DH/5019

L’Instance permanente identifie la « doctrine de la découverte » et les « écoles résidentielles » comme vecteurs essentiels de l’asservissement des peuples autochtones

27/04/2010
Conseil économique et socialDH/5019
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Instance permanente sur les questions autochtones

Neuvième session

11e séance – matin


L ’INSTANCE PERMANENTE IDENTIFIE LA « DOCTRINE DE LA DÉCOUVERTE » ET LES « ÉCOLES RÉSIDENTIELLES » COMME VECTEURS ESSENTIELS DE L’ASSERVISSEMENT DES PEUPLES AUTOCHTONES


L’identification de la « doctrine de la découverte » et des « écoles résidentielles » comme vecteurs essentiels de l’asservissement des peuples premiers a conduit aujourd’hui les membres de l’Instance permanente sur les questions autochtones à se livrer à une petite joute oratoire avec le représentant du Saint-Siège.


Née en 1455, avec la bulle Romanus Pontifex, la construction juridique internationale dite « doctrine de la découverte », qui a donné naissance au concept de « terra nullius ou terra nullus  », consacre le principe selon lequel tout monarque chrétien qui découvre des terres non chrétiennes » a le droit de les proclamer siennes car elles n’appartiennent à personne.


Au fil des siècles, cette doctrine a été institutionnalisée dans les lois et politiques nationales et internationales et s’est traduite par la dépossession et l’appauvrissement des peuples autochtones.


Découlant directement de cette doctrine, les « écoles résidentielles » ou pensionnats pour autochtones ont été créés au XIXe et au début XXe siècles par l’Église chrétienne et les gouvernements, dans des pays comme l’Australie, le Canada ou encore les États-Unis.  Des milliers d’enfants ont été arrachés de force à leur famille, dans le cadre d’une stratégie d’assimilation à la société dominante.


Sept générations d’autochtones ont été victimes de cette politique dans un pays, le Canada, qui n’a fermé le dernier pensionnat qu’en 1996, a rappelé aujourd’hui le Président de la Commission vérité et réconciliation canadienne, créé en juin 2008.  Il a assigné comme première tâche à sa Commission celle de révéler l’histoire complète des « écoles résidentielles » car la majorité des Canadiens a conscience du dysfonctionnement des communautés autochtones sans en comprendre les origines.


Chez les autochtones canadiens, tous les indicateurs sont pires que la moyenne nationale, qu’il s’agisse de l’espérance de vie, du taux de suicide, de la mortalité infantile, de la pauvreté, du chômage, des échecs scolaires ou du taux d'incarcération.


Le juge Murray s’est félicité de la tendance positive qui se concrétise depuis 2008, à commencer par les excuses présentées par le Premier Ministre canadien aux anciens élèves des pensionnats et l’adoption de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens qui marque un changement dans les relations entre les autochtones, le peuple, le Gouvernement et les Églises.


Le Saint-Siège a, par la voix de son représentant, tenu à éclaircir la position « historique » du Vatican.  Il a rejeté la référence à la bulle Romanus Pontifex, abrogée par plusieurs textes, pour expliquer la longue histoire de la violation des droits des peuples autochtones.


L’abrogation de la bulle papale, ont rétorqué les membres de l’Instance, n’a eu que peu d’effet sur la pratique.  « On ne peut pas nier que l’histoire des peuples autochtones reste marquée par une évangélisation en profonde contradiction avec leurs droits ».


Le Vatican, a souligné le représentant du Saint-Siège, a de tout temps été contre les conversions forcées; la création de pensionnats n’ayant comme objectif que l’offre d’une meilleure éducation.  Il a rappelé que le pape avait reçu l’an dernier, les représentants des Premières Nations du Canada pour leur demander pardon pour les erreurs commises par les missionnaires.


La prochaine réunion de l’Instance permanente aura lieu demain, mercredi 28 avril, à 10 heures.


Travaux futurs, questions relatives au Conseil économique et social et questions nouvelles


      Aujourd’hui, l’Instance était saisie d’une « Étude préliminaire des conséquences pour les peuples autochtones de la construction juridique internationale connue sous le nom de doctrine de la découverte » ( E/C.19/2010/13 )


L’étude, présentée par Mme Tonya Gonnella Frichner, membre de l’Instance,  montre que la doctrine de la découverte est bien enracinée dans les législations et les politiques nationales et internationales.  Elle a permis à des États de revendiquer les terres, territoires et ressources autochtones et de s’en accaparer massivement.  La doctrine de la découverte et la métastructure, que l’on appellera schéma de domination, ont produit des siècles d’exploitation quasi illimitée des ressources et des terres ancestrales des peuples autochtones.  Elles sont responsables de la spoliation, de la misère et des difficultés sans nombre que les autochtones doivent aujourd’hui encore affronter chaque jour.


La législation fédérale des États-Unis sur les Indiens était le corpus le plus facilement accessible pour les besoins de la présente étude.  Elle est emblématique de l’application de la doctrine de la découverte analysée en détail à partir, par exemple, de l’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Johnson’s Lessee c. McIntosh.  Cette doctrine conserve toute sa validité aux yeux des gouvernements américains, comme le montre un certain nombre d’éléments dans l’étude.


L’étude recommande la création d’un groupe d’experts international qui serait chargé d’analyser en détail le contenu de l’étude préliminaire et remettrait ses conclusions à l’Instance permanente.  Des analyses et des études plus poussées devront être conduites pour déterminer jusqu’où et comment la doctrine de la découverte et le schéma de domination sont appliqués aux peuples autochtones dans le monde.


L’Instance était également saisie d’une étude comparative sur les peuples autochtones et pensionnats: une étude comparative ( E/C.19/2010/11 ).  L’étude dresse, dans un premier temps, un aperçu historique des pensionnats aux États-Unis, au Canada, en Amérique latine et Caraïbes, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Scandinavie, en Fédération de Russie, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique, puis examine la situation actuelle, les pratiques et idéologies des pensionnats.


De façon générale, soulignent les auteurs de l’étude, les pensionnats ont échoué à améliorer la vie des peuples autochtones.  Leur objectif n’était pas de leurs en faire profiter, mais bien davantage d’assimiler de force leurs enfants dans la société plus large.  Par conséquent,les impératifs de cette dernière prenaient le pas sur les besoins des peuples autochtones.  De surcroît, le fait même que, souvent, la fréquentation des pensionnats était obligatoire, portait atteinte au droit des peuples autochtones à disposer d’eux-mêmes.


Au sein de ces tendances générales, il existe néanmoins des réussites individuelles ainsi que des conséquences bénéfiques non anticipées.  Toutefois, de nombreuses questions complexes subsistent.  Dans certaines régions, où la christianisation avait débuté, les peuples autochtones avaient déjà commencé à intérioriser des comportements autodestructeurs, tels que les sévices.  En outre, les déplacements forcés avaient déjà économiquement marginalisé de nombreuses communautés autochtones en les empêchant de subvenir à leurs besoins.  Par conséquent, pour certains enfants, les conditions dans les pensionnats constituaient un progrès en comparaison de leurs conditions de vie chez eux.


De nombreux enseignements peuvent être tirés de l’histoire des pensionnats. Il est clair qu’une approche unique de l’éducation ne convient pas, car les différentes communautés autochtones ont souvent des attentes différentes en ce qui concerne les fruits de l’éducation formelle.  Par conséquent, il importe d’être créatif et novateur dans l’élaboration de politiques répondant aux besoins spécifiques des diverses communautés autochtones.  Il importe également que ces dernières aient des opportunités de créer leurs propres écoles ainsi que les ressources adéquates et le financement requis à cet effet.


Selon les auteurs de l’étude, considérant le choix entre le maintien de l’identité des peuples autochtones et la réduction de l’écart entre les populations autochtones et non autochtones dans l’enseignement, il est évident que les politiques de l’enseignement primaire et secondaire ne peuvent être dissociées des questions systémiques plus larges.  En d’autres termes, si la société environnante ne permet pas l’usage des langues locales dans l’enseignement supérieur ou des possibilités d’emploi identiques aux populations autochtones, il y aura toujours un conflit entre la prestation d’une éducation de qualité permettantune promotion sociale et la préservation des langues et des cultures des peuples autochtones.


Débat


M. MURRAY SINCLAIR, Commission pour la vérité et la réconciliation du Canada, a déclaré que pendant plus de 150 ans, le Canada avait appliqué une « politique d’assimilation raciste » à l’encontre des peuples autochtones par l’intermédiaire de son système de pensionnats ou écoles résidentielles.  À l’époque, le Gouvernement canadien affirmait clairement que grâce à cette politique d’assimilation, les Indiens auraient cessé d’exister en moins d’un siècle, a-t-il ajouté.  M. Sinclair a précisé que les enfants autochtones étaient les principaux visés par cette politique et que, pendant près de sept générations, pratiquement tous les enfants autochtones ont été envoyés dans ces pensionnats, tandis que leurs aînés se voyaient nier leur droit de vote, leur droit de réunion ou la possibilité de collecter suffisamment de fonds pour embaucher un avocat.


Le représentant a attribué à cette politique l’important taux de suicide, de violence familiale, d’abus de drogues, d’incarcération, de mise sous tutelle ou encore de pauvreté que connaît la population autochtone du Canada.  Il a également avancé que « des centaines, si ce n’est des milliers d’enfants » avaient péri dans ces établissements, avant de préciser que le dernier pensionnat avait fermé ses portes en 1996.


En 2007, a poursuivi le représentant, les survivants de ce système ont veillé à la création de la Commission pour la vérité et la réconciliation du Canada, financée à hauteur de 60 millions de dollars, entre autres, par des indemnisations.  Pour M. Murray, la première obligation de la Commission est de révéler l’histoire complète de ces écoles résidentielles, car, selon lui, la majorité des Canadiens a conscience du dysfonctionnement des communautés autochtones sans en comprendre les origines.


Il a également estimé que ce système avait inculqué aux non-autochtones un sentiment de supériorité auquel il importe également de répondre.  Pour qu’il y ait une véritable réconciliation, tous les Canadiens doivent faire partie de la solution, a-t-il ajouté, et la Commission estime que c’est par le biais de l’éducation que viendra la compréhension, puis le respect.  Le représentant a également insisté sur l’importance d’aider les jeunes autochtones à se respecter eux-mêmes.


M. Murray a, par ailleurs, annoncé que le premier évènement national organisé par la Commission aurait lieu dans quelques semaines, avec la participation des survivants de ces écoles.  Il a de plus engagé l’Instance permanente à organiser une table ronde internationale sur les commissions pour la vérité et la réconciliation dans le but d’examiner l’impact de ces initiatives sur la vie des peuples autochtones et sur l’application de la Déclaration des Nations Unies.  Il a également appelé l’Instance à appuyer la création d’une « décennie de la réconciliation ».


Mme MARGARETH LOKAWUA, membre de l’Instance, a rappelé que les écoles et internats d’enfants autochtones ont existé également en Afrique.  Elle s’est dite heureuse de constater que le droit à l’éducation et aux modes de vie traditionnels est à nouveau revendiqué.


M. HASSAN ID BALKASSM, membre de l’Instance, a fustigé ces écoles qui partout dans le monde, ont fait subir une politique d’acculturation et la politique d’arabisation en Afrique du Nord qui a détruit l’identité musulmane des populations autochtones, au profit de l’arabisme.  « Ne parlant que le tamazigh dans mon enfance, je me suis senti comme si on m’avait coupé la langue dans ces écoles qui nous ont appris à mépriser nos réalités », a-t-il dit.  Il a rappelé qu’il a été emprisonné dans sa jeunesse pour avoir utilisé un slogan tamazigh. Il a salué la création de la Commission de réconciliation au Maroc.


M. BARTOLOME CLAVERO, membre de l’Instance, a souligné qu’un ouvrage était récemment sorti sur ce qui s’est réellement passé dans les pensionnats pour autochtones en Amérique du Nord.  L’auteur de ce livre a qualifié cette expérience de « génocide contre les Amérindiens », a noté M. Clavero, qui a souscrit à cette analyse, même s’il ne s’agissait pas d’assassinats systématiques.  Prenant note des excuses présentées par les États, il a néanmoins estimé que la question aurait pu être portée devant les tribunaux internationaux, car ces crimes n’ont pas de prescription.  On peut envisager des conséquences pénales quand bien même les responsables ne seraient plus vivants, a estimé l’orateur pour qui s’impose un traitement juridique plus rigoureux, au niveau international, et pas seulement dans les Amériques.


M. MICHAEL DODSON, membre de l’Instance, s’est dit surpris que le rapport sur les pensionnats n’ait pas suscité de réactions au Conseil des droits de l’homme.  Il a lui aussi assimilé cette expérience à une forme de génocide contre les Amérindiens.  Pour M. Dodson la doctrine de la découverte et l’histoire des pensionnats sont étroitement liées, dans la mesure où elles se fondent sur « l’humanisation des autochtones ».  Se référant à un ouvrage sur la doctrine de la découverte en Australie, il a expliqué que cette question nécessitait également des excuses de la part du Gouvernement australien, voire des indemnisations.


M. JEAN-FRANCOIS TREMBLAY, Sous-Ministre adjoint principal des affaires indiennes et du Nord Canada, a indiqué que la réconciliation et le renouvellement des partenariats avec les peuples autochtones constituent des piliers fondamentaux du plan d’action du Canada pour les autochtones.  La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, démarche honorable, marque un changement des relations entre les autochtones, le Canada, les Églises et le Gouvernement canadien, a poursuivi le représentant.  Il a rappelé que les excuses présentées par le Premier Ministre Stephen Harper aux anciens élèves des pensionnats indiens ont été reçues favorablement par les dirigeants autochtones.


M. Tremblay a, par ailleurs, noté des progrès dans la mise en œuvre de la Convention, s’agissant en particulier des indemnités.  Tous les anciens élèves qui ont résidé dans un pensionnat seront indemnisés en cas de sévices graves, a-t-il dit.  Un financement pour les programmes de guérison, pour les initiatives de commémorations et l’établissement de la Commission de vérité et de réconciliation sera également versé, a poursuivi le représentant.  Quelque 99 640 demandes de « Paiement d’expérience commune » ont été adressées au Gouvernement canadien, a-t-il indiqué.


Le représentant a, par ailleurs, souligné l’importance de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada (CVR) créée le 1er juin 2008.  Pierre angulaire de la Convention, la Commission a pour objectif de faire mieux connaître l’histoire complète des pensionnats, a-t-il expliqué.  Il a ajouté que la Commission veillait également à ce que les déclarations des anciens élèves et de toutes les autres personnes touchées par les pensionnats indiens soient reçues et archivées.


« La Convention de règlement représente un pas majeur vers la réconciliation » mais « ne constitue qu’une étape vers la guérison des blessures du passé », a reconnu M. Tremblay.


Mme CONNIE TARACENA SECAIRA (Guatemala) a cité l’existence dans son pays d’un Ombudsman sur les questions des autochtones, en mettant l’accent sur une disposition de la politique nationale qui reconnaît la vulnérabilité particulière des femmes autochtones, surtout face aux changements climatiques.


Mme AZURE PEACOCK, Caucus des jeunes d’Australie, a souligné le rôle essentiel de la forêt en Australie, et en particulier le lien extrêmement étroit entre autochtones et forêts.  Des lois nationales consacrent désormais ce lien, a-t-elle remarqué, ajoutant que ce processus aboutira à terme au constat de la mauvaise gestion des forêts, en raison des exploitations minières.  Elle a recommandé à l’Instance permanente d’exhorter tous les États à protéger le patrimoine culturel des autochtones et l’a invitée à faire participer les peuples autochtones à tous les débats sur les forêts.  Elle a suggéré que l’Instance passe en revue les cas d’exploitation des forêts qui n’ont pas fait l’objet d’un consentement préalable des peuples autochtones concernés.


M. SERGIO HINOJOSA, Consejo Nacional de Ayllus y Markas del Qullasuyu de Bolivia, a déclaré que les peuples autochtones de Bolivie ont réussi à préserver leur identité culturelle malgré le joug colonial.  Il faut poursuivre les efforts de décolonisation, a-t-il insisté, en regrettant la nouvelle forme de colonialisme qu’est le libéralisme.  Il a souscrit à la Déclaration sur la Terre nourricière, en souhaitant qu’elle soit pleinement respectée.


M. KAAB MALIK, Fondation pour la survie des peuples autochtones du Pakistan, a expliqué que, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres parties du monde, la lutte en faveur de la Terre nourricière est la même dans son pays.  Le Pakistan a perdu deux villages et de nombreux pâturages du fait des changements climatiques, a-t-il remarqué, ajoutant que dans une autre région du Pakistan,  700 000 km2 ont été loués à des étrangers sans respecter la tradition kalache.  Il a recommandé que l’éducation ne soit plus orientée vers l’argent et le capital et qu’elle revienne au respect de l’équilibre du cycle de la vie.  Il a invité tous les peuples autochtones à se lever pacifiquement devant leur parlement pour exiger le respect de la Terre nourricière.


Mme ISABEL ORTEGA, Vice-Ministre de la justice de la Bolivie, a fustigé la pratique des multinationales, responsables des changements climatiques et d’une pollution qui multiplie les malformations dans le bétail.  Il faut que la question de la nocivité de certains pesticides soit traitée au niveau international, a-t-elle insisté.


M. LARS MADSEN (Danemark) a appuyé fermement le Programme de l’ONU pour la réduction des émissions causées par la déforestation et la dégradation des forêts dans les pays en développement (UN-REDD).  Il a précisé que les contributions versées par son pays à UN-REDD visaient l’application du principe de consentement préalable consacré dans la Déclaration des Nations Unies.  Le Danemark appuie également le Fonds de partenariat pour la réduction des émissions de carbone forestier, ainsi que l’initiative de l’Union internationale pour la conservation de la nature qui cherche à assurer la participation des peuples autochtones aux structures gouvernementales pour la réduction des émissions causées par la déforestation, a ajouté M. Madsen.  Le représentant a également indiqué que sa délégation appuyait la création, au sein du Programme d’investissement pour la forêt, d’un mécanisme d’allocation destiné aux peuples autochtones afin d’appuyer leur participation aux stratégies d’investissement forestiers.


M. RUIS TORRO, Organisation des États d’Amérique, organisation régionale chargée de la défense des droits des peuples autochtones, a fait état d’une série de réunions du Groupe de travail de l’Organisation pour parvenir à un consensus sur une convention.  En juin prochain, a rappelé M. Torro, une réunion importante aura lieu à Washington.  Il s’est engagé à présenter à l’Instance un plan d’action sur la participation des peuples autochtones aux différents processus de prise de décisions.  Le financement du Gouvernement allemand a permis d’organiser, entre autre, un atelier sur le droit des peuples autochtones qui a eu lieu à Bogota, et un autre sur la participation et la bonne gouvernance à Panama City, a également signalé M. Torro.


Mme ELLEN GABRIEL, Québec Native Women, tout en se félicitant que le Canada envisage d’approuver la Déclaration des Nations Unies, a recommandé qu’il mette en œuvre sans réserve ce texte et commence des consultations de bonne foi avec les autochtones sur la façon de le faire.  Elle a aussi demandé au Canada de mettre en œuvre l’article 3 de la Déclaration qui reconnaît le droit inhérent des peuples autochtones à tracer les lignes de leur développement économique, social et culturel.  Le Canada doit, en outre, appliquer l’article 32 du même texte qui porte sur les terres et les ressources des autochtones, a recommandé la représentante.  Elle a également appelé à l’élimination de toutes les formes de discrimination fondée sur le sexe dans les politiques administratives et dans la législation.  Il faudra aussi que le Canada finance suffisamment les systèmes d’éducation des communautés autochtones, a-t-elle demandé.


M. BARTOLOME CLAVERO, membre de l’Instance, a jugé très important que les organisations régionales puissent participer aux travaux de l’Instance.  Il a encouragé la Commission africaine des droits de l’homme à participer aux travaux relatifs à la Déclaration des Nations Unies et a espéré que la future déclaration interaméricaine sur les droits des peuples autochtones ne sera pas utilisée par certains pays pour tirer vers le bas les normes minimales des peuples autochtones.


Mme TONYA GONNELLA FRICHNER, membre de l’Instance, a mentionné la tenue la semaine dernière en Bolivie d’une rencontre sur la Terre nourricière qui a connu la participation de 35 000 personnes.  Elle a précisé que les participants ont rejeté les initiatives relatives à un marché du carbone, en jugeant irresponsable de laisser l’avenir de la Terre nourricière entre les mains du marché.


M. CARLOS SAMARA, Vice-Ministre pour les questions autochtones du Venezuela, a expliqué que depuis 2009, la nouvelle politique d’inclusion des peuples autochtones aux processus de prise de décisions du pays porte ses fruits.  Les plus démunis sont pris en considération dans le Gouvernement Chavez, a-t-il affirmé, ajoutant que le temps est venu pour les peuples autochtones d’écrire leur propre histoire.  M. Samara a également souligné le rôle central de ces peuples dans la survie des écosystèmes et le respect de la Terre nourricière.  Il faut, selon lui, décoloniser l’éducation pour rétablir le bien-être des peuples autochtones en Amérique du Sud.  La récupération des valeurs culturelles de nos peuples, la pratique de leurs langues et le respect de leur sagesse ancestrale sont la clef de la survie des peuples autochtones, a dit le Vice-Ministre.  « Le Venezuela a donné le pouvoir à ceux qui, dans nos sociétés, sont nos peuples, leur rendant ainsi des droits dont ils ont été privés depuis des décennies », a-t-il conclu.


Mme HINDUOUMAROU HINDOU, Caucus d’Afrique, a indiqué que 28 représentants autochtones de 15 pays d’Afrique se sont réunis à Bamako pour s’entendre sur un plan d’action pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies.  Elle a précisé que cette réunion ouverte par le Ministre malien de la justice avait pour but de souligner l’importance de la mise en œuvre de la Déclaration pour le continent africain.  Elle a mis l’accent sur les liens entre la Déclaration et la Charte africaine des droits de l’homme.


Nous travaillerons en contact avec la Commission africaine pour envoyer des missions auprès des communautés autochtones et obtenir la création d’un poste de rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones en Afrique, a-t-elle dit.  Elle a estimé que la décision prise en 2003 par la Commission des droits de l’homme de l’Union africaine de reconnaître les droits des peuples autochtones a constitué un jalon important.  Néanmoins, elle a regretté l’insuffisance de moyens pour mettre en œuvre la Déclaration, en notant que seuls quatre pays africains avaient réalisé des progrès dans ce domaine.


M. ZHOU NINGYU (Chine), a estimé que le rapport sur les peuples autochtones et les pensionnats reflète des points de vue qui n’ont pas toujours tenu compte de ce qu’avait fait la nouvelle Chine dans le domaine de l’éducation.  Illustrant son propos, il a expliqué que le Gouvernement chinois accordait beaucoup d’importance au système éducatif dans les régions où vivent les minorités ethniques.  Soulignant que le cinquième recensement national a montré qu’il existait 14 minorités ethniques en Chine, il a affirmé que ces dernières bénéficiaient d’une éducation supérieure à la moyenne nationale.  L’État a d’ailleurs créé des pensionnats pour résoudre les problèmes de fréquentation scolaire des populations nomades.  Actuellement la Chine compte 6 000 pensionnats dans le cycle primaire, en faveur des minorités ethniques, a-t-il signalé, avant d’assurer que la Chine va continuer sur cette voie de manière à développer les talents au sein de ces minorités.


Mme VICTORIA TAULI CORPUZ, membre de l’Instance, a précisé que la Déclaration adoptée lors du récent Sommet sur la Terre nourricière en Bolivie ne mentionnait rien au sujet de la l’émission de carbone.  Elle a rappelé que les autochtones qui participaient à ce Sommet n’étaient pas représentatifs de l’ensemble de cette communauté.  Il ne faut pas oublier la question de la dégradation des forêts, a-t-elle dit, en rappelant qu’une demi-journée de travail sera consacrée à ce thème demain.


Mgr KURIAKOSE BHARANIKULANGARA (Saint-Siège) a répondu à certains commentaires sur le rôle du pape dans la doctrine de la découverte.  Il a estimé déplacée la référence à un document papal qui n’a plus aucune valeur doctrinale car abrogé par des textes.  Rappelant que dès le XVIe siècle, certains documents papaux consacraient les droits des autochtones et le fait qu’ils ne devaient pas être asservis, il a affirmé que cette opinion a été renforcée par Benoît XIV en 1741.  Si le doute demeure, a poursuivi le représentant, le droit canon de 1783 peut être invoqué, dans la mesure où il abroge les textes antérieurs.  Il a déploré le fait que des systèmes aient pu utiliser la doctrine de la découverte comme base juridique.


Quant au rôle attribué à l’Église dans les pensionnats, le représentant a souligné que la conversion forcée des non-chrétiens a été condamnée par le Vatican; l’objectif ultime de l’Église ayant été d’ouvrir aux populations autochtones l’accès à une éducation de qualité.  Il a également rappelé que le Pape avait reçu l’an dernier, les représentants des premiers peuples du Canada, et qu’à cette occasion, il leur avait demandé pardon pour les erreurs commises par les missionnaires.  Le Saint-Siège a, en outre, manifesté son appui à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.


MmeTONYA GONNELLA FRICHNER, membre de l’Instance, a invité les délégués à constater que les observations faites par le représentant du Saint-Siège figurent dans l’étude préliminaire sur la doctrine de la découverte, en particulier aux paragraphes 15 et 17.  Elle a cependant rappelé que même si depuis des siècles cette doctrine n’a plus de valeur au Vatican, il n’en demeure pas moins que dans la pratique elle a justifié de nombreux abus.


M. BARTOLOME CLAVERO, membre de l’Instance, a déclaré qu’en tant qu’historien du droit, il devait noter que l’abrogation des bulles papales qui ont permis l’invasion par l’Espagne et le Portugal de l’Amérique ne repose pas sur le droit canon.  Mais, a-t-il poursuivi, si les textes qui ont légitimé l’invasion de l’Amérique ne sont plus valables, il reste des faits et des actes d’évangélisation en contradiction avec les droits des peuples autochtones.  Il a regretté que Benoît XVI soit moins sensible à la question des peuples autochtones que Jean-Paul II et qu’il ait davantage de problèmes que de réponses dans la déclaration faite aujourd’hui par le Saint-Siège.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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