FEM/1870

Les experts du CEDAW dénoncent la persistance des stéréotypes sexistes en Italie, freins de la percée des femmes sur le marché de l’emploi

14/07/2011
Conseil économique et socialFEM/1870
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Comité pour l’élimination de la                            

discrimination à l’égard des femmes                        

Quarante-neuvième session                      

982e et 983e séances – matin et après-midi


LES EXPERTS DU CEDAW DÉNONCENT LA PERSISTANCE DES STÉRÉOTYPES SEXISTES EN ITALIE, FREINS DE LA PERCÉE DES FEMMES SUR LE MARCHÉ DE L’EMPLOI


Les 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) ont déploré, aujourd’hui, le manque de progrès notables en matière de parité en Italie.  En examinant le sixième rapport périodique du pays, ils ont pointé du doigt la persistance des stéréotypes sexistes qui freinent la percée des femmes sur le marché de l’emploi, en particulier dans la vie politique. 


« L’égalité effective n’est pas encore une réalité en Italie » a reconnu la délégation italienne, qui était dirigée par M. Diego Brasioli, Président du Comité interministériel sur les droits de l’homme.  L’experte de la Croatie a en effet fustigé l’image de la femme, objet sexuel, que les médias et les hommes politiques italiens continuent de véhiculer.


Les experts se sont alarmés de la situation « extrêmement précaire » des femmes sur le marché de l’emploi; l’expert de la Finlande regrettant l’absence d’une politique cohérente et celle de Maurice dénonçant des « violations flagrantes » du droit de la femme dans le secteur privé.


« Trop de femmes ont encore du mal à concilier leurs obligations professionnelles et familiales, continuant de souffrir des inégalités salariales et de la violence », a reconnu le Président du Comité interministériel sur les droits de l’homme.


M. Diego Brasioli a avoué que les femmes italiennes gagnent, en moyenne, 5% de moins que les hommes.  Si elles représentent 46,1% de la population active, dans le sud du pays, ce taux ne dépasse pas 30,5%.  L’experte de la Chine s’est étonnée de la persistance d’un écart de 35% en matière de retraite.


À l’instar de l’experte de l’Algérie, les experts se sont aussi inquiétés du peu de progrès réalisés dans la représentation des femmes dans la vie publique et politique.  « L’Italie est en dessous de la moyenne européenne dans ce domaine », a constaté l’experte du Paraguay, commentant le fait que seuls 21,7% des postes ministériels sont occupés par des femmes.  Aucune femme n’a été élue aux conseils régionaux et trop peu d’entre elles occupent des postes d’ambassadeur.


Dans un premier temps, la délégation italienne a reconnu que le système semi-fédéral italien rendait difficile l’idée d’imposer des contraintes aux régions.  Elle s’est néanmoins félicitée du fait que 35 à 37% des diplomates recrutés ces dernières années étaient des femmes et qu’en 2011, les femmes représentaient 50% des candidats à une carrière diplomatique.


Comme l’Italie a aboli son système de quotas, « préférant une stratégie à long terme pour changer les mentalités », plusieurs experts ont invité les autorités du pays à réintroduire des mesures temporaires spéciales; la méritocratie ne semblant pas fonctionner comme l’a constaté l’experte de l’Espagne. 


La situation des femmes roms et des migrantes, dans le sud du pays notamment, a également suscité des inquiétudes, au cours de cette réunion.  L’experte de l’Algérie a invité l’Italie à se pencher sur la situation des femmes roms qui, nées sur le sol italien, ne peuvent toujours pas obtenir la nationalité.


L’experte du Bangladesh, parlant de la traite des êtres humains, a fustigé une loi de juillet 2009 qui fait de l’immigration illégale un acte pénalement répréhensible et passible de poursuites judiciaires. 


Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes poursuivra ses travaux demain, vendredi 15 juillet, à partir de 10 heures, avec l’examen des sixième et septième rapports périodiques de l’Éthiopie.


Présentation du sixième rapport périodique de l’Italie (CEDAW/C/ITA/6)


M. DIEGO BRASIOLI, Président du Comité interministériel pour les droits de l’homme, a tout d’abord lu un message de la Ministre de l’égalité des chances de l’Italie, Mme Mara Carfagna, dans lequel celle-ci indique que depuis la présentation du précédent rapport, l’Italie a ratifié, en juin 2010, la Convention de Varsovie relative à l’action contre la traite des être humains.  De plus, depuis sa présidence du G-8, en 2009, l’Italie accorde une attention particulière à la violence faite aux femmes, notamment aux mutilations génitales féminines.


Au nombre des défis qui demeurent, la Ministre évoque la promotion du rôle des femmes, qu’elles soient Italiennes ou migrantes, au sein de la société et l’élimination de toutes les formes de violence à leur encontre.  Dans ce message, Mme Carfagna évoque également l’organisation, le 10 décembre 2012, d’un évènement pour commémorer la Convention CEDAW.


M. Brasioli a tout d’abord évoqué pour sa part, l’adoption, en 2010, du premier Plan d’action sur la violence faite aux femmes, ainsi que du premier Plan d’action sur les femmes, la paix et la sécurité.  Il a indiqué qu’au cours des dernières années, l’Italie avait renforcé, tant politiquement que financièrement, la lutte contre la traite des femmes et les mutilations génitales féminines.  Il a ajouté que les autorités italiennes avaient l’intention de signer et de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe relative à la prévention et à la lutte contre la violence faite aux femmes ainsi que la violence domestique.


M. Brasioli a ensuite reconnu que l’égalité effective n’était pas encore une réalité en Italie, trop de femmes ayant à réconcilier leurs obligations professionnelles et familiales.  Les femmes, a-t-il reconnu, souffrent de l’inégalité salariale et continuent d’être victimes de violence sexuelle ou domestique.  La loi sur l’égalité des chances, qui a été amendée en janvier 2010, stipule désormais que l’égalité entre hommes et femmes doit être garantie dans l’emploi, le travail et la rémunération. 


Le chef de la délégation italienne a également indiqué que le fait de harceler une personne en la suivant partout était désormais pénalisé.  Malheureusement, a-t-il ajouté, la violence à l’égard des femmes persiste et augmente dans certains cas à un rythme alarmant.  L’étendue du problème et son impact sur la société est énorme, a reconnu l’orateur. 


Le représentant a également indiqué que le Gouvernement allouait 10 millions d’euros par an à la lutte contre la traite des personnes, et qu’il mettait actuellement sur pied son premier plan d’action nationale contre la lutte des êtres humains.


Après avoir passé en revue les initiatives lancées par l’Italie dans le domaine de la coopération au développement, M. Brasioli a annoncé qu’une commission indépendante nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme, établie conformément aux Principes de Paris, devrait voir le jour au cours des prochains mois. 


Il s’est ensuite penché sur la situation des femmes roms victimes de formes multiples de discrimination, précisant que les autorités italiennes accordaient une attention particulière à la situation dans les camps de fortune où les conditions de vie sont précaires et dangereuses.  Il a également évoqué la nette

augmentation du nombre de demandeurs d’asile originaires d’Afrique du Nord et a assuré que l’Italie entendait répondre de manière effective à cette situation.  De nombreux projets d’intégration sociale ont été mis sur pied dans l’ensemble du pays, notamment des cours de langues destinés aux femmes migrantes.


M. Brasioli a par ailleurs expliqué que suite à des incidents homophobes, l’Italie avait créé la première campagne de sensibilisation et une étude sera lancée prochainement, qui sera axée sur la prévention dans les écoles, entre autres.


Passant à la situation des femmes aux postes de prise de décisions, le chef de la délégation a indiqué que son gouvernement entendait lancer une stratégie à long terme pour opérer un réel changement culturel plutôt que d’imposer un système de quotas.  De plus, la Ministre pour l’égalité des chances a proposé, en avril 2011, une loi visant à assurer un accès équitable des hommes et des femmes à l’administration publique.


Le représentant a ensuite fait savoir qu’au cours des 20 dernières années, le nombre de femmes ayant choisi une carrière dans les sciences avait nettement augmenté, 33% des chercheurs italiens étant des femmes.  En revanche, a-t-il indiqué, seules 20% d’entre elles obtiennent des postes de prise de décisions.  Divers programmes ont été créés pour promouvoir la participation des femmes dans les filières scientifiques.


Pendant l’année scolaire 2011-2012, chaque établissement scolaire organisera des campagnes de sensibilisation en matière de respect des droits de l’homme, et créera des groupes de travail sur l’égalité des chances.


M. Brasioli s’est ensuite attardé sur l’adoption, en décembre 2009, du Plan d’action national pour l’accès des femmes au marché du travail, ainsi que sur le Plan national sur la vie professionnelle et familiale.  Il a précisé qu’en 2010, 46,1% de la population active était constituée de femmes, mais que dans le sud du pays, ce chiffre ne dépassait pas 30,5%.  Les femmes gagnent en moyenne 5% de moins que les hommes, et de nombreuses femmes retraitées vivent avec un enfant adulte qui est au chômage.


Il a expliqué que les autorités s’apprêtaient à fixer l’âge de la retraite pour les femmes à 65 ans, et qu’un plan pour le travail visait à promouvoir la croissance et l’emploi en accordant une attention particulière aux femmes.  Les travailleurs ayant une personne fortement handicapée à charge ont droit à un aménagement de leurs horaires.  Depuis 2007, le Plan extraordinaire pour le développement des services sociopédagogiques pour la petite enfance permet aux régions du pays, dans le sud notamment, d’augmenter les services pour les enfants de moins de 3 ans.  Le représentant a par ailleurs évoqué l’adoption, en 2011, d’une loi sur la protection de la relation entre une mère incarcérée et ses enfants.


Abordant le domaine de la santé, M. Brasioli a indiqué que la pilule abortive RU-486 était disponible dans le pays depuis le 1er avril 2010, et que le nombre d’avortements était en baisse constante depuis 20 ans.  Il a cependant fait savoir que le taux d’avortement était plus élevé chez les femmes migrantes et qu’elles étaient plus vulnérables au VIH/sida.  Il a également indiqué que la loi qui régit la procréation médicalement assistée interdisait le commerce de gamètes, lequel touche en premier lieu les femmes jeunes et pauvres.


S’agissant des femmes rurales, M. Brasioli s’est félicité du fait que 38% des exploitations dirigées par des étrangers l’étaient par des femmes.  Par ailleurs, 1 400 000 femmes ont choisi de travailler à leur compte.


Articles 1, 2 et 3 relatifs à la discrimination, aux mesures politiques et à la ga rantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales


Mme PATRICIA SCHULZ, experte de la Suisse, a regretté la longueur du rapport fourni par l’Italie qui ne répond pas forcément aux attentes du Comité.  Elle a regretté que la rédaction de ce rapport n’ait pas fait l’objet d’une concertation auprès de la société civile, en particulier des associations de femmes.  Malgré la diversité des lois locales ou régionales, Mme Schulz a rappelé qu’il appartenait au Gouvernement national de s’assurer que les textes internationaux soient appliqués de manière uniforme sur l’ensemble du territoire.  Elle s’est dite préoccupée par la réalité de la discrimination à l’égard des femmes roms.


Mme AYŞE FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a jugé insuffisante la publication des observations formulées par le CEDAW après l’examen du précédent rapport en 2005.  Pour que les femmes soient conscientes des avantages que procure cette Convention, il faut que le public soit informé, a-t-elle insisté en estimant qu’une diffusion de la Convention était primordiale. 


Soulignant la référence que constitue l’Italie en matière de démocratie locale et de pouvoir régional, Mme NICOLE AMELINE, experte de la France, s’est interrogée sur les moyens mis en œuvre pour garantir une cohérence juridique et territoriale, et coordonner la mise en œuvre des normes internationales, des lois nationales et des lois régionales s’agissant de la parité. 


Y a-t-il un mécanisme parlementaire qui permet d’évaluer en permanence la cohérence du droit positif au regard des textes internationaux et la coordination entre les différentes parties de l’Italie?  La pénalisation de la violence sexiste et notamment des propos sexistes, est-elle prévue à l’ordre du jour du Parlement?  Face à la territorialisation de la justice, qui fixe les priorités en matière de justice pénale? a encore demandé l’experte.


Mme VIOLETA NEUBAUER, e xperte de la Slovénie, a elle aussi, souligné toute les difficultés qu’elle a eues pour retrouver en italien les observations relatives à l’examen du précédent rapport italien.  Il semble clair, a-t-elle regretté, que les recommandations du Comité ne sont ni traduites ni disponibles en italien.  Elle a jugé insuffisantes les suites données à la recommandation générale 25 du CEDAW et les réponses données par l’Italie dans le domaine des fonds affectés au Département de l’égalité des chances.   


Article 4 relatif aux m esures temporaires spéciales


L’experte de la France a demandé si l’Italie comptait revenir à des mesures temporaires spéciales pour faire face au chômage chez les femmes et à la violence sexiste.  Elle a également demandé des précisions sur les mesures spécifiques prises pour répondre à la situation des femmes immigrées.  Les régions ont-elles le pouvoir de prendre des mesures législatives relatives à la parité entre les sexes? a-t-elle encore demandé.   



Réponses de la délégation italienne


La délégation a affirmé que depuis 2005, l’Italie a favorisé la diffusion des observations et conclusions du CEDAW.  Nous avons aussi créé en 2005, cinq groupes de travail pour évaluer la mise en œuvre de tous les textes internationaux adoptés par l’Italie, a-t-elle encore dit, avant de rappeler que le pays prévoit une manifestation spéciale sur la Convention.


En mars 2008, a ajouté la délégation, nous avons invité les associations, les universités et toutes les parties prenantes à un débat sur la mise en œuvre de la Convention.  En janvier 2009, puis en 2010, nous avons encore tenu des sessions d’information avec les syndicats et les associations, a-t-elle encore dit, avant d’insister sur le souci permanent de l’Italie de mettre en commun les informations relatives à la Convention. 


L’article 3 de la Constitution consacre l’égalité des êtres humains, hommes et femmes, devant la loi sans discrimination.  L’article 36 confère l’égalité dans le milieu professionnel pour aider la mère à concilier obligation professionnelle et maternité.


L’article 1 du Code de l’égalité des chances entre hommes et femmes définit la discrimination à l’égard des femmes conformément à l’article 1 de la Convention  et,  l’article 2 du même Code signale que l’égalité entre hommes et femmes doit être respectée à tous les niveaux de la société.  La structure intégrale du Code de l’égalité des chances entre hommes et femmes a été amendée, normalisée et adaptée à la loi européenne 54.  La délégation a rappelé que toute femme s’estimant victime de discrimination peut saisir un tribunal.   


La délégation a ensuite expliqué que le Département pour l’égalité des chances avait quatre directions générales chargées des violences et des handicaps; des interventions stratégiques, des fonds structurels, de la communication et de l’intervention nationale; des affaires internationales, de la traite des êtres humains et des mutilations génitales; et enfin, de la lutte contre la discrimination fondée sur la race, l’ethnie ou la religion.  En tout, le Département compte 90 salariés et est doté d’un budget de 100 millions d’euros.


S’agissant des préoccupations face au système décentralisé, la délégation a indiqué que l’on ne pouvait pas tout gérer à partir de la capitale et qu’il fallait également pouvoir gérer à partir de la périphérie.  Le Ministère pour l’égalité des chances a prévu 40 millions d’euros pour atteindre les objectifs de Lisbonne concernant l’emploi des femmes, et notamment les crèches, l’aménagement des horaires et la formation. 


En Italie, a aussi affirmé la délégation, toute loi contraire à la Convention CEDAW est jugée anticonstitutionnelle.  Un commissaire est chargé de vérifier les propositions de loi des Gouvernements régionaux pour s’assurer de leur conformité avec la Convention.  Au lieu des mesures temporaires spéciales, le Gouvernement opte plutôt pour des mesures permanentes visant un changement définitif des mentalités. 


La délégation a reconnu la discrimination à laquelle font face les Roms, notamment en matière de logement et d’éducation.  L’Italie est le seul pays occidental à avoir lancé une campagne nationale pour sensibiliser la population.  Le pays a aussi mis sur pied un projet pour le suivi et la planification des politiques locales concernant les Roms, ainsi qu’une Stratégie d’autonomisation des femmes roms.


S’agissant des migrants, un système a été mis sur pied pour offrir un première aide, un appui juridique et une formation linguistique aux nouveaux arrivants.  Les directives en la matière accordent une attention particulière aux femmes.


Questions de suivi


Mme DURBAVKA ŠIMONOVIĆ, experte de la Croatie, a abordé la question des stéréotypes sexistes et le fait que les femmes sont souvent dépeintes par les médias comme des objets sexuels.  Elle a constaté que de nombreux hommes politiques italiens propagent cette image et a voulu savoir quelles étaient les mesures préconisées pour lutter contre ce phénomène.


L’experte a souhaité des statistiques sur les mariages précoces chez les Roms ainsi que sur les cas de harcèlement sexuels dont sont victimes les femmes roms de la part de fonctionnaires de police.  Elle a aussi voulu des précisions sur les cas de fémicides.  Elle a également demandé si le Gouvernement entend changer sa législation sur la médiation en cas de violence domestique afin de s’aligner sur les directives européennes?


L’experte de la Turquie s’est interrogée sur les moyens mis en place par l’Italie pour lutter de manière coordonnée et dans la durée contre les stéréotypes.  A-t-on des données sur les résultats des campagnes mises en place? S’agissant de la violence à l’égard des femmes, que fait-on dans les écoles et auprès des médias? a-t-elle insisté en espérant que l’Italie ratifiera, sans réserve, la Convention du Conseil de l’Europe sur la violence à l’égard des femmes. 


Mme NAELA GABR, experte de l’Égypte a, à son tour, relevé un manque de coordination de la mise en œuvre des plans d’action et lois relatifs à la Convention.  Qu’est-il fait pour faire face à la vulnérabilité particulière des femmes migrantes ou des femmes handicapées?  L’Italie a-t-elle un plan national pour lutter contre la traite des personnes? a-t-elle demandé avant de noter l’absence de statistiques sur ce phénomène et de demander des précisions sur la participation du secteur privé et de la société civile pour lutter contre ce fléau.     


Mme YOKO HAYASHI, experte du Japon, s’est interrogée sur le calendrier prévu pour la mise en place d’un point focal de la protection des victimes de la traite.  Elle a demandé des informations sur la réponse judiciaire et a souhaité des précisions sur les campagnes de sensibilisation.


Mme ISMAT JAHAN, experte du Bangladesh, a demandé si l’Italie veillait, conformément à une recommandation de 2005, à ce que toutes les victimes de la traite reçoivent un permis d’État garantissant leur protection sociale.  Elle s’est inquiétée du renforcement des mesures restrictives contre l’immigration.  Elle a fustigé une loi de juillet 2009 faisant de l’immigration illégale un acte pénalement répréhensible et passible de poursuites judiciaires, voire de peines de prisons, pour les victimes de la traite des personnes devenues immigrées illégales contre leur volonté. 


Elle s’est dite alarmée par le rapport sur la traite des femmes en Italie à des fins de prostitution.  Si les statistiques sont là, il semble qu’elles soient peu utilisées pour faire cesser cette prostitution et lutter contre cette forme d’exploitation, a-t-elle estimé avant de demander où en était le projet de loi visant à lutter contre ce phénomène.


Réponse de la délégation italienne


La délégation a cité trois initiatives visant à promouvoir l’image publique des femmes dans le domaine de la communication, de la publicité et du marketing.  Il s’agit de retirer du marché, les publicités à caractère sexiste ou qui présentent les femmes sous un jour négatif.  Il s’agit d’éliminer ce type de publicité et en même temps de mener des activités de dissuasion, a-t-elle ajouté. 


Nous avons demandé à la télévision nationale de présenter la femme sous un jour nouveau, en luttant contre les stéréotypes et la RAI, la chaîne publique, s’est engagée à préparer des émissions sur la violence à l’encontre des femmes,

a-t-elle dit. 


La délégation a souligné des initiatives visant à dénoncer les violences physiques, psychiques ou mentales à l’égard des groupes vulnérables.  Pour la première fois, l’Italie organise une formation pour les enseignants du cycle secondaire sur l’égalité des chances et la lutte contre les stéréotypes.  Depuis 2008, des cours de civisme sont inclus dans les programmes scolaires, de la maternelle au secondaire. 


En 2005, des comités ont été créés pour suivre la question de la traite.  Des juges peuvent saisir des institutions européennes comme Europol.  Des condamnations de six ans de prison ont été prononcées. 


En la matière, a estimé la délégation, il faut être prudent car souvent « de prétendues victimes » essaient d’obtenir un accès aux refuges afin de se faire passer pour de vraies victimes.  Une méthode d’évaluation a été élaborée pour éviter ces abus.  


Un plan national de lutte contre la traite est en cours d’élaboration.  En attendant, des programmes de protection et de réinsertion ont été mis en place.  La municipalité de Venise a même créé un numéro d’appel gratuit.  Une somme de 20 millions d’euros a été allouée à la lutte contre la traite.  Quant au projet de loi contre la prostitution, il a donné lieu à un important débat au sein de la société italienne. 


Questions de suivi


Les expertes de la Suisse, de la Croatie, de l’Égypte et de la France, ont posé d’autres questions sur le point focal sur la traite ainsi que sur les lois relatives à la fiscalité, la santé et à l’éducation.  Une question a porté sur les statistiques liées aux fémicides.  L’experte de la France s’est émue de ce qu’un industriel de Milan ait licencié toutes les femmes « pour qu’elles puissent éduquer leurs enfants plus facilement ».


Réponse de la délégation


La situation s’améliore s’agissant de concilier vie professionnelle et vie familiale; de plus en plus d’hommes participent à l’éducation de leurs enfants, a affirmé la délégation.  Elle a tenu à souligner que l’augmentation du nombre de plaintes pour violence domestique ne signifie pas que ce type de violence est en hausse.  Le harcèlement sexuel sur le lieu du travail est, lui, totalement en baisse.


Il est difficile, a avoué la délégation, de collecter des données sur les mariages précoces; cette pratique étant rare en Italie.  Quant aux femmes licenciées dans une entreprise milanaise, elle a fait savoir qu’aucune procédure judiciaire n’avait été lancée.


Articles 7 et 8 relatifs à la vie politique et publique et à la représentation


Mme OLINDA BAREIRO-BOBADILLA, experte du Paraguay, a voulu des précisions sur la présence des femmes en politique; l’Italie étant en dessous de la moyenne dans ce domaine.  Elle a également voulu savoir si le projet de loi pertinent tenait compte de la différence entre les régions.  L’experte s’est également inquiétée du fait qu’aucune femme n’ait été élue dans les conseils régionaux et du faible nombre de femmes ambassadeurs. 


Elle s’est interrogée sur la véracité des statistiques qui prétendent que les femmes ne s’intéressent pas à la politique.  Il faut opérer un changement des mentalités, a-t-elle préconisé, en particulier la « mentalité institutionnelle ».


La loi électorale va-t-elle être modifiée pour pousser les partis politiques à présenter plus de femmes? a poursuivi Mme SOLEDAD MURILLO DE LA VEGA, experte de l’Espagne.  Les femmes, a-t-elle constaté, n’occupent que 11% des postes politiques, alors qu’elles obtiennent de meilleurs résultats à l’université.  La méritocratie ne semble pas fonctionner, a-t-elle dénoncé, en notant, par exemple, que l’ancienneté est le seul critère d’avancement dans le système judiciaire.  Comment influer sur les conseils régionaux et locaux? a-t-elle par ailleurs demandé. 


À son tour, Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a relevé que la Constitution n’a été amendée qu’en 2003 pour garantir l’égalité des sexes en politique.  Seuls 21,5 % des députés sont des femmes, et seulement 21,7% des postes ministériels sont occupés par des femmes.  Vous devez faire des progrès et devenir un exemple pour la rive sud de la Méditerranée, a-t-elle conseillé.  L’experte est également revenue sur la situation des femmes roms nées sur le sol italien et qui ne peuvent obtenir la citoyenneté.


Près de 20 000 enfants roms ont des difficultés à faire valoir leurs droits l’éducation, a commenté l’experte de la Slovénie.  Quelles mesures concrètes sont prises pour corriger cette situation? a-t-elle demandé.  


Article 11 relatif à l’emploi


M. NIKLAS BRUUN, expert de la Finlande, a estimé qu’il y avait très peu de progrès en Italie depuis 2005.  Il a cité les faibles taux d’emploi chez les femmes, le bas niveau des salaires et l’insuffisance des moyens de concilier vie professionnelle et vie familiale.  Il a regretté l’absence d’une politique cohérente et demandé s’il existe un système de crèches à des prix abordables pour permettre aux mères de travailler. 


Qu’en est-il des congés-maternité ou paternité?  Allez-vous augmenter les allocations aux femmes dont le travail est atypique ou à temps partiel?  Prévoyez-vous des initiatives pour encourager le travail à temps plein chez les femmes?  Le harcèlement sexuel est-il considéré comme un crime?


L’experte du Bangladesh a regretté l’absence de statistiques sur l’emploi des femmes roms ou migrantes, se disant découragée par les différences dans les conditions d’emploi.  Ces femmes sont souvent exploitées et maltraitées, a-t-elle dit avoir constaté, avant de demander s’il existe des mécanismes pour déceler et éliminer les discriminations à l’égard des travailleuses migrantes.  Ces femmes ont-elles une couverture sociale?  L’Italie a-t-elle ratifié la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleurs migrants? 


Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a jugé « troublantes » les statistiques sur les femmes au travail.  Quand est-ce que le projet de loi déposé en avril 2011 pour corriger l’inégalité devant le travail sera-t-il adopté?  Que veut dire l’Italie lorsqu’elle déclare qu’elle veut favoriser une stratégie à long terme pour changer les mentalités plutôt qu’une politique des quotas? 


Il nous faut pourtant, a estimé l’experte, une forme de discrimination positive.  Des mesures spéciales sont-elles prises pour favoriser, au moins, l’accès des femmes handicapées à l’emploi?  La loi 68 sur la mobilité des personnes handicapées n’est appliquée que partiellement, a-t-elle dénoncé.


Réponse de la délégation


La proportion des femmes dans la diplomatie ne cesse d’augmenter, a d’abord répondu la délégation.  Trente-cinq à trente-sept pour cent des diplomates recrutés ces dernières années sont des femmes et en 2011, les femmes représentent 50% des candidats à une carrière diplomatique.


Lors des dernières élections locales de mai 2011, l’Association nationale des municipalités a lancé une campagne pour attirer plus de femmes, ce qui a permis de doubler le nombre des candidates.  La loi du 29 juin 2011 prévoit des sanctions contre toute entreprise cotée en bourse qui n’aurait pas, au moins, un tiers de femmes dans son conseil d’administration. 


Nous avons, a avoué la délégation, un système semi-fédéral qui rend difficile l’idée d’imposer des contraintes aux régions.  Les femmes assument pourtant de plus en plus de responsabilités dans le système judiciaire.  Lors des dernières élections, l’un des quatre membres de la Commission judiciaire a présenté une liste composée entièrement de femmes.  Quelque 150 femmes et 153 hommes viennent de participer à un concours pour obtenir un poste de directeur de prison.


Dans l’armée, la présence des femmes est passée de 1 à 4% en quelques années.  Mais des restrictions existent s’agissant, par exemple, des sous-marins où il est très difficile de séparer les hommes des femmes.


La délégation a ensuite fait savoir que comme en Italie, il est interdit de collecter des données ethniques, il est donc impossible de fournir des statistiques sur la communauté rom.  Quelque 150 000 Roms vivent en Italie et 60% d’entre eux ont la nationalité italienne.  Seule la persistance des préjugés explique les difficultés des Roms à trouver du travail.  Elle a également fait savoir que des mesures pour favoriser l’intégration des Roms et des migrants avaient été mises en œuvre, dans le sud du pays notamment.


Revenant sur l’impact de la crise sur le financement de programmes en faveur des plus vulnérables, la délégation a expliqué qu’étant donné que 20% des dépenses sociales étaient consacrées à la santé et 60% à la retraite, il restait peu de fonds pour d’autres secteurs. 


Les efforts déployés pour réduire les disparités entre le nord et le sud du pays avaient été couronnés de succès, notamment en ce qui concerne l’amélioration de la santé des enfants.  À ce jour, 10% des congés parentaux sont demandés par les pères, ce qui est remarquable, compte tenu du contexte socioculturel de l’Italie.


La délégation a par ailleurs fait savoir que 20 000 personnes handicapées, dont 11 000 femmes, avaient pu intégrer le marché du travail en 2009, grâce, entre autres, au télétravail.


Article 12 relatif à la santé


Mme VICTORIA POPESCU, experte de la Roumanie, s’est dite encouragée par la coopération entre le Gouvernement et la société civile et a voulu savoir comment le Gouvernement corrigeait les disparités entre les différentes régions d’Italie en matière de santé.  Quelles sont les mesures prises pour assurer une égalité d’accès des femmes roms à la santé?  Quelles sont les mesures de prévention et de dépistage du VIH/sida pour les femmes migrantes? 


Mme MARIA HELENA LOPES DE JESUS PIRES, experte du Timor-Leste, s’est étonnée qu’un grand nombre de femmes n’aient toujours pas accès à la mammographie dans le sud de l’Italie.  Elle a demandé ce que le Gouvernement comptait entreprendre pour informer les femmes et les encourager à recourir à ce dépistage.  Elle a aussi demandé des précisions sur les initiatives de l’Italie pour l’accès des femmes toxicomanes au traitement.


Articles 13 et 14 relatifs aux prestations économiques et sociales et aux les femmes rurales


Mme XIAOQIAO ZOU, experte de la Chine, a demandé des précisions sur l’accès au crédit.  Elle a mis l’accent sur la situation des femmes rurales, qui représentent 18% de la population féminine.  Il semble, a-t-elle ajouté, que vous ne comprenez pas toujours la réalité des conditions de vie des femmes rurales.  Elle a espéré que le prochain rapport contiendra des données ventilées par sexe.  Avez-vous pris des mesures, a-t-elle encore demandé, pour garantir la participation des femmes rurales aux processus de prise de décisions.


Mme ZOHRA RASEKH, experte de l’Afghanistan, a voulu connaître les statistiques sur la prévalence des maladies mentales, de l’alcoolisme et du tabagisme chez les femmes.  Des mesures de prévention ont-elles été prises? a-t-elle demandé.  Elle a souhaité des précisions sur les services existants ou les mesures envisagées pour aider les victimes de la violence sur les plans mental ou psychosocial.


L’experte de Maurice a demandé si l’Italie souhaitait évaluer l’incidence de ses politiques sur la situation des femmes rurales.


Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël, s’est étonnée de la lenteur de la procédure de divorce.  Elle a également souhaité des précisions sur les mesures en vigueur en cas de contestation du droit de garde des enfants. 


Réponse de la délégation


La délégation a souligné que l’État garantit un accès égal à la santé et que le Ministère de tutelle apportait une aide aux régions qui ont des difficultés à offrir tous les services de santé.  La délégation a cité un projet élaboré, en collaboration avec la société civile, permettant d’offrir des services de santé dans les camps de Roms. 


Des efforts sont déployés pour réduire les taux de cancer et de mortalité liée au cancer du sein.  Le Ministère de la santé a financé une étude sur l’impact des programmes de lutte contre le cancer.  L’État appuie financièrement les régions en matière de dépistage.


S’agissant de la situation carcérale, il n’y a que 2 100 femmes en prison contre 64 000 hommes.  Le nombre de femmes toxicomanes représentent 20% des femmes en prison, celles infectées par le VIH/sida 5,5%. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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