CS/11092

Le nouveau Chef du BINUCA décrit une situation en République centrafricaine « très volatile et imprévisible »

14/08/2013
Conseil de sécuritéCS/11092
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Conseil de sécurité                                        

7017e séance – matin   


LE NOUVEAU CHEF DU BINUCA DÉCRIT UNE SITUATION EN RÉPUBLIQUE

CENTRAFRICAINE « TRÈS VOLATILE ET IMPRÉVISIBLE »


La communauté internationale doit tirer les conséquences

de l’effondrement total du pays, déclare le représentant de la République centrafricaine


Le Représentant du Secrétaire général en République centrafricaine, M. Babacar Gaye, a affirmé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que la situation générale dans le pays était « très volatile et imprévisible », même si des progrès avaient été accomplis sur le plan politique.  Pour le Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA), le problème de la sécurité « demeure de loin la plus urgente des priorités » à résoudre.


« L’État centrafricain s’est totalement effondré », a témoigné, de son côté, le Représentant permanent de la République centrafricaine auprès des Nations Unies, M. Charles Armel Doubane, qui a appelé la communauté internationale à en « tirer les conséquences » et à « prendre ses responsabilités ».


La Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence, Mme Valerie Amos, et le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović, qui viennent tous deux de visiter la République centrafricaine, ont également rendu compte, devant le Conseil de sécurité, de la situation sur le terrain.


M. Gaye, qui présentait le rapport* du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine, est arrivé à Bangui le 9 juillet, en remplacement de Mme Margaret Vogt.


Dans son rapport, le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, se dit « profondément préoccupé par l’état de sécurité dans le pays caractérisé par la faillite totale de l’ordre public, plus de quatre mois après le changement de régime inconstitutionnel survenu le 24 mars 2013 », cet état de fait étant, selon lui, « inacceptable ».


« Il est indispensable de mettre un terme aux souffrances de la population », ajoute M. Ban, pour qui « la situation appelle d’urgence l’attention de la communauté internationale ».  « Il faut en priorité rétablir la paix et la sécurité à Bangui et dans l’ensemble du pays », assure le Secrétaire général.


Sur le plan politique, son Représentant spécial a invité le Président autoproclamé, M. Michel Djotodia, le Premier Ministre, M. Nicolas Tiangaye, et le Président du Conseil national de transition (CNT) à « travailler ensemble pour éliminer de toute urgence leurs divergences », lesquelles, si elles ne sont pas surmontées, « risquent de compromettre les progrès réalisés jusqu’à présent et d’aggraver sérieusement la crise dans le pays ».


M. Gaye a insisté sur l’importance de s’entendre sur une feuille de route et un calendrier « pour mettre fin à la période de transition et organiser des élections ».  Il convient également de s’attaquer à la question de l’impunité et d’assurer une assistance appropriée aux populations dans le besoin.


Dans son exposé, le général Gaye a en particulier indiqué que, le 19 juillet, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine avait autorisé le déploiement, pour une période initiale de six mois, de l’opération de soutien à la paix sous conduite africaine (AFISM-CAR), à compter du 1er août 2013.


La nouvelle mission aura un effectif total de 3 652 membres du personnel civil et militaire, principalement composée des contingents qui servent actuellement au sein de la Mission de consolidation de la paix en République centrafricaine (MICOPAX), force de maintien de la paix de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).


Elle aura pour mandat de protéger les civils et de rétablir la sécurité et l’ordre public, de rétablir l’autorité de l’État, de réformer et de restructurer le secteur de la défense et de sécurité, et de créer les conditions propices à la fourniture d’une assistance humanitaire aux populations dans le besoin.


Le Représentant spécial s’est félicité de la mise en place de la mission de l’Union africaine et a encouragé le Conseil de sécurité à lui apporter son plein appui.  Il a espéré que son déploiement prochain constituera « l’effet de levier nécessaire pour mettre fin à l’anarchie et au chaos à Bangui et dans les provinces ».


Mme Amos s’est, elle, inquiétée du fait que la situation humanitaire avait connu une « détérioration dramatique », en précisant que l’on faisait non plus face à une crise de pauvreté à long terme et de vulnérabilité chronique, mais à une « situation d’urgence complexe » caractérisée, a-t-elle précisé, « par la violence, des besoins urgents et des questions de protections sérieuses ».


La Secrétaire générale adjointe a averti que si on répondait à cette crise de manière inadéquate, elle risquait de se propager au-delà des frontières de la République centrafricaine et de déstabiliser encore davantage une région qui, a-t-elle constaté, « fait déjà face à des défis de taille ».


L’ensemble des 4,6 millions d’habitants que compte la République centrafricaine ont été affectés par la crise, dont 1,6 million de personnes qui ont « désespérément » besoin d’aide, a expliqué Mme Amos.  Elle a indiqué que 206 000 personnes avaient été déplacées et 60 000 autres avaient trouvé refuge dans des pays voisins dont deux tiers en République démocratique du Congo (RDC), sans compter les nombreuses personnes qui continuent de se cacher dans la brousse sans accès aux services de base ni à l’eau portable.


En outre, a-t-elle ajouté, 650 000 enfants ne sont plus scolarisés du fait de l’occupation des écoles par des groupes armés et 484 000 personnes vivent dans une situation de grave insécurité alimentaire.  Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), 3 500 enfants ont été recrutés par les forces et des groupes armés.


Mme Amos a également exprimé ses graves préoccupations au sujet d’informations faisant état de violences sexuelles répandues.


Mme Amos a ensuite livré ses commentaires sur l’« insécurité persistante » dans le pays et la dégradation de l’infrastructure qui, a-t-elle estimé, « posent des défis de taille à la réponse humanitaire ».  Elle a toutefois indiqué que près de 160 000 personnes avaient pu obtenir une aide alimentaire, 590 000 personnes avoir accès à l’eau et à des programmes d’assainissement et 200 000 à des soins de santé.  Elle a précisé que le redéploiement du personnel de l’ONU au-delà de la capitale, notamment à Paoua, Bouar, Kaga Bandoro et Bambari, avait commencé le 10 août.


Mme Amos a aussi salué l’engagement des autorités de la République centrafricaine à coopérer avec les acteurs humanitaires pour faire face aux défis actuels, se félicitant notamment de leur engagement à garantir la sécurité du personnel humanitaire et à faire du rétablissement de la sécurité et des initiatives de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) leurs principales priorités.


Des défis persistent du fait de l’ampleur du nombre des forces de la Séléka, du manque de contrôle de ces dernières et de la présence de combattants venus de pays étrangers, a-t-elle fait cependant remarquer.


Pour la Coordonnatrice des secours d’urgence, l’aide humanitaire ne saurait être une solution à long terme pour les défis complexes que connaît la République centrafricaine.  Elle a préconisé, au contraire, le rétablissement de la sécurité pour ensuite insister sur la nécessité de répondre aux besoins humanitaires, de redressement et de développement du pays.


Mme Amos a également engagé les autorités à faire davantage pour assurer la protection des civils et à respecter les droits de l’homme en veillant notamment à la libération et à la réintégration des enfants associés avec des groupes armés.


Elle a ensuite exhorté le Conseil de sécurité à examiner « de manière urgente » la demande d’appui formulée par l’Union africaine au sujet de sa nouvelle mission de maintien de la paix.


Il est important d’augmenter le financement, a-t-elle insisté, en faisant observer que seulement 32% des 195 millions de dollars nécessaires avaient été collectés à ce jour et que des secteurs clefs, notamment l’eau, l’assainissement et l’hygiène, n’avaient reçu que 10% des fonds nécessaires. 


La Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires a ensuite appelé le Conseil de sécurité à appuyer les efforts déployés par les autorités centrafricaines pour accélérer le retour des fonctionnaires publiques dans les régions en dehors de la capitale.


Pour sa part, M. Ivan Šimonović, a concentré son intervention sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine.  « À l’heure actuelle, alors que la sécurité à Bangui s’est améliorée, dans le reste du pays l’État est presque inexistant », a-t-il dit.  « Il n’y a ni sécurité, ni état de droit, ni police, ni procureurs, ni juges, mais les forces non payées de la Séléka sont partout, paradant avec orgueil et extorquant de l’argent ou pillant là où ils passent », a alerté le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme.


« La plupart des hôpitaux et des écoles ne fonctionnent pas et ont été pillés », tandis que « la peur est omniprésente partout », a-t-il ajouté.


« Afin de renforcer le suivi et l’établissement des rapports nationaux, il est essentiel d’établir d’urgence la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales », a également souligné M. Šimonović, qui a proposé six recommandations au Conseil de sécurité et à la communauté internationale.


Il a ainsi mis l’accent sur la nécessité d’« assurer rapidement la sécurité » et de « protéger la population contre de nouvelles violations des droits de l’homme », de déployer une « force internationale avec un mandat fort de protection » en vue de « fournir immédiatement la sécurité », de « protéger la population dans tout le pays », de « restaurer l’état de droit » et de « créer des conditions favorables à la tenue d’élections libres et équitables dans les 18 à 24 mois, comme prévu dans les Accords de Libreville ».


Il est ainsi urgent, a-t-il estimé, de « renforcer le volet des droits de l’homme du BINUCA », celui-ci ayant, dans son état actuel, une « capacité insuffisante pour contrôler, vérifier et faire rapport sur les violations des droits de l’homme à travers le pays ». 


Pour surmonter la crise humanitaire, « l’aide internationale urgente est nécessaire », a poursuivi M. Šimonović.  Pour prévenir d’autres violations graves des droits de l’homme, il a notamment demandé au Conseil de sécurité d’envoyer un « message clair » aux commandants militaires et aux autorités transitoires qui, en vertu du droit international, sont « pénalement responsables de la prévention des crimes ».


Enfin, dans la perspective de futures élections, il a plaidé en faveur d’un « consensus national » autour de la nécessité de garantir des gouvernements inclusifs, d’assurer le développement égal de toutes les régions et d’empêcher la discrimination des personnes sur la base de leur origine ethnique, de leur religion ou de leur appartenance politique.


Le délégué de la République centrafricaine a, quant à lui, rappelé qu’hier, son pays avait commémoré le cinquante-troisième anniversaire de son indépendance, en précisant que ces « 53 ans avaient été marqués par la disparition progressive de l’État ».


« Le 24 mars 2013 a donné le coup de grâce à ce qui restait d’un État fragile », a rappelé M. Doubane, en tenant à préciser que la République centrafricaine n’avait « plus d’armée nationale, plus de tribunaux en dehors de Bangui, plus d’archives nationales, plus d’état civil » et était livrée « comme butin de guerre à ceux qui se sont érigés comme administrateurs, percepteurs d’impôts ou commandants de zone ». 


De même, « l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) reste un fléau à éradiquer », a-t-il poursuivi, en demandant à ne pas baisser la garde dans la traque de ce groupe « tant que cette situation chaotique ne sera pas résolue et que justice ne sera pas rendue à toutes ses victimes ».


« La population centrafricaine, toujours en détresse, a les yeux tournés vers vous », a lancé le délégué aux membres du Conseil de sécurité.  « Elle attend de vous la paix et la sécurité, pour retourner chez elle en Centrafrique, pour sortir de la brousse et rentrer au village, pour envoyer ses enfants à l’école.  Elle ne veut plus avoir peur pour ses fils et filles. »


Pour M. Doubane, « la gravité de la situation en République centrafricaine exige une plus grande mobilisation et implication de la communauté internationale ».  Le peuple centrafricain, a-t-il dit, attend d’elle qu’elle facilite le « déploiement rapide » des troupes de la future mission internationale de soutien à la République centrafricaine, « une force dotée d’un mandat clair du Conseil de sécurité, des moyens conséquents pour pacifier tout le territoire ».


Le Conseil, a-t-il ajouté, doit prendre des sanctions à l’encontre des auteurs de graves violations des droits de l’homme et, avec les autres partenaires, « piloter l’impérieuse reconstruction économique et sociale du pays ».  Il a aussi demandé que le Conseil « désigne, ou tout au moins suscite en son sein, un pays parrain porteur du cas centrafricain ».


M. Doubane a appelé le Conseil de sécurité à redonner « ici et maintenant l’espoir au peuple centrafricain ».  « Aidez à faire renaître une République centrafricaine nouvelle.  Aidez à la construction à nouveau, au cœur de l’Afrique, d’un État moderne, de paix, de sécurité, de stabilité, où il fait bon vivre », a conclu le représentant de la République centrafricaine.


* S/2013/470


LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE


Rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine (S/2013/470)


Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, dans ce rapport, qui couvre la période allant du 3 mai au 31 juillet 2013, fait le point de la situation en République centrafricaine et des activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA).


M. Ban se dit profondément préoccupé par l’état de sécurité dans le pays caractérisé par la faillite totale de l’ordre public, plus de quatre mois après le changement de régime inconstitutionnel survenu le 24 mars 2013.  Cet état de fait est, dit-il, inacceptable.


Il est indispensable de mettre un terme aux souffrances de la population, souligne le Secrétaire général, pour qui la situation appelle d’urgence l’attention de la communauté internationale.  Il faut en priorité rétablir la paix et la sécurité à Bangui et dans l’ensemble du pays.


C’est pourquoi, il invite le Conseil de sécurité à envisager toutes solutions appropriées, y compris l’imposition de sanctions ou la création d’un groupe d’experts, le but étant qu’aucune violation flagrante des droits de l’homme n’échappe à la justice.


M. Ban fait état de quelques progrès concernant la mise en place d’institutions de transition conformément aux décisions de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), en citant la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale et l’élargissement de la composition du Conseil national de transition.


Le Secrétaire général salue également la décision prise par l’Union africaine d’établir une nouvelle opération de soutien à la paix, la Mission internationale de soutien à la République centrafricaine, qui est investie d’un mandat robuste et adossée aux contingents existants de la CEEAC.


Il demande à l’Union africaine de pourvoir à l’équilibre régional des troupes, d’aider à rétablir la sécurité à Bangui et dans l’ensemble du pays dès que possible, d’assigner à la Mission la tâche de protéger le personnel des Nations Unies et le personnel international et encourage également le Conseil de sécurité à apporter son plein appui à la Mission.


M. Ban se déclare en outre préoccupé par la récente recrudescence d’activités de la part de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) en République centrafricaine, à la faveur de l’insécurité dans le pays.  Tout en se félicitant de la décision prise par l’Union africaine de proroger, jusqu’en mai 2014, le mandat de la Force régionale d’intervention, il constate que deux missions distinctes d’appui à la paix seront à pied d’œuvre en République centrafricaine. 


Il demande instamment à l’Union africaine de veiller à instituer un mécanisme d’échange d’informations et de coordination opérationnelle entre la Mission internationale de soutien sous direction africaine et la Force régionale d’intervention.


De même, il souligne qu’il est important d’organiser une vaste entreprise nationale de désarmement, de démobilisation et de réintégration de tous les combattants centrafricains, y compris éventuellement les éléments de milices, l’entreprise devant également s’étendre aux forces gouvernementales pour venir compléter la réforme générale du secteur de la sécurité.


Par ailleurs, la situation des droits de l’homme en République centrafricaine demeure un grave sujet de préoccupation car, observe le Secrétaire général, on continue de faire état, jour après jour, de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire à Bangui et à l’extérieur de la ville.


Les mesures arrêtées par les autorités de transition face à la situation tardent à se traduire sur le terrain, l’État n’ayant guère les moyens de sa politique.  Les menaces contre les défenseurs des droits de l’homme, les atteintes à la liberté de circulation, l’insécurité et la faillite de l’ordre public, notamment à l’extérieur de Bangui, font le lit de l’impunité.  La population civile, qui est déjà aux abois, s’en trouve davantage exposée à cette situation.


Par ailleurs, le manque de ressources, notamment pour constater les allégations de violations des droits de l’homme et en rendre compte, vient encore entamer l’aptitude de l’ONU à s’acquitter véritablement de sa mission de protection de la population civile en République centrafricaine.


Pour la communauté humanitaire, l’accès aux populations sinistrées et à des sources de financement demeure les deux priorités majeures à satisfaire afin de pouvoir répondre comme il se doit à des attentes extraordinaires.  Il est indispensable de mieux agir dans la coordination pour atténuer les souffrances de la population.


Compte tenu de l’ampleur des tâches à accomplir et des obstacles à surmonter et l’évolution de la situation dans le pays, il faudra doter le BINUCA de moyens accrus et de ressources additionnelles pour lui permettre de tenir le pari dans ces domaines prioritaires, assure le Secrétaire général.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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