international pour régler la crise par des moyens pacifiques et a invité les institutions financières internationales à réfléchir à des mesures permettant à l’Ukraine d’assurer sa stabilité financière.


Pour sa part, la représentante de l’Argentine, Mme María Cristina Perceval, a estimé qu’il n’était pas utile, pour le Conseil de sécurité, de se prononcer sur « des actes à venir aux conséquences hypothétiques ».


LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)


Déclarations


M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie), qui s’exprimait avant le vote, a affirmé que son pays se prononcerait contre le projet de résolution présenté par les États-Unis, au nom de ses coauteurs.  La Fédération de Russie, a-t-il dit, n’est pas d’accord avec le caractère prétendument essentiel du texte qui vise à déclarer la non-validité juridique du référendum du 16 mars en Crimée.  Cette philosophie va à l’encontre du principe de l’autodétermination des peuples, que réaffirme l’Article 1er de la Charte des Nations Unies et dans l’Acte final d’Helsinki de 1975.


Ce type de référendum est une mesure inhabituelle prise quand la coexistence dans un seul État n’est plus possible, a-t-il expliqué.  S’agissant de la Crimée, ce cadre s’est constitué à la suite d’un vide juridique qui résulte d’un coup d’État armé, de menaces directes de la part de ses auteurs et de leur volonté d’imposer l’ordre sur l’ensemble de l’Ukraine.


Par ailleurs, les contextes politique, juridique et historique des événements en Ukraine ne sont pas simples, a ajouté M. Churkin, en rappelant que jusqu’en 1954, la Crimée faisait partie de la « Russie ».  Elle fut donnée à l’Ukraine en violation de la législation en vigueur à l’époque de l’Union soviétique et sans demander l’avis de la population de la Crimée, a-t-il tenu à préciser.  Après l’effondrement de l’Union soviétique, la Crimée n’a cessé de demander d’exercer son droit à l’autodétermination, a ajouté le représentant russe, en fournissant quelques exemples.


M. Churkin a déclaré que la Fédération de Russie confirmait qu’elle respecterait l’expression de la volonté du peuple de Crimée dans le cadre du référendum du 16 mars.


« C’est un moment triste et remarquable », a déclaré Mme SAMANTHA POWER (États-Unis), à l’issue du vote.  Elle a affirmé que si la Fédération de Russie a le pouvoir d’opposer son veto à une résolution, elle n’a en revanche pas le pouvoir d’opposer son veto à la vérité.  Elle a indiqué que la vérité, « pravda » en russe, a occupé une place importante dans l’histoire de ce pays, en rappelant notamment que c’est là le nom de son plus important journal.  Mais à l’époque de l’Union soviétique, a-t-elle notamment fait observer, « il y avait très peu de ‘pravda’ dans Pravda ».


Le projet de résolution dont était saisi le Conseil de sécurité n’aurait pas dû être controversé car, a-t-elle dit, il se fonde sur des principes du droit international.  Ce sont des principes que la Fédération de Russie défend elle-même, sauf, a-t-elle ironisé, lorsque ce pays est directement concerné.  Mme Power a également souligné que le texte ne définissait pas de nouvelles normes juridiques, mais invoquait au contraire des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies, en particulier le respect de l’intégrité territoriale.


La déléguée a fait observer que la Fédération de Russie ne semble s’inquiéter de la violation des droits des populations de l’Ukraine que lorsque cette violation est constatée dans les zones sous contrôle des troupes russes.  Elle a accusé la Fédération de Russie de chercher à annexer la Crimée et d’avoir inventé une justification de cet acte illégal, à la suite de l’opposition manifestée à l’égard de ce projet.  Évoquant l’appel lancé il y a deux jours, devant le Conseil de sécurité, par le Premier Ministre de l’Ukraine, Mme Power a déploré que la Fédération de Russie n’y ait pas répondu.


La Fédération de Russie, qui est maintenant « isolée et seule », est en tort car, a fait remarquer la représentante des États-Unis, elle a tourné le dos aux normes internationales qui fondent les relations pacifiques entre les États.  Elle l’a accusée d’avoir utilisé son veto pour se rendre complice d’une action militaire illégale.  La Crimée, a-t-elle insisté, continuera de faire partie de l’Ukraine jusqu’à ce que son statut soit modifié en vertu du droit interne ukrainien.  La Fédération de Russie ne peut pas non plus nier qu’il y a aujourd’hui une opposition très large à ses actes.


M. GÉRARD ARAUD (France) a exprimé son incrédulité devant le scénario développé avec détermination, sous les yeux du Conseil de sécurité, par la Fédération de Russie pour annexer la Crimée.  Il a dénoncé la mascarade d’un référendum non seulement illégal, bâclé, mais également réduit au choix entre deux oui, les Criméens ne pouvant même pas se prononcer.  La pratique soviétique, a-t-il fait observer, n’était visiblement pas un accident.


M. Araud a relevé le parallèle, douteux, selon lui, établi par son collègue russe, la contradiction dans les principes défendus par la « Russie » entre sa position exprimée en 1976, lors d’un vote concernant Mayotte et où la France avait opposé son veto, et celle d’aujourd’hui.  En 1976 ou en 2014, la « Russie » doit choisir, a-t-il déclaré.


En réalité, des efforts pathétiques de la Fédération Russie, il ne sort rien, pas le commencement du début d’un fondement juridique, a estimé le représentant français.  Les titres de la presse peuvent être simples: « La Russie vient d’opposer son veto à la Charte des Nations Unies », a-t-il dit.


On peut tout justifier par l’histoire, particulièrement l’injustifiable, a poursuivi M. Araud.  Les choses sont simples, la force prime le droit nous dit, aujourd’hui, le veto russe, a-t-il fait remarquer. 


Selon le délégué de la France, la force ne peut pas primer le droit.  Ce serait trop grave, trop dangereux pour chaque État Membre.  Notre devoir est d’opposer le barrage fragile du droit.  Accepter l’annexion de la Crimée, ce serait renoncer à tout ce que nous essayons de construire à l’ONU, ce serait faire de la Charte des Nations Unies une farce, et ce serait refaire de l’épée l’arbitre suprême des contentieux, a-t-il prévenu.


Les États Membres, dans leur immense majorité, sauront prouver par leur refus de reconnaître l’annexion de la Crimée, qu’ils savent que l’intégrité territoriale de l’un d’entre eux est le garant de l’intégrité territoriale de tous, a-t-il rappelé.  Cette annexion, a-t-il ajouté, nous concerne tous.


M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a affirmé que le message retentissant du résultat du vote montrait clairement que la Fédération de Russie est isolée au sein du concert des nations.  Il a accusé ce pays d’être prêt à agir en violation flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies.  Le représentant a déclaré que le résultat du référendum prévu demain en Crimée n’aura aucune validité juridique.


Il a également averti que si la Fédération de Russie ne répondait pas à la main que lui tend l’Ukraine et poursuit son intervention militaire, les tensions ne feront que croître dans la région.  C’est pourquoi, il a exhorté la Fédération de Russie à coopérer avec l’Ukraine pour trouver une issue pacifique au conflit.


Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a dit être profondément troublée par le veto opposé par la Fédération de Russie et par les conséquences que ce geste entraînera pour la région.  Elle est revenue sur la visite que le Président Boris Yeltsin avait effectuée en Ukraine en 1997 et au cours de laquelle il avait réaffirmé l’indépendance de l’Ukraine, en assurant que la Fédération de Russie ne porterait jamais atteinte à son intégrité territoriale.  Aujourd’hui, et contrairement à l’Accord d’amitié, de coopération et de partenariat signé en 1997 entre les deux pays, s’est-elle inquiétée, l’Ukraine est sur le point d’être scindée en deux.  La représentante a ensuite fait observer que les autorités ukrainiennes s’étaient dites prêtes à accepter la présence d’observateurs internationaux sur leur territoire, « tandis que des troupes russes sont déployées le long des frontières pour préparer une annexion par la force ».  Elle a également indiqué que les Tatars de Crimée avaient annoncé qu’ils boycotteront ce référendum.  Tous ceux qui appuient le rattachement de la Crimée à l’Ukraine ne pourront pas se prononcer car les bulletins de vote ne permettent pas une telle forme d’expression, a-t-elle regretté.


Mme Murmokaité a affirmé que le « oui » de la Lituanie en faveur du projet de résolution est un « oui » pour la non-agression, la liberté de choix et le respect de l’état de droit.  Elle a insisté sur la nécessité d’opter pour une solution négociée, avant d’accuser la Fédération de Russie de remettre en cause les principes sur lesquels sont fondées les Nations Unies.  On ne peut laisser se répéter ce qui s’est produit en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968 et en Géorgie en 2008, a souligné la déléguée.  Avant de conclure, elle a appelé la communauté internationale à ne pas reconnaître le résultat du référendum, ni toute modification du territoire de l’Ukraine.


M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a affirmé qu’il n’était pas convaincu par le moment choisi pour ce vote, à la veille de la date du référendum prévu en Crimée.  Ce vote, a-t-il estimé, ne contribuera pas à résoudre la crise.  Il a jugé plus inquiétant encore l’objectif qui semble être discuté dans les coulisses ou dans les capitales.  Il n’est pas nécessaire d’isoler les uns ou les autres, a-t-il estimé, en plaidant au contraire en faveur d’un vrai dialogue, un dialogue franc.


M. Gasana a lancé un appel à toutes les parties en conflit dans le pays pour qu’elles renoncent à toute rhétorique enflammée et encouragent, plutôt, la paix entre tous les partenaires.  Il a invité les deux parties en présence à tenir compte des intérêts mutuels et des intérêts de la population.  Il a demandé à la communauté internationale d’assumer ses responsabilités, d’éviter toute escalade et de respecter les principes de paix et de sécurité.


M. LIU JIEYI (Chine) a estimé que la situation en Ukraine était complexe et sensible.  La communauté internationale devrait, de concert, plaider pour une solution politique à la crise en Ukraine afin de maintenir la paix et la sécurité dans ce pays.  Il faut une solution globale et équilibrée.  La Chine a toujours respecté la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les États.  C’est là l’aspect fondamental de la politique étrangère de la Chine, a-t-il précisé.


La Chine a constaté qu’une ingérence extérieure avait pu contribuer à des affrontements violents dans les rues de l’Ukraine.  Elle dénonce ainsi le non-respect de l’Accord du 21 février.  Il faut, a-t-il insisté, agir dans le cadre de la loi et de l’ordre, favoriser le dialogue, respecter les droits et les intérêts de toutes les communautés et de toutes les régions.


Concernant l’Ukraine, la Chine a toujours fait preuve de justice et d’objectivité, a assuré le délégué.  C’est pourquoi, la Chine continuera de jouer un rôle de médiation et de promouvoir le dialogue.  Le représentant a fait trois suggestions: créer le plus tôt possible un mécanisme de coordination international composé de toutes les parties en présence en vue de trouver une issue pacifique à la crise; toutes les parties doivent s’abstenir de prendre des mesures visant à exacerber la situation; et les institutions financières internationales devraient réfléchir à des mesures permettant à l’Ukraine d’assurer sa stabilité financière.


M. OCTAVIO ERRÁZURIZ GUILISASTI (Chili) a estimé que l’organisation du référendum en Crimée n’était pas conforme à la Constitution de l’Ukraine et a réaffirmé que cette région faisait partie intégrante de l’Ukraine.  Seul le peuple ukrainien peut décider de son avenir par l’intermédiaire d’un processus démocratique ouvert, fondé notamment sur le respect des droits de l’homme et des minorités, a-t-il ajouté.  Le représentant du Chili a déploré qu’en raison du veto, le Conseil n’a pas été en mesure d’honorer sa mission.


Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a estimé qu’il n’était pas utile, pour le Conseil de sécurité, de se prononcer sur « des actes à venir aux conséquences hypothétiques ».  L’Argentine s’est toutefois ralliée au projet de résolution dans l’espoir de trouver une solution pacifique à la crise, a-t-elle expliqué.  La représentante a ainsi appelé les parties concernées à s’abstenir de toute mesure susceptible d’envenimer la situation et de privilégier l’adoption d’une solution négociée.  Les États Membres, a-t-elle rappelé, doivent respecter le principe de non–ingérence dans les affaires internes d’un pays.


M. GARY FRANCIS QUINLAN (Australie) a affirmé que son pays regrettait vivement le fait que le projet de résolution ait été rejeté en raison d’un veto.  L’objectif du texte était de réaffirmer les principes fondamentaux régissant les relations entre États dans le monde de l’après-1945 et les obligations qui forment le noyau de la Charte des Nations Unies: respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les États, l’obligation de s’abstenir de la menace ou de l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, l’illégalité de l’acquisition de territoires par la menace ou l’emploi de la force, et l’obligation de régler les différends par des moyens pacifiques.


Le projet de résolution reflète directement ces normes fondamentales, a-t-il précisé, en jugeant profondément troublante la décision de la Fédération de Russie de s’y opposer.  Pour le représentant de l’Australie, le référendum qui se tiendra demain en Crimée est dangereux et aura des conséquences déstabilisatrices pour la région.  Il n’est ni légal, ni autorisé, a-t-il tenu à rappeler.  La communauté internationale n’en reconnaîtra ni le résultat ni les mesures prises sur la base de ce référendum, a prévenu M. Quinlan.


M. OH JOON (République de Corée) a regretté le veto opposé au projet de résolution concernant l’Ukraine dont était saisi, aujourd’hui, le Conseil de sécurité.  La République de Corée, a-t-il dit, estime que le référendum en Crimée constituerait une violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Il a espéré que le rejet du projet de résolution ne ferme pas la porte à un règlement pacifique de la crise en Ukraine.


Mme JOY OGWU (Nigéria) a réaffirmé que son pays était attaché au respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des États.  Elle a fait observer que le projet de résolution dont était saisi aujourd’hui le Conseil de sécurité se fonde sur des principes de droit international universellement reconnus, ainsi que dans le Mémorandum de Budapest.  Elle a déclaré que sa délégation était fondamentalement opposée au recours à la menace de la force pour régler des différends internationaux.  La représentante a ensuite évoqué l’arrêt de Cour internationale de Justice (CIJ) concernant le différend sur la péninsule de Bakassi, qui opposait son pays au Cameroun, en suggérant que les parties concernant la crise actuelle en Ukraine pourraient peut-être régler leur propre différend en le soumettant à la Cour.  Mme Ogwu a par ailleurs souligné que sa délégation s’opposait à toute déclaration unilatérale par une composante d’un pays qui altérerait la constitution de celui-ci.


M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) a tenu à rappeler que le respect de l’intégrité territoriale des États est un principe fondamental du droit international.  Il s’est dit très préoccupé par l’escalade de la crise en Ukraine, en dépit des appels lancés aux parties pour faire preuve de retenue et rétablir le calme.  Il a estimé qu’il était encore possible pour les parties d’engager un dialogue afin de trouver une issue à la crise, sur la base du respect des droits de l’homme et des droits des minorités.  La sortie de crise doit passer par une solution politique et négociée, a-t-il souligné.


M. ZEID RA’AD ZEID AL-HUSSEIN (Jordanie) a affirmé que son pays s’était prononcé en faveur du projet de résolution car il croit au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’indépendance politique de l’Ukraine et au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État. 


La Jordanie, a-t-il ajouté, réaffirme l’importance de respecter ces principes, ainsi que l’Accord d’amitié, de coopération et de partenariat signé entre l’Ukraine et la Fédération de Russie en 1997.


Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a regretté profondément le fait que le projet de résolution proposé par les États-Unis sur la situation en Ukraine n’ait pas pu être adopté, en raison du vote négatif d’un membre permanent, la « Russie ».  Le Luxembourg a voté en faveur du texte, dont il était également coauteur, car il était axé sur les principes et le dialogue.


Contrairement à ce qu’a dit le délégué russe, le projet de résolution n’avait pas pour objet d’exacerber les tensions, mais de rappeler les buts et principes des Nations Unies, tels qu’ils figurent notamment dans l’Article 2 de la Charte, et de réaffirmer l’attachement du Conseil de sécurité à la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.  Ces principes, a-t-elle dit, devraient faire l’unanimité au sein du Conseil de sécurité.


Le référendum organisé demain en Crimée est contraire à la Constitution de l’Ukraine, qui dispose que le territoire de l’Ukraine est indivisible et inviolable.  Le référendum est également contraire à la Constitution de la République autonome de Crimée, a rappelé Mme Lucas, en soulignant que la communauté internationale ne saurait reconnaître son résultat d’aucune manière.  Pour Mme Lucas, si ce référendum devait avoir lieu, il constituerait un acte unilatéral qui risquerait de déstabiliser très gravement l’Ukraine et toute la région.  Il s’inscrit dans un engrenage néfaste. 


Le projet de résolution, s’il avait été adopté, aurait contribué à arrêter cet engrenage néfaste et la surenchère nationaliste qui l’accompagne.  Le vote d’aujourd’hui est donc un échec.  C’est un échec pour le Conseil de sécurité et les Nations Unies.  C’est un échec pour l’Ukraine, mais c’est aussi un échec pour la « Russie », a-t-elle martelé.


Même s’ils n’ont pas encore porté leurs fruits, les efforts diplomatiques doivent néanmoins se poursuivre pour aboutir à une solution qui respecte l’indépendance politique, la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans l’intérêt de la paix, de la stabilité et de la prospérité en Europe, a conclu la représentante du Luxembourg.


M. YURIY SERGEYEV(Ukraine) a indiqué que son pays avait réellement besoin du soutien du Conseil de sécurité et a tenu à remercier tout particulièrement les pays qui sont garants du respect du Mémorandum de Budapest.  Il a fait observer que la Fédération de Russie, autre garant de ce texte, avait agi en violation de ses propres obligations.


Le représentant a ensuite indiqué qu’il avait reçu un appel téléphonique il y a 40 minutes l’informant que des forces russes, à partir du sud de la Crimée, étaient entrées dans le reste du territoire de l’Ukraine.  Ce développement est un nouveau danger créé par la Fédération de Russie, s’est alarmé le représentant, qui a appelé les États Membres à faire tout leur possible pour stopper « l’agresseur».  Le veto de la Fédération de Russie n’est pas une surprise, a-t-il dit.  Le représentant ukrainien a accusé la Fédération de Russie de s’opposer à toute mesure destinée à appuyer la paix et la sécurité, comme par exemple en Syrie.


La Fédération de Russie dit avoir obtenu son droit de veto avec le sang qu’elle a versé lors de la Deuxième Guerre mondiale, a poursuivi le représentant ukrainien, en s’exprimant cette fois en russe.  C’est aussi avec le sang des Géorgiens et des Ukrainiens, a-t-il rappelé.  Après le sang qu’elle a fait couler en Géorgie en 2008, la Fédération de Russie a maintenant du sang ukrainien sur les mains, s’est-il exclamé.  Le représentant a toutefois émis l’espoir qu’il sera un jour possible de mettre un terme à ces « actes inacceptables ».  Il s’est dit optimiste pour l’avenir de son pays car la véritable voix de la Fédération de Russie, a-t-il souligné, est celle qui s’exprime dans les rues de Saint-Pétersbourg, de Moscou et d’Ekaterinbourg pour défendre l’intégrité territoriale de l’Ukraine. 


Achevant son intervention en anglais, il s’est félicité de l’unité dont a fait preuve, selon lui, la communauté internationale.


M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie), qui a repris la parole, a estimé que son collègue ukrainien avait franchi toutes les frontières admissibles.  Il a rappelé que le sang versé à Kiev était le fait des responsables du coup d’État.  Les événements et la position de la Fédération de Russie ont été présentés de manière déformée, a-t-il soutenu.


M. Churkin a affirmé que son collègue français n’avait visiblement pas pris note, dans son intervention, de la violence qui a eu lieu en Ukraine, tout comme il n’avait pas eu connaissance des événements qui se sont produits récemment à Kharkov où deux habitants ont été tués par des Ukrainiens. 


Le délégué russe a prévenu que la violence risquait de s’étendre à d’autres régions de l’Ukraine.  Il a également critiqué la représentante des États-Unis lorsqu’elle a notamment évoqué la « Pravda », en lui faisant remarquer que les États-Unis devraient, avant tout, montrer la vérité de leur rôle dans la crise en Ukraine.


M. Churkin a lancé à tous un appel pour que l’on s’éloigne de la confrontation et que l’on s’engage sur la voie d’une coopération constructive, dans l’intérêt des populations, y compris celles des régions de l’est et du sud-est.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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