ECOSOC/6295

L'ECOSOC SE PENCHE SUR L'UTILISATION DES RESSOURCES MILITAIRES POUR LES SECOURS EN CAS DE CATASTROPHES NATURELLES

16/07/2007
Conseil économique et socialECOSOC/6295
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil économique et social


L'ECOSOC SE PENCHE SUR L'UTILISATION DES RESSOURCES MILITAIRES POUR LES SECOURS EN CAS DE CATASTROPHES NATURELLES


(Publié tel que reçu)


Genève, 16 juillet (Service de l’information des Nations Unies) –- Le Conseil économique et social a tenu, cet après-midi, une réunion-débat sur le thème de l'utilisation des ressources militaires pour les secours en cas de catastrophes naturelles.


Modératrice de ce débat, Mme Margareta Wahlstrom, Sous-Secrétaire générale de l'Organisation des Nations Unies aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d'urgence, a notamment expliqué que la tâche de la coordination entre les ressources civiles et les ressources militaires a été confiée au Bureau de la coordination des affaires humanitaires, l'accent étant mis sur la formation et la collaboration avec les forces armées nationales.  En fin de débat, elle a rappelé que tout ne se ramène pas à l'utilisation des ressources militaires, et qu'il ne faut pas oublier de tirer tout le parti des ressources civiles.


Le Chef de la protection civile du Mexique a fait part de l'expérience de son pays en matière de mise à disposition des forces armées, en particulier au niveau régional, et expliqué que la Constitution prévoit l'envoi d'une aide humanitaire aux pays voisins pour aider les populations victimes des conséquences de conflits armés ou de catastrophes naturelles.  Le corps d'officiers de protection civile engagé à l'étranger a pour but d'apporter une aide humanitaire dans le strict cadre des obligations bilatérales avec les pays partenaires et dans le respect du droit international humanitaire.


Le Directeur de l'Institut national de la gestion des catastrophes du Mozambique a pour sa part fait observer qu'il y a deux phases dans la gestion des catastrophes, celle du sauvetage et celle du ravitaillement de la population.  Le rôle que va jouer l'armée diffère selon la phase, a-t-il précisé.  Si l'armée s'avère très efficace pour le sauvetage, la phase de ravitaillement requiert une véritable coordination entre l'armée et les populations civiles.


Le Directeur exécutif adjoint principal du Programme alimentaire mondial, M. Jean-Jacques Graisse, a souligné la valeur indéniable de l'utilisation des ressources militaires dans les activités de secours et fait observer qu'aucune organisation humanitaire ne dispose des moyens logistiques d'une armée.  Il est possible d'approfondir la collaboration des organisations humanitaires avec l'armée, dans le respect des directives adoptées en 1994 sur l'utilisation des ressources militaires et de la protection civile dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe (directives d'Oslo).


Une représentante de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a estimé que les rôles respectifs de l'armée et de la Croix-Rouge doivent être clairement délimités.  Les ressources considérables des forces armées peuvent être utilement mises en œuvre au profit des populations, mais l'armée ne devrait cependant pas acheminer l'aide directement; elle devrait se contenter d'un rôle d'appui logistique et d'infrastructure.  L'aide aux populations devrait rester du domaine des organisations humanitaires, les mieux formées à cette tâche, a-t-elle précisé.


Enfin, la Directrice de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, Mme Alyson J. K. Bailes, a souligné que l'aide militaire étrangère, généralement octroyée dans le cadre d'accords bilatéraux passés de militaires à militaires, est soumise à des problèmes de coordination et de chevauchements de compétences.  Il faudrait faire un effort d'évaluation plus précise des besoins réels en début de crise afin de mieux sélectionner les moyens mis en œuvre, a-t-elle précisé.


Les représentants des États suivants ont pris part à la discussion qui a suivi ces présentations: Portugal au nom de l'Union européenne, Bolivie, Pakistan au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Norvège, Australie, Canada, Japon, Suisse et Royaume-Uni.  Si la plupart des délégations ont reconnu le rôle fondamental de l'armée dans les activités de secours, elles ont rappelé que le déploiement des ressources militaires doit impérativement se faire avec le consentement de l'État concerné.  Plusieurs intervenants se sont posé la question des critères définissant le bon moment de recourir à l'utilisation des ressources militaires.  En outre, l'accent a été mis sur le rôle de coordination que doit jouer le Bureau de la coordination des affaires humanitaires.


Demain, à partir de 10 heures, le Conseil économique et social tiendra une réunion-débat sur le thème «Financement humanitaire axé sur les besoins, y compris le Fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires».  Dans l'après-midi, il devrait reprendre son débat général consacré aux questions humanitaires.  Il devrait en outre se prononcer sur deux projets de décision relatifs au «Rôle du système des Nations Unies dans la promotion du plein-emploi productif et d’un travail décent pour tous» (E/2007/L.14) et au «Renforcement de la coordination de l’assistance humanitaire d’urgence des Nations Unies» (E/2007/L.15).


Réunion-débat sur l'utilisation des ressources militaires pour les secours en cas de catastrophes naturelles


Présentation


Introduisant le débat, MME MARGARETA WAHLSTROM, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d'urgence des Nations Unies, a rappelé que depuis 2005, l'aide militaire dans les secours en cas de catastrophe a suscité un intérêt croissant et ceci, dans le cadre des  directives de l'ONU sur l'utilisation des ressources militaires et de la protection civile dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe (directives d'Oslo) qui, depuis 1994, orientent cette forme d'aide.  Les directives d'Oslo ont été remaniées en 2006, a-t-elle précisé.  Le moment est maintenant venu de réfléchir de manière systématique aux modalités de l'utilisation des ressources militaires à des fins de secours en cas de catastrophe, ce que propose précisément ce débat, a indiqué Mme Wahlstrom.


M. ROBERTO CLAUDIO DEL ROSAL IBARRA, Chef de la Sous-Section de la protection civile au Ministère de la défense du Mexique, a décrit l'expérience de son pays en matière de mise à disposition des forces armées dans l'aide aux populations civiles.  Le Mexique se caractérise par une grande vulnérabilité aux phénomènes naturels, avec les nombreux risques pour la population civile qui en découlent.  On sait que l'armée aztèque, déjà, était chargée de fournir une aide alimentaire dans les situations graves, a-t-il souligné.  Un plan général de protection civile, remis à jour périodiquement, existe au Mexique depuis 1965, a rappelé M. Del Rosal Ibarra.  Les programmes d'engagement des forces armées au niveau national sont conçus en collaboration avec les autorités civiles, a-t-il précisé.  Le plan général qui a été élaboré oblige l'ensemble des participants institutionnels à développer des instruments juridiques permettant l'engagement des forces armées au bénéfice des populations civiles, non pas en tant que dernier recours, mais bien de manière immédiate, dès la survenue d'un désastre.


Par ailleurs on sait que les catastrophes ne connaissent pas de frontières, a poursuivi M. Del Rosal Ibarra.  C'est pourquoi le Mexique a souvent envoyé une aide humanitaire à ses voisins du continent américain - activité d'ailleurs prévue par la Constitution, a-t-il précisé.  L'objectif de ce type d'intervention humanitaire est de réduire les souffrances des personnes touchées, sans discrimination aucune, a-t-il rappelé.  Afin de prévenir et d'atténuer les effets des catastrophes naturelles sur les populations, le Gouvernement du Mexique a organisé un système d'aide médicale, alimentaire et en matière de logement qui respecte toujours la volonté du pays bénéficiaire.  Des spécialistes en administration publique, en santé et en génie civil participent à cette aide.  Toute l'aide internationale fournie par le Mexique passe par son armée, a précisé le colonel Del Rosal Ibarra; elle est apportée sur ordre du Président de la République après dépôt d'une demande formelle par la nation étrangère touchée, a-t-il ajouté.  La Présidence coordonne l'envoi de l'aide par le biais des ministères concernés et représentés au sein du Conseil national de la protection civile.  Les procédures techniques suivies par le personnel militaire sont les mêmes que celles utilisées au niveau national.  Cependant, le cadre administratif est différent, étant donné que la mission de l'armée mexicaine à l'étranger ne peut avoir de caractère autre qu'humanitaire.  Sur le plan opérationnel, une telle mission connaît d'abord une phase d'évaluation des besoins, avant de passer à la distribution de médicaments, au rétablissement des voies de communication et au rétablissement de l'approvisionnement en nourriture.  Le corps (d'armée) ainsi engagé à l'étranger a pour but d'apporter une aide strictement humanitaire, respectueuse des accords bilatéraux noués avec les pays partenaires et du droit international humanitaire, a souligné le colonel.


M. JEAN-JACQUES GRAISSE, Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM), a affirmé qu'il n'y a aucun doute quant à la valeur de l'utilisation des ressources militaires pour répondre aux défis posés par la logistique en cas de catastrophes naturelles.  L'armée est équipée pour faire face à des crises, a-t-il souligné.  Certes, les Nations Unies sont également formées pour faire face à ces crises; mais il y a davantage de crises que de matériel disponible et les Nations Unies peuvent avoir besoin d'aide pour faire face à des urgences de grande ampleur. 


La capacité d'action logistique des Nations Unies est impressionnante, a poursuivi M. Graisse.  En 2006, a-t-il indiqué, le PAM a distribué de la nourriture pour 90 millions de personnes.  Les Nations Unies recrutent du personnel, sont financées et répondent aux crises; mais aucune agence humanitaire ne peut disposer des moyens logistiques d'une armée, a-t-il insisté.  M. Graisse a ensuite soulevé la question du respect du principe de «recours ultime» aux ressources militaires.  En effet, a-t-il rappelé, les directives d’Oslo, qui ont un caractère non contraignant, énoncent expressément que les ressources militaires étrangères ne devraient être requises que lorsqu'il n'y a pas de ressources civiles comparables.  Toutefois, dans des situations d'urgence complexe, en particulier dans des zones de combat, on constate que l'armée dispose de moyens sans égal pour y faire face.  Ainsi, a-t-il rappelé, après le tremblement de terre au Pakistan, en 2005, plus d'une trentaine d'hélicoptères affrétés commercialement ou par les Nations Unies ont apporté une assistance aux populations isolées; or, l'assistance internationale n'aurait pu, à elle seule, assurer cette aide logistique sans la participation de l'armée pakistanaise ni le soutien de contingents des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'OTAN.  M. Graisse s'est par ailleurs intéressé à la question de savoir qui allait payer pour l'utilisation des ressources militaires à des fins d'aide humanitaire.  Cette question est d'autant plus importante que le manque de clarté quant à savoir précisément qui va payer est susceptible de retarder le déploiement de ressources qui sont pourtant immédiatement disponibles.  Or, pour les agences humanitaires, le véritable coût d'une contribution militaire n'est connu que bien après l'événement.  M. Graisse a pour sa part estimé que les agences humanitaires devraient suivre les directives d’Oslo avec pragmatisme.  En outre, il faudrait entamer un dialogue avec les pays donateurs pour évaluer la question du financement, afin d'éviter que le coût d'utilisation des ressources militaires n'affecte le niveau des contributions versées aux organisations humanitaires.  Pour conclure, M. Graisse s'est dit favorable à l'utilisation des ressources militaires pour les activités de secours et s'est dit convaincu qu'il est possible d'approfondir la collaboration avec l'armée dans le respect des directives d’Oslo.


MME SUSAN JOHNSON, Directrice de la Division des opérations et du soutien aux sociétés nationales à la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a souligné que son organisation est fondée sur le principe de l'action humanitaire indépendante et neutre et que son action se caractérise par le pragmatisme dans l'action.  Au plan de la collaboration nationale, les sociétés membres de la Fédération répondent chaque année à des centaines de crises d'ampleur variable, a-t-elle rappelé.  L'action efficace passe par la préparation et l'élaboration de plans d'urgence gouvernementaux prévoyant la répartition des tâches entre intervenants concernés - sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge comprises.


La Fédération internationale estime que les rôles respectifs de l'armée et de la Croix-Rouge doivent être clairement délimités.  Les ressources considérables dont disposent les forces armées peuvent être utilement mises en œuvre au profit des populations, comme on l'a vu après le tremblement de terre au Pakistan, a souligné Mme Johnson.  Toutefois, l'armée ne devrait pas acheminer l'aide directement elle-même, a-t-elle estimé; elle devrait se contenter d'un rôle d'appui logistique (capacités de transport) et en matière d'infrastructures (rétablissement de routes).  L'aide aux populations qui répond à d'autres exigences, notamment en termes de communication, devrait rester du ressort des organisations humanitaires.  Il convient de prêter une attention toute particulière à la manière dont les forces armées sont perçues par les populations confrontées à des catastrophes naturelles et à des conflits.  Ces considérations sont conformes aux directives d’Oslo qui évoquent, à côté des avantages de l'utilisation de ces ressources militaires, les dangers que l'utilisation de ces ressources peut comporter.  Ces mêmes Directives prévoient en outre des dispositions précises devant régir l'engagement de forces armées, notamment pour ce qui a trait à la nécessité d'y faire appel en dernier recours et uniquement en l'absence de capacités d'action civiles comparables. 


Mme Johnson a en outre indiqué que la Fédération se penche, dans le cadre d'une très vaste consultation de niveau international, sur les aspects juridiques de l'intervention humanitaire, avec en ligne de mise une série de directives visant à donner des indications aux États qui souhaitent formaliser les interventions civiles et militaires en cas de catastrophes. 


M. PAULO ZUCULA, Directeur de l'Institut national de la gestion des catastrophes du Mozambique, a fait part de l'expérience de son pays en matière d'utilisation des ressources militaires.  Il a expliqué qu'en 2000 et 2001, ainsi qu'en 2007, le Mozambique a dû avoir recours à l'aide militaire.  Entre ces deux situations, on a constaté deux phases dans la gestion des catastrophes: celle du sauvetage et celle du ravitaillement de la population.  Ces deux phases, a-t-il expliqué, sont différentes, notamment au niveau de la coordination.  Mais lors des premières inondations de 2000 et 2001, le pays ne l'avait pas compris, la distinction n'était pas faite.  Si l'armée s'avère très efficace pour le sauvetage, la phase de ravitaillement requiert une coordination entre l'armée et les populations et autorité civiles, a-t-il précisé.  Et pour assurer cette coordination, M. Zucula a estimé qu'il faut mettre en place un mécanisme permanent qui regroupe tous les secteurs du gouvernement.  Il faut aussi assurer la coordination avec les autres mécanismes d'aide.  Sans une bonne coordination avec l'armée nationale, il n'y a aucun moyen d'utiliser efficacement l'aide des armées de l'étranger, a-t-il souligné.  Il faut donc encourager le regroupement des institutions, nommer quelqu'un qui connecte tout le monde, armée et civils, et surtout comprendre la différence entre les deux phases de secours.


MME ALYSON J. K. BAILES, Directrice de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, a indiqué que l'étude menée par le SIPRI sur l'efficacité de l'engagement de ressources militaires, pour le compte du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, montre le rôle important joué par les forces armées lors de plusieurs catastrophes naturelles très récentes au Mozambique, en Haïti et en République dominicaine.  La tendance au recours aux forces armées augmente et est appelée à s'intensifier selon certains schémas identifiés dans l'étude.  On constate d'abord que l'aide militaire étrangère est en général octroyée dans le cadre d'accords bilatéraux passés de militaires à militaires.  On l'a vu dans le tremblement de terre au Pakistan, où les armées pakistanaise et britannique ont toutes deux mené des opérations de secours.  Cependant, on a aussi constaté que cette forme d'aide bilatérale est soumise à des problèmes de coordination et de chevauchements de compétences.  L'assistance peut ainsi ne pas être adéquate, et ne pas convenir aux pays touchés.  Il faudrait à cet égard faire un effort d'évaluation plus précise des besoins réels en début de crise, ce qui permettrait de mieux sélectionner les moyens mis en œuvre.  À défaut, risque de se perpétuer ce que l'on appelle, sur le terrain, le «multi-bilatéralisme», soit l'absence de coordination dans l'utilisation des ressources militaires.  D'autre part, on constate que de nombreux pays ne disposent pas de politiques ni de procédures normalisées de réaction aux catastrophes naturelles.  Depuis peu, certains États ayant mis leurs forces armées au service de l'aide en cas de catastrophe ont agi dans ce sens.  Par ailleurs, a poursuivi Mme Bailes, les directives d’Oslo sont encore trop souvent mal connues des forces armées, et devraient être mieux comprises et intégrées dans les plans d'action nationaux.  Une autre difficulté réside dans le calcul des coûts des activités menées par les forces armées, qui revient à n'imputer que les coûts marginaux aux budgets humanitaires, et ainsi minimiser les frais réels encourus lors des opérations de secours - une distorsion nuisible, a estimé Mme Bailes.


Questions et observations


Un intervenant a fait observer que le risque de catastrophes naturelles s'est accru en raison du changement climatique.  Cette menace mondiale doit être prise au sérieux et la communauté internationale ne peut pas s'offrir le luxe d'exclure des formes complémentaires d'assistance comme celle fournie par l'armée.  Les organisations humanitaires devraient certes jouer un rôle de premier plan, mais il ne faut pas négliger l'apport des ressources militaires, notamment en matière d'aide logistique et d'expertise. 


Plusieurs délégations ont rappelé l'importance du respect des directives d'Oslo sur l'utilisation des ressources militaires et de la protection civile dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe, et plus généralement la nécessité d'une action centrée sur la demande des États concernés, et non pas conditionnée par l'offre de moyens civils et militaires.  Nombres d'intervenants ont rappelé que le déploiement de forces militaires doit impérativement se faire avec le consentement de l'État concerné.  Dans ce contexte, les coordonnateurs humanitaires sur le terrain devraient avoir des pouvoirs plus étendus.  Cet aspect est à traiter dans le contexte général de la réforme de l'action humanitaire des Nations Unies.  Il a aussi été observé que l'utilisation des ressources militaires doit aussi tenir compte de la dimension féminine et de ses conséquences pour la population concernée.


Un participant a souligné que l'intervention d'une armée étrangère aux fins d'assistance humanitaire ne doit pas être considérée comme une menace, mais plutôt comme offrant une possibilité de renforcer les relations entre les forces armées et au sein de la communauté internationale en général. 


À quel moment peut-on dire que l'on a besoin des forces armées, a demandé une délégation?  Elle a ainsi plaidé pour que soient définis des critères et des principes autorisant le déploiement de ressources militaires. 


Certains intervenants se sont interrogés sur la définition du «dernier recours».  À cet égard, remarquant que la capacité, ou le manque de capacité, civile ne doit pas être le seul critère d'opportunité de l'engagement de forces armées: il suffit d'imaginer une capacité d'action civile existante, mais mobilisable dans un délai trop long pour être utile, pour mesurer l'importance du recours à l'armée.  Comment peut-on concilier le principe du «dernier recours» avec l'urgence d'une situation, s'est demandé un autre intervenant?


La question des coûts a également maintes fois été soulevée.  Si pour certains, elle doit être impérativement réglée, d'autres ont fait valoir que les situations de catastrophes impliquent des vies humaines et ne sont, partant, pas quantifiables. 


Plusieurs délégations ont souhaité savoir comment il serait possible d'améliorer l'efficacité des interventions des forces militaires.  Certains ont demandé comment les États Membres pourraient intégrer au mieux les ressources militaires en tant qu'activités et mécanisme de réponse, tout en assurant des relations harmonieuses avec les acteurs locaux.


Un intervenant a attiré l'attention sur le rôle joué par les équipes civiles, que ce soit pour les activités de sauvetage ou les activités médicales.  Dans ce cadre, il a appelé les États Membres à bien réfléchir à la question de l'envoi de ressources militaires à l'étranger. 


Faisant valoir qu'une bonne coordination entre les forces armées est essentielle pour l'efficacité des activités humanitaires, une délégation a préconisé qu'en cas de grave catastrophe, la coordination soit assurée par une organisation neutre comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires.  Comment renforcer le rôle du Bureau en la matière, a-t-elle demandé ?


Un autre participant a demandé aux panélistes comment concevoir le rôle d'un mécanisme régional.  S'agit-il d'une bonne solution pour assurer une réponse humanitaire efficace ?


Enfin, une délégation s'est posée la question de l'évaluation du moment et de la manière de recourir aux ressources militaires, de sorte d'éviter de perdre des minutes précieuses dans la phase de secours.


Réponses des panélistes


M. ZUCULA, Directeur de l'Institut national de la gestion des catastrophes du Mozambique, a indiqué que le Mozambique effectue plusieurs simulations annuelles impliquant une série d'acteurs nationaux: gouvernement, société civile et autres.  En cas de catastrophes, il arrive que d'autres intervenants collaborent aux efforts de secours: dans tous les cas, il importe de savoir tenir compte et de mettre en valeur les approches différentes de l'action humanitaire.  La difficulté réside dans l'articulation de tous ces efforts et conceptions.  M. Zucula a par ailleurs reconnu que la notion de «dernier recours» pour l'intervention militaire est en effet très variable, compte tenu cependant d'une contrainte qui semble universelle: les forces armées ont, à peu près toutes, besoin de trois jours environ pour se mobiliser.  Il convient, ici aussi, de coordonner les efforts et surtout de déterminer le plus précisément possibles les besoins, a indiqué M. Zucula.


MME BAILES, Directrice du SIPRI, a souligné que la question du «bon moment» pour recourir à l'utilisation de ressources militaires est complexe et qu'il n'existe pas, en la matière, de réponse universelle.  Il est facile de recourir à l'assistance militaire étrangère pour une mauvaise raison, comme par exemple pour s'ingérer dans les affaires internes d'un pays, a-t-elle fait observer.  Aussi, convient-il de n'envoyer des forces armées étrangères qu'avec le consentement du pays concerné, pour commencer.  Le pays touché par une catastrophe peut être doté d'une armée forte jouant déjà un rôle très actif et dans ce cas, l'assistance étrangère peut alors se greffer sur cette première action nationale.  Mme Bailes s'est par ailleurs montrée favorable à la création d'un drapeau international que pourrait brandir toute opération d'assistance militaire étrangère.  Quant aux critères applicables en matière de recours à l'assistance militaire étrangère, elle a suggéré que l'ampleur de la catastrophe serve de point de départ.  Si les infrastructures civiles et de communication ont été détruites, l'aide de l'armée, très autonome en la matière, peut s'avérer très utile, a-t-elle souligné.  S'agissant de la question de savoir qui peut offrir une aide, Mme Bailes a fait valoir que la création d'un réseau régional peut apporter une véritable plus-value en la matière.


MME JOHNSON, de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a observé qu'il est important que lorsqu'une catastrophe frappe un pays, les premiers à intervenir soient les pays voisins.  Il importe en outre que la réaction initiale soit aussi efficace que possible car elle va conditionner toute l'action future et le bien-être des populations victimes.  Il appartient aux spécialistes des secours en cas de catastrophes de procéder à l'évaluation des besoins sur le terrain en tentant compte tenu des besoins spécifiques des familles et des communautés.  Cela soulève la question de la formation du personnel chargé de l'assistance et, en particulier, celle des militaires éventuellement engagés - leur culture étant en effet très différente de celle des intervenants du secteur civil et humanitaire.  En outre, dans les interventions en période de conflit, une attention particulière doit aussi être accordée à la manière dont une aide militaire peut être perçue par les populations civiles concernées, a insisté Mme Johnson.  La Fédération va prochainement publier des directives sur toutes ces questions, a-t-elle précisé.


M. JEAN-JACQUES GRAISSE, Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM), a souligné qu'il existe de nombreux exemples de bonne coordination de l'aide humanitaire où le déploiement de forces militaires s'est avéré très fructueux.  Il a attiré l'attention sur le coût particulièrement élevé du recours aux ressources militaires.  Face à une catastrophe dans un pays d'une région donnée, il peut être très judicieux de faire appel aux armées de cette région, a-t-il ajouté.  À cet égard, il a dit avoir apprécié de pouvoir travailler, dans le cadre des activités d'assistance suite au tsunami de décembre 2004, avec l'armée de Singapour - une armée voisine de la zone touchée.  S'agissant de la coordination, il a insisté sur l'importance pour les organisations humanitaires de consulter le Bureau de la coordination des affaires humanitaires.  En ce qui concerne les activités de sauvetage, il a notamment expliqué qu'au Mozambique, l'objectif premier était de sauver la population et les personnes réfugiées dans les arbres.  L'aviation sud-africaine, qui avait apporté son concours dans ce contexte, a failli stopper ses opérations en raison de leur coût élevé, a-t-il indiqué; c'est ainsi que nous avons proposé de prendre en charge les coûts de ces activités au Mozambique, a-t-il expliqué.  Le recours aux forces armées peut s'avérer extrêmement utile pour le transport de matériel lourd, a conclu M. Graisse.


M. ROBERTO CLAUDIO DEL ROSA IBARRA, Chef de la protection civile du Mexique, a précisé que la coopération du système mexicain de protection civile avec les pays voisins passe notamment par la coordination de l'armée mexicaine avec toutes les instances concernées.  L'armée est en état de préparation permanente.  La formation des militaires est une nécessité reconnue comme telle par les autorités mexicaines, qui ont pris conscience de la nécessité de favoriser une culture d'action humanitaire.  À cette fin, de nombreux exercices de simulation sont organisés au niveau national.  Le financement de l'assistance humanitaire est assuré par un fonds préventif et par un autre fonds destiné aux catastrophes proprement dites.  Les pays de la région bénéficient enfin d'une similitude de langue et de culture qui favorise la perception de l'action de l'armée mexicaine, perception renforcée encore par l'organisation régulière de consultations et d'exercices conjoints entre États, a encore indiqué le colonel Del Rosa Ibarra.


MME WAHLSTROM, Coordonnatrice adjointe des secours d'urgence, a expliqué que la tâche de la coordination entre les ressources civiles et les ressources militaires a été confiée au Bureau de la coordination des affaires humanitaires.  L'accent est mis sur la formation et la collaboration avec les forces armées nationales, a-t-elle précisé.  Toutes ces activités constituent une base solide permettant de développer une expérience commune à étendre ensuite aux régions.  Mme Wahlstrom a ensuite fait observer que le tsunami a montré qu'il existe de nombreuses manières de renforcer la coordination avec les forces armées.  La question du dernier recours est fondamentale, a-t-elle poursuivi, estimant à cet égard qu'il ressort des discussions d'aujourd'hui que cette notion doit être caractérisée par beaucoup de souplesse.  Enfin, s'agissant de la diffusion des directives d'Oslo, elle a attiré l'attention sur l'exemple du Canada qui a transformé ces directives en politiques nationales.  Pour conclure, elle a rappelé que tout ne se ramène pas à l'utilisation des ressources militaires.  Il ne faut pas oublier de tirer parti des ressources civiles, a-t-elle insisté. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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