CS/10570

Conseil: 2012 étant « l’une des années les plus importantes dans l’histoire de la Libye », M. Ian Martin plaide pour une approche adaptée aux besoins et aux particularités du pays

07/03/2012
Conseil de sécuritéCS/10570
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Conseil de sécurité

6731e séance – après-midi


CONSEIL: 2012 ÉTANT « L’UNE DES ANNÉES LES PLUS IMPORTANTES DANS L’HISTOIRE DE LA LIBYE »,

M. IAN MARTIN PLAIDE POUR UNE APPROCHE ADAPTÉE AUX BESOINS ET AUX PARTICULARITÉS DU PAYS


Le Premier Ministre libyen renouvelle l’engagement

de son pays à respecter ses obligations internationales


Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Ian Martin, a, cet après-midi, demandé au Conseil de sécurité d’accepter la demande du Gouvernement libyen et la recommandation du Secrétaire général, dans son rapport*, de proroger de 12 mois le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL).


« L’année qui vient est l’une des plus importantes dans l’histoire de la Libye », a déclaré M. Martin, qui dirige également la MANUL, plaidant pour une approche « adaptée aux besoins de la Libye et respectant les particularités du pays ».


Le Premier Ministre de la Libye, M. Aburrahim El-Keib, a, lui, renouvelé l’engagement de son pays à respecter ses obligations internationales.  « Je suis fier de dire devant le Conseil que nous allons organiser les premières élections libres dans les temps impartis », a-t-il annoncé.  La Déclaration constitutionnelle fait en effet du système politique démocratique et multipartite une assurance contre la tyrannie, l’exclusion et la marginalisation, a-t-il dit. 


Le Conseil national de transition (CNT) a adopté le Code électoral après consultations avec la société civile, les dirigeants locaux et les membres du Conseil national de transition.  Un Code, a précisé le Premier Ministre, qui prévoit des mesures spéciales pour assurer la représentation des femmes.


Le Gouvernement libyen est actuellement engagé à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un environnement sûr et sécurisé, favorable à la tenue des élections et pour faire en sorte que la Commission électorale soit dotée des moyens nécessaires tout en maintenant son indépendance.  « Nous avons besoin de l’appui des Nations Unies et de la communauté internationale et nous attendons de l’ONU qu’elle continue de coordonner, avec les autorités libyennes, l’appui de la communauté internationale », a dit le Premier Ministre.


Le 22 février, la ville de Misrata a organisé avec succès les élections aux Conseils locaux et dans quelques temps, ce sera au tour de la ville de Benghazi, a fait savoir M. El-Keib.


Le Premier Ministre a rappelé qu’il avait promis au Conseil des droits de l’homme de l’ONU d’enquêter sur tous les cas d’abus.  Il a donné le détail des mesures juridiques et judiciaires qui ont déjà été prises.  Il a aussi parlé de la réconciliation nationale et de la réinsertion des anciens combattants. 


Toujours en matière de sécurité, le Premier Ministre a annoncé qu’il avait convié les voisins immédiats de la Libye ainsi que le Mali, la Mauritanie et le Maroc à une Conférence régionale de haut niveau pour, entre autres, renforcer le contrôle des frontières. 


M. El-Keib a poursuivi en parlant de la loi d’amnistie qui exclut néanmoins les crimes et détournements de fond public.  Il a d’ailleurs demandé aux pays concernés la restitution à la Libye des avoirs de la famille Qadhafi.  « Comme certains États ne protègent pas ces avoirs », le Premier Ministre a proposé qu’en attendant leur restitution, une commission de gestion de ces avoirs soit créée.   


« Nous souhaitons, a conclu M. El-Keib, des relations basées sur les normes internationales et les principes de non-ingérence et de respect de la souveraineté nationale. » 


Dans son exposé, au cours duquel il a présenté le rapport du Secrétaire général, M. Martin a rappelé que depuis que le Conseil avait, le 2 décembre dernier, prorogé de trois mois son mandat, la MANUL s’est engagée dans un processus de planification globale, selon les directives de la préparation des missions intégrées, qui inclut des consultations à travers le système des Nations Unies, et avec les autorités libyennes, les organisations de la société civile et les partenaires internationaux.


Ce processus et ces consultations avec les interlocuteurs libyens ont réaffirmé la pertinence du mandat de la MANUL, tel que défini dans les résolutions 2009 (2011) et 2022 (2011) du Conseil de sécurité, mais ont également contribué à définir les secteurs dans lesquels il convient de s’engager plus activement au cours des 12 mois à venir.


« Si la Libye est un pays riche en ressources, qui n’a nul besoin d’un soutien de la part des donateurs « traditionnels », qui bénéficie d’un personnel qualifié, prêt à diriger la nation dans de nombreux domaines, il n’en demeure pas moins que 42 années de dictature et de longues périodes d’isolement l’ont privée des institutions propres à un État moderne et démocratique », a expliqué M. Martin.


« Les Libyens, a-t-il dit, attendent désormais des élections libres, une constitution démocratique, de la transparence et de la responsabilité, l’état de droit, y compris des forces de sécurité relevant du contrôle et de la protection du peuple et non d’un régime. »  Ils sont, a-t-il ajouté, « déterminés à s’approprier leur avenir, mais sont impatients de bénéficier de l’expérience et des meilleures pratiques internationales ». 


Le rôle des Nations Unies doit être, selon lui, « de soutenir leurs efforts, là où et quand ils sont nécessaires, d’une manière souple qui n’exige pas une présence internationale lourde ».


Le Représentant spécial a souligné que la MANUL devait, ainsi que l’écrit le Secrétaire général dans son rapport, se concentrer, au cours des 12 prochains mois, sur les cinq domaines suivants: la transition démocratique et le processus électoral; la sécurité publique; la prolifération des armes et la sécurité des frontières; les droits de l’homme; la justice transitionnelle et l’état de droit; et la coordination de l’assistance internationale. 


Ces propositions, a-t-il dit, répondent parfaitement à la demande formulée par le Gouvernement de transition, dans une lettre adressée par le Premier Ministre libyen au Secrétaire général.


Le Chef de la MANUL, qui a détaillé le rôle que la Mission devra jouer en Libye à l’avenir, a expliqué que l’appui à la transition démocratique libyenne porterait essentiellement sur l’organisation, au mois de juin, des élections au Congrès national, le processus constitutionnel qui suivra, lequel culminera par un référendum. 


M. Martin a aussi mis l’accent sur le rôle des femmes, estimant que leur implication dans la révolution devait se traduire par une participation plus importante dans la transition démocratique.  « La MANUL a déployé des efforts pour soutenir l’autonomisation des femmes dans tous les domaines de son mandat », a-t-il dit. 


À l’issue des deux interventions, le représentant de la Fédération de Russie, M. Vitaly Churkin, a pris la parole pour évoquer les victimes civiles des frappes de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord(OTAN) dans le cadre, a-t-il précisé, d’« opérations supposées protéger la population ».  « L’OTAN continue de jouer un drôle de jeu et refuse d’assumer sa responsabilité », a-t-il assuré, exigeant de l’Alliance qu’elle reconnaisse que ses bombardements ont fait des victimes civiles, qu’elle les indemnise et présente des excuses.


De même, M. Churkin a appelé le Secrétaire général à faire une déclaration dans laquelle il mettrait « les point sur les « i » en ce qui concerne les victimes des frappes de l’OTAN ».


Le délégué russe s’est dit par ailleurs préoccupé par la question de la prolifération des armes.  Il a souligné l’existence d’un « centre de préparation de révolutionnaires syriens », une menace, a-t-il estimé, susceptible de « saper la stabilité dans toute la région ».  « Ne s’agit-il pas là d’une exportation de révolution qui se transforme en exportation de terrorisme? »


Selon le représentant, cette période de transition « est pleine de risques ».  Il a ainsi fait état de « signes de séparatisme dangereux dans l’est du pays » avec « menace de recours à la force ».  « Toutes les questions doivent être réglées par le dialogue et la voie politique », a-t-il déclaré, jugeant qu’« un nouveau bain de sang serait une tragédie ».


Cette intervention de M. Churkin a suscité les réactions de ses collègues américain, français, allemand et chinois, ainsi que du Chef du Gouvernement libyen. 


Les trois premiers ont rappelé les conclusions de la Commission d’enquête internationale du Conseil des droits de l’homme selon lesquelles l’OTAN « a mené une campagne très précise avec une détermination notable pour éviter les pertes civiles ».


La représentante des États-Unis, Mme Susan Rice, a mis l’accent sur la coopération de l’OTAN avec la Commission d’enquête.  « Le mandat de la Commission était d’examiner toutes les violations supposées du droit international.  Elle a estimé qu’il n’y avait pas eu de telles violations de la part de l’OTAN », a-t-elle expliqué, notant que l’Alliance avait également examiné la question de l’indemnisation des victimes civiles.  « Aucune cible n’a été attaquée ni approuvée si, au préalable, l’on avait pensé que des gens puissent encourir des risques », a insisté Mme Rice.


« Face à un adversaire qui s’en prenait à sa propre population, l’OTAN a fait un usage discriminé et retenu de sa force », a observé le représentant de la France, M. Martin Briens.  Pour son homologue allemand, M. Peter Wittig, l’Alliance « a pleinement collaboré avec la Commission d’enquête internationale » et « a conduit ses opérations conformément à son mandat de protection des civils ».


Le délégué de la Chine, M. Wang Min, a, de son côté, jugé que le Conseil de sécurité devait « tirer les enseignements de cette situation », qui, a-t-il ajouté, a une « incidence sur la mise en œuvre, l’impact et la crédibilité de ses résolutions ».  Il a exprimé sa « vive préoccupation » et s’est prononcé en faveur d’« enquêtes complémentaires ».   


Enfin, Le Premier Ministre El-Keib a considéré que « cette question, qui concerne le sang des Libyens, ne doit pas faire l’objet d’une propagande politique d’un pays contre un autre ».  « Le Gouvernement a effectué une enquête concernant les victimes et a bénéficié de la collaboration de l’OTAN sur certains faits », a-t-il affirmé.  Il a dit « espérer que cette question n’a pas été soulevée pour empêcher la communauté internationale d’intervenir dans d’autres pays où les peuples sont massacrés par leurs dirigeants ».


* S/2012/129


LA SITUATION EN LIBYE


Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) (S/2012/129)


Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, dans ce rapport, décrit les principaux faits nouveaux survenus depuis trois mois, et les activités menées par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), dont le mandat s’achève le 16 mars. 


Il dresse également le bilan des difficultés que rencontre la Libye dans la transition historique qu’elle opère, et formule des recommandations sur le rôle que la Mission devrait jouer en Libye à l’avenir.


Le Secrétaire général recommande au Conseil de sécurité de proroger de 12 mois le mandat de la MANUL, en tant que mission politique spéciale intégrée habilitée à agir dans les domaines définis par les résolutions 2009 (2011) et 2022 (2011) du Conseil.


L’accent est mis en particulier sur la nécessité d’un appui renforcé pour les actions menées par la Libye en matière de transition démocratique, y compris le processus électoral; de sécurité publique, y compris la démobilisation, l’intégration ou la réintégration des ex-combattants; de droits de l’homme, justice transitionnelle et état de droit; de prolifération des armes et sécurité des frontières; et de coordination de l’appui international.


Cette prorogation, écrit M. Ban, permettra à l’ONU, grâce aux relations fructueuses qu’elle entretient avec la Libye, de fournir l’appui qu’elle a sollicité dans des domaines vitaux pour la réussite de la transition.


Le Secrétaire général constate, dans son rapport, que, quatre mois après la fin des combats, le Conseil national de transition (CNT) et le Gouvernement intérimaire de la Libye doivent affronter de nombreux défis alors que la population a de grandes attentes vis-à-vis des autorités pour la réalisation des promesses et des revendications très fortes en faveur d’un renforcement de la responsabilisation et de la transparence.


La mise en œuvre d’un processus politique faisant appel à une large participation de toutes les principales parties prenantes, y compris les groupes de la société civile, est donc une tâche extrêmement ardue, estime-t-il, encourageant les dirigeants libyens à ne pas se départir de l’esprit d’ouverture et de réconciliation qui permettra d’assurer une transition sans heurt.


Il souligne que les élections libres et démocratiques prévues en juin, les premières depuis plus de 40 ans, constituent l’étape la plus emblématique et probablement la plus importante de la transition.  Elles offriront au peuple libyen une occasion unique d’exercer son droit de conférer une légitimité aux institutions qui gouvernent le pays et au processus d’élaboration de la constitution.


Le Secrétaire général se félicite également de la priorité accordée à l’intégration ou à la réintégration des ex-combattants, à la lutte contre la prolifération des armes et à la sécurisation des frontières.  Il se félicite aussi de ce que le Gouvernement poursuit un dialogue avec les pays voisins de la Libye.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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