CS/9048

EN PRÉSENCE DE LEURS PRÉSIDENTS ET PROCUREURS, LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DÉBAT DES TRAVAUX DES TRIBUNAUX SPÉCIAUX POUR L’EX-YOUGOSLAVIE ET POUR LE RWANDA

18/06/2007
Conseil de sécuritéCS/9048
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

5697e séance – matin


EN PRÉSENCE DE LEURS PRÉSIDENTS ET PROCUREURS, LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DÉBAT DES TRAVAUX DES TRIBUNAUX SPÉCIAUX POUR L’EX-YOUGOSLAVIE ET POUR LE RWANDA


L’antagonisme apparent entre la date-butoir de 2010, fixée pour la fin des travaux, et le besoin de juger les criminels encore en fuite suscite des prises de position divergentes


Les discussions que le Conseil de sécurité a tenues, ce matin, avec les Présidents et Procureurs des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR) ont surtout porté sur l’après 2010.  Aux termes de la stratégie d’achèvement que le Conseil a consacrée dans la résolution 1534 (2004), les deux Tribunaux doivent terminer tous leurs procès, au plus tard, en 2010.


Si les Présidents et Procureurs des Tribunaux se sont montrés optimistes en ce qui concerne le respect de ce calendrier, ils ont néanmoins, dans le cas du TPIY, soulevé la question des quatre accusés encore en fuite; et pour le TPIR, des 18 personnes inculpées qui n’ont toujours pas été appréhendées.  Concernant les affaires devant le TPIY, Zdvrako Tolimir a été arrêté par les autorités de Bosnie-Herzégovine, le 31 mai dernier, tandis que Vlastimir Djordjevic était appréhendé hier, le 17 juin, par celles du Monténégro.  Mais les accusés Radovan Karadzic et Ratko Mladic, pour l’ex-Yougoslavie; et Félicien Kabuga, pour le Rwanda, sont toujours en fuite, ont fait remarquer les intervenants.


Pour que leurs procès soient menés et achevés dans les délais fixés par le Conseil, il faudrait qu’ils soient remis aux Tribunaux au plus tard à la fin de cette année, ont prévenu les Procureurs et Présidents des Tribunaux, en demandant au Conseil de contraindre des États comme la Serbie, le Kenya, ou la République démocratique du Congo (RDC), à coopérer avec les Tribunaux.


Carla Del Ponte, le Procureur du TPIY, qui quittera ses fonctions en septembre prochain, a reçu les hommages du Conseil de sécurité.  Elle a estimé que le fait que quatre accusés soient toujours en fuite « entache à jamais » le bilan du Tribunal, même si elle a salué l’amélioration générale de la coopération avec la Serbie qui vient de mettre en place de nouvelles structures pour coordonner toutes les actions engagées à cette fin. 


Pour certains, a prévenu Carla Del Ponte, la stratégie d’achèvement des travaux est une raison suffisante de ne rien faire et d’attendre que le Tribunal international ferme ses portes.  J’espère que les mesures nécessaires seront prises pour faire échec à ceux qui tiennent ce type de raisonnement.


Le Président du TPIR a soutenu ce point de vue en déclarant que le Tribunal qu’il dirige n’aura pas fini ses travaux tant qu’il n’aura pas établi la culpabilité ou l’innocence des personnes accusées, fait justice aux victimes des crimes commis, et rassembler les faits qui permettraient à ses travaux de contribuer à la réconciliation au Rwanda. 


Les membres du Conseil de sécurité ont appuyé ces points de vue, au nom de la lutte contre l’impunité.  Mais leurs avis ont divergé sur la marche à suivre.  Appelant à une coopération renforcée des États concernés avec les Tribunaux, les représentants du Royaume-Uni et des États-Unis sont restés fidèles à l’exigence de respect de la date butoir fixée pour la fin des travaux, et ils ont exhorté les Tribunaux à multiplier les renvois des accusés de rang intermédiaire et subalterne aux juridictions nationales.


Les pays concernés, a aussi estimé le représentant de la Chine, doivent pouvoir jouir d’une plus grande confiance de la communauté internationale et recevoir pour cela de plus amples moyens techniques et humains, ce qui leur permettrait d’accueillir comme il se doit les nombreuses affaires qui vont leur être transmises de manière progressive. 


Justice doit être rendue là où les crimes ont été commis, a souligné en écho, le Procureur adjoint de la République du Rwanda, en arguant du fait « qu’il est toujours plus efficace et plus facile de mener les procès au Rwanda, là où sont les preuves et les témoins ».  De tels procès complèteraient et renforceraient les politiques gouvernementales de réconciliation qui sont au centre du mandat du Tribunal, a dit le Procureur, qui s’est déclaré préoccupé par le fait que le TPIR envisage de renvoyer certains cas à la France.  


Mais quid de l’après 2010 ? ont demandé plusieurs participants au débat.  Le représentant de la Fédération de Russie a estimé, en parlant en particulier du TPIY, que le fait qu’il y ait des fugitifs ne justifie aucunement la prorogation du mandat du Tribunal au-delà de 2010.  Les délais fixés par le Conseil pour la fin des travaux des Tribunaux ne sont pas des dates couperets, a pour sa part estimé le représentant de la France. 


Les Tribunaux ne peuvent fermer tant qu’ils n’auront pas jugé les principaux suspects de crimes de génocide.  Mais cela ne signifie pas qu’il faille les maintenir en l’état.  Leur structure doit être adaptée à leurs activités, a plaidé le représentant français, avant que le représentant de la Belgique, et Président du Conseil de sécurité pour le mois de juin, ne souligne que ce qui est important, c’est que les Tribunaux soient en mesure de juger les principaux accusés.  Le représentant du Panama a été le seul à envisager la saisine de la Cour pénale internationale (CPI).


Le débat auquel ont également participé la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, et le Monténégro, a aussi porté sur la capacité des Tribunaux à retenir un personnel expérimenté et doté de la mémoire institutionnelle requise; ainsi que sur la nécessité de traiter le plus rapidement possible des questions résiduelles.



TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991


TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES D’ACTES DE GÉNOCIDE OU D’AUTRES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMIS SUR LE TERRITOIRE DU RWANDA ET LES CITOYENS RWANDAIS ACCUSÉS DE TELS ACTES OU VIOLATIONS COMMIS SUR LE TERRITOIRE D’ÉTATS VOISINS ENTRE LE 1ER JANVIER ET LE 31 DECEMBRE 1994


Exposés


M. FAUSTO POCAR, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a déclaré que, au cours des six derniers mois d’activités du Tribunal, la productivité des trois Chambres de première instance du TPIY avait encore augmenté, les Chambres menant sept procès de front.  M. Pocar a ajouté qu’en outre les Chambres de première instance avaient assuré la mise en état de 12 affaires dans lesquelles elles ont rendu 146 décisions écrites et 12 décisions orales. De nouvelles solutions ont été adoptées pour rationaliser le processus par lequel les affaires, une fois en état, viennent en audience, a-t-il dit, un calendrier prévisionnel ayant été mis en place indiquant que quatre des six derniers procès devraient se terminer au cours du premier semestre de l’année 2009, et les deux autres avant la fin de la même année.


Pour ce qui est de la Chambre d’appel, M. Pocar a expliqué que des progrès avaient été réalisés en vue d’améliorer son efficacité, et ce, en raccourcissant les délais de dépôt des écritures en appel; d’éviter les duplications, et de statuer plus rapidement sur les recours en faisant un usage plus grand des écritures au lieu et place des exposés oraux.  Le Président du TPIY a ajouté que les pouvoirs du juge de la mise en état d’appel avaient été élargis pour trancher les requêtes courantes et accélérer la préparation de l’appel, ce qui avait permis aux procès de s’ouvrir plus rapidement.  


S’agissant toujours des activités de la Chambre d’appel, M. Pocar a précisé que sa charge de travail devait encore augmenté au cours de la période 2008-2009, en raison notamment des appels à prévoir contre les jugements dans les affaires mettant en cause au moins six accusés.  Sachant qu’il pourrait y avoir jusqu’à huit recours pour chaque affaire, il faudrait que le Tribunal trouve des solutions pour augmenter le nombre des juges permanents siégeant à la Chambre d’appel, a-t-il indiqué.  À cet égard, M. Pocar a suggéré que tous les juges, du TPIY, comme ceux du TPIR, devraient, dès qu’ils n’ont plus à connaître d’affaire en première instance, commencer à travailler dans une affaire en appel.


Abordant ensuite la question du renvoi devant les juridictions nationales des affaires impliquant des accusés de rang subalterne, le Président du TPIY a noté que cette pratique avait sensiblement permis d’alléger la charge de travail globale du Tribunal international, neuf d’entre elles concernant 15 accusés ayant été accueillies par la Formation de renvoi.  Neuf accusés ont été déférés devant la Chambre spéciale chargée de juger les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine; et deux accusés ont été renvoyés en Croatie, et un autre en Serbie pour être jugés par des tribunaux nationaux.  Seuls deux autres accusés attendent d’être transférés, a-t-il encore dit.


Dans les affaires renvoyées par le Tribunal international devant la Chambre spéciale des crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine, deux procès sont terminés, a déclaré M. Pocar, qui a ajouté que, malheureusement, le 25 mai 2007, Radovan Stankovic, un accusé jugé et condamné à 20 ans d’emprisonnement, s’était échappé de la prison où il purgeait sa peine en Bosnie-Herzégovine. « Très préoccupé par cette évasion, a-t-il dit, le Tribunal international a demandé un rapport détaillé aux autorités de Bosnie-Herzégovine. » Fausto Pocar a également relevé que, s’agissant de l’affaire Ademi et Norac, renvoyée par le TPIY en Croatie le 14 septembre 2005, le procès devrait s’ouvrir aujourd’hui, lundi, 18 juin.


Le Président du TPIY a poursuivi en estimant que pour garantir que les accusés déférés devant les autorités des pays issus de l’ex-Yougoslavie seront jugés dans le respect des garanties de procédures internationalement reconnues, il fallait que le Conseil de sécurité et la communauté internationale apportent tout leur soutien aux juridictions nationales de la région, afin que celles-ci renforcent leurs capacités judiciaires.  Le Tribunal international salue les initiatives prises par certains États Membres, qui ont offert leurs ressources et des stages de formation pour assurer la prééminence du droit dans les pays suscités, a dit M. Pocar, en estimant toutefois que pour une évolution durable et un rétablissement de l’état de droit dans la région, la communauté internationale devait se montrer disposée à renouveler et à accroître ses engagements. 


M. Fausto Pocar a par ailleurs signalé que dans le cadre de son Programme de communication, le TPIY s’employait à montrer aux habitants des pays issus de l’ex-Yougoslavie que des progrès ont été accomplis en traduisant les responsables de crimes en justice et en renforçant l’état de droit dans la région. 


« Je suis heureux d’annoncer au Conseil de sécurité que, le 31 mai, le général Zdravko Tolimir, l’un des principaux adjoints de Radko Mladic pendant la guerre qui a ravagé la Bosnie de 1992 à 1995, a été arrêté par les autorités de Bosnie-Herzégovine », a déclaré le Président du Tribunal international, ajoutant qu’à cette arrestation avait suivie, le 17 juin, au Monténégro, de celle de Vladimir Dordevic, un Ministre adjoint du Ministère serbe des affaires intérieures et le chef de son département de sécurité publique, accusé d’avoir participé à la campagne menée contre les civils albanais du Kosovo en 1999. 


M. Pocar a indiqué que la communauté internationale devait rester fermement déterminée à appréhender et à traduire en justice les quatre accusés encore en fuite, à savoir Radovan Karadzic, Ratko Mladic, Stojan Zupljanin et Goran Hadzic. « Le Tribunal international a informé à maintes reprises le Conseil de sécurité qu’il ne mènerait à bien son mandat que si ces fugitifs étaient arrêtés et jugés », a déclaré le Président du TPIY, en priant instamment le Conseil de sécurité de prendre dès à présent les mesures qui s’imposent et de signifier clairement à ces accusés qu’ils ne sauraient échapper à la justice internationale et que leurs procès ne sont pas suspendus au calendrier de la stratégie d’achèvement du Tribunal.


M. DENNIS BYRON, Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a indiqué qu’à ce jour, la Chambre de première instance a achevé 27 affaires, impliquant 33 accusés.  Les procès en cours concernent 22 accusés dans neuf affaires différentes.  S’agissant de la Chambre d’appel, deux jugements viennent d’être prononcés et quatre affaires concernant six personnes sont en cours.  Le défi, a souligné le Président, demeure l’arrestation des 18 personnes accusées qui sont toujours en fuite et le transfert d’affaires aux juridictions nationales.  Rien ne sera possible, a prévenu le Président, sans l’appui des États Membres car cet appui est un élément essentiel de la stratégie d’achèvement du Tribunal


Si les fugitifs ne sont pas arrêtés et transférés à temps, une solution devra être trouvée qui permettrait au Tribunal ou à un autre mécanisme de poursuivre les procès après la fin de l’année 2008.  La question de la coopération des États est donc un élément essentiel du succès du Tribunal, a insisté le Président, en ajoutant que cette coopération est également cruciale en ce qui concerne la situation des personnes acquittées, la réinstallation des personnes qui ont purgé leur peine et l’emprisonnement des personnes reconnues coupables.  La situation des personnes libérées après avoir purgé leur peine est une autre question qu’il faudra résoudre de manière urgente.  Il faut en effet déterminer le lieu où ces personnes seront transférées après avoir purgé leur peine. 


Concernant les personnes condamnées, le Président s’est félicité de la coopération du Mali, du Bénin, du Swaziland, de la France, de l’Italie et de la Suède.  Il a souligné que le Tribunal ne sera capable de réaliser ses objectifs que lorsqu’il disposera des ressources nécessaires, notamment les moyens de retenir un personnel expérimenté et doté de la mémoire institutionnelle requise. 


Le renforcement du système judiciaire rwandais et l’amélioration de sa capacité à poursuivre les affaires qui lui sont transférées sont également un autre défi du Tribunal, a rappelé le Président avant de donner le détail des activités du Tribunal en la matière.  Il s’est dit heureux que le Rwanda ait continué à coopérer avec le Tribunal en facilitant l’arrivée des témoins et en fournissant des documents au Procureur et à la défense. 


Le Président a estimé que d’ici à la fin de 2008, le Tribunal aura rendu des jugements concernant 65 personnes sur 70 personnes.  Mais, a-t-il dit, le Tribunal n’aura fini ses travaux que lorsqu’il aura relevé les défis d’établir la culpabilité ou l’innocence des personnes accusées, de faire justice aux victimes des crimes et de rassembler les faits permettant de contribuer à la réconciliation au Rwanda.  Dans ce processus, le TPIR laissera un héritage de jurisprudence internationale qui pourrait guider les futurs tribunaux, décourager les criminels potentiels et prévenir l’impunité dans les crimes graves.  


Mme CARLA DEL PONTE, Procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a rappelé que son mandat prendrait fin à la mi-septembre.  C’est donc la dernière fois que je m’adresse au Conseil de sécurité en qualité de Procureur du TPIY, a-t-elle ajouté.  Revenant sur son bilan au cours des dernières années, Mme Del Ponte a noté que des enquêtes avaient été ouvertes pendant cette période sur les crimes commis pendant les conflits qui ont eu lieu en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et dans l’ex-République yougoslave de Macédoine.  Durant mes huit années de mandat, 91 accusés ont été transférés à La Haye, et 59 ont été déclarés coupables en première instance, le dernier pas plus tard que la semaine dernière, a notamment indiqué Carla Del Ponte.  Elle a cependant regretté que de nombreux accusés de rang intermédiaire ou subalterne n’aient pas pu être jugés à La Haye en raison de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal international.  Elle a, à ce sujet, appelé la communauté internationale à rester vigilante en ce qui concerne les procédures engagées devant les juridictions nationales, dans le cadre desquelles la tentation d’intervenir, pour les Gouvernements de la région, demeure très forte.


Poursuivant sa déclaration, Mme Del Ponte a affirmé que le fait que quatre accusés, et en particulier Radovan Karadzic et Ratko Mladic, soient toujours en fuite, « entachait à jamais » le bilan du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie.  Estimant que tous ces fugitifs sont actuellement en Serbie, ou que les autorités de ce pays sont en mesure de les appréhender, le Procureur du TPIY a fait savoir que ses services ne disposaient actuellement d’aucune information sur le lieu où se trouve Radovan Karadzic.  Il est inquiétant de constater que les services compétents ont perdu sa trace, et il semble que personne ne le recherche activement, a-t-elle dit, ajoutant qu’elle demeurait pourtant convaincue que les États concernés de la région avaient les moyens de le retrouver et de l’appréhender.


Le Procureur du TPIY a ensuite salué l’amélioration générale de la coopération de la Serbie avec le Tribunal international.  Évoquant sa récente visite à Belgrade, elle a ainsi noté que les autorités, à différents niveaux, lui avaient indiqué qu’elles étaient fermement résolues à apporter au Tribunal toute l’assistance nécessaire pour rechercher et arrêter les fugitifs.  À cet égard, elle a fait savoir que de nouvelles structures avaient été mises en place pour coordonner toutes les actions engagées à cette fin, notamment un Conseil national de sécurité, présidé par le Président serbe Boris Tadic.


Commentant l’arrestation, le 31 mai, « grâce à la coopération entre les autorités serbes et celles de la Republika Srpska », de Zdravko Tolimir, ainsi que celle, le 17 juin, au Monténégro, de Vlastimir Djordevic, Mme Del Ponte s’est félicitée de la volonté démontrée par la Serbie de coopérer pleinement avec son Bureau.  Elle a ajouté à ce propos que cette coopération devait se traduire par la transmission de tous les documents demandés et par l’arrestation des fugitifs et leur transfert à La Haye, « tout particulièrement Ratko Mladic. » 


Mme Del Ponte s’est élevée contre l’impunité dont continuent de bénéficier ce dernier et Radovan Karadzic, au risque de compromettre sérieusement les efforts entrepris pour rendre justice aux victimes.  À l’heure où le Conseil de sécurité est appelé à examiner les questions en suspens dans la région, et en particulier celle du statut définitif du Kosovo, j’espère qu’il tiendra compte des conséquences éventuelles de son action, et du moment choisi, afin de ne pas compromettre les efforts actuellement déployés pour retrouver et arrêter les fugitifs, a dit le Procureur du TPIY.  À ses yeux, la crainte de l’instabilité politique que pourraient entraîner leur arrestation a pu permettre à certains accusés de rester en liberté.  De fait, a-t-elle dit, la communauté internationale a clairement manqué l’occasion, entre 1995 et 1998, d’arrêter Ratko Mladic et Radovan Karadzic.  S’agissant de la stratégie d’achèvement des travaux, Mme Del Ponte a noté que, pour certains, elle était une raison suffisante de ne rien faire et de simplement attendre que le Tribunal international ferme ses portes.  J’espère que les mesures nécessaires seront prises pour faire échec à ceux qui tiennent ce type de raisonnement, a-t-elle souligné. 


M. HASSAN BUBACAR JALLOW, Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a, à son tour, assuré que les procédures concernant les 22 affaires dont est saisi le Tribunal devraient être achevées entre 2007 et 2008.  Il est possible, a-t-il prévenu, que deux affaires soient encore en cours jusqu’au début de 2009.  Parlant des transferts d’affaires, le Procureur a indiqué que le Rwanda en reste la destination principale.  Quelque 15 affaires pourraient être transférées dans la région, y compris celles concernant 12 des 18 fugitifs, et trois des détenus, qui attendent toujours leurs procès.


Six des 18 fugitifs étaient de hauts responsables durant le génocide de 1994, et il est important, pour le succès de la campagne contre l’impunité dans le monde, que des personnes qui aient une telle responsabilité n’échappent pas au bras de la justice, a estimé le Procureur.  La solution à appliquer pourrait être de permettre au Tribunal de continuer ses travaux au-delà de 2008 ou de transférer les cas à une juridiction nationale.  Il est important de souligner, a poursuivi le Procureur, que le Tribunal ne réussira à achever les procès de ces six fugitifs, y compris celui de Félicien Kabuga, que s’ils sont arrêtés et remis au Tribunal d’ici la fin de 2007. 


D’après les renseignements disponibles, Félicien Kabuga était encore au Kenya en avril 2007, et les enquêtes conjointes menées par le Tribunal et les autorités du Kenya indiquent qu’il y est toujours.  Il est donc nécessaire que le Conseil de sécurité fasse pression sur le Gouvernement kényen pour qu’il respecte ses obligations juridiques, a dit le Procureur du TPIR.  De nombreux fugitifs semblent être en République démocratique du Congo, a-t-il poursuivi, en ajoutant que le Tribunal recherche toujours la coopération avec le Gouvernement congolais et avec les autres pays de la région des Grands lacs.  Une vision plus large du mandat de la Mission de l’ONU en RDC, qui faciliterait la collaboration entre la Mission, la RDC et le Tribunal, serait la bienvenue, a-t-il estimé. 


Le Procureur a salué la coopération du Rwanda et indiqué que le fait qu’il ait supprimé la peine de mort et offert des garanties similaires à celles du Tribunal a levé les obstacles au transfert des cas.  Le Procureur a tout de même ajouté que l’enquête sur les allégations contre des membres du FPR, que le Tribunal comptait achever maintenant, doit se poursuivre jusqu’à ce que le Tribunal soit en position d’achever cet autre aspect de son mandat. 


Le Procureur du TPIR a conclu son intervention en soulevant, à son tour, la question de la rétention du personnel, qui est un sujet de profonde préoccupation.  Il a donc souligné la nécessité pour le Conseil d’approuver rapidement des mesures incitatives pour permettre au Tribunal de garder le personnel dont il a besoin pour achever son mandat.


Déclarations


M. PASCAL GAYAMA (République du Congo) a déclaré que les exposés du Procureur du TPIY et du Procureur du TPIR renouvelaient l’intérêt porté à la justice pénale internationale, compte tenu notamment des signes encourageant relevés en vue de donner une suite fructueuse aux travaux des deux juridictions dans la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement prescrite par le Conseil de sécurité.  Le représentant a souhaité que la communauté internationale continue d’apporter son soutien afin que les mandats des deux Tribunaux puissent être achevés d’ici à 2010.  À cette fin, la coopération avec les juridictions nationales revêt une importance particulière pour, en particulier, renforcer les capacités de ces dernières.  De l’avis de M. Gayama, à ce jour, le tableau est mitigé en la matière, notamment en ce qui concerne le Rwanda.


Le représentant a ensuite indiqué que sa délégation faisait sien l’appel en faveur d’une action plus ferme des États chargés d’appréhender les derniers fugitifs.  Estimant qu’il s’agissait en l’espèce d’une obligation et d’un devoir moral que d’imposer une justice crédible et applicable à tous, le représentant a jugé utile de saluer la codification du droit international très poussée auquel les deux Tribunaux ont donné lieu jusqu’ici.  Qualifiant cet héritage de « précieux » au plan de l’expertise humaine et technique, le représentant s’est ensuite tourné vers le Procureur du TPIR pour lui demander dans quelle mesure une évaluation entre les autorités du Rwanda et le Tribunal pourrait permettre de trouver davantage de pays d’accueil pour les personnes acquittées.  Il a également souhaité savoir, du côté du TPIY, comment il serait possible de concilier les intérêts, de toute évidence contradictoires, entre cette juridiction internationale et les juridictions nationales de certains pays de l’ex-Yougoslavie chargés de juger certains accusés.


M. RICARDO ALBERTO ARIAS (Panama) a souligné que les crimes commis dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda font partie de l’histoire la plus sombre au XXIe siècle, et a rendu à cet égard hommage au travail accompli par les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.  Leur mission n’est pas encore été achevée, a cependant fait remarquer le représentant, en plaidant pour que tous les procès soient dûment finalisés.  Il faut donc aborder dès maintenant la question des fonctions résiduelles des deux Tribunaux pour assurer qu’elles soient accomplies.  Le représentant a dit comprendre la logique de la proposition du TPIY et du TPIR visant à proroger leur mandat respectif.  Il s’est toutefois opposé à leur vision du Statut de la Cour pénale internationale.  Il a au contraire argué que si les choses sont examinées dans une perspective plus large, il serait possible de confier les affaires pendantes à la Cour pénale internationale.  En la matière, le Conseil pourrait rechercher les avis des États parties au Statut de Rome, a encore suggéré le représentant.


Mme JACKIE W. SANDERS (États-Unis) a estimé que les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda devraient être en mesure de continuer à travailler à la stratégie d’achèvement.  Toutefois, il convient d’anticiper sur l’aide à mettre en œuvre pour poursuivre les mandats de ces juridictions temporaires au-delà de la date butoir de 2010.  Elle a estimé  que pour réaliser cet objectif, le Conseil de sécurité et les États Membres devaient accroître leur coopération pour faciliter le processus de renvoi de certaines affaires devant les juridictions  nationales. La représentante a souhaité que, dans ce contexte, toutes les garanties judiciaires soient apportées par les pays concernés.  Nous sommes ainsi prêts à reconnaître que lorsque le Rwanda disposera des capacités requises, ce pays sera en mesure de recevoir toutes les affaires pendantes afin de les traiter sur son territoire.  La représentante a estimé que la coopération internationale au Rwanda était aujourd’hui plus nécessaire qu’au cours des 13 dernières années.  Elle a ajouté que la République démocratique du Congo et le Kenya doivent tout mettre en œuvre pour arrêter les fugitifs vivant à l’intérieur de leurs frontières.


Pour ce qui est des activités du TPIY, la représentante a rappelé que le Tribunal avait pour mandat de parvenir à traduire en justice les auteurs des crimes les plus graves, commis en particulier dans le cadre du génocide de Srebrenica durant la guerre de 1991 à 1995, et ce, avant la fin des travaux du Tribunal, prévue en 2010.  Tous les États doivent respecter leurs obligations à l’égard de la justice  en contribuant à l’arrestation et au transfert des derniers fugitifs, en particulier les deux principaux, Radovan Karadzic et Ratko Mladic.  Enfin, la représentante a estimé que le succès de la stratégie d’achèvement dépendait de l’assistance de la communauté internationale visant à permettre aux juridictions nationales de traiter les affaires mineures ou intermédiaires, a-t-elle suggéré.


M. JEAN-PIERRE LACROIX (France) a dit qu’il comprenait l’impatience du Procureur du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, en rendant hommage à sa ténacité.  Saluant les deux dernières arrestations menées par les autorités de Belgrade, le représentant a noté que les autorités serbes sont en mesure d’appréhender tous les accusés encore en fuite, dont notamment Ratko Mladic.  Il s’est félicité des mesures prises par Belgrade pour parvenir au plein respect de ses obligations internationales.  La coopération pleine et entière de la Serbie et de la Republika Srpska reste une condition sine qua non de leur intégration dans la famille européenne, a-t-il rappelé.  Il a poursuivi sa déclaration en saluant le fait que le renvoi d’affaires vers les juridictions nationales a connu de récents succès.  Il a jugé très satisfaisant le fait que la Commission de l’Union africaine ait accepté de suivre les procès menés parle TPIR au Rwanda, comme le fait l’OSCE en Bosnie-Herzégovine. 


Le défi majeur pour les deux Tribunaux, a encore dit le représentant, est celui de l’arrestation des fugitifs.  Les délais fixés par le Conseil pour la fin des travaux des Tribunaux ne sont pas des dates couperets, car ce serait un espoir donné aux fugitifs.  Les Tribunaux ne peuvent fermer tant qu’ils n’auront pas jugé les principaux suspects de crimes de génocide, a souligné le représentant.  Cela ne signifie pas cependant, a précisé le représentant, qu’il faille les maintenir en l’état.  Leur structure doit être adaptée à leurs activités, a-t-il précisé.  Il est temps, a-t-il encore estimé, que le Conseil se penche sur les activités résiduelles.  Toutes ces questions sont complexes et essentielles pour l’héritage que laisseront les Tribunaux ad hoc.  Le Conseil de sécurité doit se laisser guider par le souci de donner aux Tribunaux la possibilité de léguer un héritage viable.  Ces Tribunaux pénaux internationaux ont été des pionniers, et ils doivent réussir la fin de leur mission.  Pour cela, ils auront besoin du soutien de tous les États Membres, a estimé le représentant.  Il faut redoubler d’efforts pour que les fugitifs soient arrêtés, et il faut le rappeler, amicalement, mais fermement, aux États concernés, a conclu le représentant.


M. MARCELLO SPATAFARO (Italie) s’est félicité de ce que le respect des droits de l’homme soit resté au centre des travaux des deux Tribunaux, qui se sont engagés dans le cadre de la stratégie d’achèvement.  Il a ajouté que la codification effectuée par les services de ces deux juridictions dans ce sens était de première importance, la Cour internationale de Justice ayant confirmé récemment cet apport dans l’élaboration de provisions clefs du Statut de Rome.  Le représentant a ensuite estimé que les arrestations de Zdravko Tolimir et de Vlastimir Dordevic démontraient le plein engagement de la communauté internationale d’arrêter les responsables des crimes les plus graves commis en ex-Yougoslavie.  Nous formons le souhait qu’une même volonté prévaudra afin que soient appréhendés les derniers fugitifs, en particulier Ratko Mladic et Radovan Karadzic et, en ce qui concerne le TPIR, Félicien Kabuga. 


Le représentant de l’Italie a par ailleurs indiqué que l’héritage des Tribunaux, au plan judiciaire et administratif, nécessitait que le Conseil de sécurité prenne d’importantes décisions dans les meilleurs délais, le but recherché étant notamment de réaffirmer l’objectif qui a présidé à la constitution de ces deux juridictions internationales.  Cet objectif était d’arrêter les auteurs des crimes internationaux les plus graves commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda.  La justice internationale, dans ces domaines, ne doit pas s’arrêter en 2010, a conclu le représentant. 


M. PETER BURIAN (Slovaquie) a réitéré le soutien de son gouvernement aux Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.  Il a salué ces deux juridictions pour avoir apporté des amendements aux règles de procédure et de preuve et à l’organisation de leurs travaux afin de respecter les délais impartis à la stratégie d’achèvement de leurs travaux.  Le représentant a ajouté que la Slovaquie suivait de très près les affaires en cours et se félicitait de ce que les deux Tribunaux accordent beaucoup d’importance à la protection des droits des accusés et accélèrent le déroulement des procès.  M. Burian a salué la coopération renforcée des deux Tribunaux avec les autorités des pays concernés, notamment les juridictions de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, de Serbie et du Rwanda, se félicitant aussi du transfert des affaires de rang intermédiaire à celles-ci.  Rappelant que trois des accusés les plus importants étaient toujours en fuite, il a réitéré l’appel de son gouvernement aux États Membres pour coopérer pleinement avec les Tribunaux dans la recherche et l’arrestation de ces individus.  Les questions résiduelles restent les plus importantes dans les années à venir, a poursuivi M. Burian, qui félicite les deux Tribunaux pour leur engagement de mettre en œuvre la stratégie d’achèvement de leurs travaux dans les délais fixés.  Le Conseil de sécurité devrait de son côté prendre des mesures appropriées pour les aider à atteindre cet objectif, a-t-il conclu.


M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a estimé que le renvoi des affaires est un des éléments principaux du succès de la stratégie d’achèvement des Tribunaux.  Il a donc regretté que le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie ait prévu des auditions en 2009.  Il a pris note des dernières arrestations effectuées par Belgrade, ce qui prouve que les autorités concernées ont bien l’intention d’honorer leurs obligations.  Le représentant s’est dit préoccupé par l’affaire Haradinaj.  Les problèmes relatifs à la protection des témoins et la mort accidentelle de l’un d’entre eux ne doivent pas échapper à l’attention de personne, a insisté le représentant, qui n’a pas exclu que le Conseil se penche sur cette question.  Il s’est aussi attardé sur l’affaire Dordevic, un officier supérieur de la police serbe et Vice-Ministre des affaires intérieures de la Serbie, qui vient d’être été arrêté au Monténégro.  Jusqu’ici la Fédération de Russie était accusée de cacher cette personne, une accusation notamment portée par la Procureure qui n’a d’ailleurs pas daigné reconnaître son erreur, a relevé M. Churkin.  L’intransigeance avec laquelle on traite les États Membres ne semble pas s’appliquer au Tribunal quand il est en faute, a dénoncé le représentant en arguant, pour conclure, que le fait que certains accusés ne soient pas encore aux mains du Tribunal ne devrait pas être un obstacle à la fin du mandat du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie. 


Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a, à son tour, rendu hommage à la Procureure du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie.  Elle s’est félicitée des mesures prises récemment dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement des deux Tribunaux.  Elle a exhorté les deux Tribunaux à respecter la date butoir.  La fin du mandat ne signifie pas l’arrêt des travaux.  Les fugitifs, comme Mladic et Karadjic, doivent être arrêtés et jugés, a-t-elle dit, en appelant les pays concernés à la coopération.  La représentante a d’ailleurs félicité la Serbie et la Republika Sprka pour les récentes arrestations.  La nouvelle approche, a-t-elle indiqué, a permis à l’Union européenne de reprendre les négociations avec la Serbie.  Mais les conclusions des négociations dépendront de la pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a-t-elle prévenu, en regrettant que certains dirigeants serbes aient prétendu que la reprise des négociations signifie que la communauté internationale ne voit plus d’intérêt à traduire les fugitifs en justice.  Passant au Tribunal pénal international pour le Rwanda, la représentante a là aussi souligné la nécessité d’arrêter les fugitifs, en lançant un appel pressant au Kenya.  Elle a, à son tour, jugé important de s’attaquer dès maintenant aux questions pendantes.


M. LUIS ENRIQUE CHAVEZ (Pérou) a noté que les rapports présentés ce matin montraient que des résultats concrets sont possibles grâce à l’engagement concerté de toutes les parties en vue de mettre en œuvre la stratégie d’achèvement des travaux des deux Tribunaux pénaux internationaux.  Le représentant a salué le fait que le TPIY et le TPIR fassent tout leur possible pour que cette stratégie d’achèvement soit réalisée dans les délais prévus, et ce, en dépit des sérieuses difficultés rencontrées.  Il a plaidé pour une pleine coopération des États dans ce cadre, en particulier afin de mettre un terme à l’impunité dont continuent de jouir les derniers fugitifs.  À ses yeux, il est urgent que tous les États Membres honorent les obligations prises pour arrêter et traduire en justice les personnes présumées responsables des crimes les plus graves.  


M. HASAN KLEIB (Indonésie) a déclaré qu’il était encouragé par le fait que les deux Tribunaux travaillent d’arrache-pied à la réalisation de leur stratégie d’achèvement.  Il s’est aussi félicité de la coopération en la matière entre les deux Tribunaux.  Le représentant a ensuite souligné l’importance du renvoi des affaires aux juridictions nationales.  Mais ce renvoi ne sera efficace qu’à condition que ces juridictions soient suffisamment équipées, a-t-il prévenu, en soulignant l’importance que l’Indonésie attache aux programmes de renforcement des capacités.  La justice est le pilier de la paix durable, a-t-il conclu, en insistant sur le devoir des États concernés de coopérer avec les Tribunaux, ceci, dans l’intérêt de la justice. 


M. MUTLAQ MAJED AL-QAHTANI (Qatar), tout en reconnaissant la nécessité pour les Tribunaux pénaux de mener à bien leurs travaux dans les meilleurs délais, a souligné l’importance de trouver un équilibre entre le respect de ces délais et celui des mandats.  Les droits des accusés à un procès équitable doivent être en effet pleinement respectés, a indiqué le représentant.  La création de ces deux juridictions témoigne de l’engagement de la communauté internationale à mettre fin à l’impunité derrière laquelle se réfugient les responsables de crimes contre l’humanité, a-t-il ensuite déclaré.  M. Al-Qahtani a cependant prévenu que cette détermination devait être renforcée par celle des États Membres à faire arrêter ceux des accusés qui sont encore en fuite.  La délégation du Qatar a lancé, à cet égard, un appel aux autorités des pays concernés pour qu’ils remplissent les obligations qui leur incombent en vertu des résolutions 1503 (2003) et 1534 (2004) du Conseil de sécurité et arrêtent en particulier les accusés Kebuga, Mladic et Karadzic.  Le représentant du Qatar a également affirmé qu’il était important, au cours des dernières années d’existence des Tribunaux, d’accorder une attention particulière à l’héritage que la communauté internationale pourrait en recevoir en matière de jurisprudence internationale.


M. LI JUNHUA (Chine) est intervenu brièvement pour indiquer que les Tribunaux internationaux devaient être plus efficaces dans leur conduite des procès.  La coopération entre les pays à l’échelle régionale, le TPIY, ainsi que le TPIR, devrait pour sa part être accrue par le biais du renforcement dûment financé des capacités judiciaires desdits pays, a indiqué le représentant.  Ces pays doivent pouvoir jouir d’une plus grande confiance de la communauté internationale et recevoir pour cela de plus amples moyens techniques et humains, et ce, en vue de leur permettre d’accueillir comme il se doit les nombreuses affaires qui vont leur être transmises de manière progressive, a-t-il recommandé. 


Pour ce qui est de l’héritage des Tribunaux, le représentant chinois a plaidé pour la mise en place, sous l’égide du Conseil de sécurité, d’un mécanisme de suivi pour compléter et faire fructifier les acquis de la stratégie d’achèvement. 


M. ROBERT TACHIE-MENSON (Ghana) s’est félicité des progrès accomplis par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) au cours des six derniers mois.  L’achèvement des travaux du Tribunal est essentiel pour l’accomplissement de sa mission, qui consiste à mettre un terme à l’impunité concernant les crimes les plus graves, a-t-il noté.  Il a ainsi relevé l’importance des réformes administratives et procédurales qui ont permis de réduire la durée des procès.  M. Tachie-Menson a estimé important le renvoi de certaines affaires devant les juridictions nationales, cela ayant permis de réduire la charge de travail du Tribunal tout en renforçant la capacité des juridictions nationales.  Le représentant du Ghana a aussi appelé à la coopération afin d’appréhender les quatre personnes inculpées et qui sont encore en fuite.  Passant au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il s’est dit impressionné de ses avancées et de sa contribution au rétablissement de la démocratie et de l’état de droit dans la région des Grands lacs.  Si ces efforts se poursuivent, a-t-il estimé, la communauté internationale se doit de soutenir ce Tribunal et ses programmes.  Il a relevé que, malgré des conditions de fonctionnement difficiles, 27 jugements ont été rendus par le TPIR contre 33 accusés.  Le représentant a souhaité que l’on se concentre maintenant sur le renforcement de la chambre des appels, qui est également saisie des appels des jugements rendus par le TPIY.  Il a enfin jugé souhaitable que toutes les affaires de génocide, qui constituent l’essentiel du mandat du TPIR, soient jugées avant l’achèvement des travaux.


M. SABELO SIVUYILE MAQUNGO (Afrique du Sud) a félicité les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR) pour les étapes franchies en vue d’achever leurs travaux conformément aux stratégies adoptées, notamment par des mesures permettant d’améliorer leur efficacité.  Il a souligné que la stratégie d’achèvement établie pour chaque Tribunal ne sera réalisée que lorsque les affaires encore pendantes seront renvoyées devant les juridictions nationales.  À cet égard, il a remercié les pays qui ont accepté de connaître d’affaires dont les deux Tribunaux pénaux internationaux sont saisis et encouragé les efforts en vue de leur apporter une assistance technique.  Le représentant a aussi noté que, dans les cas du TPIY et du TPIR, des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes internationaux particulièrement graves sont encore en fuite et appelé les autorités concernées à une pleine coopération avec ces juridictions pour leur permettre de les arrêter et de les juger.  Il s’est félicité, à cet égard, de la coopération entre le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et les autorités monténégrines et serbes qui a permis d’appréhender Vlastimir Dordevic.  En conclusion, M. Maqungo a rappelé que les deux Tribunaux pénaux internationaux ont largement contribué au maintien de la paix et de la sécurité internationales et estimé qu’ils doivent continuer dans ce sens pour consolider ce qui a déjà été accompli.  Pour cela, aucune impunité ne doit être tolérée pour les personnes encore en fuite, a-t-il insisté.


M. JOHAN VERBEKE (Belgique) s’est félicité des progrès accomplis par les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, qui ont été rendus possibles grâce à une meilleure gestion de l’organisation du travail et de la mise en état des affaires, à des mesures administratives bien conçues et à la révision des règlements de procédure et de preuve.  Sa délégation a invité les responsables de ces deux juridictions à poursuivre dans cette voie afin que les travaux puissent être achevés dans les délais impartis.  La Belgique est consciente qu’il est difficile d’éviter l’exode d’une partie du personnel qualifié de ces Tribunaux dans un contexte de fin de mandat, soulignant qu’il s’agissait là d’une question délicate liée à la nature des tribunaux ad hoc dont la durée est limitée dans le temps.  Son représentant a donc appelé les États Membres à prêter l’attention nécessaire à cette problématique et aux mesures incitatives proposées par les deux Tribunaux afin de maintenir un personnel de qualité, condition indispensable à la bonne mise en œuvre de la stratégie d’achèvement.


M. Verbeke a cependant fait remarquer que les Tribunaux ne pourront pas être vus comme ayant rendu adéquatement la justice si les accusés qui restent en fuite ne sont pas jugés, en particulier MM. Karadzic, Mladic et Kabuga.  C’est pourquoi, il a demandé à tous les États concernés de coopérer pleinement avec les Tribunaux en vue de capturer ces individus.  La Belgique s’est à cet égard réjouie des informations fournies par Carla Del Ponte sur l’amélioration de la coopération avec la Serbie et la capture Zdravko Tolimir et de Vlastimir Dordevic.  Elle a souligné à ce propos que les dates d’achèvement des travaux définies dans la résolution 1503 (2003) étaient indicatives et non intangibles, car ce qui importe, c’est que les Tribunaux soient en mesure de juger les accusés majeurs qui n’ont pas encore été appréhendés.  À défaut, a fait observer le représentant de la Belgique, justice n’aura été rendue que de façon incomplète.  Le Conseil de sécurité, a-t-il insisté, devrait réfléchir sans tarder à un mécanisme qui puisse permettre de se pencher sur les questions dites résiduelles, qui vont de l’archivage aux questions administratives et de ressources humaines.


M. MILOŠ M. PRICA (Bosnie-Herzégovine) a réaffirmé l’engagement entier de son pays pour une pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).  Il a cité, à cet égard, les efforts importants menés par les autorités de son pays en vue de localiser et d’arrêter les personnes suspectées d’avoir commis des crimes de guerre, et qui sont toujours en fuite.  Cette coopération s’est étendue, avec les autorités de la Serbie, afin de mieux mettre à jour les réseaux qui permettent à ces fugitifs de se cacher, a-t-il précisé.  Le représentant a évoqué le fruit de ces efforts en rappelant l’appréhension du général Zdravko Tolimir le 31 mai dernier à la frontière avec la Serbie.  Après l’arrestation du général Vlastimir Djordjevic au Monténégro, le nombre d’inculpés encore en fuite est tombé à quatre, sur un total de 161 personnes inculpées par ce Tribunal, a fait remarquer M. Prica.  Au cours des six derniers mois, a-t-il ajouté, les autorités locales de la Bosnie-Herzégovine ont continué à renforcer la logistique visant à retrouver la trace des fugitifs.  Il a précisé qu’aucun indice de leur présence n’avait été trouvé à l’intérieur des frontières du pays.  La Bosnie-Herzégovine a mis en place, en 2006, un cadre juridique relatif aux crimes de guerre, pour en faire une part importante de son système judiciaire national.  La chambre des crimes de guerre de la Cour de Bosnie-Herzégovine a ainsi continué les procédures de plusieurs affaires transmises par le TPIY, et a examiné celles renvoyées par le Procureur de la Bosnie-Herzégovine, a indiqué M. Prica.


M. MARTIN NGOGA, Procureur adjoint de la République du Rwanda, a lancé un nouvel appel au Conseil de sécurité pour qu’il prenne des mesures visant à faire en sorte que des fugitifs comme Félicien Kabuga, Augustine Ngirabatware et Bucyibaruta n’échappent pas à la justice.  Le Conseil, a-t-il insisté, doit rechercher la coopération de tous les États et tenir pour responsables ceux qui n’honoreraient pas leurs obligations juridiques.  Le représentant a appelé le Tribunal à citer en toute transparence les États qui ne coopèreraient pas suffisamment.  Dès que le mandat du Tribunal touchera à sa fin, le Conseil doit adopter une résolution qui obligerait les États à coopérer pleinement avec la juridiction nationale rwandaise, a encore estimé le représentant.


Le Gouvernement rwandais est en effet d’avis que les affaires en cours doivent être transférées à sa juridiction nationale parce que justice doit être rendue là où les crimes ont été commis.  De plus, il est plus efficace et plus facile de mener les procès au Rwanda, là où sont les preuves et les témoins.  De tels procès complèteraient et renforceraient les politiques gouvernementales de réconciliation qui sont au centre du mandat du Tribunal, a ajouté le représentant.  En l’occurrence, le représentant s’est dit préoccupé par le fait que le Tribunal entend renvoyer certains cas à la France.  


Il a d’ailleurs attiré l’attention du Conseil sur la réforme juridique à laquelle son pays s’est livré en abolissant la peine de mort et en traitant des aspects procéduraux et de fond pour les procès à venir, dont le mécanisme de contrôle.  Il a aussi soulevé l’importance qu’il y a à ce que des peines soient exécutées au Rwanda, en arguant que la bureaucratie qui continue à retarder les décisions en la matière cause de grands dommages au processus du Tribunal. 


Le représentant a estimé qu’à la fin du mandat du Tribunal, tous les documents doivent être transférés au Rwanda.  Ces documents, s’est-il expliqué, sont une partie importante de l’histoire récente du pays et sont d’une importance capitale pour les politiques civiques et de réconciliation.  Nous espérons que personne n’opposera, en la matière, les moyens limités du Rwanda, a dit le représentant.  Il a conclu en souhaitant un renforcement de la coopération entre son pays et le Tribunal, non pas seulement sur les questions administratives, mais aussi dans la planification dans les domaines des questions touchant à l’héritage du Tribunal et à d’autres questions résiduelles dans lesquelles le Rwanda doit être vu comme un partenaire logique.


M. PAVLE JEVREMOVIC (Serbie) a déclaré que les auteurs de crimes les plus graves devaient être traduits en justice, afin de répondre aux attentes des victimes.  Il a insisté sur les efforts constants engagés dans ce sens par les autorités de son pays pour renforcer la coopération de celles-ci avec le TPIY.  Cette coopération, a-t-il dit, revêt un caractère obligatoire en raison de l’engagement international pris par la Serbie de respecter les normes du droit international humanitaire.  Il s’agit pour nous d’une rupture claire avec l’ancien régime, en phase avec les idéaux des autres nations européennes.  Le représentant a ensuite précisé que cette coopération, associant tout d’abord les juridictions nationales et le Bureau du Procureur, était particulièrement active dans le domaine crucial de l’arrestation et du transfert devant le TPIY des personnes inculpées.  Il a salué à cet égard les arrestations du général Tolimic, en Bosnie-Herzégovine, et de Vlastimir Djordevic, au Monténégro, grâce à des opérations menées conjointement avec les services de sécurité de tous les pays concernés. 


Le représentant a également souligné que la coopération avec le TPIY était une priorité du Gouvernement serbe nouvellement élu.  Il a indiqué que le Gouvernement serbe avait, en ce sens, mis immédiatement en place un conseil national de sécurité, dirigé par le Président de la République serbe, ayant pour mission de renforcer les moyens de localisation et d’appréhension des fugitifs.  De même, a-t-il ajouté, le Conseil national de coopération a été renforcé et ses membres jouissent désormais d’une autorité plus grande en ce qui concerne le suivi des requêtes soumises au TPIY.


M. NEBOJSA N. KALUDJEROVIC (Monténégro) a rappelé qu’hier Vlastimir Djordevic, un des fugitifs du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, a été arrêté dans son pays et directement transféré au Tribunal.  Cette arrestation est une confirmation sans équivoque de la détermination du Gouvernement du Monténégro de respecter et d’honorer ses obligations internationales.  L’impunité ne sert pas la justice, et chaque fugitif doit faire face à la vérité et à la justice, a souligné M. Kaludjerovic.  La journée d’hier a clôt le premier chapitre de l’affaire Djordjevic, et cela confirme que la coopération avec le Tribunal doit aller main dans la main avec la coopération régionale.  Paraphrasant le Président du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, le représentant monténégrin a dit que le travail de cette instance ne doit pas être évalué à l’aune des jugements prononcés ou des appels achevés.  L’essence du succès réside dans le précédent que le Tribunal établit, a-t-il estimé.  En poursuivant les auteurs de crimes graves, le Tribunal renforce la paix et la stabilité dans l’ex-Yougoslavie, a souligné le représentant.


Répondant aux questions des membres du Conseil de sécurité, le Président du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie a dit avoir pris note de leurs suggestions.  Il a indiqué que le calendrier prévisionnel des procédures en cours a été annexé pour assurer toute la transparence nécessaire au processus et aux relations entre le Conseil de sécurité et le Tribunal.  Pour ce qui est des dates de 2008 et de 2010, elles ne signifient pas, a dit le Président, que le Tribunal n’accélèrera pas les procédures d’appel.  Il a réitéré son souhait de voir le Conseil adresser un message fort aux fugitifs pour leur dire qu’ils n’échapperont pas à la justice.  Pour ce qui est de l’incidence du plan du Conseil, concernant le Kosovo, le Président a préféré ne pas répondre concrètement à cette question car le Tribunal juge pour le moment des affaires qui ont trait à la province.  En concluant, il a dit avoir pris bonne note du fait que la plupart des intervenants ont rappelé la nécessité pour les autorités de la région de coopérer avec le Tribunal.  Les juges participent d’ailleurs à des réunions avec les organes judiciaires nationaux pour les aider à coopérer entre eux et avec le Tribunal.  Des partenariats sont mis en place de façon à ce que ces organes puissent prendre le relais une fois que le Tribunal aura fermé ses portes, a estimé le Président du TPIY.


À son tour, le Président du Tribunal pour le Rwanda a dit avoir remarqué la très bonne connaissance que le Conseil a des défis auxquels le Tribunal est confronté.  Il a dit avoir toute confiance dans le fait que l’attention que le Conseil porte aux détails des travaux du Tribunal permettra de trouver les solutions les plus appropriées.  Le Président du TPIR a précisé que le Tribunal doit pouvoir traiter des questions de la relocation des personnes acquittées de manière globale.  En la matière, la coopération avec le Rwanda n’est pas exclue, a-t-il indiqué.  Mais la question concerne d’abord et avant tout la justice, le respect des droits de l’homme, et le sort réservé aux personnes acquittées, a-t-il souligné, en ajoutant que le Tribunal s’est toujours efforcé de régler cette question conformément au droit international humanitaire et en tenant compte des intérêts supérieurs de toutes les parties concernées.  Le Président s’est dit heureux que tous les intervenants aient souligné la nécessité pour les États de coopérer avec le Tribunal.


La Procureure du TPIY a répondu aux questions des membres du Conseil en soulignant l’unanimité exprimée par ceux-ci en ce qui concerne la nécessité d’une coopération pleine et entière avec le TPIY.  Cette coopération, a-t-elle dit, devra demeurer telle tant que Radovan Karadzic et Ratko Mladic ne seront pas à La Haye.  Mme Del Ponte a noté que la plupart des pays de l’ex-Yougoslavie étaient sur la voie de cette pleine coopération, et qu’il leur fallait tenir compte d’un élément important pour mettre la main sur les derniers fugitifs: s’ils se déplacent souvent, ils finissent toujours par rentrer dans leurs pays d’origine, a fait remarquer le Procureur.  Enfin, Carla Del Ponte a précisé que si les gouvernements n’interféraient pas à proprement parler dans les affaires judiciaires internationales, ils étaient cependant « tentés de le faire », notamment en Croatie.


De son côté, le Procureur du TPIR a expliqué que la loi rwandaise relative au renvoi s’appliquait également vers d’autres États, où se trouvent des génocidaires rwandais qu’il n’est pas possible au Tribunal d’inculper.  Cette loi dispose en outre de dispositions pour que certaines affaires soient jugées par la Cour suprême du Rwanda, a indiqué M. Jallow.  Cette dernière, a-t-il dit, peut fournir toutes les garanties judiciaires nécessaires à la facilitation de la mission incombant au personnel chargé de conduire les procès transférés depuis le TPIR.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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