CS/10732

Le Représentant spécial du Secrétaire général en Guinée-Bissau dénonce devant le Conseil de sécurité un processus de transition politique marqué par des divisions profondes

26/07/2012
Conseil de sécuritéCS/10732
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité                                        

6818e séance – après-midi                                  


LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL EN GUINÉE-BISSAU DÉNONCE DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ

UN PROCESSUS DE TRANSITION POLITIQUE MARQUÉ PAR DES DIVISIONS PROFONDES


Trois mois après le coup d’État du 12 avril 2012, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Guinée-Bissau a averti qu’outre une fracture politique dans le pays, les partenaires internationaux de la Guinée-Bissau sont également profondément divisés au sujet du processus de transition politique dans ce pays.


Venu présenter le dernier rapport du Secrétaire général sur la Guinée-Bissau, M. Joseph Mutaboba a dans un premier temps averti que la fracture politique que connait le pays risque de s’aggraver si les parties prenantes ne lancent pas un dialogue pour trouver une issue à l’impasse politique actuelle.


Il a également précisé qu’à l’issue de sa quarante et unième session ordinaire des chefs d’État et de gouvernement, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait donné son aval aux organes de transition mis sur pied en Guinée-Bissau et décidé de lever les sanctions imposées au pays.


En revanche, a-t-il ajouté, dans un communiqué publié le 19 juillet, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) a réaffirmé qu’elle reconnaissait les autorités déchues et renouvelé son appel au plein rétablissement de l’ordre constitutionnel et à l’achèvement du processus électoral.


« Il est d’une importance cruciale que la CEDEAO et la CPLP, en collaboration avec l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations Unies, parviennent à surmonter leurs divergences et à s’accorder sur une position commune », a-t-il souligné.


En la matière, le représentant de la Côte d’Ivoire, qui représentait la CEDEAO, a affirmé que celle-ci était prête à rencontrer la CPLP en vue de tenir avec elle des discussions « franches et ouvertes » et faire en sorte que la communauté internationale puisse s’exprimer d’une seule voix.


Membre de la CPLP et Président de la configuration Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix, le Brésil a, par la voix de sa représentante, souligné que les dispositifs actuels de transition n’avaient pas été acceptés par les principales parties prenantes nationales et qu’ils ne répondaient pas non plus aux normes de légitimité exigées par les partenaires internationaux. 


« Ils ne favorisent ni la stabilité ni une solution politique durable et excluent la principale force politique du pays », a-t-elle dénoncé.  Parler de faction à propos du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), qui représente les deux tiers du Parlement, manque d’élégance, a renchéri le représentant du Portugal.


Au nom de la CPLP, le représentant du Mozambique a demandé au Secrétaire général de l’ONU de convoquer une réunion de haut niveau sur la Guinée-Bissau dans le but d’établir une stratégie commune capable d’apporter une solution durable et stable à la crise actuelle.


Le Représentant spécial du Secrétaire général a appelé à des « actions concrètes » pour lutter contre l’impunité et traduire en justice toutes les personnes responsables d’assassinats politiquement motivés, de l’augmentation du trafic de stupéfiants et de la violation de l’ordre constitutionnel.


LA SITUATION EN GUINÉE-BISSAU


Rapport du Secrétaire général sur l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et sur les activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays (S/2012/554)


Ce rapport traite des principaux faits nouveaux survenus dans le pays depuis le rapport du 21 octobre 2011, à l’exception des faits survenus du 12 au 30 avril 2012 qui sont abordés dans le rapport spécial du Secrétaire général sur la situation en Guinée-Bissau du 30 avril 2012.


Dans ce rapport, le Secrétaire général note que le coup d’État du 12 avril a constitué un important revers en ce qui concerne les efforts déployés à l’échelle nationale et internationale pour promouvoir la paix, la stabilité et le développement en Guinée-Bissau.  Pour permettre le retour à la normale, le Secrétaire général estime indispensable que tous les partenaires de la Guinée-Bissau collaborent pour régler ensemble les problèmes rencontrés dans le pays, en particulier en ce qui concerne le plein rétablissement de l’ordre constitutionnel conformément à la résolution 2048 (2012) du Conseil de sécurité.


Le Secrétaire général fait observer que l’instabilité régnant en Guinée-Bissau est la conséquence directe de l’incapacité des responsables politiques et militaires d’engager un véritable dialogue en vue de la réconciliation nationale et note en outre que le recours à la force à des fins politiques est profondément ancré dans la culture politique.  Le Secrétaire général appelle tous les acteurs nationaux à emprunter la voie de la démocratie et à renoncer aux confiscations anticonstitutionnelles du pouvoir.  Il appelle à ce que de réelles concertations ouvertes à tous soient engagées à l’échelle nationale pour convenir des moyens de venir à bout des problèmes rencontrés dans le pays.


Le Secrétaire général averti que la stabilité politique restera un objectif lointain en Guinée-Bissau tant qu’il ne sera pas porté de coup d’arrêt à l’impunité.  À ce jour, fait-il notamment observer, tous les efforts déployés pour que des enquêtes soient menées de manière crédible, transparente et efficace, dans le respect des normes internationales, sur les assassinats politiques des mois de mars et juin 2009, le coup de force militaire du 1er avril 2010, l’incident du 26 décembre 2011, ainsi que les assassinats du 27 décembre 2011 et du 18 mars, et pour amener les coupables à répondre de leurs actes, n’ont porté que peu de fruits.


Dans ce rapport, le Secrétaire général indique également que la suppression du Ministère pour les femmes, la famille, la cohésion sociale et la lutte contre la pauvreté dans le cabinet de transition représente un recul significatif par rapport aux progrès qui avaient été accomplis dans l’établissement d’un cadre légal en vue de la réalisation de l’égalité des sexes.  Il constate aussi que la situation sur le plan humanitaire s’est dégradée en Guinée-Bissau depuis le coup d’État et estime fondamental que les partenaires internationaux répondent comme il se doit aux besoins urgents du peuple bissau-guinéen.


Le Secrétaire général explique par ailleurs que le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS) a entrepris de revoir ses priorités en matière de réforme du secteur de la sécurité pour 2012 et 2013 à la lumière du coup d’État du 12 avril et des événements qui ont suivi.


Dans ce rapport, le Secrétaire général signale par ailleurs que le trafic de stupéfiants s’est apparemment intensifié depuis le coup d’État du 12 avril et appelle la communauté internationale à appuyer les efforts déployés pour lutter contre ce fléau par des moyens financiers, en termes d’infrastructure, sur le plan logistique et d’un point de vue opérationnel.  La communauté internationale ne doit pas relâcher sa vigilance, non seulement en Guinée-Bissau, mais aussi dans les pays d’origine, de transit et de destination, affirme-t-il.


Présentant le dernier rapport du Secrétaire général sur la Guinée-Bissau, M. JOSEPH MUTABOBA, Représentant spécial du Secrétaire général en Guinée-Bissau, a averti que la fracture politique que connait le pays risque de s’aggraver si les parties prenantes ne lancent pas un dialogue pour trouver une issue à l’impasse politique actuelle.  Il a précisé que le pays était divisé entre, d’une part, ceux qui appuient le Gouvernement de transition, notamment le Parti du renouveau social, l’armée, les cinq candidats qui ont contesté le premier tour des élections présidentielles et, d’autre part, ceux ce qui ne reconnaissent pas les autorités de transition, notamment le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) et le front anti-coup (FRENAGOLPE).


Il a rappelé que l’Assemblée nationale était paralysée depuis le lancement, le 29 juin, de sa quatrième session après les désaccords sur l’ordre du jour et l’élection d’un nouveau président.


En outre, les partenaires internationaux de la Guinée-Bissau sont profondément divisés au sujet du processus de transition.  À l’issue de sa quarante et unième session ordinaire des chefs d’État et de gouvernement, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a donné son aval aux organes de transition en Guinée-Bissau et a engagé la communauté internationale à appuyer le Gouvernement.   


La CEDEAO a également décidé de lever les sanctions imposées au pays et a exhorté toutes les parties politiques et civiles à travailler ensemble pour créer un gouvernement réellement inclusif.  Il a rapporté que l’Union africaine appuyait les efforts de la CEDEAO.


En revanche, dans un communiqué du 19 juillet, la Communauté des pays de langue portugaise (CLP) a réaffirmé qu’elle reconnaissait les autorités déchues et a renouvelé son appel en faveur de la pleine restitution de l’ordre constitutionnel et de l’achèvement du processus électoral.  Elle s’est également engagée en faveur d’une réunion de haut niveau pour établir une stratégie complète et intégrée visant à rétablir l’ordre constitutionnel en Guinée-Bissau.


M. Mutaboba a signalé que la situation humanitaire, sociale et économique demeurait fragile, précisant notamment que les répercussions du coup d’État du 12 avril se faisaient ressentir sur la production de noix de cajou qui devrait passer, selon les estimations, de 200 000 tonnes en 2011 à 100 000 cette année.  Ce fait est d’autant plus inquiétant que l’industrie de la noix de cajou représente 90% des revenus du pays et emploie 80% de la population active bissau-guinéenne, a-t-il fait observer.  En plus, Bissau est en proie à une vague d’actes criminels; le trafic de drogues ayant repris de plus belle depuis le 12 avril.


M. Mutaboba a fait le point sur les activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS) qui, a-t-il fait savoir, continuera, au cours des semaines à venir, à créer l’espace nécessaire pour permettre aux principaux acteurs politiques de se réunir pour convenir des conditions nécessaires aux progrès dans le processus de transition.  Il est cependant d’une importance cruciale que la CEDEAO et la CPLP, en collaboration avec l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations Unies, parviennent à surmonter leurs différences et à s’accorder sur une position commune, a-t-il souligné.


Le représentant spécial du Secrétaire général a par ailleurs indiqué que la mise en œuvre de réformes dans les domaines de la défense, de la sécurité et de la justice, ainsi que pour la lutte contre l’impunité et le trafic de drogues étaient des défis clefs à surmonter à ce moment charnière de l’histoire de la Guinée-Bissau.  Des actions concrètes sont nécessaires pour traduire en justice toutes les personnes responsables d’assassinats politiquement motivés, de l’augmentation du trafic de stupéfiants et de la violation de l’ordre constitutionnel.


Déclarations


Intervenant en sa capacité de Présidente de la configuration Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix, Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil), a constaté que malgré la cohérence de ses objectifs, la communauté internationale n’avait toujours pas établi une stratégie commune.  Elle a appelé les partenaires internationaux de la Guinée-Bissau à parler d’une seule et même voix et à travailler de manière cohérente et coordonnée pour trouver une solution inclusive et durable à la crise actuelle.


La représentante a signalé que les dispositifs actuels de transition en Guinée-Bissau n’avaient pas été acceptés par les principales parties prenantes nationales et qu’ils ne répondaient pas non plus aux normes de légitimité exigées par les partenaires internationaux.  Ils ne favorisent ni la stabilité ni une solution politique durable et excluent la principale force politique du pays.  En outre, les dispositifs actuels de transition remettent en cause la capacité du pays à maintenir ses efforts en faveur de ses priorités les plus pressantes en matière de consolidation de la paix, notamment la réforme du secteur de la sécurité et la lutte contre l’impunité et la criminalité transnationale organisée, notamment le trafic de stupéfiants.


Selon la représentante, le rétablissement de l’ordre constitutionnel en Guinée-Bissau doit se faire par le dialogue et les négociations avec toutes les forces politiques du pays.  À ce titre, elle a demandé au Secrétaire général de convoquer une réunion de haut niveau sur la Guinée-Bissau dans le but d’établir une stratégie commune capable d’apporter une solution durable et stable à la crise actuelle.


Au nom du Président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), M. YOUSSOUFOU BAMBA (Côte d’Ivoire) a affirmé que la CEDEAO reprendrait prochainement les discussions avec le Gouvernement de la Guinée-Bissau, à Abuja, sur le mémorandum d’accord de la mise en œuvre du programme de réforme des secteurs de la défense et de la sécurité. 


De même, a-t-il expliqué, la CEDEAO va réexaminer la feuille de route afin de donner la priorité aux nouveaux développements et besoins, y compris les projets à impact rapide.


Par ailleurs, la CEDEAO est en train de décider d’une nouvelle date avec tous les partenaires concernés pour la prochaine réunion du Groupe de contact international sur la Guinée-Bissau, qui aura probablement lieu en septembre 2012, en marge de la soixante-septième session de l’Assemblée générale. 


Dans tous les cas, a-t-il conclu, la CEDEAO est prête à se rendre à tout moment à Lisbonne, au Portugal, afin de rencontrer la Communauté des pays de langue portugaise (CLP) et de tenir avec elle des discussions franches et ouvertes.  Elle est déterminée à faire en sorte que la communauté internationale puisse s’exprimer d’une seule voix.


M. ANTÓNIO GUMENDE (Mozambique), qui s’exprimait au nom de la Communauté des pays de langue portugaise, a rappelé que la situation en Guinée-Bissau avait fait l’objet de discussions lors de la neuvième Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté, à Maputo, le 20 juillet dernier. 


Une déclaration sur la Guinée-Bissau a été adoptée dans laquelle les dirigeants réitèrent leur appel en faveur du plein rétablissement de l’ordre constitutionnel, de la restauration du fonctionnement et de l’autorité des organes légitimes de gouvernance, y compris le Président par intérim de la République et le Premier Ministre.


La CPLP, a ajouté le représentant, encourage la poursuite de la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité, ainsi que le renforcement de la lutte contre le trafic de drogues, autant d’éléments à une stratégie de stabilisation efficace et durable pour la Guinée-Bissau. 


M. Gumende a ainsi appelé la communauté internationale à convoquer une rencontre de haut niveau sous les auspices des Nations Unies pour développer une stratégie globale et intégrée en vue de restaurer l’ordre constitutionnel dans le pays.


M. JOSÉ FILIPE MORAES CABRAL (Portugal) a, pour sa part, tenu à préciser que le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) n’était pas membre du Gouvernement de transition.  « Parler de faction pour un parti qui représente les deux tiers du Parlement manque d’élégance », a-t-il estimé.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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