DH/5016

Instance permanente: le Canada et les États-Unis appelés à mettre en œuvre la Déclaration sur les droits des peuples autochtones « sans condition préalable ni réserve »

22/04/2010
Conseil économique et socialDH/5016
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Instance permanente sur les questions autochtones

Neuvième session

6e et 7e séances – matin et après-midi


I NSTANCE PERMANENTE: LE CANADA ET LES ÉTATS-UNIS APPELÉS À METTRE EN ŒUVRE LA DÉCLARATION SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES « SANS CONDITION PRÉALABLE NI RÉSERVE »


Le Canada et les États-Unis ont été appelés aujourd’hui à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, « sans condition préalable ni réserve », alors que l’Instance permanente sur les questions autochtones tenait un « débat sur l’Amérique du Nord ».  Ralliés depuis peu au texte, ces deux pays ont souligné qu’ils le mettront en œuvre conformément à leurs lois nationales.  Le représentant du Canada a présenté un aperçu des nouvelles politiques mises en place en faveur des quelque 1,6 million d’autochtones, soit 4% de la population totale, représentant 615 peuples et 50 nations culturelles mais dont les revenus stagnent à 30% de moins que la moyenne nationale, malgré les 34 programmes fédéraux bénéficiant d’une enveloppe de 10 milliards de dollars par an.


Son homologue des États-Unis a annoncé l’intention du Président Barack Obama de resserrer les liens avec les 564 tribus indiennes que compte le pays.  « Il est temps de reconnaître leur histoire tragique pour éviter les erreurs du passé et réparer les préjudices subis », a dit la représentante.  « Nous sommes désormais conscients que pour prospérer culturellement et économiquement, nous devons miser sur la diversité culturelle de nos peuples », a-t-elle assuré, en expliquant qu’avec les peuples autochtones, la Maison Blanche a mis en place des séances d’écoute sur les grands thèmes comme l’éducation, le travail et la santé, et nommé des représentants des peuples autochtones à des postes de haut niveau.  Le Gouvernement Obama a débloqué plus de 3 milliards de dollars pour le développement des collectivités tribales et donné ordre aux agences fédérales d’appliquer tous les traités sur les questions autochtones.


Ces traités ont été dénoncés comme « viciés par l’esprit colonialiste » par de nombreux représentants des peuples autochtones.  Ils ont réclamé leur remplacement pur et simple par la Déclaration des Nations Unies qui offre des directives claires sur l’autodétermination des peuples autochtones, à savoir leur droit de participer à la prise de décisions sur toutes les questions susceptibles de les affecter.


« La Déclaration ne doit pas devenir une coquille vide », a averti le représentant du Caucus des jeunes autochtones, lors du Dialogue avec le Représentant spécial des droits de l’homme et des libertés fondamentales des Premières Nations.  L’Instance permanente ne devrait pas se limiter « à dénoncer les problèmes existants », a renchéri la Coordonnatrice des organisations andines.  Elle doit aller plus loin et se doter d’un mécanisme de suivi de l’application de ses recommandations.


Le Rapporteur spécial s’est lui-même inquiété de la faible mise en œuvre de la Déclaration alors que les violations contre les peuples autochtones sont « systémiques et généralisées ».  Dans ce cadre, a été mis à jour le « paradoxe » de la préservation de la nature où les peuples autochtones se voient destitués de leurs terres, notamment des parcs nationaux, au nom de cette cause.  Il s’agit là, a dit un membre de l’Instance, d’un conflit qui n’a pas lieu d’être puisque les autochtones ont toujours vécu en parfaite symbiose avec leur environnement et contribué à la survie de leurs écosystèmes.  Les organisations de conservation de la nature ont donc été exhortées à intégrer la notion des droits des peuples autochtones à leurs programmes.


Devant la Présidente du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, organe du Conseil des droits de l’homme, un Membre de l’Instance s’est félicité de la collaboration entre ce Mécanisme, le Rapporteur spécial et l’Instance elle-même.  Il a suggéré que l’on élargisse cette coopération aux organismes de l’ONU concernés par les peuples autochtones et la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies.


L’Instance permanente entamera demain, vendredi 23 avril, à 10 heures, dans la salle de l’Assemblée générale un dialogue avec le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique.


DROITS DE L’HOMME


Application de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones


Déclarations liminaires


Le Rapporteur spécial, JAMES ANAYA, a expliqué que pendant cette deuxième année de son mandat, il a renforcé la coordination avec l’Instance permanente et avec les mécanismes d’experts du Conseil des droits de l’homme.  Dans ce cadre, il a eu une série de réunions parallèles avec des représentants des peuples autochtones pendant les sessions de l’Instance permanente.  Il a regretté ne pouvoir rencontrer toutes les organisations autochtones, compte tenu des contraintes de temps, mais s’est engagé à examiner chacun des cas qui lui ont été soumis.  Il a aussi invité les organisations à lui soumettre par écrit leurs demandes et plaintes qui seront toutes traitées, a-t-il assuré.


Pour ce qui est des activités entreprises pour promouvoir les droits des peuples autochtones, M. Anaya a précisé qu’il a assuré le suivi de la situation des droits de l’homme de certaines communautés autochtones.  Ses activités ont notamment porté sur la promotion des pratiques optimales, des études thématiques, l’examen de cas de violations des droits de l’homme et des rapports de pays.  Son rapport à l’Instance permanente présente les résultats de ces différentes activités, a-t-il précisé.  Parmi les pratiques optimales, il a tenté de convaincre les États qui ne l’avaient pas encore fait de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Il s’est dit particulièrement heureux que trois pays aient annoncé, à cette session, leur appui à la Déclaration.


Le Rapporteur spécial a dit avoir également participé à des études sur des thèmes touchant les droits de l’homme des peuples autochtones, et a exprimé son intention de présenter une réflexion sur la question de l’industrie minière et de son impact sur la vie des autochtones.  Il a également visité plusieurs pays comme la Colombie, l’Australie et les pays nordiques.  Son travail a aussi porté sur l’examen de cas de violations des droits de l’homme dans le cadre duquel il a engagé un dialogue avec les pays concernés pour essayer de trouver des solutions.  C’était notamment le cas après la situation à Bagua au Pérou.  M. Anaya a rappelé que le droit au développement est un droit pour tous les peuples et que, par conséquent, les peuples autochtones doivent non seulement pouvoir en jouir mais aussi bénéficier de considérations spéciales du fait de leur souhait de transmettre leur patrimoine culturel et de récupérer leurs terres.


Identifiant deux sources de préoccupations majeures, M. Anaya a cité le fait que les programmes de développement actuels qui prévoient de grands projets miniers ou des barrages sur les territoires autochtones se font souvent au détriment des intérêts de ces peuples.  Il a également insisté sur la nécessité d’inclure dans les programmes d’État une approche plus inclusive garantissant l’autodétermination des peuples autochtones et leur accès équitable à l’éducation et à la santé.  Il a souligné que l’expérience a montré que quand une communauté autochtone a pris ses propres décisions en matière de développement, les résultats étaient souvent bien meilleurs.  Les États et la communauté internationale doivent permettre aux communautés autochtones de mettre en œuvre des activités de développement qui leur tiennent à cœur.  Une formation professionnelle est nécessaire pour pouvoir les associer à tous les niveaux de prise de décisions et les émanciper tout en respectant leur mode de vie et leurs coutumes.


Ces peuples souhaitent renforcer leurs propres capacités de gouvernance, a-t-il constaté, ce qui signifie qu’ils doivent pouvoir participer sur un pied d’égalité au processus de développement.  Or, actuellement, ce n’est encore que rarement le cas.  En outre, M. Anaya a demandé que l’aide au développement accordée aux peuples autochtones ne soit pas assortie de conditionnalités trop strictes.  Pour lui, il faut accorder aux peuples autochtones le droit à l’erreur et celui de tirer des enseignements de leurs erreurs, comme tout le monde.


Mme JENN LASSIMBANG, Présidente du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a salué l’adoption par la Nouvelle–Zélande de la Déclaration des Nations Unies et le fait que les États-Unis et le Canada viennent également d’annoncer leur décision d’envisager une adhésion au texte.  Elle a précisé que le Mécanisme d’experts avait pour mission d’offrir des conseils et des recommandations sur les droits des peuples autochtones au Conseil des droits de l’homme.  Si nous n’avons pas la capacité de nous occuper de chaque situation dans chaque pays, nous pouvons contribuer à une meilleure compréhension de la situation, a-t-elle dit.  Elle a précisé que la troisième session du Mécanisme d’experts se tiendra du 12 au 16 juillet 2010, en ajoutant que cette session, en tant qu’instance spécifique, était ouverte à tous.


Par ailleurs, la Présidente du Mécanisme d’experts a précisé que le Mécanisme devrait finaliser en 2011 un rapport sur les droits fondamentaux des peuples autochtones et qu’il continuait à encourager les autres mécanismes régionaux et nationaux à se concentrer sur la question des peuples autochtones.  Elle a salué la mise en place d’un Fonds pour les peuples autochtones, en précisant qu’elle attendait des informations pratiques pour son extension.  Elle a rappelé que les représentants de l’Instance permanente ont assisté à la dernière séance annuelle du Mécanisme d’experts ainsi qu’à son séminaire technique sur le renforcement des capacités des peuples autochtones dans les processus de prise de décisions.  Elle a aussi rappelé que les contributions écrites et la participation aux séances annuelles du Mécanisme ne pouvaient que promouvoir les objectifs communs.


Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones et d’autres rapporteurs spéciaux


Entamant le dialogue, M. HANS PETER BUVOLLEN (Danemark) a présenté les efforts de coopération de son pays avec la Bolivie pour faire avancer la cause des peuples autochtones de la région du Chaco.  Ce programme est le plus important pour soutenir les droits des peuples autochtones, a-t-il souligné, avant d’expliquer qu’il vise à incorporer les préoccupations autochtones dans les politiques nationales et faire avancer le processus de restitution des terres autochtones.  M. Bulloven a insisté sur les progrès importants constatés en Bolivie au cours des dernières années, en citant notamment le transfert de millions d’hectares de terres à la population guaranie.  Il s’est félicité de ce que le Gouvernement bolivien partage le point de vue danois, ce qui a permis de mettre en place une Commission interministérielle spéciale chargée de mettre un terme à la servitude et au travail forcé.  Le Danemark, a-t-il ajouté, appuie le processus d’élaboration d’une nouvelle loi contre la discrimination, une initiative largement inspirée par la situation du peuple guarani.


À son tour, M. JEFF HARMER (Australie) a rappelé que son pays a adhéré depuis 2009 à la Déclaration des Nations Unies.  Après avoir présenté des excuses officielles aux « générations perdues », le Gouvernement australien s’efforce désormais de réduire les écarts constatés dans les indicateurs de l’éducation ou encore de la mortalité infantile.  En 2009, un Comité permanent pour les questions autochtones a été créé et un mécanisme ad hoc a été mis en place pour intégrer la perspective autochtone dans les politiques et assurer la participation des Premières Nations aux processus de prise de décisions sur des questions les concernant.  Quant à l’élimination de toutes les formes de discrimination, M. Harmer a expliqué que des mesures d’urgence ont été prises pour remédier au plus vite à la situation qui prévaut dans les Territoires du Nord.  Prenant fin en 2010, ces mesures seront transformées pour les rendre conformes à la nouvelle loi sur la lutte contre la discrimination.


Prenant aussi la parole, le représentant du Caucus d’Amérique du Nord a indiqué que les peuples d’Amérique du Nord ont soumis au mois de mars dernier, un rapport à l’Instance permanente, qui exprime une très grande préoccupation concernant la restitution des terres.  Pour les peuples autochtones, le modèle actuel de développement est un élément destructeur.  Les abus des droits de l’homme des autochtones sont souvent liés aux activités économiques des gouvernements qui ne reculent devant rien pour parvenir à leur fin, y compris par des menaces et des arrestations arbitraires pour forcer les autochtones à accepter l’exploitation de leurs territoires.  La Déclaration des Nations Unies consacre dans son article 32 le droit des autochtones d’être consultés pour les décisions concernant l’exploitation de leurs terres.  Mais, a prévenu le représentant, la mise en œuvre de cet article laisse à désirer.


M. FAMARK HLAWNCHING, Caucus de l’Asie, a salué le Rapporteur spécial qui s’est rendu récemment au Népal pour y rencontrer les représentants de l’Inde, de l’Indonésie, de la Thaïlande, ainsi que ceux de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ANASE) et du Pacte des peuples autochtones d’Asie.  Il a demandé au Rapporteur de mener des consultations plus élargies avec les peuples autochtones d’Asie.  Il a cité l’importance de la Commission des droits de l’homme de l’ANASE, tout en regrettant la faiblesse de son mandat s’agissant des droits des peuples autochtones.  Il a exhorté l’ANASE à faire plus d’efforts dans la promotion et l’application de la Déclaration des Nations Unies, en appelant à l’organisation d’ateliers nationaux et sous-nationaux, incluant des représentants des pouvoirs législatif et judiciaire.


M. BARTOLOMÉ CLAVERO, membre de l’Instance permanente, s’est félicité de la bonne coordination entre les trois mécanismes relatifs aux peuples autochtones, en se demandant s’il ne serait pas pertinent d’élargir cette coopération aux organismes de l’ONU concernés par les peuples autochtones et la mise en œuvre de la Déclaration.  Il a souligné la nécessité de se pencher sur la situation des Araguas de Colombie, en rappelant à ce pays son obligation, en vertu de la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), de trouver un équilibre entre l’intérêt général du peuple colombien et les intérêts spéciaux des peuples autochtones.  Il a regretté que la Colombie ait indiqué qu’elle n’était pas en mesure de garantir les droits des peuples autochtones.


Mme MILDRED GANDIA REYES ZIEGELASCH, Caucus des Caraïbes, a recommandé des consultations sur la situation unique des peuples autochtones des Caraïbes.  Elle a souhaité que les organisations autochtones locales soient associées à ces consultations auxquelles devraient également participer des représentants des différents organes des Nations Unies et en particulier le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme.  L’Instance permanente doit, selon elle, accorder un intérêt particulier à l’accès au financement, notamment pour les autochtones de Porto Rico.  En raison de son statut colonial, cette île ne peut devenir membre des Nations Unies, ce qui empêche les autochtones de faire entendre leur voix auprès de l’Instance permanente.


M. STEDMAN FAGOTH MULLER, Ministre de la pêche et de l’aquaculture du Nicaragua, a encouragé tous les pays à créer leurs propres législations et institutions juridiques pour lutter contre la discrimination des peuples autochtones, avant d’insister sur la nécessité de les laisser gérer leurs propres ressources naturelles.  « Nous n’avançons pas », s’est-il impatienté.  Pourquoi ces peuples devraient-ils dépendre de lois élaborées sans eux, et de constitutions qui ne tiennent même pas compte de leur existence, s’est-il énervé.  « Pour notre autodétermination, nous, Indiens du Nicaragua, avons mis en place une Commission politique, alors même qu’une guerre faisait rage », a-t-il dit.  Personnellement, a-t-il affirmé, cela m’a coûté 1 500 hommes au combat.  « Ne restez pas les bras croisés, ne faites pas couler le sang mais appuyez le droit à l’autodétermination des peuples autochtones », a-t-il insisté.  Les Nations Unies, a-t-il conclu, doivent apporter leur appui à l’élaboration d’une législation sur la restitution des terres.


M. HASSAN ID BALKASSM, membre de l’Instance permanente, a salué cette opportunité de dialoguer avec le Rapporteur spécial et le Mécanisme d’experts comme une opportunité d’élargir le dialogue avec les organismes de l’ONU chargés de questions liées aux droits des peuples autochtones.  Il a dénoncé les outrages à l’identité et à la culture autochtones, qu’il a attribués aux modèles dominants qui ne respectent pas ces spécificités.  La constitution de « nations uniques, à langue unique et à culture unique » a mené à de nombreuses violations, a-t-il regretté.  Appelant, à son tour, à une participation effective des peuples autochtones aux processus de prise de décisions sur le développement.  Il s’est félicité de ce que la langue amazigh fasse maintenant partie du cursus scolaire au Maroc et en Algérie.  Il a néanmoins regretté la persistance de la politique d’inclusion qui constitue une violation flagrante des droits de l’homme dans ces deux pays.  En outre, il s’est particulièrement inquiété de la situation du Parti démocratique amazigh du Maroc qui a été dissout.


Mme MARIA TERESA MESQUITA PESSOA, Fondation nationale des peuples autochtones (Brésil), a salué les améliorations importantes apportées par le Gouvernement brésilien pour coordonner les politiques autochtones, par le biais de la Fondation.  En évoluant de la centralisation à un Gouvernement fédéral, a-t-elle dit, nous sommes passés à un système participatif tenant compte des attentes et des besoins des communautés.  Les nouveaux fronts ethno-environnementaux représentent une expansion de la Fondation qui collabore désormais avec 12 nouvelles agences.


Mme VIVIANA MANRIQUE, Vice-Ministre de l’intérieur de la Colombie, a fait état des progrès réalisés depuis la visite du Rapporteur spécial en Colombie.  Elle a précisé que, depuis, une instance de consultation avec les peuples autochtones a été créée et que le Gouvernement a fait des efforts importants pour garantir les droits du peuple awa.  La Vice-Ministre en a voulu pour exemple la création de postes réservés aux autochtones dans les institutions publiques.  Des études sont faites actuellement sur la santé, l’éducation et la sécurité alimentaire des peuples autochtones.  Sont également lancés des programmes de promotion de l’écotourisme favorisant la participation des autochtones.  La Colombie espère terminer la consultation des 48 peuples autochtones en 2010.  En attendant, elle a adopté un plan d’action 2010-2011 pour les femmes autochtones.  La Vice-Ministre a invité l’Instance permanente à venir se rendre compte sur place des progrès réalisés.


Mme JANINE GERTZ, Caucus du Pacifique, a encouragé le Gouvernement australien à utiliser des méthodes participatives pour l’application des recommandations du Rapporteur spécial.  Elle a demandé au Rapporteur spécial de prendre note des préoccupations liées aux activités militaires dans les territoires autochtones comme c’est le cas à Hawaï.  Elle a dénoncé la pollution nucléaire en l’imputant à des pays comme les États-Unis et la France, et demandé au Rapporteur spécial de faire des recommandations à cet égard.  Elle a, en outre, demandé qu’un intérêt particulier soit accordé à l’impact des changements climatiques sur les îles du Pacifique.


Mme MISS DU, Caucus des jeunes, a recommandé des normes minimales pour les peuples autochtones; la discrimination étant un problème permanent pour les jeunes.  Elle a dit combien la langue est un élément essentiel de l’identité autochtone et réclamé des cours dans les langues maternelles, en particulier dans le milieu urbain, « pour connaître notre histoire ».  Elle a aussi plaidé pour la mise en place de tribunaux locaux pour « mettre un terme à un système colonialiste », s’inquiétant des taux élevés d’incarcération des autochtones dans les prisons australiennes et néo-zélandaises.  Elle a cité le cas de la Bolivie qui a inclus dans son système judiciaire des dispositions relatives à la justice autochtone.


M. ALAMED ALJERRAR, Caucus africain, a dénoncé le « génocide » induit par les changements climatiques, source de déplacements massifs des populations, de conflits et de perte d’identité.  Il a rappelé que de nombreux conflits en Afrique étaient liés au contrôle de ressources dont la raréfaction est due précisément aux changements climatiques.  Il a souhaité la création d’un poste de rapporteur spécial qui serait chargé d’étudier l’impact des conflits sur les peuples autochtones d’Afrique.  Il a réclamé une place pour les autochtones dans toutes les initiatives sur la lutte contre les changements climatiques.


Mme VIOLETTE FORD, Conseil arctique des Inuits, a salué le fait que les États-Unis et le Canada aient finalement reconnu l’importance de la Déclaration des Nations Unies.  Dans ces deux pays, la mise en œuvre de ce texte doit se faire le plus rapidement possible et sans condition préalable, a-t-elle prévenu, en rappelant que les États parties aux accords internationaux ne tiennent pas toujours leurs engagements.  Elle a donc appelé l’Instance permanente à faire une analyse des lacunes, au niveau régional, pour identifier les problèmes intrinsèques aux politiques nationales.  Cette analyse, à laquelle les peuples autochtones doivent être associés, permettra de faire la lumière sur les écarts réels dans les indicateurs de base.


Mme LATIFA DOUCH, Caucus amazigh, a rappelé les multiples violations des peuples autochtones en Afrique dont les Amazighs.  L’Instance permanente est–elle saisie de la situation en Kabylie? a-t-elle demandé.  Elle a dénoncé l’impact négatif des mégaprojets et a demandé à l’Instance ce qu’elle fait pour défendre les droits des jeunes amazighs emprisonnés au Maroc après des manifestations pacifiques.  Elle a aussi voulu connaître la position de l’Instance sur la décision du Maroc d’interdire la langue amazigh dans les écoles publiques et privées.


Se sentant interpelée, Mme ELISA CANQUI MOLLO, membre de l’Instance, a souligné l’insuffisance d’informations sur les peuples autochtones victimes de génocides, dont les « génocides de développement » et les « génocides climatiques ».  Elle a néanmoins reconnu les « génocides silencieux » perpétrés par les multinationales.  Elle a fustigé les persécutions et la criminalisation croissante du mouvement autochtone.  Elle a cité le cas de 35 autochtones guaranis brûlés au Brésil, en précisant que ces actes n’ont été consignés nulle part.


M. GONZALO OVIEDO, Union internationale de la conservation de la nature (IUCN), a exprimé la volonté de son union d’inclure les objectifs de protection des peuples autochtones dans les missions de protection de la nature.  Une synergie de nos priorités nous permettra de mieux intégrer la Déclaration des Nations Unies, a-t-il insisté.


Mme MICHELLE BUTEAU, Bureau de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a précisé que la Déclaration est un cadre d’action que son Bureau partage avec l’Instance permanente.  Elle s’est dit heureuse que l’appui à cette « Déclaration » continue de se renforcer parmi les quatre pays qui avaient voté contre lors de son adoption en 2007.  Elle a précisé que son Bureau vient d’initier une réunion d’experts à Bangkok qui a abouti à des propositions concrètes sur les droits des peuples autochtones.  Elle a également cité la participation du Bureau à la mise en œuvre de la deuxième étude du Mécanisme d’experts sur la participation des peuples autochtones aux processus de prise de décisions.  Elle a insisté sur la volonté du Bureau d’améliorer la mise en œuvre des droits des peuples autochtones et salué l’importance de la plate-forme de dialogue qu’est cette session.


Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, membre de l’Instance, a rappelé qu’aujourd’hui on célèbre la Journée internationale de la Terre nourricière, ce qui met bien l’accent sur la nécessité de soigner cette Terre!  Tout en saluant les efforts en ce sens des organisations de conservation de la nature, elle les a enjoints à intégrer la notion des droits de l’homme dans leur travail.  En effet, pour Mme Tauli-Corpuz, il peut sembler y avoir un conflit d’intérêt là où en réalité il n’y a que des synergies.  Pour elle, il est important de défendre le droit des peuples autochtones à rester dans les parcs nationaux, « car ils ont contribué à sauver ces écosystèmes locaux par leurs pratiques ancestrales ».  Soulignant que de tout temps les peuples autochtones ont respecté la nature et la Terre nourricière, elle a souhaité que les nouvelles approches internationales tiennent compte de cette convergence d’intérêts.  Elle a averti que, dans la forme actuelle, ceux qui s’inquiètent de la nature risquent de commettre les mêmes erreurs que par le passé et brimer les droits des autochtones.


Mme BLANCA CHANCOSA SANCHEZ, Coordonnatrice des organisations andines, a regretté que les rapports des organismes et des gouvernements ne présentent pas la réponse proposée aux problèmes rencontrés depuis des siècles par les peuples autochtones des Andes.  Depuis 30 ans, les dirigeants autochtones des Andes ont été emprisonnés pour avoir défendu les droits de la Pacha Mama.  Elle a enjoint l’Instance permanente à faire quelque chose de concret pour obtenir la libération immédiate de ces dirigeants.  Les gouvernements doivent appliquer les engagements pris en vertu de la Déclaration des Nations Unies, a-t-elle exigé, les exhortant à systématiquement consulter les peuples autochtones pour toutes les décisions affectant leurs territoires.  « À l’avenir, ne vous limitez pas à dénoncer les problèmes, mais proposez des solutions et veillez à leur application », a-t-elle dit aux membres de l’Instance permanente.


M. CARSTEN STAUR (Danemark) s’est félicité des déclarations positives de ces derniers jours faites par la Nouvelle-Zélande, le Canada et les États-Unis sur la Déclaration des Nations Unies.  Il a précisé que le Danemark venait de doubler son soutien financier au Fonds d’affectation spéciale pour la deuxième Décennie internationale des droits des peuples autochtones.  Il a cité l’entrée en vigueur de la loi sur l’autodétermination du Groenland, le 25 novembre 2008, qui prend en compte les principes des droits des peuples autochtones.  Il a précisé que cette loi donnait aux autorités du territoire de nouvelles compétences.


Il a indiqué qu’en vertu de cette loi, le groenlandique est devenu la langue officielle du Groenland et les produits de l’exploitation des terres vont désormais au Gouvernement du territoire.  Il a invité l’audience à participer à l’événement parallèle qui se tiendra demain, vendredi 23 avril, sur les enseignements tirés du programme danois sur les droits de l’homme en Bolivie.


Mme ALEXANDRA OCLES (Équateur) a souligné l’importance de la Journée internationale de la Terre nourricière, en appelant les États Membres à respecter les droits des peuples autochtones.  Elle a précisé que la nouvelle Constitution de l’Equateur reconnaissait ces droits et le caractère plurinational de l’Équateur.  Elle a dit que l’Équateur avait créé une Journée nationale de l’interculturalité et de la plurinationalité, qui est célébrée le 19 septembre, date de la naissance de la chef autochtone Tránsito Amaguaña.  Elle a précisé que l’Équateur avait invité le Rapporteur spécial à venir constater les changements observés en Amazonie équatorienne, en citant le plan plurinational contre l’exclusion ethnique et culturelle dont la mise en œuvre est coordonnée par plusieurs ministères.


Dans ses remarques de clôture, le Rapporteur spécial, s’est inquiété de la faible mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies.  Il a pris note des inquiétudes des autochtones de voir cette « Déclaration » devenir une coquille vide, alors que les violations contre leurs peuples sont systémiques et généralisées.  Éliminer les organismes et institutions à l’origine des discriminations sera une mission ardue, a dit le Rapporteur spécial, avant de citer en exemple les recommandations contenues dans ses rapports sur la situation au Botswana et au Pérou.


Il a regretté les tensions qui subsistent entre les programmes de conservation de la nature et les droits des peuples autochtones.  Il a relevé la contradiction de voir ces peuples destitués de leur terre, au nom des principes de conservation de la nature.  Il a appuyé la revendication du Caucus des jeunes autochtones sur la nécessité de prendre en compte les langues autochtones dans les systèmes scolaires, notamment en raison de la perception du monde qu’elles véhiculent.


La Présidente du Mécanisme d’experts s’est dite heureuse que l’Instance permanente se prête à l’exercice du dialogue et prenne note de l’énorme travail accompli par le Rapporteur spécial.  Compte tenu de la jeunesse de cette Instance, il est normal que tout n’ait pas pu être accompli dans la mise en œuvre de la Déclaration.  Elle a mis l’accent sur l’importance de la participation des peuples autochtones aux processus de prise de décisions, question centrale de la problématique.  Elle a rappelé l’étude menée en Bolivie dans ce domaine, en collaboration avec le Danemark, qui a dégagé des recommandations applicables à tous.  Pour ce qui est de l’éducation, l’étude du Mécanisme d’experts a permis de conclure qu’au-delà d’un enseignement culturel approprié dans les langues locales, il est important d’avoir un appui politique et financier pour consolider les écoles autochtones pour assurer le transfert des connaissances et des savoirs ancestraux.


Débat sur l’Amérique du Nord


M. FRED CARON (Canada) a présenté un aperçu des mécanismes canadiens en faveur des peuples autochtones qui s’appuient sur cinq piliers, à savoir le développement, l’éducation, l’émancipation et les droits, le règlement des différends territoriaux et la gouvernance locale.  Il a parlé des négociations en cours sur le développement économique et de la mise en place de services sociaux.  Il a précisé que le recensement de 2006 a identifié 1,6 million d’autochtones, soit 4% de la population totale, représentant 615 peuples et 50 nations culturelles d’une très grande diversité linguistique.  En 2006, 50% des autochtones vivaient dans des zones urbaines.  Le revenu total est de 30% inférieur à la moyenne nationale.


Quelque 193 peuples premiers ont été identifiés en 2006, comme ayant des problèmes d’assainissement, a dit le représentant, en saluant le fait que ce nombre ait été réduit à 30 en 2010.  Le Canada, a dit le représentant, a affecté 10 milliards de dollars par an aux 34 programmes fédéraux sur les populations autochtones.  Le discours du Trône du 3 mars 2010, a-t-il poursuivi, a été l’occasion de mettre l’accent sur les nouvelles mesures, et les Jeux olympiques d’hiver de Vancouver, celle de promouvoir une participation sans précédent des populations autochtones aux initiatives locales.


Mme TONYA GONNELLA-FRICHNER, membre nord-américaine de l’Instance, a déclaré que si les Indiens d’Amérique du Nord et les autres peuples autochtones se tournent vers les Nations Unies, c’est parce qu’ils n’ont pas pu se faire entendre dans leur propre pays.  Les lois nationales et américaines, par exemple, sont basées sur l’usage de la doctrine de la découverte et l’exercice de la domination qu’elle suppose, a-t-elle ajouté.  Elle a ensuite mis en avant le fait qu’une telle conception avait entraîné la mainmise des autorités canadiennes et américaines sur les terres, les territoires et les ressources des autochtones, cela en dépit des traités et normes internationales censés protéger les droits de ces derniers.


Évoquant ensuite l’appel du Secrétaire général à reconnaître le statut de membres à part entière de la famille des Nations Unies des peuples autochtones, elle a rappelé que les privations des droits de l’homme que ceux-ci continuent de subir ont des causes connues.  Elle a ainsi répété que les lois nationales basées sur la doctrine de la découverte, ainsi que les politiques fondées sur le colonialisme, ont fait que les autochtones, partout où ils vivent, sont considérés comme des citoyens de seconde zone, voire « comme des pauvres ».  Pour Mme Gonnella-Frichner, le seul cadre de réaffirmation des droits fondamentaux des peuples autochtones est la Déclaration des Nations Unies.


Mme KIMBERLY TEEHEE (États-Unis) a rappelé qu’il existait sur le territoire des États-Unis 564 tribus indiennes avec qui le Président Obama veut renforcer et améliorer les liens.  Rendant hommage aux Indiens qui se battent pour les États-Unis en Iraq et ailleurs alors même qu’ils ne jouissent pas pleinement de leurs droits chez eux, Mme Teehee a estimé qu’il était temps de reconnaître leur histoire tragique pour éviter de commettre les mêmes erreurs et pour réparer les dégâts.  La confiscation des terres des tribus indiennes a provoqué la dispersion de ces tribus, a-t-elle souligné.  Elle a aussi souligné que la transmission de leur identité et de leur tribu a été compromise par le fait que les écoles n’autorisaient pas le port de tenues traditionnelles ni l’enseignement des langues maternelles.


Nous sommes conscients désormais, a dit la représentante, que pour prospérer culturellement et économiquement, nous devons miser sur la diversité culturelle de nos peuples.  La politique fédérale se fonde sur le constat que les gouvernements tribaux sont en mesure d’assumer leurs responsabilités.  « Permettre aux tribus de relever elles-mêmes leurs défis s’est avéré positif », a-t-elle déclaré.  Cela ne signifie pas, a-t-elle reconnu, que les conditions de vie dans les réserves se sont beaucoup améliorées.  Elles restent marquées par la pauvreté et le chômage, ce qui engendre à leur tour la criminalité, dont le trafic de drogues.


Le Président Obama appelle cela « une insulte à la conscience nationale », a rappelé la représentante.  Pour le Président, les dirigeants tribaux doivent faire partie de la solution et il faut commencer une nouvelle ère de collaboration basée sur le respect mutuel et la bonne foi.  Pour aborder tous ces défis, un ensemble de mesures a été pris.  En novembre 2009, le Président a invité les dirigeants de plus de 400 tribus indiennes.  Avec les peuples autochtones, la Maison Blanche a mis en place des séances d’écoute sur les grands thèmes comme l’éducation, le travail et la santé.  Par le passé, leur voix a trop souvent été ignorée ce qui a abouti à des résultats tragiques.


Dans le cadre de ce processus d’inclusion, des représentants des peuples autochtones ont été nommés à des postes de haut niveau dans les instances publiques.  Toutes les agences fédérales doivent appliquer l’ordre 13174, qui les rend responsables de l’application des traités sur les questions autochtones.


Si les bases de la lutte contre les tensions qui existent depuis des générations ont été jetées, il fallait encore financer les nouvelles politiques.  Le Gouvernement Obama a débloqué plus de 3 milliards de dollars aux collectivités tribales pour relancer le développement.  De même, la nouvelle réforme de la santé profitera aux Indiens et aux autochtones alaskiens; étant entendu que la lutte contre la violence faite aux femmes dans les réserves est une autre priorité de la nouvelle politique.


Le développement des énergies renouvelables se traduira également par des emplois et aura un impact direct sur les tribus qui pourront explorer les moyens d’exploiter leurs propres nouvelles ressources énergétiques.  Dans ce contexte, elle a rappelé les apports potentiels du savoir traditionnel dans la lutte contre les changements climatiques.  Les États-Unis vont lancer une vaste étude à partir des informations reçues des tribus indiennes et des ONG sur des « solutions durables et mutuellement acceptables aux problèmes qui existent toujours ».


M. OREN LYONS, Caucus d’Amérique du Nord, a rappelé que la terre a toujours été au cœur des problèmes parce que c’est « l’endroit où nous vivons au quotidien ».  Il a donc appelé à plus d’efforts pour aborder cette question de la manière la plus juste possible.  C’est parce qu’il n’y avait pas de justice dans les tribunaux des régions dans lesquelles nous vivions que nous avons décidé de faire un voyage historique à Genève en 1977, a-t-il précisé, en retraçant les grandes étapes des décennies de lutte.  Si nous n’avons pas succombé à la destruction culturelle, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment garantir et défendre ce qui nous reste, a-t-il déclaré, en s’inquiétant des conséquences sur les enfants autochtones de l’assimilation agressive, comme les internats.  Il a rendu hommage à tous ceux qui ont continué à lutter sans soutien au cours de ces décennies avant l’adoption, le 13 septembre 2007, de la Déclaration des Nations Unies, « acte du début de reconnaissance des peuples autochtones ».  Il a poursuivi en prévenant les économies modernes qu’elles ne pourront pas survivre aux changements climatiques.  Il a cité l’impact de l’éruption volcanique en Islande sur le trafic aérien pour illustrer la fragilité de la communauté mondiale face aux changements climatiques.  Il a rappelé que le Président des Îles Marshall a indiqué que son pays compte désormais 200 000 déplacés par les changements climatiques, dont pourtant personne ne veut.


Chef SHAWN A-IN-CHUT ATLEO, Assemblée des Premières Nations du Canada, a estimé que l’« Indian act » continue de violer les droits des autochtones à déterminer leur citoyenneté.  Le Chef Shawn a appelé le Canada à réviser ses politiques et à laisser les communautés déterminer elles-mêmes leurs relations avec la terre et les ressources.  Il a fustigé, par exemple, l’approche actuelle qui compromet le droit des autochtones à l’eau en laissant le pouvoir aux régimes provinciaux.  Se tournant vers l’Instance, il l’a appelée à se pencher sur la disparition ou l’assassinat de quelque 580 femmes autochtones au Canada et à y dépêcher le Rapporteur spécial.  Il a aussi appelé l’Instance à faire avancer le travail sur un traité, à engager l’ONU dans une véritable protection de l’environnement, à faire des recommandations sur les changements climatiques et à convoquer une réunion d’experts sur l’eau.


Mme JEANNETTE CORBIÈRE LAVELL, de l’Organisation internationale pour le développement des ressources autochtones, a souligné que la Déclaration des Nations Unies est l’instrument international le plus complet sur la question autochtone.  Elle offre une occasion cruciale aux États-Unis et au Canada de démontrer leur leadership mondial en matière de droits de l’homme, aux niveaux national et international, a-t-elle estimé.  Elle s’est dite tour à tour encouragée et inquiète par l’attitude du Gouvernement du Canada, « qui affiche certes sa volonté d’appliquer la Déclaration mais seulement dans le cadre de la Constitution et des lois canadiennes ».  Mme Corbière Lavell a considéré que cette approche impose des limites à la pleine mise en œuvre de la Déclaration et sape le principe d’universalité sur laquelle elle repose.


M. NICK DODSON, membre de l’Instance permanente, a salué l’initiative des Jeux olympiques indiens qui est un rêve depuis les années 70.  WING -World indigeneous nations games- est une organisation à but non lucratif basée au Canada qui a pour objectif de planifier ces jeux auxquels participent des sportifs de haut niveau du monde entier.


En 2008, ce rêve est devenu réalité et grâce au soutien du Gouvernement de Manitoba, la ville de Winnipeg accueillera ainsi les premiers Jeux olympiques autochtones en août 2012.  Ces Jeux de 2012 coïncideront avec la célébration annuelle de la Journée internationale des peuples autochtones, le 8 août.


Mme NAULLAQ ARNAQUQ, Département de la culture, de la langue, des personnes âgées et de la jeunesse du Gouvernement du Nunavut, a rappelé que 85% des habitants du Nunavut étaient des Inuits, en ajoutant que cette situation offrait l’occasion de donner suite à l’article 32 de la Déclaration des Nations Unies.  Elle a dit que l’objectif du Gouvernement Nunavut était de parvenir à une pleine participation des autochtones à la vie économique moderne.  Ce développement que nous visons ne se limite pas à l’extraction des ressources et à la réalisation des profits, a-t-elle dit, en précisant que la culture et l’exploitation des ressources naturelles ne sont qu’un tremplin pour l’intégrité culturelle, écologique et économique des Inuits.  Pour pouvoir intégrer sans détour notre vision du monde au processus de développement, nous devons nous employer à appuyer activement la protection et la revitalisation de la langue inuit, a-t-elle insisté.


La langue n’est pas seulement un recueil de mots mais bien un système de documentation inestimable de notre milieu arctique et de ce que les Inuits ont retenu comme leçons sur la façon d’y vivre harmonieusement.  Il a jugé important de noter qu’en 2008, l’Assemblée législative du Nunavut a promulgué la loi sur l’éducation et la loi sur la protection de la langue inuit pour permettre aux enfants d’accéder aux connaissances et de participer pleinement au développement de leurs collectivités.


Un financement soutenu doit appuyer les programmes d’enseignement inuit de façon à intégrer pleinement, sur un pied d’égalité, les forces, les perspectives et la vision inuit au processus de développement, a-t-elle insisté.  Sans ces acquis, les Inuits seraient voués à l’assimilation ou bien à vivre en marge du monde moderne.  Elle a prié l’Instance permanente d’inciter les États à prévoir un financement suffisant pour assurer la promotion et la revitalisation des langues autochtones et une éducation de qualité.


M. ERIC ROBINSON, Ministre de la province de Manitoba du Canada, a déclaré que les peuples autochtones de la province de Manitoba ont enduré bien des efforts de « désindianisation ».  Lui-même a été enlevé de sa famille et privé de l’usage de sa langue.  Le peuple cree, dont il fait partie, est un peuple meurtri, a-t-il estimé, en arguant que des milliers d’enfants ont été envoyés à l’étranger, sont tombés dans la drogue et la criminalité; certains ayant même subi des stérilisations forcées.  Il est également revenu sur les 600 cas d’enlèvement de femmes autochtones au Canada qui restent toujours sans réponse.


L’esprit indien résiste et il « triomphe » puisque pour la première fois cette année, le Comité olympique international a reconnu en 2010 les autochtones en tant que partenaires égaux.  Un autre facteur encourageant pour M. Robinson est le changement de positions de la Nouvelle-Zélande, du Canada et des États-Unis par rapport à la Déclaration des Nations Unies.


Les Jeux olympiques mondiaux des peuples autochtones qui auront lieu en 2012 à Winnipeg sont un instrument d’émancipation et d’affirmation de la place des autochtones dans la communauté internationale.  Il a invité tout le monde à venir à Manitoba en 2012.


Mme JUANITA CASTAÑO, Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a mis l’accent sur les multiples facettes de la sécurité alimentaire et indiqué que le PNUE préparait un rapport sur l’impact du changement climatique sur le Canada arctique, dont l’impact alimentaire.  Elle a cité un programme mis en place en 2005, visant à réunir des populations autochtones, des chercheurs, des ONG, pour s’assurer que les voix des peuples autochtones et des régions vulnérables soient entendues par les Nations Unies dans le cadre des négociations sur le changement climatique.


Mme DEBRA HARRING, Caucus d’Amérique du Nord, s’est dit préoccupée par la volonté des États-Unis et du Canada de tenter une réinterprétation de la Déclaration des Nations Unies.  Elle a exhorté ces deux pays à s’assurer du respect des droits des peuples autochtones, notamment dans le domaine foncier.   Elle a indiqué que le Caucus de l’Amérique du Nord avait présenté un certain nombre de recommandations au Secrétariat de l’Instance, illustrant, entre autres, la volonté des autochtones de jouir de l’égalité d’accès au rêve américain, qui jusqu’ici s’est vécu aux dépens de la Terre nourricière et des peuples autochtones.  Nous sommes des citoyens et nous devons être cohérents, en assurant l’application de l’article 32 de la Déclaration des Nations Unies, a-t-elle conclu.


Mme ARGELIA MUÑOZ, Caucus des jeunes, a exhorté les États-Unis et le Canada à accepter, sans réserve, la Déclaration des Nations Unies et à rejoindre ainsi la communauté des États qui soutiennent cet instrument.  Elle a dit espérer que la récente signature d’un protocole d’accord, entre ces deux États, contribuera à ce processus.  Au titre de ses recommandations, elle a appelé l’Instance à accroître le nombre de ses membres, en acceptant un représentant des enfants et des jeunes autochtones pour la prochaine session.  Dans ce contexte, elle a plaidé pour l’organisation d’une réunion préparatoire, soutenue par les agences de l’ONU, qui aiderait à renforcer les capacités des jeunes pour faire face aux défis posés par les questions d’éducation, de manque d’eau potable ou encore du droit à l’autodétermination.  La déléguée, qui a souhaité que soit menée une étude approfondie de la doctrine de la découverte, a par ailleurs recommandé que le Rapporteur spécialprocède à une enquête sur les cas d’abus signalés contre les enfants autochtones, les jeunes et les femmes vivant des deux côtés de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.


Mme SHEILA McMAHON, Association nationale du Centre pour l’amitié, a exhorté le Gouvernement canadien à souscrire à la Déclaration des Nations Unies le plus rapidement possible et sans conditions préalables.  Elle a réitéré l’engagement de son Association à aider les jeunes autochtones en milieu urbain.


M. ARMAND McKENZIE, Nation Inuit, a estimé que de nombreuses entreprises d’extraction minières violent les droits de l’homme et qu’il faut obtenir un soutien politique pour les forcer à respecter les normes internationales en la matière.  Ces entreprises devant être sanctionnées, il a encouragé le Gouvernement canadien à appuyer le projet de loi qui mettrait un terme à leur impunité.


Chef HOWARD THOMSON, American Indian Law Alliance, a mis l’accent sur des problèmes de frontières entre les États-Unis et le Canada qui affectent la vie des Mohawks.  Il a exhorté l’Instance permanente à demander à ces deux pays de mettre en place un processus de dialogue avec la Nation mohawk de la Confédération haudenosaunee, afin de trouver une solution pacifique à cette question frontalière.  Il a suggéré l’envoi d’observateurs pour examiner la question des droits de l’homme dans cette région frontalière.  Il a rappelé les inquiétudes de la communauté mohawk après l’introduction d’armes par les services frontaliers canadiens au port d’Akwesasne.  Il a déclaré que le peuple mohawk vivait dans les tensions après les graves menaces que représentent des politiques frontalières élaborées sans l’avoir consulté.


M. WES GEORGE, Fédération des Nations indiennes du Saskatchewan, a affirmé que les traités contenus dans les Constitutions des nations kakisiwew-Ochapowace et peepeekisis Cree étaient antérieurs à l’arrivée des Européens et que c’était ces textes qui autorisaient la Reine à être présente sur leur territoire.  Le Canada, a-t-il ajouté, a imposé son droit interne pour interpréter nos traités, ce qui constitue une violation du droit international.  Il a indiqué que l’étude menée par l’ONU sur les traités avait conclu que les traités des nations kakisiwew-ochapowace et peepeekisis cree revêtaient un statut international.  Contrairement à nos traités, a poursuivi le représentant, le Canada a lancé des tactiques destinées à nous exterminer.


En ciblant des non-combattants, nos enfants, le Gouvernement de la Reine a enfreint les lois qui gèrent la justice en temps de guerre et a commis des atrocités qui l’ont déshonorée, a-t-il affirmé.  Nous avons été mis derrière des enclos, considérés comme des êtres moins qu’humains et libérés une fois que le Gouvernement fédéral eût décrété que nous étions suffisamment civilisés, selon ses normes chrétiennes, pour être assujettis à la Constitution et aux gouvernements de Sa Majesté.


Le représentant a affirmé que ces actions étaient entièrement anticonstitutionnelles et représentaient une violation de l’état de droit.  Il a ensuite évoqué la création, par le Gouvernement canadien, de la Fire Hill Indian Farm Colony qui a permis aux diplômés des écoles résidentielles indiennes d’obtenir des parcelles de terre dans la réserve peepeekisis cree alors qu’ils ne faisaient par partie de cette tribu.  Il a ensuite invité le Rapporteur spécial et l’Instance permanente à mener une enquête sur la Fire Hill Indian Farm Colony et à fournir des recommandations pour réparer ce tort « historique ».


M. KENNETH DEER, Association mondiale autochtone, a estimé que le Premier Ministre canadien « ne peut qu’être autochtone représente puisqu’il ne l’est pas ».  Il a encouragé le Gouvernement à souscrire à la Déclaration des Nations Unies sans aucune réserve.  Quant à la description des peuples autochtones donnée par les représentants des Gouvernements américain et canadien qui ont parlé de « tribus reconnues légalement », il a rappelé que ce n’est pas à eux de les reconnaître mais « au Créateur qui l’a fait pour nous ».


Chef GHISLAIN PICARD, Assemblée des Premières Nations, a enjoint le Gouvernement canadien à adopter sans condition préalable la Déclaration des Nations Unies qui offre des directives sur les droits à accorder aux centaines de millions d’autochtones.  Il s’est dit préoccupé par l’intention du Gouvernement canadien d’étudier la compatibilité de la Déclaration avec la Constitution canadienne.  Les instruments internationaux, a-t-il argué, ne sont pas faits pour être conformes aux lois nationales.  Bien au contraire, ce sont ces lois qui doivent être adaptées aux traités internationaux.  Pour le Chef Picard, il ne peut y avoir de justice sans reconnaissance des souffrances que les premiers peuples subissent toujours.  Le Gouvernement canadien doit œuvrer en partenariat réel avec les autochtones pour la validation de la Déclaration dans son ensemble, a-t-il conclu.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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