CS/10793

Le Conseil de sécurité débat du rôle de la Cour pénale internationale (CPI) dans la réalisation des objectifs communs de paix et de justice

17/10/2012
Conseil de sécuritéCS/10793
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

6849e séance – matin & après-midi


LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DÉBAT DU RÔLE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI)

DANS LA RÉALISATION DES OBJECTIFS COMMUNS DE PAIX ET DE JUSTICE


Les pistes d’un renforcement des liens

du Conseil et de la Cour ont également été explorées


« Ceux qui envisagent de commettre des atrocités heurtant la conscience de l’humanité savent désormais qu’ils devront répondre de leurs crimes », a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies devant le Conseil de sécurité lors d’un débat sur le rôle de la Cour pénale internationale dans la promotion de la paix et de la justice.


« Organe judiciaire indépendant et impartial, la Cour, lorsqu’elle est saisie, va au bout de sa mission qui est de rendre la justice, à l’abri des influences politiques », a également affirmé M. Ban au cours d’un débat auquel ont participé une cinquantaine de délégations.


Notant que cela n’était pas sans défi, le Secrétaire général a invité la Cour, « pierre angulaire de la justice pénale internationale », et le Conseil à explorer les pistes d’un renforcement de leurs liens au nom « d’un intérêt commun ».


« Le Conseil, en comprenant et respectant le travail de la Cour, peut s’acquitter de ses responsabilités de manière plus efficace », a-t-il expliqué, tout en l’invitant, lorsqu’il défère une situation devant la Cour, à s’assurer de la coopération nécessaire des États Membres.


En vertu du Statut de Rome, auquel sont maintenant parties 121 États, le Conseil de sécurité est l’une des autorités habilitées à saisir la Cour d’une situation inscrite à son ordre du jour ou pour lui demander de surseoir à enquêter ou à poursuivre.


« La saisine de la Cour concernant la situation au Darfour en 2005 et la situation en Libye en 2011 constitue un signe important de la confiance grandissante de la communauté internationale à l’égard de cette juridiction pénale internationale », s’est félicité le Président de la CPI, M. Sang-Hyun Song.


« Les pires cauchemars de l’humanité se situent à la confluence de nos mandats respectifs », a rappelé M. Song, qui était le premier président à s’exprimer devant le Conseil de sécurité depuis l’entrée en fonctions de la Cour, il y a 10 ans.


Le représentant du Bureau du Procureur de la Cour, M. Phasiko Mochochoko, s’est dit pour sa part conscient des préoccupations qui sont souvent exprimées en ce qui concerne la politique de sélection des affaires dans le cadre de la saisine de la Cour par le Conseil.


« L’influence politique réelle ou supposée du Conseil est cependant limitée parce que les renvois se rapportent à une situation et non à un suspect ou à un groupe de suspects particuliers », a-t-il expliqué.


« L’inexécution par les États des mandats d’arrêt de la Cour se traduit aussi par le non-respect des résolutions du Conseil », a-t-il également fait observer, en insistant sur l’urgence de renforcer le soutien politique et diplomatique du travail du Conseil en faveur de la Cour.  Un tel renforcement a été au cœur de l’intervention de nombreux représentants, à l’instar de celui du Liechtenstein, M. Christian Wenaweser, qui a souhaité « une relation plus symbiotique avec la CPI ».  Il a regretté que le Conseil ne dispose pas d’un mécanisme lui permettant d’intervenir en cas de non-coopération par un État Membre.


Le délégué de la Nouvelle-Zélande, M. Jim McLay, a, à cet égard, invité le Conseil à mettre en place un groupe de travail de suivi des affaires déférées à la Cour, comme il l’a fait pour les Tribunaux spéciaux. 


À l’instar de la Belgique et de la Suisse, le représentant de la France, M. Gérard Araud, a, pour sa part, jugé flagrante l’absence de saisine de la CPI dans une situation comme celle de la Syrie « alors que l’ampleur et la nature des atrocités commises le justifieraient ».


« Le Conseil doit déférer une situation devant le Cour au moment idoine », lui a répondu le délégué de la Fédération de Russie, M. Vitaly Churkin, qui a mis en garde contre toute manipulation du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.


Le délégué de l’Inde, pays qui n’est pas partie au Statut de Rome, s’est interrogé sur l’indépendance de la Cour, en faisant remarquer que trois des cinq membres permanents du Conseil n’étaient pas parties à la CPI.


Enfin, la relation de complémentarité entre la paix et la justice dans les pays émergeant d’une situation de conflit a été abondamment discutée, M. Mochochoko ayant notamment estimé qu’il n’existait aucun dilemme entre ces deux notions.  « La CPI n’a jamais empêché, ni mis un terme à des processus de négociations en faveur de la paix », avait-il fait observer, en écho au Secrétaire général qui a vu dans la possible implication de la Cour un facteur important dans la mise en place de mécanismes judiciaires locaux. 


« Les poursuites judiciaires internationales ne doivent pas entraver les efforts en faveur de négociations de paix », leur a rétorqué le délégué de la Chine. 


PROMOTION ET RENFORCEMENT DE L’ÉTAT DE DROIT DANS LES ACTIVITÉS DE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES


Paix et justice – le rôle de la Cour pénale internationale


Lettre datée du 1er octobre 2012, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent du Guatemala auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2012/731)


Déclarations


M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a indiqué que tous ceux qui envisagent de commettre des atrocités heurtant la conscience de l’humanité savent désormais qu’ils devront répondre de leurs crimes.  « Nous vivons désormais dans une ère de responsabilité, a-t-il affirmé, avant de mettre l’accent sur la responsabilité croissante des États dans la poursuite des auteurs des crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et autres crimes graves.  « Nous vivons à une époque où les représentants spéciaux de l’ONU n’ont plus à tolérer ou à promouvoir l’adoption de lois d’amnisties pour les auteurs de tels crimes lorsqu’ils négocient des accords de paix », a affirmé M. Ban, avant de souligner le rôle du Conseil de sécurité dans la promotion de la justice internationale avec l’établissement des Tribunaux pénaux internationaux. 


La Cour pénale internationale est la pierre angulaire de la justice pénale internationale, a déclaré le Secrétaire général, tout en mettant l’accent sur la concordance des actions du Conseil et de la Cour en cas de commission de crimes graves.  La Cour, a-t-il rappelé, s’est saisie de certaines situations inscrites à l’ordre du jour du Conseil, comme celles en Libye ou au Darfour.  Il a ajouté que la Cour n’était pas seulement une institution internationale autonome mais aussi un organe judiciaire indépendant et impartial, qui dès la saisine, assume sa mission de rendre la justice jusqu’au bout, à l’abri des influences politiques.  Cela ne va pas sans défis, a ajouté M. Ban, qui a invité la Cour et le Conseil à explorer les pistes d’un renforcement mutuel de leurs travaux et de leurs influences.


Le Secrétaire général a indiqué que le Conseil, lorsqu’il défère une situation devant la Cour, pouvait apporter une aide précieuse à la Cour en s’assurant de la coopération nécessaire des États Membres.  Seule la poursuite des auteurs de crimes graves et leur éventuelle condamnation permet de garantir que de tels crimes ne seront plus commis, a affirmé M. Ban, en soulignant le renforcement mutuel des activités des deux organes.  La possible implication de la Cour dans une situation donnée peut, a-t-il dit, être un facteur important dans la mise en place de mécanismes judiciaires locaux.  À cet égard, M. Ban a souligné le rôle crucial du Conseil lors de l’établissement de mandats de missions de la paix ou de missions politiques spéciales visant au renforcement des capacités nationales pour la poursuite des auteurs de crimes graves.  


Le Secrétaire général a ainsi donné l’exemple de la MONUSCO, en République démocratique du Congo, qui a œuvré avec les autorités locales dans la mise en place d’un point d’appui pour enquêter sur les crimes graves commis dans l’est du pays.  La Cour, pour sa part, peut aider au renforcement des capacités nationales en veillant à la transposition des dispositions du Statut de Rome dans les ordres juridiques internes, a affirmé M. Ban, avant de souligner l’importance du travail de sensibilisation du public de la Cour afin de prévenir toute résurgence de la violence.  La Cour et le Conseil partagent un intérêt commun, a assuré le Secrétaire général, en rappelant que la Cour participait à la promotion de la paix et de la sécurité internationales, alors que le Conseil, en comprenant et respectant le travail de la Cour, peut s’acquitter de ses responsabilités de manière plus efficace.  « Faisons de notre possible pour que le Conseil et la Cour travaillent en étroite coopération en faveur du maintien de la justice et de la paix », a conclu M. Ban. 


M. SANG-HYUN SONG, Président de la Cour pénale internationale (CPI), a noté que c’était la première fois en 10 ans d’existence que le Président de cette institution était invité à s’exprimer devant le Conseil de sécurité.  Il a rappelé que le Statut de Rome, l’acte constitutif de la Cour, établit clairement que la responsabilité première de poursuivre les crimes les plus graves incombe aux États.  La CPI est une juridiction de dernier ressort qui n’intervient que lorsque les États sont dans l’incapacité d’agir, a-t-il rappelé.  Dix ans après sa fondation, la CPI fonctionne pleinement à tous les niveaux, a-t-il assuré, en rappelant qu’un tout premier arrêt avait été rendu cette année.  Un deuxième arrêt devrait avoir lieu prochainement, tandis que plusieurs affaires n’en sont qu’à un stade préliminaire du processus judiciaire.  Au total, ces affaires concernent sept pays, trois d’entre elles ayant été renvoyées par les États eux-mêmes et deux par le Conseil de sécurité.


M. Sang-Hyun Song a constaté que le soutien international à la CPI allait grandissant.  Alors que la ratification de 60 États était requise pour l’entrée en vigueur du Statut de Rome, ce chiffre a plus que doublé une décennie plus tard avec 121 États parties.  Leur nombre augmente année après année, le dernier État partie en date étant le Guatemala.  Chaque pas accompli en direction de l’universalité réduit le potentiel d’impunité, renforçant ainsi la perspective pour les victimes que leur soit rendu justice pour les terribles crimes qu’elles ont subis.  Le Président de la CPI a noté que si la paix et la justice étaient le sujet du débat du jour, celui-ci était en fait l’objet de réflexions depuis des temps immémoriaux dans toutes les cultures du monde.  Un pas en avant a été accompli en reconnaissant qu’il faudrait rechercher les deux à la fois, la paix et la justice, l’une ne devant pas l’emporter sur l’autre.  Alors que la CPI contribue à l’instauration de la justice et non pas à l’établissement de la paix, son mandat est tout à fait pertinent en ce qui concerne cette dernière, a constaté le juge.  Le Statut de Rome, en effet, est basé sur la reconnaissance que les crimes graves dont il a à connaître menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde.


La CPI ne traite pas de crimes ordinaires, a-t-il rappelé, le Statut de Rome ayant trait aux crimes qui sont considérés comme les plus graves aux yeux du monde.  Les victimes ne se comptent généralement pas par centaines mais par milliers.  Quant à leurs auteurs, ils portent particulièrement le lourd fardeau de la responsabilité personnelle de leurs actes.  C’est la raison pour laquelle les rédacteurs du Statut de Rome ont prévu que le Conseil de sécurité, en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU, peut renvoyer au Procureur des situations, qu’elles soient à l’intérieur ou à l’extérieur des limites normales de la juridiction de la CPI.  Cela s’est produit à deux reprises avec le Darfour et la Libye, a-t-il rappelé.  Ces renvois constituent un signe important de la confiance grandissante de la communauté internationale à l’égard de la Cour, a-t-il dit.  Si la Cour et le Conseil sont deux institutions profondément différentes, jouant des rôles distincts, elles ont en commun l’objectif partagé de viser à la paix, la justice, au respect du droit international qui figurent à la fois dans la Charte de l’ONU et dans le Statut de Rome.  Les pires cauchemars de l’humanité se situent à la confluence de leurs mandats respectifs.  Quand des crimes de masse contre des victimes innocentes menacent la paix et la sécurité internationales, le Conseil et la Cour ont chacun un important rôle à jouer.  En adoptant le Statut de Rome, les États ont créé des possibilités importantes pour que le Conseil utilise les pouvoirs dont il dispose en vertu du Chapitre VII dans le cadre de la Cour.  Le Conseil dispose de la prérogative unique de pouvoir créer un mandat judiciaire spécifique pour la CPI, d’élargir la juridiction de la Cour dans des domaines qui seraient hors de portée pour elle, et d’exiger des États non parties qu’ils coopèrent avec la Cour.  En outre, un renvoi par le Conseil de sécurité autorise le procureur de la CPI à ouvrir une enquête sans avoir à attendre un feu vert judiciaire.  En conclusion, le juge Sang-Hyun Song a remercié le Conseil de sécurité pour la confiance qu’il a placée en la Cour, une institution jeune, a-t-il rappelé.


M. PHAKISO MOCHOCHOKO, Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a indiqué que la relation entre le Conseil de sécurité et la Cour était parfois complexe en raison de la différence qui existe entre leurs mandats et leurs structures respectifs.  Le Conseil est un organe politique onusien alors que le Bureau du Procureur est un organe indépendant au sein d’une institution judiciaire autonome.  Conscient des préoccupations fréquentes quant à la politique de sélection des affaires dans le cadre d’un renvoi du Conseil, ainsi que des inquiétudes au sujet de la saisine par des États, il a invité à ne pas perdre de vue que le Statut de Rome fournit un cadre juridique précis pour ces deux types de saisine, ce qui protège l’indépendance de la procédure judiciaire.  En d’autres termes, le Conseil peut unilatéralement renvoyer une situation devant la Cour mais il ne peut l’obliger à se déclarer compétente, a rappelé M. Mochochoko.


L’influence politique réelle ou supposée du Conseil est d’autant plus limitée que les renvois se rapportent à une situation et non à un suspect ou à un groupe de suspects particuliers, a poursuivi M. Mochochoko, en rappelant qu’une fois que le Conseil a déféré une situation, le processus judiciaire était entre les mains seules du Procureur et des juges.  Précisant en outre que seule l’invocation de l’article 16 du Statut de Rome pouvait mettre un terme à la procédure, il a affirmé que les tentatives d’ingérence dans l’exercice en toute indépendance du mandat du Bureau ne feraient que remettre en cause la légitimité et la crédibilité de la procédure judiciaire, en ajoutant ainsi foi aux allégations de politisation.  M. Mochochoko a ensuite abordé les points communs aux deux organes, en rappelant que la responsabilité première du Conseil est de maintenir la paix et la sécurité internationales, alors que le Bureau du Procureur est chargé de s’assurer que les crimes les plus graves ne restent pas impunis.  Loin d’être une source de tensions, ces deux mandats nous unissent, a-t-il affirmé.


En deuxième lieu, M. Mochochoko a indiqué que le Conseil et le Bureau avaient tous deux un rôle à jouer dans le renforcement de la relation de complémentarité existant entre la paix et la justice.  Il n’existe aucun dilemme entre ces deux notions, a-t-il poursuivi, en assurant que la CPI n’avait jamais empêché ni mis un terme à des processus de négociations en faveur de la paix, qui peuvent se tenir concomitamment à des enquêtes ou poursuites de la Cour.  Le Bureau ne saurait participer à des initiatives lancées en faveur de la paix mais il informera à l’avance les acteurs politiques de ses actions, de sorte qu’ils puissent tenir compte des enquêtes dans le cadre de leurs activités, a-t-il affirmé.  M. Mochochoko a souligné le rôle commun de prévention du Conseil et de la Cour, avant d’aborder les moyens de renforcer les liens entre le Conseil et le Bureau.  Il a ainsi plaidé pour l’adoption de stratégies plus constructives en vue d’atteindre leurs objectifs communs, en citant à cet égard les efforts encourageants déployés par les organisations régionales et ceux accomplis multilatéralement pour traduire en justice les chefs de l’Armée de résistance du Seigneur.  L’inexécution par les États des mandats d’arrêt de la Cour se traduit aussi par le non-respect des résolutions du Conseil, a-t-il souligné, en insistant sur l’urgence de renforcer le soutien politique et diplomatique du travail du Conseil en faveur de la Cour.


Le Conseil peut y parvenir dans ses propres déclarations en réaffirmant l’importance de respecter les règles du droit international et de traduire les principaux violateurs de ces règles, a-t-il dit, tout en invitant à examiner certaines mesures, comme la nécessité d’éviter tout contact qui ne serait pas indispensable avec des suspects de la CPI, afin de pouvoir appréhender les intéressés.  Un nouveau chapitre doit s’ouvrir quant à notre collaboration, a déclaré en conclusion M. Mochochoko, qui a souligné que la contribution du Bureau pourrait s’avérer fructueuse en recueillant activement des informations et en menant des enquêtes et des poursuites à l’encontre des responsables des crimes les plus graves.  « Nous devons parvenir à un consensus qui montrera que nous prenons au sérieux les crimes graves contre la paix et la sécurité internationales », a-t-il conclu.


Mme SUSAN RICE (États-Unis) a déclaré que le Président Barack Obama avait assuré que la prévention des génocides et des massacres de masse était une responsabilité partagée par les États-Unis.  Ceux-ci appuient les efforts visant à édifier des systèmes de justice compétents et responsables, a-t-elle dit, en citant notamment le cas du Cambodge.  Alors que les mandats des Tribunaux pénaux internationaux, comme le TPIY, le TPIR et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, sont près de s’achever, la CPI peut constituer un important instrument de responsabilité, a estimé la représentante.  Les États-Unis, a-t-elle assuré, sont disposés à répondre par l’affirmative à des demandes d’assistance et à coopérer au cas par cas, conformément au droit américain, pour assurer la protection des témoins par exemple.


Évoquant le cas de la Libye, Mme Rice a souligné qu’il était essentiel que celle-ci collabore avec la CPI.  S’agissant du Darfour, elle a déploré que la justice ne soit toujours pas rendue, le Soudan devant respecter ses obligations en vertu de la résolution 1591.  Un appui nécessaire doit être apporté à la Cour dans ce dossier, les États-Unis se félicitant que le Malawi ait refusé de recevoir le Président du Soudan, Omar Al-Bashir.  La justice et le droit international s’appliquent efficacement lorsque le Conseil de sécurité et la CPI agissent chacun dans leur domaine d’intervention, a-t-elle estimé.  La décision de reporter à 2017 l’entrée en vigueur de l’amendement au Statut de Rome concernant le crime d’agression est la bienvenue, a-t-elle dit, en précisant que cela permettra à la réflexion de progresser à ce sujet.  Enfin, la représentante a évoqué la situation en Syrie, en soulignant que les États-Unis aidaient la population syrienne à recueillir les preuves des cas d’exactions et d’atrocités afin que les responsables puissent être un jour traduits en justice.  Elle a enfin redit en conclusion que les États-Unis étaient déterminés à apporter leur concours pour faire en sorte de traduire en justice des responsables des atrocités de masse.


M. NÉSTOR OSORIO (Colombie), qui a rappelé que son pays était partie au Statut de Rome, a estimé que le Conseil devrait examiner avec la plus grande prudence le renvoi de nouvelles affaires à la Cour.  Alors que ce mécanisme, prévu par le Statut de Rome, visait à éviter de créer de nouveaux organes judiciaires ad hoc, la Colombie accorde la plus grande importance au principe de complémentarité, qui est, a précisé le représentant, la colonne vertébrale du système de justice pénale internationale créé par le Statut de Rome.  Le représentant, citant les situations au Darfour et en Libye, a constaté que le problème posé à la CPI dans le cas de ces renvois était notamment celui du financement de ces nouvelles procédures.


Alors que plusieurs États parties ont fait part de leurs préoccupations à cet égard, la Colombie estime que celles-ci doivent être débattues de manière franche et ouverte, tant au sein du Conseil que de l’Assemblée générale, ainsi que par l’Assemblée des États parties au Statut de Rome.  La question du financement est un élément supplémentaire que les Membres du Conseil doivent prendre en considération lorsqu’ils doivent décider si la dynamique et la volonté politique nécessaires sont présentes lorsqu’il est question de recourir une nouvelle fois au mécanisme de renvoi de situations à la Cour.  Le mécanisme alternatif prévu à l’article 16 du Statut de Rome a été peu utilisé jusqu’à présent, a déploré le représentant de la Colombie.


Mme PRENEET KAUR (Inde) a déclaré que la paix et la justice étaient indissociables.  « Une application cohérente de l’état de droit à tous les niveaux de gouvernement est essentielle pour éviter les conflits.  Cela s’applique à la fois aux niveaux national et international ».  À cet égard, l’Inde estime que l’avancement de l’état de droit au niveau national est nécessaire pour la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés fondamentales.  Le représentant a estimé que le Conseil de sécurité a besoin de mettre l’accent sur le Chapitre VI de la Charte pour promouvoir les règlements pacifiques davantage que les mesures coercitives.  La Cour internationale de Justice, en tant que principal organe judiciaire des Nations Unies a aussi son rôle à jouer pour régler les différends entre États, a rappelé Mme Kaur, qui s’est en outre fermement opposé à l’impunité en cas de violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme.


La représentante a estimé qu’il y avait une nécessité de promouvoir l’état de droit en tant que valeur fondamentale dans le système de gouvernance des Nations Unies.  Pour cela, nous devons réformer l’architecture de la gouvernance internationale, ce qui inclut le Conseil de sécurité, afin qu’il reflète la réalité contemporaine », a-t-elle déclaré.  Les réserves de l’Inde à l’égard du Statut de Rome et la Cour pénale internationale (CPI) sont bien connues.  Le rôle donné au Conseil de sécurité a empêché la CPI de devenir une institution universelle, et trois des cinq membres permanents du Conseil ne sont pas parties à la CPI.  De plus, les considérations politiques soulèvent aussi des questions concernant l’indépendance de la CPI.  En conclusion, la représentante a estimé que ce Conseil avait besoin de promouvoir le règlement pacifique des différends.  La communauté internationale doit fournir de plus grandes ressources pour promouvoir le renforcement des États afin qu’ils mettent en place des institutions destinées à promouvoir l’état de droit et aider les citoyens à réaliser leurs aspirations légitimes.


M. LI BAODONG (Chine) a indiqué que la paix et la justice étaient deux aspirations qui se renforçaient mais pouvaient être en contradiction lorsqu’elles sont mal interprétées.  Il a ainsi souhaité que les poursuites judiciaires ne doivent pas entraver les efforts dans la mise en place de négociations et de processus de paix.  Le renforcement de l’état de droit doit être fondé sur le respect des principes de la souveraineté nationale et de non-ingérence des affaires intérieures, a-t-il poursuivi, en ajoutant que la Cour ne saurait devenir un instrument à la disposition de certains pays pour défendre leurs intérêts. 


Le représentant a ensuite invité le Conseil à faire preuve de prudence dans l’accomplissement de sa tâche de maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Les États, a-t-il rappelé, ont pour responsabilité principale de promouvoir la justice.  La Cour ne joue, à cet égard qu’un rôle complémentaire, a-t-il précisé.  C’est pourquoi, la Cour doit respecter les différentes traditions juridiques, a-t-il ajouté.  Enfin, le délégué de la Chine a indiqué que les efforts visant l’élimination de l’impunité devraient s’accompagner d’efforts similaires pour s’attaquer aux causes profondes des conflits.


M. MASOOD KHAN (Pakistan) a jugé l’état de droit essentiel pour garantir la paix et la sécurité internationales.  À cet égard, il est nécessaire de mettre en place une approche globale qui prendrait en compte les impératifs de réconciliation nationale, l’instauration d’un équilibre entre les différentes communautés ethniques et la stabilité sociale, a-t-il recommandé.  L’état de droit doit être intégré dans les activités de renforcement des institutions menées dans les situations postconflit, a-t-il conseillé, avant de souligner l’efficacité d’autres stratégies telles que les commissions de vérité et réconciliation.  Il conviendrait, à cet égard, de prendre en compte les avis des organisations régionales sur ce point, a-t-il dit.  La justice ne devrait pas se limiter à la notion de sanction, mais reconnaître également la dignité des victimes et établir la vérité.  C’est pourquoi, il est important d’assurer la réparation du préjudice subi, a souligné M. Khan.     


Le principe de la complémentarité et le besoin de renforcer les systèmes juridictionnels internes sont importants, a-t-il souligné.  Il revient en premier lieu aux juridictions nationales, a-t-il précisé, d’exercer leurs compétences et de mener les réformes nécessaires au niveau des systèmes juridictionnels, des milieux carcéraux et du secteur de la sécurité si le besoin s’en impose.  L’impunité ne sera vaincue qu’en renforçant les tribunaux, en améliorant les capacités d’enquêtes des forces de police et en améliorant les conditions carcérales, a-t-il estimé.  Si le Pakistan n’est pas signataire du Statut de Rome, il reconnaît toutefois les droits et obligations des États parties au Statut, a indiqué M. Khan.  Aucune action du Conseil de sécurité ne devrait guider le recours à la Cour pénale internationale pour des raisons politiques.  Il serait, à cet égard, approprié de garantir une distance nécessaire entre le Conseil et la Cour pour garantir l’objectivité, la crédibilité et l’indépendance de celle-ci, a-t-il proposé.  Le Pakistan appuie le rôle du Conseil de sécurité et le système judiciaire international pour développer une culture d’état de droit afin de promouvoir la paix et la sécurité internationales, a assuré M. Khan en conclusion.


M. JOSÉ FILIPE MORAES CABRAL (Portugal) a déclaré qu’avec 121 États parties, la Cour pénale internationale avait désormais l’appui des deux tiers des Membres des Nations Unies, l’effort de ceux-ci devant se poursuivre pour atteindre l’universalité.  Le rôle premier des États parties est de préserver l’intégrité du Statut de Rome en veillant à ce que la Cour soit en mesure de disposer des ressources adéquates et que la justice soit servie à travers un système judiciaire indépendant reconnu avec des juges des procureurs et des collaborateurs les plus compétents.  Le Conseil de sécurité a néanmoins aussi un rôle à jouer, non seulement avec son pouvoir de renvoyer des affaires mais aussi par le suivi de ces affaires, a rappelé le représentant.  Il est important que la totalité des États Membres au nom desquels ces décisions de renvoi sont prises par le Conseil partagent le fardeau financier qui en résulte, en ne le laissant pas exclusivement à la charge des États parties, comme si la décision ne concernait qu’eux, a également fait observer le représentant du Portugal.


M. AGSHIN MEHDIYEV (Azerbaïdjan) a souligné l’interdépendance de la paix et de la justice avant de se réjouir des récents progrès dans la lutte contre l’impunité.  Rappelant que son pays n’était pas partie au Statut de Rome, il a néanmoins souligné le rôle de la Cour pénale internationale dans la promotion de la justice internationale.  Il s’est en outre réjoui de l’adoption des amendements relatifs au crime d’agression qui permettra à la Cour de poursuivre ces formes les plus dangereuses d’utilisation illégale de la force par les États.  Il a aussi noté les contributions des Tribunaux spéciaux à la jurisprudence pénale internationale.  Détaillant les défis qui demeurent en matière de promotion de l’état de droit au niveau international, il a plaidé pour l’adoption par le Conseil de mesures plus ciblées et pour une meilleure cohérence de ses initiatives avec les efforts régionaux en faveur de la paix et de la justice. 


M. DOCTOR MASHABANE (Afrique du Sud), qui a rappelé les récents débats sur l’état de droit dans les instances onusiennes et souligné à cet égard la pertinence des échanges de ce jour, a déclaré que la relation entre la paix et la justice était essentiellement contenue dans le Statut de Rome.  Il existe une « relation dynamique » entre ces deux notions, a-t-il dit.  Pour l’Afrique du Sud, il est clair que le rôle de la Cour pénale internationale (CPI) va finir par être reconnu par l’ensemble des États, y compris les États « qui ne sont actuellement que des observateurs ».


Si la CPI et l’ONU doivent collaborer étroitement entre elles, elles demeurent cependant des institutions séparées et indépendantes, a rappelé le représentant sud-africain.  La relation entre le Conseil et la Cour, a-t-il ajouté, doit se baser sur le respect mutuel.  Évoquant la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité, le représentant a constaté que l’absence de coopération de la part de certains États n’avait été suivie d’aucune conséquence.  Le Conseil semble en effet se contenter de renvoyer certaines affaires à la CPI sans toutefois assurer un suivi, a-t-il déploré.  Le représentant de l’Afrique du Sud a émis l’espoir que ce débat contribuerait à dresser un bilan honnête de la relation entre les deux institutions.


M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) s’est dit convaincu de l’universalité et de l’indivisibilité de la paix et de la justice.  Les stratégies pour punir les violations des droits de l’homme dans les pays émergeant de conflits doivent tenir compte du contexte et de la nécessité de promouvoir la réconciliation nationale et de prévenir toute résurgence de la violence, a-t-il affirmé.  La paix est préservée si les causes structurelles des conflits sont traitées et si un système de justice crédible est mis en place, a-t-il affirmé.  Le représentant a ensuite rappelé la primauté des systèmes judiciaires nationaux dans la poursuite des crimes les plus graves, la CPI ne jouant qu’un rôle de complément.  Saluant les apports à la jurisprudence internationale des Tribunaux spéciaux, il s’est félicité que l’importance fondamentale de la justice transitionnelle dans les pays émergeant d’une situation de conflit ait été reconnue dans le document adopté lors de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’état de droit.  Enfin, il a indiqué que l’article 23 de la nouvelle Constitution du Maroc disposait que les crimes plus graves seront punis conformément au droit interne.


M. PETER WITTIG (Allemagne) a félicité le Guatemala pour la ratification du Statut de Rome, la CPI se rapprochant peu à peu de l’universalité, a-t-il observé.  Toutefois, il convient de bien rester conscient des différences entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale, deux organes complémentaires.  En outre, certains États Membres du Conseil ont exprimé leurs doutes sur l’utilité de la Cour.  Par ailleurs, constate l’Allemagne, le Conseil a parfois été incapable de se mettre d’accord sur des renvois à la CPI, le dernier cas en date étant la Syrie.  Pour l’Allemagne, le Conseil doit être prêt à utiliser cet outil du renvoi sans préjuger du fait que c’est à la Cour de juger en dernier ressort de la pertinence des poursuites et des charges éventuelles.


Le représentant a rappelé qu’au sein même de cette instance, le Procureur de la CPI avait exprimé par le passé sa frustration face au manque de résultat concernant la situation au Darfour, sentiment que l’Allemagne partage.  La coopération des États est vitale pour la pleine application du Statut de Rome, a-t-il rappelé.  En ce qui concerne le financement, dans les cas de renvoi par le Conseil devant la CPI, l’Allemagne est convaincue que la responsabilité du coût doit être assumée par l’ONU.  Le représentant a précisé que sa délégation n’était pas d’accord sur le point de vue exprimé par certains selon lequel la justice devrait être gratuite.  Il convient de clarifier les choses à ce sujet, a estimé le représentant, qui s’est dit favorable à la tenue de débats réguliers sur l’état de droit.


M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a rappelé le rôle du Conseil dans le renforcement des principes juridiques des relations internationales.  Les décisions du Conseil doivent être fondées sur la Charte des Nations Unies et ne pas être adoptées de manière précipitée, a-t-il insisté, en mettant en garde contre toute manipulation du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  Les décisions du Conseil ne doivent pas ébranler l’édifice du droit international mais bien, au contraire, le renforcer, a-t-il précisé.  Il a ensuite déclaré que le Conseil disposait avec la CPI d’un nouvel instrument pour œuvrer à la paix internationale, tout en soulignant qu’il était important pour ces deux institutions de coopérer entre elles dans le respect de leur mandat respectif.


Les deux institutions doivent harmoniser leurs efforts lorsqu’une situation particulière est examinée à la fois par le Conseil et par la Cour, a souhaité le représentant, qui a plaidé pour la recherche d’un équilibre entre les efforts de maintien de la paix dans les pays émergeant d’une situation de conflit et la poursuite des crimes les plus graves.  L’intervention de la Cour entraîne des conséquences politiques et juridiques importantes, a-t-il poursuivi, en soulignant les incertitudes juridiques qui subsistent en matière de coopération entre la Cour et les États non parties au Statut de Rome.  Le Conseil doit déférer une situation devant le Cour au moment idoine, a-t-il dit, en mettant en garde contre toute décision hâtive, qui risque de fragiliser les perspectives de paix.  Faisant référence aux amendements au Statut de Rome relatifs au crime d’agression, le représentant de la Fédération de Russie a regretté que ces amendements ne reconnaissent pas la prééminence du Conseil dans la reconnaissance d’une agression commise par un État, en raison de nature politique de ce crime.  La Cour ne verra sa place consolidée dans le système institutionnel international que lorsqu’elle sera devenue un organe pénal véritablement universel, a-t-il conclu.


M. KODJO MENAN (Togo), qui a souligné la complémentarité entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale, a estimé que ces deux institutions ne devraient pas entretenir de relations, en vertu de la séparation des pouvoirs.  Toutefois, ces relations sont considérées comme une dérogation à ce principe, autrement dit comme « un mal nécessaire ».  La preuve en est, a estimé M. Menan, que les rédacteurs du Statut de Rome n’ont pas souhaité une trop grande intervention du Conseil de sécurité dans le mandat de la Cour pénale internationale.  Pourtant, le Conseil dispose d’un pouvoir très important face à la CPI, pouvoir qui, pour le Togo, n’est « pas toujours conforme au droit international.  C’est pourquoi, il est nécessaire d’éviter toute extension des relations entre la CPI et le Conseil de sécurité au-delà des termes et de l’esprit du Statut de Rome », a-t-il dit.


Le représentant du Togo a attiré l’attention sur le fait que le Conseil comprenait des États comme le sien qui n’étaient pas encore parties au Statut de Rome « pour des raisons qui leur sont propres ».  Pour lui, le fait que le Conseil de sécurité soit loin d’être représentatif des États membres du Statut de Rome devrait conduire à ce que le Conseil lui-même se déclare incompétent.  Cette situation évoque en effet, a-t-il dit, « un régime dans lequel les organes politiques et exécutifs appliquent aux citoyens des lois contre lesquelles eux-mêmes se protègent ».  Certaines situations « quelque peu équivoques » concourent à cette perception.  « Même si la majorité des situations africaines actuellement devant la CPI a été déférée par les États africains eux-mêmes, il n’en demeure pas moins que les deux seules situations que le Conseil a déférées à la CPI jusqu’à ce jour sont aussi africaines ».  Pour le Togo, se pose alors la question de savoir pourquoi des situations similaires ailleurs dans le monde ne suscitent pas le même intérêt.  Il est donc nécessaire, a insisté le représentant, de fixer des critères clairs que le Conseil devra utiliser pour identifier les situations qui doivent être déférées à la CPI, « indépendamment du lieu où elles se produisent ».


M. GÉRARD ARAUD (France) a déclaré que la Cour pénale internationale (CPI) est devenue, en quelques années, un acteur central du système multilatéral.  Il a salué le nombre croissant des États parties au Statut de Rome qui est aujourd’hui de 121.  Les États qui avaient menacé de dénoncer le Statut, si la CPI continuait à mener sa politique indépendante pour poursuivre les principaux responsables, s’étaient trompés, s’est-il réjoui.  La CPI, a-t-il souligné, représente une garantie de protection pour toutes les victimes d’atrocités.  À cet égard, il a salué la signature entre l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et la CPI d’un accord de partenariat qui permettra de faciliter des processus de ratification.


Le représentant de la France a mis l’accent sur la densité et la maturité des relations entre le Conseil de sécurité et la CPI qui a vocation à intervenir en période de conflit.  Il a précisé que le Bureau du Procureur Fatou Bensouda mène des analyses préliminaires -dont le potentiel de prévention est immense- dans 8 pays, sur 4 continents différents.  Il poursuit des enquêtes dans 7 pays dont la situation a été abordée par le Conseil de sécurité dans ses discussions au cours de ces deux dernières années, a-t-il précisé.  Il s’est félicité des références de plus en plus nombreuses à la CPI dans les déclarations présidentielles et résolutions thématiques sur la protection des civils, les enfants dans les conflits armés, les violences sexuelles, l’état de droit et des échanges de plus en plus nourris entre la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les enfants dans les conflits armés et la CPI.  Il a salué la résolution 1970 du 26 février 2011 déférant la situation en Libye à la CPI avant de relever que la France a été auteur ou co-auteur de toutes les résolutions géographiques portant des références positives à la CPI, depuis la résolution 1593 (2005) sur le Darfour à la résolution 2071 (2012) sur le Mali.


Mettant l’accent sur les désaccords et des lacunes, le représentant a jugé flagrante l’absence de saisine de la CPI dans une situation comme celle de la Syrie.  Il a estimé que l’ampleur et la nature des atrocités commises en Syrie justifieraient que ce Conseil saisisse le Procureur en vertu de l’article 13 b du Statut.  Il a déclaré que le silence et l’incapacité du Conseil à démontrer son unité contre les crimes de masse sont une incitation à la violence.  M. Araud a rappelé que le Ministre français des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, s’est prononcé pour l’établissement d’un code de conduite entre membres permanents du Conseil par lequel ceux-ci s’engageraient de concert à ne pas recourir au veto dans les situations où des crimes massifs sont commis.  La seconde lacune, plus insidieuse, c’est l’absence de suivi, par ce Conseil, de ses propres résolutions, a-t-il ajouté, en regrettant que le Conseil de sécurité ne garantisse pas à la CPI un soutien politique cohérent, et ne réagisse pas aux instances de non-coopération, sur lesquelles la CPI appelle notre attention.  Jugeant anormal que les directives diffusées par le Bureau du Procureur de la CPI sur les contacts avec les inculpés ne soient pas appliquées strictement, M. Araud a estimé que ce débat offrait une opportunité pour aller de l’avant et réfléchir aux moyens concrets de rendre l’interaction entre le Conseil et la CPI plus efficace.


Dans un souci de cohérence, il a appelé à contribuer davantage au rôle de prévention de la CPI en soulignant que les représentants du Secrétaire général ne doivent pas rencontrer les personnes inculpées par la CPI.  Dans le cadre du régime de sanctions, il a suggéré un listage plus automatique des individus qui font l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI, mais aussi une clause d’exemption de l’interdiction de voyager dans les cas de transfert d’un inculpé vers La Haye.  Dans le domaine de la coopération, il a mis l’accent sur les questions de gel des avoirs et de planification des arrestations en appelant à mieux structurer notre dialogue, sur le modèle de ce que nous avons fait dans le passé avec les tribunaux ad hoc, dans le cadre du groupe de travail informel du Conseil de sécurité.


M. PHILIP PARHAM (Royaume-Uni) a souligné le rôle central de la CPI dans la lutte contre l’impunité.  Le Conseil doit souligner davantage encore la nécessité de la coopération des États lorsqu’il défère une situation devant la Cour, a-t-il ajouté, en se félicitant qu’un nombre croissant de résolutions fasse référence à la Cour telles que la résolution 2033 sur la République démocratique du Congo ou bien encore la résolution 2071 sur le Mali.  Il a également invité le Conseil à remédier aux facteurs de ralentissement des travaux de la Cour, en mettant l’accent sur le problème particulier posé par la non-exécution des décisions de la Cour.  Le représentant a en outre exhorté tous les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut de Rome.


« Le Conseil et la Cour doivent continuer de transmettre un message clair aux dirigeants qui envisagent de commettre des crimes: vous serez tenus responsables par la CPI, si ce n’est par vos propres tribunaux », a-t-il insisté.  Évoquant la situation en Syrie, il a rappelé l’importance cruciale de poursuivre les responsables du bain de sang qui a cours dans ce pays.


M. HAROLD CABALLEROS, Ministre des affaires étrangères du Guatemala, a émis l’espoir que ce débat permettra de rapprocher le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale (CPI).  Il a ajouté que la stabilité de la relation entre les deux institutions ne devrait pas être conditionnée par la question de savoir quels pays siégeaient pour un mandat de deux ans au sein du Conseil lorsqu’une affaire est déférée devant la Cour.  À l’inverse, elle doit se baser sur la conviction universelle que certains crimes sont si atroces qu’ils ne doivent pas rester impunis.  Le Guatemala estime que trois principes, à savoir la complémentarité, la coopération et l’universalité, vont dans l’intérêt du Conseil, a déclaré le Ministre.  La complémentarité repose sur le fait que les juridictions pénales nationales ont la primauté pour enquêter et traduire en justice les responsables des délits prévus par le Statut de Rome.  La triste réalité est que la Cour n’a pas la capacité de s’occuper de toutes les violations graves qui se produisent dans le monde, de même que le Conseil ne peut faire face à toutes les crises.  La Cour reste une instance de dernier ressort, a-t-il rappelé.


Quant à la coopération entre le Conseil et la Cour, il convient de prendre les mesures nécessaires pour l’intensifier à tous les niveaux afin d’en finir avec l’impunité, a estimé le Ministre.  Le Conseil doit faire preuve de volonté pour promouvoir l’universalité du Statut de Rome, a-t-il ajouté.  Plus le nombre de ratifications sera élevé, moins fréquente sera la procédure de renvoi à la Cour par le Conseil, ce qui contribuera ainsi à limiter le nombre d’affaires dont la Cour aura à connaître.  Les États parties se montreront plus responsables de prendre eux-mêmes les mesures qui s’imposent.  En conclusion, le Ministre a lancé un appel aux États Membres de l’ONU pour qu’ils maximisent les avantages que présente la CPI en tant qu’outil de diplomatie préventive.


M. JEAN ASSELBORN, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Luxembourg, a déclaré que la Cour pénale internationale (CPI) joue un rôle crucial dans la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves, dont le crime de génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre et, à l’avenir, le crime d’agression.  Il a ajouté que le Statut de Rome offrait des options importantes au Conseil de sécurité, surtout lorsqu’il est confronté à des situations caractérisées par des atrocités de masse.  Il a rappelé que les cas du Darfour en 2005 et de la Libye en 2011 avaient démontré que l’exercice, à bon escient, par le Conseil de sécurité de sa compétence pour saisir la CPI étendait de manière significative la responsabilisation pour les crimes les plus graves.  Il a estimé que la lutte contre l’impunité aura fait un nouveau pas en avant lorsque la CPI sera compétente pour juger les auteurs de crimes d’agression.  Il a indiqué que le Luxembourg avait inscrit le crime d’agression dans son Code pénal.  « D’ici au début 2013 et, conformément à l’engagement pris le 24 septembre dernier lors de la Réunion de haut niveau sur l’état de droit aux niveaux national et international, le Luxembourg aura ratifié l’ensemble des amendements apportés au Statut de Rome par la Conférence de révision de Kampala en juin 2010, y compris en ce qui concerne le crime d’agression ». 


S’agissant des suggestions pour renforcer l’interaction entre le Conseil de sécurité et la CPI, le représentant a jugé essentiel que le Conseil dispose d’une information adéquate sur les crimes commis sur le terrain.  Saluant la participation de plus en plus fréquente de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme aux délibérations du Conseil, il a exhorté ce dernier à tirer pleinement profit aussi d’autres sources d’information comme les rapports d’enquête.  À titre d’illustration, il a noté que les informations recueillies par le Conseil de sécurité sur les crimes commis ces derniers mois en Syrie étaient accablantes, avant d’assurer que les responsables de ces violences devront en rendre compte.  Il a mis l’accent sur la complémentarité de la CPI avec les juridictions nationales qui, a-t-il insisté, constituent la première ligne de défense contre l’impunité.  Il a exhorté le Conseil de sécurité à veiller à ce que les opérations de maintien de la paix disposent des capacités nécessaires pour soutenir le renforcement de l’état de droit et des juridictions nationales dans des situations postconflit.  Il a précisé que c’est pour renforcer le principe de complémentarité que le Luxembourg a engagé depuis plusieurs années un partenariat avec le Centre international pour la justice transitionnelle et appuyer l’initiative « Action rapide pour la justice/Justice Rapid Response » qui vise à former des experts nationaux pour enquêter sur des crimes internationaux.


M. ERKKI TUOMIOJA (Finlande), s’exprimant au nom des pays nordiques, a fait remarquer que depuis sa création en 2002, la Cour pénale internationale (CPI) était devenue une pièce maîtresse de la justice criminelle internationale, et un acteur clef dans la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux les plus graves. « À travers la CPI, le Conseil de sécurité peut envoyer le message fort selon lequel « le crime ne paie pas, la justice triomphe », a souligné M. Tuomioja.  Dans ce contexte, il a demandé au Conseil de soutenir la CPI dans l’accomplissement de sa mission.  Pour M. Tuomioja, ce soutien est d’autant plus nécessaire que le mandat de la CPI est limité: la Cour ne peut exécuter des mandats d’arrêt, ni prendre des mesures en cas d’absence de collaboration.  Mettant en lumière la conséquence de cette situation, le représentant a déploré le fait que plusieurs mandats d’arrêt soient en souffrance depuis des années, et a exigé que ces mandats d’arrêts soient exécutés.


« Les pays nordiques ont toujours affirmé que l’impunité ne peut être tolérée face aux crimes internationaux les plus graves », a rappelé M. Tuomioja.  Il s’est dit horrifié par les atrocités qui sont toujours perpétrées en Syrie, et a exhorté le Conseil à prendre des mesures décisives afin que les responsables puissent rendre des comptes.


Mme TIINA INTELMANN (Estonie), s’exprimant également en qualité de Présidente de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a souligné que les résolutions 1593 (2005) et 1970 (2011) avaient permis à la Cour pénale internationale (CPI) de franchir des étapes décisives dans la lutte contre l’impunité par rapport au Darfour et à la Libye.  « Après avoir reconnu ces accomplissements, nous devons aussi être conscients des autres défis qui interpellent la CPI dans ces deux cas, et qui continuent à alimenter les discussions entre les États parties », a avisé Mme Intelmann.  Plaidant pour une coordination entre les comités des sanctions et la CPI, la représentante de l’Estonie a demandé que les biens confisqués aux personnes poursuivies soient mis à la disposition de la Cour pour financer la défense de ces personnes devant la CPI et, au besoin, les réparations aux victimes.


Mme Intelmann a aussi proposé que la CPI mette à contribution le Conseil de sécurité, pour régler les cas de non-coopération.  À ce sujet, elle a cité en exemple l’Assemblée des États parties qui a mis en place ses propres mécanismes de poursuites dans les cas de non-coopération des États parties.  « Le fait que le Conseil de sécurité saisisse la CPI crée un fardeau financier qui a, jusqu’ici, été supporté par les États parties au Statut de Rome.  Cette situation n’a pas été prévue par le Statut de Rome qui stipule, en son article 115, que les Nations Unies rembourseront à la Cour les coûts générés par les saisines du Conseil », a affirmé Mme Intelmann.


M. ENRIQUE ROMÁN-MOREY (Pérou) a souligné qu’il était important que la saisine de la Cour par le Conseil à la Cour ne soit pas exercée de manière sélective: le renvoi d’une situation ne doit pas impliquer que le Conseil de sécurité se décharge de certaines de ses responsabilités en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales.  C’est l’inverse qui est vrai pour le Pérou: la Cour épaule le Conseil dans cette tâche, dans le cadre de ses compétences.


Le représentant du Pérou a aussi évoqué la question du financement des renvois de situations devant la Cour, en précisant que le Conseil suggérait de l’imputer au budget de l’ONU.  Il a rappelé cependant que les décisions budgétaires relèvent de la compétence de l’Assemblée générale et non pas de celle du Conseil de sécurité.  En outre, le renvoi de situations découle de l’application du Chapitre VII de la Charte de l’ONU, celles-ci étant induites par le système créé par le Statut de Rome.  Il ne s’agit donc pas d’un élément étranger à l’Organisation puisque, précisément, on ne recourt plus à la création de tribunaux spéciaux depuis l’entrée en vigueur du Statut de Rome.  Il est donc plus qu’opportun pour le Pérou que le financement du dispositif relatif à la relation entre la Cour et le Conseil soit viable.


S’exprimant au nom des Représentants permanents de la Jordanie et du Costa Rica qui ont assumé comme lui la présidence de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome, M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a rappelé que cette position était privilégiée pour observer l’évolution des relations entre la Cour Pénale internationale et le Conseil de sécurité au cours des 10 dernières années.  Revenant d’abord sur les deux cas de saisine de la CPI par le Conseil de sécurité -en 2005 concernant la situation au Darfour et en 2011 concernant la Lybie-M. Wenaweser a indiqué qu’elles avaient provoqué un sentiment mitigé dans la mesure où elles étaient dictées par des motifs politiques.  « Pour faire avancer avec sincérité le principe de la responsabilité, plusieurs aspects des pratiques du Conseil de sécurité devront être revue dans les prochains cas de renvois », a-t-il indiqué, avant de regretter que ces deux affaires aient valu à la CPI d’être accusée « de politisation, de parti pris contre une région particulière, de manipulation par des puissances qui ont décidé, elles, de rester hors du Statut de Rome ».


« Évidemment, ce n’est pas dans l’intérêt de la Cour, ni dans celui du Conseil de sécurité », a-t-il poursuivi, en réclamant que le Conseil de sécurité prenne un certain nombre d’initiatives pour corriger cette tendance et s’achemine vers « une relation plus symbiotique avec la CPI, en tant qu’institution judiciaire indépendante ».  Parmi les éléments les plus importants, M. Wenaweser a souligné qu’il était nécessaire pour le Conseil de sécurité d’appuyer ses décisions de renvois sur des mesures qui imposent la coopération de l’État mis en cause.  Déplorant que le Conseil de sécurité ne dispose même pas de mécanisme pour intervenir sur les cas de non-coopération d’État dont peut l’informer la CPI, il a appelé « à palier à cette insuffisance de toute urgence ».


Abordant ensuite le financement des opérations lancées par la CPI après qu’elle a été saisie par le Conseil de sécurité, le représentant du Lichtenstein a souligné que ces procédures devraient être prises en charge par le budget des Nations Unies, validé par l’Assemblée générale, dans la mesure où elles évitent au Conseil de sécurité « l’alternative très coûteuse de tribunaux spéciaux ».  À l’avenir, le Conseil de sécurité devrait éliminer de ses résolutions saisissant la CPI les formulations qui exonèrent certains individus de la compétence de la CPI, a-t-il estimé.  Pour M. Wenaweser, elles créent des soupçons quant à une sélection des individus qui ont, ou n’ont pas, à répondre de leurs actes.  « Outre la nécessité de revoir fondamentalement le langage utilisé, le Conseil doit traiter aussi des problèmes liés aux règles de complémentarité », a-t-il ajouté, en demandant au Conseil de les clarifier dans les résolutions qu’il adopte pour saisir la Cour.


Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) a rappelé qu’une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) par le Conseil de sécurité ne doit pas être une procédure systématique lorsqu’une violation est constatée.   Les circonstances politiques de tout conflit et les conséquences éventuelles à recourir à la CPI doivent minutieusement être étudiées par la Cour, a recommandé Mme Ribeiro Viotti.  « La paix et la justice seront mieux servies si l’implication de la CPI est bien planifiée », a-t-elle insisté.


La prérogative d’invoquer l’Article 13 (b) du Statut de Rome doit être utilisée en dernier ressort, après épuisement de tous les autres recours, a souligné la représentante du Brésil.  « Dans la mesure où la décision de saisir la CPI est basée sur des considérations politiques, le Conseil doit éviter d’appliquer la politique des « deux poids, deux mesures » et agir de manière sélective », a précisé Mme Ribeiro Viotti.  Elle a insisté sur la nécessité pour le Conseil, lorsqu’il décide de saisir la Cour, de veiller au respect de certaines conditions qui pourraient contribuer au renforcement de la paix et la sécurité internationales.  La représentante du Brésil a aussi réaffirmé son opposition à toute forme de soustraction, de certaines catégories d’individus, à la juridiction de la CPI.  « La notion de responsabilité criminelle sélective est étrangère aux valeurs sur lesquelles nous fondons la justice », a tranché Mme Ribeiro Viotti, après avoir rappelé que le Brésil était membre fondateur de la Cour. 


M. JIM MCLAY (Nouvelle-Zélande) a indiqué que l’instauration de la paix n’était possible sans la poursuite de la justice.  Il a invité le Conseil à veiller systématiquement à l’application de la justice et utiliser pleinement à cette fin les mécanismes à sa disposition.  Lorsque le Conseil décide de déférer une situation devant la Cour, il doit veiller au suivi de cette décision et s’assurer que la Cour reçoive le niveau de coopération nécessaire, a-t-il insisté.  Il doit, a-t-il ajouté, mettre en place un groupe de travail à cette fin comme il l’a fait pour les Tribunaux spéciaux.  Le Conseil ne doit pas déférer une situation devant la Cour en raison de l’indignation politique ou parce qu’il n’a pas d’autre stratégie, pas plus qu’il ne doit utiliser ses prérogatives en vertu du Statut de Rome pour protéger des États non parties, a-t-il poursuivi.


Ces deux institutions entameraient leur crédibilité si les décisions de déférer une situation étaient vues comme étant motivées politiquement, a estimé le représentant.  Il a en conséquence réitéré son appel aux membres permanents du Conseil afin de ne pas exercer leur droit de veto lorsque des atrocités de masse sont commises.  Enfin, il a invité le Conseil à se pencher sur un certain nombre de questions en suspens, afin notamment de déterminer si une décision de déférer une situation devant la Cour a contribué ou non à faciliter la mise en place d’un processus de paix.


Mme PHILIPPA KING (Australie) a considéré que la notion de responsabilité pour les cas de crimes internationaux était un élément clef de la consolidation de la paix et la prévention des conflits, en soulignant que la paix et la justice étaient fondamentales pour créer les conditions d’une sécurité durable dans toutes les sociétés.  Consciente des divergences de vues sur les conditions de l’application de la responsabilité, en particulier pour régler des situations politiques complexes, elle a estimé que la lutte contre l’impunité et la reconnaissance des erreurs du passé pouvaient contribuer à l’établissement d’une paix durable, comme l’a également souligné le rapport 2011 du développement mondial. 


Mme King a encouragé la coopération fructueuse entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale pour envoyer un message clair aux auteurs de crimes internationaux, soulignant qu’ils seraient tenus responsables de leurs actes.  Partant, elle a insisté sur la nécessité des membres du Conseil de sécurité de parler d’une seule voix en ce qui concerne la responsabilité, les pressant donc de saisir la CPI sur la situation en Syrie.  Pour autant, a-t-elle recommandé, le Conseil ne doit pas se limiter à saisir la Cour mais appuyer de manière continue ses travaux, surtout lorsque par exemple, cette dernière lui notifie qu’un État a failli à son obligation de coopérer avec elle.


M. KAZUO KODAMA (Japon) a jugé qu’il était temps d’évaluer les réalisations de la CPI et d’aborder ses développements futurs à l’occasion du dixième anniversaire de l’entrée en vigueur du Statut de Rome.  Il a précisé que le Gouvernement du Japon accueillait, aujourd’hui, un symposium à Tokyo sur la CPI en présence de son Procureur, Mme Fatou Bensouda.  Il s’est félicité que la CPI ait conclu son premier jugement en mars 2012 avec la condamnation de Thomas Lubanga, tout en soulignant les difficultés rencontrées par la CPI ces 10 dernières années en vue de traduire en justice les auteurs de crimes commis sur le territoire d’États non parties au Statut de Rome.  Il s’est félicité de la collaboration positive du Conseil de sécurité avec la CPI.  C’est parce que les actes de violence contre des civils innocents ne sont plus tolérables que le représentant du Japon a souhaité que le Conseil de sécurité saisisse la CPI sur la question de la situation en Syrie. 


Le représentant a noté que si le rôle de la CPI était d’apporter la justice en s’appuyant sur la primauté du droit, les décisions du Conseil de sécurité étaient, elles, souvent politiques.  Il a estimé que le Conseil de sécurité ne saisissait pas uniquement la CPI pour des raisons juridiques en appelant le Conseil de sécurité à ne pas considérer la CPI uniquement sous l’angle du maintien de la paix, mais aussi comme un moyen de prévenir les futurs crimes en apportant la justice.  Il a souligné qu’il était essentiel que le Conseil de sécurité continue d’être engagé sur une question bien après avoir saisi la CPI, en prévenant que l’insuffisance de coopération du Conseil de sécurité risque non seulement de freiner la capacité de la CPI de poursuivre les auteurs de crimes, mais aussi de miner la crédibilité du Conseil de sécurité et de la CPI.  « Une fois que le Conseil de sécurité a décidé de saisir la CPI, les membres de ce Conseil de sécurité portent la responsabilité morale de coopérer avec la CPI », a insisté le représentant du Japon.  M. Kodama a aussi appelé à un dialogue et une collaboration approfondies entre le Conseil de sécurité et la CPI en général, en particulier sur les conséquences financières des saisines.  Il a indiqué qu’en tant que principal contributeur de la CPI, le Japon espérait que cette Cour pourra contribuer d’une manière plus efficace et universelle à la paix et à la sécurité internationales.


M. THOMAS MAYR-HARTING, Chef de la délégation de l’Union européenne, s’est félicité de l’annonce faite par Haïti et la Côte d’Ivoire d’adhérer au Statut de Rome, avant de souligner l’apport de la Cour pénale internationale dans la poursuite des responsables de génocides, de crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.  Pour le représentant, l’année 2012 représente une étape importante pour la Cour, d’autant qu’elle vient de rendre son premier verdict dans l’affaire Thomas Lubanga, l’ancien chef rebelle en République démocratique du Congo, déclaré coupable de recrutement d’enfants soldats. 


Après avoir rappelé les liens entre le Conseil de sécurité et la Cour, le représentant a salué la décision du Conseil de saisir la Cour de la situation au Darfour et de la situation en Libye, en ajoutant que la lutte contre l’impunité ne sera effective que s’il y a une coopération individuelle et collective avec la Cour.  Sans la coopération des États, la Cour ne pourra remplir sa mission, a prévenu M. Mayr-Harting.  La coopération avec la CPI concerne non seulement tous les États parties au Statut de Rome mais aussi les membres du Conseil de sécurité, a-t-il rappelé.  Le refus de coopérer avec la Cour, notamment concernant les mandats d’arrêt lancés par celle-ci, constitue une violation des obligations internationales et même de certaines dispositions de la Charte des Nations Unies, a-t-il souligné.  À ce jour, a-t-il fait remarquer, sur les 23 personnes recherchées par la Cour, 12 n’ont toujours pas été arrêtées.


M. ABULKALAM ABDUL MOMEN (Bangladesh), réaffirmant que la paix et la justice étaient complémentaires, a souligné que les processus de paix qui tiennent compte de la justice ont plus de chances de réussir et de s’inscrire dans la durée.  Il a d’ailleurs suggéré que lors des négociations de ces processus, il faudrait prendre en compte les points de vue des victimes parce que « dans un premier temps les victimes veulent obtenir justice et ensuite, elles la réclament ».  Pour sa délégation, la mise en place de la Cour pénale internationale a marqué une étape importante dans la lutte contre l’impunité.  Le représentant a salué le fait qu’à ce jour, 121 États aient ratifié le Statut de Rome.  Toutefois, à la lumière de la situation récente en Libye, le Bangladesh estime que la CPI devrait « être mieux équipée » pour servir de véritable instrument de diplomatie préventive, de manière à pouvoir assister le Conseil de sécurité dans son mandat de faire respecter l’état de droit, maintenir la paix et la sécurité et combattre l’impunité.


« Les victimes réclament justice, peu importe le temps écoulé depuis les atrocités dont elles ont été frappées », a affirmé le représentant, en attirant l’attention du Conseil de sécurité sur les efforts entrepris par le Bangladesh.  Il a indiqué que son pays avait mis en place en 2010 un tribunal pour connaître de crimes internationaux qu’auraient commis des individus ou membres des forces armées, quelle que soit leur nationalité », y compris dans le contexte de la guerre de libération du Bangladesh de 1971.  Cet effort continu est « l’expression naturelle » de la volonté du Gouvernement du Bangladesh de mettre un terme à la culture de l’impunité dans les cas de crimes contre l’humanité, a expliqué le représentant.  Il a assuré que toutes les mesures avaient été prises pour que ce processus national soit conforme aux normes internationales.  Ce processus enverra, selon lui, un message fort « à ceux qui pourraient commettre ce type de crimes dans le monde » et il montrera qu’il possible pour « le système judiciaire national d’un pays en développement de traduire les responsables de crimes de guerre en justice même bien après que ces crimes aient eu lieu ». 


Mme SIMONA LESKOVAR (Slovénie) a appelé le Conseil de sécurité à organiser régulièrement des débats publics sur la Cour pénale internationale.  Tout en se félicitant du premier jugement prononcé par celle-ci et de sa première décision sur les réparations pour les victimes, la représentante a mis l’accent sur le rôle préventif de la Cour pénale internationale.  Alors qu’il est maintenant bien établi que les crimes les plus graves représentent une menace à la paix et à la sécurité internationales, un système de justice pénale internationale joue un rôle fondamental en matière de prévention.  Tout individu doit être conscient qu’il n’y a pas d’impunité lorsque de tels crimes sont commis.  En conclusion, la représentante s’est dite très préoccupée par l’escalade de la situation en Syrie.  Elle a souligné que le Conseil devrait renvoyer la situation en Syrie à la Cour pénale internationale.


M. MATEO ESTREME (Argentine) a estimé que l’adoption du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale était une des réalisations les plus notables de la diplomatie multilatérale, sa contribution étant évidente dans la lutte contre l’impunité en matière de crimes contre l’humanité, de génocide et de crimes de guerre.  La coopération entre les Nations Unies et la CPI est essentielle, a-t-il rappelé, en soulignant cependant la nécessité de respecter l’indépendance de la Cour.  La question des « contacts non essentiels » avec des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt doit s’inscrire dans le cadre de la coopération entre la Cour et les Nations Unies, comme le stipule l’Accord sur la coopération entre ces deux institutions.  En ce qui concerne la saisine de la Cour par le Conseil, l’Argentine estime que celui-ci se doit d’assurer un suivi des affaires dont la Cour est saisie.  L’Argentine est convaincue que l’établissement d’un mécanisme de suivi des situations renvoyées à la Cour contribuerait grandement à consolider une collaboration responsable entre le Conseil et la CPI.


Mme MARY ELIZABETH FLORES (Honduras) a souligné que la relation entre le Conseil et les institutions créées dans le cadre des Nations Unies devrait toujours être constructive et transparente.  Un dialogue permanent doit s’établir afin de favoriser la diplomatie préventive en exerçant des mécanismes concrets et efficaces qui puissent se montrer dissuasifs lorsque règne un climat d’hostilité et de violence quel qu’en soit le lieu.  Le Honduras estime que des mesures plus précises sur les méthodes de travail du Conseil, s’inscrivant dans le processus de réforme de celui-ci, sont essentielles pour la confiance des États Membres.  De même, les instances juridictionnelles doivent coopérer avec les États Membres en leur fournissant l’information la plus complète sur les rapports et enquêtes en cours, afin de garantir la véracité et l’objectivité des processus, a souligné la représentante.


Mme RITA KAZRAGIENĖ (Lituanie) a déclaré que la paix et la justice, telles qu’elles sont associées dans le Statut de Rome, devraient être considérées comme des impératifs se renforçant mutuellement.  Toutefois, ce lien est souvent mis à l’épreuve par des dilemmes pratiques et moraux, a-t-il dit.  La Lituanie, elle-même partie au Statut de Rome, soutient de toutes ses forces la Cour pénale internationale dans son rôle d’arbitre impartial de la justice internationale.  L’existence de la Cour traduit une détermination collective à mettre fin à l’impunité et à tenir pour responsables les auteurs des crimes internationaux les plus graves.  Elle dynamise en outre le droit international humanitaire et les droits de l’homme en jouant un rôle important dans leur interprétation et leur application.  Elle peut et doit être un outil efficace de la diplomatie préventive vers lequel le Conseil de sécurité peut se tourner dans l’exécution de son mandat.  Ainsi, la nature complémentaire de la CPI nous rappelle que le meilleur investissement à long terme consiste à édifier des capacités nationales pour enquêter et poursuivre les crimes internationaux.  La Lituanie est d’avis que lorsque le Conseil renvoie une situation à la Cour, il doit continuer d’exercer sa responsabilité en faisant en sorte que ce renvoi aboutisse à une décision de la Cour.  Le Conseil pourrait aussi envisager d’étendre à tous les États Membres l’obligation de coopérer, a ajouté la déléguée de la Lituanie.


M. JOSÉ LUIS CANCELA (Uruguay) s’est félicité de la condamnation de Thomas Lubanga, premier verdict en 10 ans d’existence de la Cour pénale internationale, en marquant ainsi « le début de la fin de l’impunité internationale ».  Le représentant a ensuite appelé à la ratification rapide des amendements au Statut de Rome, adoptés lors de la Conférence d’examen à Kampala, en soulignant que son Gouvernement a, pour sa part, déjà lancé le processus de ratification de ces amendements.  Le représentant s’est également félicité du nombre croissant d’États parties à la CPI, en précisant que cela représentait désormais les deux-tiers des États Membres des Nations Unies.


Le représentant a ensuite dit comprendre qu’aux termes de l’article 115 b du Statut de Rome, les Nations Unies doivent contribuer au financement du processus de transfert par le Conseil de sécurité à la CPI.  « Nous espérons que, sur la base de l’article 13 de l’Accord de coopération entre les deux institutions, que des arrangements seront pris pour mettre en œuvre cette coopération », a poursuivi M. Cancela.


Par ailleurs, M. Cancela s’est félicité des deux situations déférées à la Cour par le Conseil et espéré que cette pratique se poursuive.  Son pays, a-t-il dit, est préoccupé par les conséquences tragiques des conflits armés et par le nombre croissant des auteurs de graves violations des droits de l’homme.  Dans ce contexte, l’Uruguay rejoint les États qui en appellent au Conseil pour agir face aux graves violations des droits de l’homme en Syrie, a conclu le représentant. 


M. CHARLES THEMBANI NTWAAGAE (Botswana) a exprimé l’appui de son pays à la Cour pénale internationale qui est devenue une institution irremplaçable.  Mettant en garde contre toute tentative de politisation de la relation entre le Conseil et la Cour, il a indiqué que cette relation complémentaire devait être renforcée.  La CPI est la pierre angulaire de la justice pénale internationale, a-t-il souligné, en réaffirmant la nécessité de respecter le principe de complémentarité.  Enfin, il a affirmé que toute pression sur ces deux organes était préjudiciable à la poursuite de la justice. 


M. EDUARDO ULIBARRI (Costa Rica) a déclaré que l’histoire nous enseignait que la paix et la sécurité, si l’on voulait qu’elles se traduisent durablement dans la réalité, devraient s’appuyer sur la justice et les droits de l’homme.  C’est la raison pour laquelle le Conseil de sécurité, s’il entend exercer pleinement son mandat de maintenir la paix et la sécurité internationales, a le devoir d’impulser l’exercice plein et entier de la justice internationale et de l’état de droit.  Bien que la Cour soit une juridiction indépendante issue d’un traité, le Statut de Rome donne au Conseil des prérogatives sur elle, en particulier celle de lui déférer des situations, a également noté le représentant.  Le Conseil de sécurité a un rôle politique tandis que celui de la Cour est juridique, ce qui explique que leur relation sera toujours complexe.  Le Conseil doit agir en étant convaincu que la justice pénale internationale n’est pas un moyen d’amadouer les despotes mais bien un devoir essentiel de l’humanité dans le cadre d’un ordre international plus pacifique et plus sûr reposant sur des critères établis, a souligné le représentant.


M. MAFIROANE MOTANYANE (Lesotho) a demandé que le Conseil de sécurité adopte une attitude conséquente par rapport aux saisines.  « Des paramètres précis doivent définir le cadre dans lequel le Conseil saisit la Cour pénale internationale (CPI) », a souhaité le représentant du Lesotho.  Les aspirations du Conseil de sécurité l’emportent sur les intérêts nationaux particuliers des membres du Conseil et doivent, par conséquent, être bien précisées, a-t-il dit.  M. Motanyane a aussi constaté que, depuis l’adoption du Statut de Rome en 1998, 121 États y ont adhéré.  Il a invité le Conseil à redoubler d’efforts pour amener d’autres États Membres à ratifier ce Statut.


M. TUVAKO N. MANONGI (République-Unie de Tanzanie) a noté que la Cour pénale internationale (CPI) et le Conseil de sécurité œuvrent, tous les deux, à la paix et à la justice.  Mais, à certaines occasions, la communauté internationale et le Conseil ont eu à composer avec le défi d’établir un équilibre entre les deux institutions, en particulier lorsque l’une semble prendre le pas sur l’autre, a regretté le représentant.  « La collaboration entre le Conseil et la CPI, ainsi qu’avec les États, est primordiale », a plaidé M. Manongi.  La délégation a ainsi mis l’accent sur les points communs entre le Conseil de sécurité et la CPI, dont le plus évident est que les deux entités ont une compétence internationale, mais privilégient les activités en Afrique.


En Afrique, la CPI est confrontée à de sérieuses difficultés, même lorsque les affaires dont la Cour est saisie concernent la justice et la paix, a annoncé M. Manongi.  Il en résulte que « le travail de la CPI est, malheureusement, l’objet de bien des inquiétudes de la part de nombreux gouvernements du continent.  Ces inquiétudes créent un vrai malaise », a-t-il déclaré.  L’adage en droit anglais selon lequel « la justice ne doit pas seulement être rendue, mais doit également être perçue comme étant rendue » est aussi valable pour la CPI.  La Cour doit être préservée de toute influence politique, même d’une influence qui viendrait du Conseil », a préconisé M. Manongi.


M. PAUL SEGER (Suisse) a déclaré que la décision de déférer une situation à la Cour devait être prise de manière cohérente car « il ne peut y avoir deux poids deux mesures si l’on entend avoir un effet dissuasif significatif et garantir la crédibilité de la Cour et des Nations Unies dans la lutte contre l’impunité ». 


Évoquant la situation en Syrie, l’orateur a déploré que ce pays n’eût pas réagi jusqu’à présent aux appels répétés de la communauté internationale l’invitant à mettre en place un mécanisme national crédible, équitable et indépendant qui permette de demander des comptes aux auteurs des crimes commis actuellement.  La Suisse appelle le Conseil à déférer la situation en Syrie à la Cour afin que toutes les allégations de crimes graves puissent être examinées, indépendamment de l’identité de leurs auteurs.  « À tout le moins, le Conseil de sécurité devrait envoyer un avertissement clair à toutes les parties au conflit », estime la Suisse.  « Nous notons, a dit son représentant, qu’un nombre croissant d’États Membres soutiennent notre démarche et encourageons tous les autres États à appuyer notre initiative qui consiste à adresser une lettre sur la Syrie au Conseil de sécurité. »


Par ailleurs, sur un plan général, la délégation helvétique a souligné la nécessité que « les saisines ne soient pas faites sans conviction mais de manière forte et cohérente ».  Et il serait logique que l’ONU contribue aux coûts des saisines de la Cour pénale internationale.  En outre, le déferrement d’une situation ne devrait pas prévoir d’exemptions pour les ressortissants des États non parties.  Enfin, il importe que le Conseil de sécurité donne « énergiquement » suite aux résolutions découlant des saisines, la coopération des États étant l’un des défis majeurs posés à la Cour.  « La saisine de la Cour ne devrait pas marquer la fin de l’engagement du Conseil de sécurité dans sa lutte contre l’impunité, elles devraient en marquer le début », a souligné la délégation suisse.


M. JAN GRAULS (Belgique) a jugé positif que le Conseil de sécurité intègre de façon croissante des dispositions relatives à la CPI dans ses résolutions avant de rappeler que la coopération des États était indispensable au bon fonctionnement de la Cour.  Il a ensuite tenu à rappeler combien son pays regrettait que le Conseil fasse porter la charge financière des enquêtes et poursuites découlant de ses deux renvois aux seuls États parties, en appelant les États Membres à assumer collectivement cette responsabilité.  Il a ensuite indiqué que le principe de complémentarité ne sera pleinement mis en œuvre que si les États promulguent des lois nationales réprimant les crimes les plus graves.  Avant de conclure, M. Grauls a appuyé l’initiative de la Suisse visant à demander au Conseil d’enclencher des enquêtes au sujet de toutes les allégations de crimes graves commis en Syrie.


Mme YANERIT MORGAN (Mexique) a déclaré que 10 ans après sa création, il apparaissait clairement que l’un des défis les plus importants que rencontre la Cour est l’absence de coopération des États.  En effet, 13 des 19 mandats d’arrêt émis jusqu’à présent attendent toujours leur mise en œuvre, alors que dans certains cas la localisation des suspects est connue du monde entier.


Le Mexique déplore le manque de coopération ouverte qu’ont montré certains États.  Il estime que le Conseil a un rôle indispensable à jouer pour appuyer l’action de la Cour.  De par son pouvoir de déférer des cas à la Cour, il dispose d’un outil utile pour maintenir la paix et la sécurité internationales, dont il doit user de manière responsable et efficace, guidé par des critères objectifs qui ne soient ni sélectifs ni politisés, estime le Mexique.


Par ailleurs, à la veille de l’élection de neuf nouveaux membres du Conseil, la délégation mexicaine constate que sept des 15 sièges sont actuellement occupés par des États qui ne sont pas parties au Statut de Rome, parmi lesquels trois membres permanents sur cinq.  Si le Conseil agit au nom de tous les Membres des Nations Unies, comme le stipule sa Charte, alors tous les États doivent ratifier le Statut de Rome.  Le Mexique lance un appel en ce sens aux États qui n’ont pas encore ratifié ledit Statut.


M. OTHMAN JERANDI (Tunisie) a rappelé que son pays était partie au Statut de Rome et a encouragé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à lui emboîter le pas.  Il a ensuite invité le Conseil de sécurité à développer une approche intégrée pour saisir la Cour d’une situation, afin d’éviter qu’il ne soit accusé d’adopter une approche sélective.  Se félicitant des contributions de la Cour à l’instauration de la justice internationale, il a souligné l’importance de prévenir les crimes graves appartenant au champ de compétence de la CPI.  Le délégué a enfin proposé la création d’un organe, composé notamment de membres d’organisations non gouvernementales, qui examinerait la compatibilité des constitutions et des législations nationales avec le droit international.


M. FRANTIŠEK RUŽIČKA(Slovaquie) a reconnu le rôle unique de la Cour pénale internationale (CPI) en tant que dernier recours en l’absence d’une réelle action menée par les autorités au niveau national.  Il a donc salué la coopération entre le Conseil de sécurité et la CPI en matière de maintien de la paix et de sécurité, ainsi que dans la lutte contre l’impunité en vue de se pencher sur les crimes les plus graves qui préoccupent la communauté internationale.  M. Ruzicka s’est donc réjoui de l’adoption par le Conseil de sécurité de résolutions saisissant la Cour pénale internationale sur les situations au Soudan et en Libye. 


« Le Conseil de sécurité agissant sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies a, ainsi, requis l’action de la Cour lorsque des crimes tombant sous sa juridiction ont été commis », a-t- il déclaré.  Néanmoins, au-delà de toute saisine, il y a lieu de s’assurer d’un suivi adéquat de la mise en application par les parties concernées des résolutions du Conseil de sécurité.  Il faut éviter, a-t-il dit, que le manque de coopération observé dans certains cas vienne mettre à mal les activités de la Cour, ainsi que les principes fondamentaux de l’ONU.


M. FERNANDO ARIAS (Espagne) a déclaré que l’efficacité du multilatéralisme ne pouvait se concevoir sans le respect de l’état de droit et de la justice.  Le jugement des crimes qui préoccupent et affectent le plus la communauté internationale est un élément complémentaire et constitutif du maintien de la paix et de la sécurité internationales, a-t-il dit.  Les situations au Darfour et en Libye que le Conseil avait déférées à la Cour sont de bons exemples de la coopération entre ces deux institutions, estime le représentant.  Le dialogue demeure essentiel pour contribuer à une meilleure compréhension entre les États, ainsi qu’à une meilleure compréhension du rôle de la Cour.  C’est la seule façon d’éviter toute polarisation des États élus au Conseil de sécurité et de les aider à rapprocher les points de vue qui soient compatibles et constructifs, a estimé le représentant de l’Espagne.  La tenue de réunions régulières en la matière permettrait, a-t-il estimé, de combler le fossé qui sépare les États face à la notion de justice internationale.  À cet égard, les États parties au Statut de Rome peuvent jouer un rôle pédagogique envers ceux qui ne l’ont pas ratifié, a-t-il dit.


Pour M. PALITHA KOHONA (Sri Lanka), le concept de l’état de droit contribue à maintenir la paix et le respect de la loi à l’échelle internationale.  Ce concept a longtemps été appliqué aux droits individuels, mais, selon le représentant, il faudrait également l’appliquer dans le contexte des progrès économiques des individus et des sociétés.  Il part du principe que l’élargissement de la portée du concept d’état de droit au développement, aux progrès économiques, à la protection de l’environnement et à l’utilisation durable des ressources naturelles aux plans national et international permettrait de désamorcer des sources de conflit potentiel. 


La codification du droit international et des obligations juridiques est essentielle, et, le Bureau des affaires juridiques des Nations Unies devrait, selon lui, jouer un rôle central dans ce domaine.  Il a souligné que le respect des traités internationaux par les États parties était un domaine d’activité où les Nations Unies pourraient assumer un rôle important en aidant les États à développer leurs propres capacités.


Le représentant a aussi mis l’accent sur l’importance de la coopération dans l’application de la loi, aux plans national, régional et international dans le cadre de la lutte contre le crime transnational organisé et le terrorisme.  Ces deux fléaux sont une réelle menace pour la paix internationale et un facteur de déstabilisation économique et sociale.  Il a également rappelé que le principe de l’égalité souveraine, qui est consacré dans la Charte des Nations Unies, doit être maintenu lorsque les réglementations internationales sont développées et mises en œuvre.  Il en va de même pour le principe de la non-ingérence dans les affaires internes des États. 


Le représentant a ajouté qu’il redoutait une application unilatérale et sélective des règles du droit international qui, selon lui, saperait le principe même de l’état de droit.  Sa délégation a toujours soutenu l’idée du règlement des conflits internes et internationaux par des moyens pacifiques comme la négociation et la médiation.  Elle est cependant consciente de la difficulté de trouver un juste équilibre entre les intérêts sécuritaires des États et le respect des droits dans les situations de conflit ou postconflit.


Les pays qui avaient des bases juridiques anciennes sont plus à même de restaurer et de revitaliser les institutions démocratiques, a-t-il noté.  De plus, il faudrait, selon lui, leur permettre de trouver leurs propres mécanismes de consolidation de la paix et de réconciliation nationale tout en facilitant le renforcement de leurs institutions démocratiques.


M. EDUARDO JOSE DE VEGA (Philippines) a estimé que l’état de droit, s’il doit être considéré comme essentiel dans des situations postconflit ou de transition, doit être considéré avant tout comme un moyen de prévention des conflits et de lutte contre l’impunité.  Aux Philippines, l’état de droit a renforcé les institutions et processus démocratiques et a contribué à la croissance économique du pays.  Cela a notamment été démontré dans l’Accord-cadre signé le 15 octobre dernier entre le Gouvernement des Philippines et le Front Moro islamique de libération, en présence de l’Organisation pour la coopération islamique.  Cet Accord-cadre établit la cessation des hostilités et la paix dans la région de Mindanao, a précisé le représentant. 


Dix ans après l’entrée en vigueur du Statut de Rome et un an après son entrée en tant qu’État partie à cet instrument, les Philippines prennent note du besoin de développer une approche systématique dans la relation entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale, en particulier au regard des situations auxquelles la CPI fait référence dans l’article 13(b).  Cela nécessite une meilleure compréhension de la manière dont cet article, ainsi que les 16 prérogatives attribuées au Conseil de sécurité par le Statut de Rome peuvent être mieux utilisés dans des situations spécifiques de pays dont le Conseil est saisi.  Il est important d’explorer les voies par lesquelles la CPI peut assister le Conseil en tant qu’outil préventif pour faire respecter l’état de droit et préserver la paix et la sécurité, a souligné le représentant.  Toute amélioration future de ladite relation, a-t-il dit, doit préserver l’intégrité du Statut de Rome. 


M. OCTAVIO ERRAZURIZ (Chili) a invité le Conseil à exercer son pouvoir de saisir la CPI concernant une situation inscrite à son ordre du jour, ainsi que son pouvoir de demander à cette dernière de surseoir à enquêter ou à poursuivre, sur la base de critères clairs, afin d’agir en toute transparence.  Le Conseil devrait accorder une attention accrue aux cas de refus de coopérer avec la Cour, a-t-il poursuivi, tout en l’invitant à assurer un suivi plus étroit de ses renvois à la Cour.  Soulignant que le principe de complémentarité était la pierre angulaire du Statut de Rome, le délégué chilien a rappelé l’engagement pris par son pays dans le cadre de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale le 24 septembre dernier en ce qui concerne le renforcement de sa coopération avec la Cour.


M. ANDREAS RIECKEN (Autriche) a rappelé que le Conseil de sécurité avait joué un rôle moteur dans la promotion de la responsabilité pénale individuelle, en particulier en créant des tribunaux ad hoc qui ont eux-mêmes inspiré la création de la Cour pénale internationale.  Dix ans après sa création, la CPI est bien partie pour atteindre l’universalité, deux États Membres sur trois étant maintenant parties au Statut de Rome. 


En outre, le consensus atteint lors de la Conférence d’examen de Kampala, en juin 2010, sur le crime d’agression et d’autres amendements du Statut, a constitué un succès remarquable dans l’évolution de la Cour qui a démontré le fort attachement des États parties au Statut de Rome.  La CPI est désormais généralement reconnue comme un instrument clef de lutte contre l’impunité, de la prévention des crimes futurs et de la promotion d’un ordre international basé sur l’état de droit, estime l’Autriche.


Sur le cas syrien, M. Riecken a déclaré que l’on ne pouvait fermer les yeux sur les meurtres de masse qui sont en train d’être commis.  Le déferrement de la Syrie à la CPI enverrait un signe clair confirmant que les auteurs et commanditaires de ces crimes devraient rendre des comptes et qu’ils auraient tout intérêt à reconsidérer leurs choix.  Enfin, l’Autriche estime que les Nations Unies doivent assumer les coûts supplémentaires liés aux renvois d’affaires à la Cour par le Conseil.


M. PATRICIO TROYA (Équateur) a rappelé qu’il n’y avait pas de paix sans justice et pas de justice sans paix.  La Cour pénale internationale contribue à la paix et à la sécurité internationales en punissant les responsables de crimes graves, a-t-il rappelé.  Il a ensuite plaidé pour que la CPI dispose d’un financement suffisant et prévisible afin qu’elle puisse s’acquitter au mieux de ses tâches, en invitant dans un second temps les Nations Unies à prendre à leur charge le financement des renvois du Conseil à la Cour.  Le délégué a aussi souhaité que la Cour soit en mesure d’exercer sa compétence sur le crime d’agression à partir de 2017.  Aucun retard ne serait acceptable, a-t-il prévenu.  En conclusion, il a exhorté le Conseil à établir des critères clairs pour déterminer dans quels cas il saisira la Cour afin de préserver sa crédibilité. 


M. DAFFA-ALLA ELHAG ALI OSMAN (Soudan) a rappelé que si la Cour pénale internationale fonctionnait en vertu d’un cadre juridique, en l’occurrence le Statut de Rome, le Conseil de sécurité demeure un organe purement politique.  Promouvoir l’état de droit ne doit pas être utilisé comme prétexte pour politiser la justice internationale, avertit le représentant du Soudan.  De nombreux pays, notamment ceux du Groupe des États arabes, avaient d’emblée mis en garde contre cet écueil, a-t-il dit.  Il y a un risque, a-t-il dit, d’agir en contradiction avec le droit international et, en particulier, la Convention de Vienne sur les traités.  Il faut établir un socle de paix sur le terrain, par la promotion de la réconciliation, a estimé le représentant, qui a cité le succès de la Commission vérité et réconciliation, créée en Afrique du Sud après l’abolition de l’apartheid.


Le Soudan a l’intention de persévérer dans la voie qu’il a commencé d’emprunter, avec la signature de l’Accord de paix de Doha, et il attend du Conseil qu’il l’appuie dans ce choix.  Le respect des principes du droit international implique le respect de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, a souligné son représentant.  Tout en notant que la compétence de la Cour et la coopération entre la Cour et le Conseil de sécurité restent des questions de désaccord, que le débat d’aujourd’hui a de nouveau démontré, il a réaffirmé que la paix et la justice sont indissociables.


Mme EDITA HRDÁ (République tchèque) a rappelé que son pays, qui avait connu de graves violations du droit international et des droits de l’homme pendant la Seconde Guerre mondiale et la période communiste, la République tchèque est très attachée au principe de la justice internationale et en particulier à la Cour pénale internationale.  De tels crimes ne devraient plus jamais se reproduire, a poursuivi la représentante, en ajoutant que cela doit être l’objectif de la CPI.  Elle a ensuite observé qu’avant que l’universalité du Statut de Rome ne soit réalisée, la CPI ne pourra se saisir de tous les crimes sans bénéficier de la coopération des États parties, soit pour les crimes commis sur leur territoire, soit pour les crimes commis par leurs ressortissants.  En attendant, il revient au Conseil de sécurité de combler ce vide en saisissant lui-même directement la CPI, lorsque ce genre de crimes est commis.  Par ailleurs, la représentante s’est félicitée de l’adoption des résolutions 1593 et 1970 du Conseil de sécurité et ce, même si la CPI n’a pas reçu du Conseil tout le soutien qu’elle mérite.


Mme Hrdá s’est aussi félicitée que le Conseil ait référé de certaines situations à la Cour pénale internationale, en déplorant toutefois que deux saisines au cours des 10 ans d’existence de la Cour ne peuvent être considérées comme un usage abusif de cet instrument, alors que durant cette même période, il y a eu des crimes graves qu’avaient été commis, notamment dans des situations de conflit.  De l’avis de sa délégation, ces situations, y compris celles qui se poursuivent encore aujourd’hui auraient pu être renvoyées à la CPI.  La pratique des « deux poids deux mesures » a un impact négatif sur la promotion de l’état de droit, a estimé Mme Hrdá, en rappelant qu’il ne peut y avoir autorité sans responsabilité.


Mme SOFIA BORGES, au nom du Timor-Leste et de Samoa, a indiqué que les mandats du Conseil et de la Cour étaient complémentaires par nature, puisque le maintien de la paix et de la sécurité internationales doit aller de pair avec la promotion de l’état de droit.  La coopération entre la Cour et le Conseil est unique, a-t-elle dit, en insistant sur la nécessité de renforcer cette coopération.  La confiance croissante de la communauté internationale envers la Cour est marquée par l’augmentation du nombre de ratifications du Statut de Rome, s’est-elle félicitée, en encourageant les pays qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre le Statut.  Elle a également souhaité que le renvoi de situations à la Cour par le Conseil prévoie un mécanisme financier pour permettre à la Cour de s’acquitter de son rôle.  En conclusion, elle a rappelé que Samoavenait de ratifier les amendements au Statut de Rome relatifs au crime d’agression. 


M. MARCEL VAN DEN BOGAARD (Pays-Bas) a déclaré que depuis 10 ans, le Conseil de sécurité avait développé une relation constructive avec la Cour pénale internationale.  La délégation néerlandaise se félicite du fait que le Conseil ait déféré à la Cour les situations au Soudan et en Libye.  Il est important en effet que le Conseil fasse preuve de cohérence en saisissant la Cour.  Par ailleurs, les Pays-Bas accueilleraient favorablement un débat sur le financement des affaires renvoyées à la Cour par le Conseil.  Pour que celle-ci puisse fonctionner correctement, il est essentiel que les États soient pressés de coopérer dans les enquêtes et la poursuite des suspects.  S’agissant par ailleurs de la Syrie, le représentant a déploré la persistance de désaccords au sein du Conseil.  Le monde a besoin d’un Conseil de sécurité qui soit fort, uni et déterminé, a-t-il rappelé.  Les Pays-Bas sont partisans du renvoi de la Syrie à la Cour pénale internationale, ce qui n’exclut en rien des poursuites au niveau national, a-t-il assuré.


M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a indiqué que la Cour pénale internationale devrait viser à atteindre l’objectif d’une compétence véritablement universelle.  Il a ensuite regretté que certains pays aux intentions belliqueuses, et qui cherchent à contrôler le Conseil de sécurité, n’aient pas encore rejoint le Statut de Rome.  Les Nations Unies doivent s’engager dans une réforme profonde avant de vouloir changer le monde, a-t-il insisté, en pointant l’archaïsme des structures onusiennes.  Le délégué bolivien a ainsi plaidé pour la réforme du Conseil et son adaptation aux nouvelles réalités géopolitiques.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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