AG/11409

L’Assemblée générale cherche des solutions à l’opacité, au manque de concurrence et aux conflits d’intérêts qui caractérisent les agences de notation

10/09/2013
Assemblée généraleAG/11409
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Soixante-septième session

Débat thématique                                          

matin & après-midi                                         


L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE CHERCHE DES SOLUTIONS À L’OPACITÉ, AU MANQUE DE CONCURRENCE

ET AUX CONFLITS D’INTÉRÊTS QUI CARACTÉRISENT LES AGENCES DE NOTATION


Moody’s, Fitch Ratings, Bain Capital, Standard & Poors, ces agences de notation qui, d’un A ou d’un D, peuvent ouvrir ou barrer l’accès des États au crédit, étaient toutes là aujourd’hui pour répondre aux critiques, au cours d’un débat inédit de l’Assemblée générale sur leur rôle dans le système financier international.  Caractère oligopolistique, méthodologie opaque, manque de concurrence ou conflits d’intérêts, telles sont les principales accusations auxquelles elles ont dû faire face.


Ce débat intervient quelques jours à peine après le Sommet du G-20 de Saint-Pétersbourg où les dirigeants de la planète ont adopté une Déclaration demandant d’accélérer les progrès pour réduire la dépendance à l’égard des agences de notation.  Une dépendance, a commenté le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, qui a conduit à une situation où les notes commencent à dicter la répartition des capitaux et à servir de « critère absolu » de la stabilité financière.


Ces agences, a renchéri, à son tour, le Président de l’Assemblée générale, dont les fonctions sont d’améliorer la prévisibilité et de réduire les risques, sont sans conteste devenues une partie intégrante du paysage financier international.  Mais, la consolidation de leur rôle est venue avec son lot de critiques, en particulier sur le grave impact qu’elles peuvent avoir, a dit le Président en pensant à leur action ou leur passivité face à la crise mexicaine de 1994, à la crise asiatique de la fin des années 90 et même à celle plus récente qui a frappé la zone euro.  


Le Président de l’Assemblée a donc posé quelques questions.  Faut-il, pour réduire la dépendance à leur égard, changer fondamentalement les mécanismes de régulation financière?  La structure de gouvernance de l’industrie de la notation est-elle adéquate, compte tenu du rôle central des agences dans la régulation financière?  Y a-t-il un conflit d’intérêts implicite dans le modèle actuel de rémunération de ces agences?  Comment l’actuel système de notation affecte les pays en développement? 


Ce sont là les questions auxquelles ont tenté de répondre les États et les experts, du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale, entre autres, au cours des deux tables rondes organisées dans l’après-midi.


Dans son message, le Secrétaire général de l’ONU a donné comme éléments de réponse la correction des faiblesses méthodologiques des agences, l’amélioration de leur transparence, la suppression des conflits d’intérêts sans oublier la nécessité de prêter une attention accrue aux pays en développement.  


« La raison d’être de ce mécanisme « pervers » est inacceptable et a une trop grande incidence sur la viabilité de la dette », a dénoncé le représentant de Fidji, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, en ironisant devant l’aveuglement des agences de notation comme l’ont montré les faillites d’Enron, de Worldcom sans compter la crise de l’immobilier aux États-Unis.  « Même s’il n’a jamais été possible de déceler toute la sophistication dont font preuve les entreprises pour masquer leurs chiffres, la notation a été globalement efficace », a argué le Directeur général de Bain Capital. 


La représentante de l’Argentine a tout de même souligné que trois agences contrôlent à elles seules 90% des revenus mondiaux et qu’elles peuvent de ce fait exercer des pressions sur des États souverains.  Le Vice-Ministre russe des affaires étrangères a réitéré la proposition de son pays de créer une plateforme mondiale de notation qui recueillerait des informations complètes et permettrait aux acteurs du marché d’accéder non seulement à toutes les notes données par les principales agences mais aussi à toutes les informations fournies par les émetteurs. 


Il a également préconisé la création d’une liste mondiale des agences, laquelle serait fondée sur l’opinion du Conseil de la stabilité financière qui mènerait une évaluation factuelle des « matrices de transition » utilisée pour la notation. 


Le Président de l’Assemblée générale est revenu pour sa part sur la suggestion du Secrétaire général visant « la création au sein du système des Nations Unies d’un observatoire des prestataires de services de notation de crédit, qui aurait notamment pour tâche de certifier les produits de notation de crédit et de dégager un consensus sur les normes internationales à appliquer aux méthodes de notation ». 


Une mise en garde contre « une trop grande bureaucratisation du système » a été lancée par le Président Directeur général de Fitch Ratings.  Après les « enseignements pénibles » de ces cinq dernières années, il a assuré que les agences de notation continuent de modifier leurs méthodes et procédures, tout en regrettant que de nombreux acteurs du marché choisissent d’ignorer les notes données par les agences comme la sienne.


Son homologue de Standard & Poors a insisté sur le fait que les agences permettent d’ajouter aux marchés des liquidités qui n’existeraient pas autrement.  Leur rôle le plus important est d’appuyer le développement dans son ensemble, a-t-il affirmé.

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La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.



DÉBAT THÉMATIQUE SUR LE THÈME « LE RÔLE DES AGENCES DE NOTATION DANS LE SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL »


Déclarations liminaires


Le Président de la soixante-septième session de l’Assemblée générale, M. VUK JEREMIĆ, a souligné que c’est la toute première fois qu’une telle question critique de gouvernance économique est débattue par le forum mondial que sont les Nations Unies, et ce, dans le cadre de l’égalité souveraine offerte par l’Assemblée générale.  Au cours de ces dernières décennies, a-t-il fait observer, l’importance des agences de notation s’est fortement accrue; leurs notes ayant désormais un lien intrinsèque avec les investissements, la règlementation bancaire et les règles de garanties, à travers le monde.


Les agences de notation sont sans conteste devenues une partie intégrante du paysage financier international dont les fonctions sont d’améliorer la prévisibilité et de réduire les risques.  Leurs évaluations, a insisté le Président, peut sceller ou rompre un contrat ou tout du moins, influencer, de manière déterminante, les coûts et les risques du financement dudit contrat. 


Toutefois, la consolidation du rôle de ces agences est venue avec son lot de critiques, en particulier sur le grave impact qu’elles peuvent avoir sur la stabilité financière.  Certains disent que ces agences n’ont pas vraiment vu venir la dévaluation au Mexique en 1994 et encore moins les circonstances financières qui ont conduit à la crise asiatique de la fin des années 90.  S’agissant de cette dernière, certains accusent même les agences d’avoir eu, après coup, une réaction alarmiste qui n’a fait qu’empirer les choses.  Les mêmes critiques ont été faites pendant la crise de la zone euro. 


D’autres encore ont attribué la crise économique mondiale de 2008 au fait que ces agences sont payées par les émetteurs, ce qui a donné lieu à un accès irrationnel aux crédits.  Mais, a reconnu le Président, d’autres diront que la prétendue instabilité imputable aux agences devrait plutôt être attribuée aux gouvernements qui n’ont pas su réguler les marchés.  En effet, a-t-il reconnu, les agences de notation sont censées soutenir les bons investissements et non les remplacer.  En tant qu’entreprises à but lucratif, elles ne devraient avoir à analyser les conséquences de leurs décisions. 


Une telle divergence de vues souligne la nécessité d’un examen objectif du rôle futur des agences de notation dans le système financier international, a estimé le Président qui a pris note des nombreuses mesures qui ont déjà été prises, entre autres par le Conseil de la stabilité financière ou les signataires du troisième Accord de Bâle. 


Mais il faut faire plus, a aussi estimé le Président.  Le statu quo est à peine tenable.  Il revient aux États, a-t-il encouragé, d’examiner la manière dont on peut améliorer le fonctionnement des agences de notation ou au moins atténuer les conséquences potentielles des erreurs qu’elles pourraient commettre à l’avenir.


Le Président a alors posé quelques questions.  Faut-il, pour réduire la dépendance vis-à-vis des agences de notation, changer fondamentalement les mécanismes de régulation financière?  La structure de gouvernance de l’industrie de la notation est-elle adéquate, compte tenu du rôle central de ces dernières dans la régulation financière?  Y a-t-il un conflit d’intérêts implicite dans le modèle actuel de rémunération des agences?  Comment l’actuel système de notation affecte les pays en développement? 


S’agissant de ces derniers, le Président a en effet relevé que le fait qu’ils soient nombreux à ne pas être notés diminue d’autant plus le nombre de leurs investisseurs potentiels. 


Ce débat, a conclu le Président, se tient dans le cadre des efforts visant à définir les paramètres du programme de développement pour l’après-2015.  Après avoir rappelé les recommandations économiques et financières de la Conférence Rio+20 sur le développement durable, le Président a estimé qu’un programme de développement unique, inclusif et totalement cohérent exige des efforts soutenus pour faire en sorte que les activités du monde économicofinancier complètent celles des Nations Unies. 


Le travail des agences de notation pourrait avoir un réel impact sur le mandat qu’a l’Assemblée générale de conceptualiser une transition universelle vers la viabilité.  Le Président a ainsi attiré l’attention sur la suggestion du Secrétaire général visant « la création au sein du système des Nations Unies d’un observatoire des prestataires de services de notation de crédit, qui aurait notamment pour tâche de certifier les produits de notation de crédit et de dégager un consensus sur les normes internationales à appliquer aux méthodes de notation ». 


M. WU HONGBO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, faisant lecture d’un message du Secrétaire général des Nations Unies, a fait observer que le rôle des agences de notation s’est élargi avec la mondialisation financière, reflétant ainsi le besoin croissant de déterminer si et à quel coût, les gouvernements et les entreprises peuvent avoir accès au capital.  Les notes des agences de notation font maintenant partie intégrante des règles et règlements financiers, à l’échelle internationale.


M. Wu a évoqué la participation du Secrétaire général au dernier Sommet du G-20 où les dirigeants de la planète ont adopté une Déclaration demandant d’accélérer les progrès pour réduire la dépendance aux agences de notation.  La Déclaration demande aussi plus de transparence et plus de concurrence entre ces agences.  Il y a plusieurs défis, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, que la communauté internationale doit relever pour faire en sorte que les agences de notation fassent une contribution positive à la stabilité du système financier international et encouragent les investissements nécessaires au développement durable.  Ces défis incluent la correction de leurs faiblesses méthodologiques, l’amélioration de la transparence, l’abandon des conflits d’intérêts et une attention accrue aux pays en développement.  


M. VASSILY NEBENZIA, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a estimé que la dépendance aux agences de notation a conduit à une situation où les notes commencent à dicter la répartition du capital et à servir de « critère absolu » de la stabilité financière.  Les États perdent leur pouvoir sur l’économie, en particulier leur marge de manœuvre dans les politiques monétaires et de crédit, ce qui diminue leur faculté de mettre en place des mesures anticrise efficaces.  Après avoir rappelé les notes incompréhensibles d’Enron ou de Worldcom avant leur faillite, le Vice-Ministre a dénoncé le caractère oligopolistique de ces agences et surtout leur tendance à fusionner avec les principaux émetteurs. 


Il a alors fait part des efforts de son pays pour contrer ces tendances et attiré l’attention sur la création par des entreprises américaines, chinoises et russes de l’agence de notation « Universal Credit Rating Group ».  Le Vice-Ministre est aussi revenu sur la Déclaration du dernier Sommet du G-20, lequel veille au suivi des principes du Conseil de la stabilité financière.  Mais, a avoué le Vice-Ministre, les problèmes de l’utilisation « mécanique » des notes et des conflits d’intérêts restent intacts. 


Présidente du G-20, a-t-il rappelé, la Fédération de Russie a proposé la création d’une plateforme mondiale de notations qui recueillerait des informations complètes et permettrait aux investisseurs, aux régulateurs et aux acteurs du marché d’accéder à toutes les notes données par les principales agences nationales et internationales mais aussi à toutes les informations données par les émetteurs à une agence de notation.  La plateforme, a reconnu le Vice-Ministre, serait plus efficace si les agences de notation acceptaient d’adopter une même échelle de notes, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui.  On pourrait ainsi comparer les différentes notes et s’assurer de plus de transparence.


Les agences de notation devraient être évaluées régulièrement, a aussi proposé le Vice-Ministre.  Ainsi, on pourrait établir une liste mondiale des agences qui serait tout aussi régulièrement actualisée en fonction de leur évaluation.  La liste comprendrait toutes les agences, des plus connues aux moins connues, et serait fondée sur l’opinion du Conseil de la stabilité financière qui mènerait une évaluation factuelle des « matrices de transition » utilisée pour la notation.  Les agences qui n’auraient pas satisfait à l’évaluation seraient alors exclue de la liste. 


Une telle liste, a plaidé le Vice-Ministre, ajouterait à la concurrence entre agences, et donc à la transparence et à la confiance des acteurs du marché.  Ces idées qui ont été avancées lors d’un séminaire organisé au mois de juin dernier par la Fédération de Russie, ont été reflétées dans le Communiqué final de la Réunion des Ministres des finances et des Gouverneurs de banque centrale, a indiqué le Vice-Ministre. 


Il a aussi estimé que le Conseil de la stabilité financière pourrait être aussi un Comité de surveillance qui encouragerait les agences de notation à faire preuve de prudence et la concurrence entre elles.


M. PAUL TAYLOR, Président-Directeur général de « Fitch Ratings », a indiqué que la majorité de ses clients sont des investisseurs publics, et a défendu le travail des agences de notation comme consistant à améliorer la transparence et l’efficacité de marchés, en d’autres termes, à rassurer les créanciers.  Il a donc regretté que de nombreux acteurs du commerce international choisissent d’ignorer les notes données par les agences comme la sienne.


Face à la publicité négative dont elles viennent de faire l’objet, M. Taylor a avancé le chiffre selon lequel moins de 0,25% des entreprises évaluées par Fitch ont fait faillite.  Il a fait observer que le nombre élevé de banques en faillite reste très faible par rapport au nombre total des banques dans le monde.  De nombreuses banques ont vu leur note diminuée à cause de l’intervention de l’État et donc d’une dépendance accrue aux obligations publiques.


Les notes sont une source utile d’informations pour les investisseurs, a-t-il plaidé tout en assurant que les agences de notation continuent de modifier leurs méthodes et procédures après les « enseignements pénibles » de ces cinq dernières années.  Cela étant, nous ne pourrons jamais prévoir tous les problèmes, car cela reviendrait à lire l’avenir, a-t-il aussi assuré.


M. Taylor a également avoué qu’il sera difficile d’éliminer dans leur intégralité l’ensemble des conflits d’intérêts et prévenu que la création d’une « concurrence artificielle » serait contreproductive.  La crise, a-t-il souligné, a rappelé aux acteurs du marché la nécessité d’avoir accès à un large éventail d’informations.


Alors que les agences de notation étaient très peu réglementées par le passé, elles le sont beaucoup plus aujourd’hui, a-t-il conclu, tout en mettant en garde contre les risques d’une trop grande bureaucratisation du système.


M. STEPHEN PAGLIUCA, Directeur général de Bain Capital, a indiqué que sa société est présente en Europe, aux États-Unis mais aussi dans des pays comme l’Inde.  Les agences, a-t-il plaidé à son tour, aident les gouvernements et les entreprises à accéder aux capitaux, et comme la mondialisation du commerce a compliqué le calcul des risques, a soutenu le Directeur général, le travail des agences de notation a pris de l’importance ces dernières années.  Lorsque l’on examine le système de notation, il faut, a-t-il argué, regarder chacun des trois segments que sont la dette commerciale, la dette souveraine et le financement structuré.  Même s’il n’a jamais été possible de déceler toute la sophistication dont font preuve les entreprises pour masquer leurs chiffres, la notation a été globalement efficace. 


Aujourd’hui, a dit constater le Directeur général, de nombreux acteurs du marché veulent des matrices communes pour les trois segments mais il faut savoir que noter la dette souveraine est plus compliquée car les mesures gouvernementales comme la politique monétaire doivent être prises en compte.  Quant au financement structuré, il a joué un rôle pour rapprocher créditeurs et créanciers mais ce segment s’est accru si rapidement que les agences de notation ont du mal à suivre.  En tout état de cause, a conseillé le Directeur général, les investisseurs devraient aussi faire leur propre enquête plutôt que de se reposer totalement sur les agences externes.  


M. DOUG PETERSEN, Président de Standard & Poors, a indiqué que son agence avait été créée dans les années 1860 et qu’elle s’occupait d’un portefeuille de 60 milliards de dollars.  Les notations, a-t-il plaidé aussi, permettent aux villes et pays de se développer et de juger la solvabilité d’un émetteur.  Les indications fournies visent le long terme et traitent uniquement de la qualité du crédit.  Le Président a tout de même reconnu l’importance de fournir un avis cohérent et d’assurer la transparence de la méthodologie employée, même si, citant un rapport du Fonds monétaire international (FMI), il a insisté sur le fait que les agences permettent d’ajouter aux marchés des liquidités qui n’existeraient pas autrement et qu’elles proposent des analyses comparables.  Leur rôle le plus important est d’appuyer le développement dans son ensemble, a-t-il affirmé.


L’époque actuelle, a argué M. Petersen, est caractérisée par une plus grande transparence et une plus grande responsabilisation des agences de notation.  Admettant que ces dernières n’ont pas prévu l’effondrement du marché de l’immobilier aux États-Unis, il a assuré que depuis 2007 Standard & Poors avait investi une somme de 400 millions de dollars dans l’amélioration de son système d’analyse.  Notre direction a été changée et une politique contre les conflits d’intérêts est entrée en vigueur.  Après la crise, Standard & Poors a également décidé de procéder à un roulement des analystes dont la formation a été améliorée.  Aujourd’hui, l’obtention de la meilleure note est de plus en plus difficile.


Le Président a « appuyé entièrement » le nouveau système mis en place par l’Union européenne pour renforcer la transparence et la supervision des agences de notation.  Le paysage réglementaire des agences a été transformé de manière irrévocable, a-t-il insisté, avant de souligner la détermination de son entreprise à rendre ses notes plus stables et plus comparables.


M. YVES LETERME, Vice-Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a reconnu que les agences de notation sont un peu des « GSP » sur le marché financier.  L’évaluation étant une tâche difficile, il faut comprendre comment elles fonctionnent.  Les défis concernent surtout la méthodologie, comme en témoigne le « linearity bias » où l’on voit que certains facteurs sont plus importants que d’autres à des moments différents.  Certains de ces facteurs, a-t-il ajouté, sont en outre complètement arbitraires comme la note politique.  L’autre défi est l’utilisation des notes dans la régulation, ce qui exacerbe les cycles puisqu’elle conduit à emprunter au pire moment.  Le Vice-Secrétaire général a aussi parlé des « effets de falaise » où l’on voit des entreprises vendre quand leurs notes descendent en dessous du minium, provoquant ainsi une autre source d’instabilité. 


Face à ces problèmes, l’OCDE a fait des propositions pour que les agences de notation soient enregistrées, supervisées et leur méthodologie clairement expliquée.  Toute l’histoire de leur notation doit être rendue, a-t-il insisté, y compris les premières notes qu’elles ont attribuées, pour éviter l’effet « achat de notes ».  L’OCDE souligne aussi la nécessité d’une meilleure coopération entre les agences de notation, les agences de régulation et les bourses, entre autres, parties prenantes, qui jusqu’à présent, travaillent chacune de son côté.


Déclarations


M. PETER THOMSON (Fidji), intervenant au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a estimé que la dernière crise financière avait démontré la nécessité de réformer les agences de notation pour éviter que l’arbitrage ne mette en péril la stabilité financière.  Il a averti que la nature oligopolistique du système actuel pourrait aboutir à un « effet falaise » et nuire notamment aux pays en développement.  Il s’est insurgé contre le fait que les ressources des pays en développement, qui pourraient être autrement consacrées au développement, sont versées à des investisseurs pour rassurer les marchés.  Il a également parlé des conflits d’intérêts qui jaillissent du fait que nombre d’institutions financières payent les agences de notation qui les évaluent.


La raison d’être de ce mécanisme « pervers » est inacceptable et a une trop grande incidence sur la viabilité de la dette, a-t-il dénoncé, avant de mettre en garde contre une trop grande dépendance aux notes émises par les agences de notation.


Pour remédier à cette situation, le représentant de Fidji a voulu que des mesures supplémentaires soient prises pour améliorer la transparence.  Il importe aussi de prendre en compte la particularité des pays en développement, de renforcer la concurrence positive entre les agences de notation et de permettre aux pays en développement de procéder à leur propre évaluation.


Il a aussi voulu que les pays en développement aient la marge de manœuvre nécessaire pour réglementer leurs institutions et leurs marchés.  Il a estimé important que l’on arrête d’imposer des conditionnalités trop lourdes, que l’on implique davantage le FMI et que l’on mette en place des mécanismes supplémentaires pour évaluer les risques au sein du système financier.  Il faudrait mettre en commun les enseignements tirés pour réduire la dépendance à l’égard des agences de notation, a-t-il insisté.


Mme NATALIE BERGER, de la délégation de l’Union européenne, a indiqué que depuis le mois de décembre 2010, les agences de notation qui opèrent sur la zone européenne doivent y être inscrites et soumettre leurs activités à la réglementation en vigueur.  Elles doivent notamment honorer un certain nombre d’obligations pour assurer l’indépendance et l’intégrité du processus de notation et améliorer la qualité des notations émises, a-t-il ajouté.  La représentante a toutefois fait savoir qu’en dépit de ces réformes, l’Union européenne avait noté, en décembre 2011, que davantage d’améliorations étaient nécessaires, notamment en matière d’évaluation des risques et de stabilité financière étant donné l’impact des notations émises par un nombre « extrêmement » petit d’acteurs dans le monde.


Les faiblesses identifiées s’étaient particulièrement fait ressentir lors des « épisodes de tension » sur le marché de la dette souveraine de l’UE, dévoilant notamment le manque de transparence du système de notation, le manque de concurrence et le manque de précaution de la part des acteurs financiers. 


Le représentant a fait savoir qu’une nouvelle réglementation des agences de notation était entrée en vigueur au mois de juin 2013 pour réduire une « dépendance excessive » aux notes qui ne devraient être qu’une perspective parmi d’autres.  L’impératif, pour les banques, de procéder à leurs propres analyses de risque a été renforcé.  Celles-ci doivent désormais s’abstenir de dépendre des notes externes par automatisme et d’une manière mécanique.  Des mesures concrètes ont également été prises pour limiter la dépendance à l’égard du secteur de la gestion de portefeuilles ou des fonds de pension.


Le but est de s’assurer que les évaluations de risque se font de manière rigoureuse et prennent en compte l’ensemble du contexte économique et institutionnel.


M. MARTIN SHEARMAN (Royaume-Uni) s’est félicité des réformes mises en place en juin 2013 par l’Union européenne et a dit attendre avec intérêt les propositions du Comité de Bâle sur les normes supplémentaires qu’il faut mettre en place.  Le représentant s’est dit convaincu de la nécessité de régler les conflits d’intérêts d’une manière coordonnée et réclamé une révision complète du Code de conduite afin d’améliorer la concurrence entre les agences de notation.


M. MATEO ESTREME (Argentine) a dénoncé la tendance à l’oligopole dans le milieu des agences de notation, faisant notamment observer que trois groupes contrôlent à eux seuls 90% des revenus mondiaux et que ces trois agences peuvent de ce fait exercer des pressions sur des États souverains.  Il a appelé le Conseil économique et social (ECOSOC) à jouer un rôle important dans la recherche de solutions à cette question.  Le représentant a aussi soulevé la question des mouvements de fonds spéculatifs.  Le modèle actuel de l’économie nous donne trop d’exemples négatifs.


Il a donc prôné, à son tour, la réduction de la dépendance à l’égard des agences de notation, l’amélioration de leur transparence et le renforcement de la concurrence entre elles.  L’’’Argentine, a-t-il rappelé, vient d’adopter une nouvelle politique qui permet aux universités publiques de jouer le rôle d’agence de notation et de fournir ainsi un autre éventail de données.


M. ZHANG SHENGHUI (Chine) a fait remarquer que le développement des agences de notation a conduit à des problèmes de crédibilité des informations financières et à l’exacerbation des crises.  Le représentant a aussi dénoncé le manque de transparence, les conflits d’intérêts et l’absence d’une réglementation adéquate, à l’origine des « bulles » et des « effets de falaise ».  Après la crise de 2008, il est temps de réduire la dépendance aux agences par la promotion de la recherche et de la notation interne, dans les États et les sociétés. 


M. JONATHAN VIERA (Équateur) a souhaité que la règlementation du système des agences de notation relève de la coopération Sud-Sud.  Il a estimé nécessaire non seulement de consolider un code de conduite relevant d’une instance supranationale, mais également de sanctionner les conflits d’intérêts et de régler les problèmes liés à l’oligopole et la dette souveraine.  Le représentant a dénoncé le fait que les pays en développement doivent payer pour leurs notes qui du reste sont souvent présentées « de manière désordonnée ».  Il nous faut des agences de notation « publiques, indépendantes et professionnelles », a-t-il tranché.


Table ronde sur l’identification des problèmes et des difficultés actuelles


Cette table ronde a été l’occasion pour panélistes et États Membres d’insister sur le manque de concurrence et l’absence de transparence qui caractérisent les agences de notation et de souligner les problèmes propres aux économies en développement.


Volant au secours des agences de notation, le Chef de la réglementation à Moody’s, MICHAEL KANEF, a souligné l’importance qu’il y a à encourager des points de vue différents.  Ces agences n’auraient aucun intérêt si elles ne peuvent avoir d’autres opinions que celles des gouvernements.  Mais, a tempéré M. CHRISTOPHER TOWE, Directeur adjoint du Département du marché des capitaux au Fonds monétaire international (FMI), il est souvent difficile pour de nouvelles agences de faire concurrence aux plus connues.  Oui mais, a commenté Mme MERLI BAROUDI, Directrice responsable de l’évaluation des risques auprès du Groupe de la Banque mondiale, les nouvelles agences doivent aussi offrir une autre perspective car si elles utilisent les mêmes indicateurs et font les mêmes analyses, pourquoi faire appel à leurs services?


S’agissant de l’absence de transparence dans la méthodologie utilisée par les agences de notation, M. Towe a constaté que ces dernières ont effectivement contribué à la crise financière dans la mesure où elles n’ont pas su s’adapter de manière adéquate aux différents profils des titres et des valeurs.  Il a dénoncé, dans ce cadre, la référence mécanique à leurs notes et la tendance des émetteurs à recourir aux agences les plus susceptibles de leur donner de bonnes notes, provoquant ainsi un effet démultiplicateur lorsque la crise est née.  Le responsable du FMI a tout de même reconnu que l’un des problèmes a aussi été que l’ampleur de la dette souveraine de certains États n’avait pas été dévoilée de manière transparente.  Il faut aussi réduire l’opacité chez les émetteurs, a commenté M. KEVIN BUEHLER, Associé principal chez McKinsey & Company


La représentante du Groupe de la Banque mondiale a, quant à elle, dénoncé le manque d’innovations dans la méthodologie des agences de notation, se référant plus particulièrement à la situation des pays en développement.  Que peuvent faire les autorités d’un pays donné face à une note qu’elles ne comprennent pas? s’est-elle interrogée, en faisant observer que toutes les grandes agences sont occidentales.  À ce jour, 56 pays en développement ne sont toujours pas notés malgré l’impact de ces notes sur les flux des investissements étrangers directs (IED).


Du côté de ces pays, elle a reconnu une mauvaise estimation du potentiel des notes et une certaine réticence à payer des sommes astronomiques pour une note.  Pourtant, a-t-elle dit, la notation de la dette souveraine a un rôle très important à jouer pour la réduction de la pauvreté et la promotion de la croissance.  Comme les agences de notation jouent contre l’asymétrie des informations entre investisseurs et créanciers, elles peuvent avoir un effet de débordement positif en matière d’IED, a-t-elle insisté.


Cette table ronde était modérée par M. ANGUS ARMSTRONG, de l’Institut national pour la recherche économique et sociale et du Centre de la macroéconomie du Royaume-Uni.


Table ronde sur les politiques et les propositions de solutions


Animée par MIKAEL CASEY, du Wall Street Journal, cette table ronde a vu des interventions de MM. THOMAS WIESER, Président du Groupe de travail de l’euro au Conseil de l’Union européenne; THOMAS BUTLER, Directeur du Bureau des agences de notation de la Commission des opérations de bourse; SHAUKAT AZIZ, Ministre des finances du Pakistan; MAKOTO UTSUMI, Président de l’Agence de notation du Japon; et JOHN COFFEE, Professeur de droit à la Columbia University.


Alors que 98% des États notés le sont par les trois principales agences de notation, à savoir Standard and Poors, Moody’s et Fitch Ratings, l’ensemble des intervenants ont estimé qu’une meilleure concurrence serait de nature à limiter les marges d’erreur et à réduire leurs conséquences.  Au-delà de la promotion de la concurrence, la plupart des intervenants ont jugé indispensable de mettre en place, au niveau international, des règles communes, en soulignant le rôle potentiel des Nations Unies en la matière.


Le représentant du Conseil européen, qui a salué les processus menés par le Conseil de la stabilité financière, a estimé que l’ONU peut particulièrement jouer un rôle en faveur des pays non notés et promouvoir un dialogue sur tous les aspects positifs et négatifs de la notation.  Car, a déclaré le Ministre des finances du Pakistan, les agences de notation ne sauraient être la seule source d’information.  Les investisseurs doivent avoir leur propre processus d’évaluation des risques.  Il a exhorté l’ONU à travailler à une législation sur la surveillance et le contrôle des agences de notation qui prévoirait des sanctions en cas de non-respect.  Ce nouveau cadre règlementaire ne devrait pas favoriser l’apparition de nouvelles agences de notation, a mis en garde le représentant de l’Agence de notation du Japon.


Il a plutôt opté pour la création d’une organisation internationale chargée d’harmoniser la méthodologie et de garantir un environnement favorable à la concurrence.  Les agences seraient enregistrées et certifiées. 


Il faudrait aussi permettre aux émetteurs de solliciter plusieurs agences, a ajouté le Professeur de droit à la Columbia University, qui a émis l’hypothèse selon laquelle le ressentiment à l’égard des agences de notation serait peut-être dû au fait que les trois principales ont leur siège aux États-Unis.


Mais, a-t-on prévenu, supprimer les notations pour s’en remettre au libre marché risque de mener au chaos.  Il est bon, a estimé le représentant de Standard & Poors, que l’ONU poursuive ces séances d’explications car, a-t-il dit, nous travaillons pour faciliter l’accès aux capitaux, indispensable pour le développement. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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