CS/8500

LE CONSEIL RECONNAÎT LE RÔLE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LA PRÉVENTION ET LE RÈGLEMENT DES CONFLITS ET ENTEND RENFORCER SES RELATIONS AVEC SES GROUPES

20/09/2005
Conseil de sécuritéCS/8500
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

5264e séance – matin


LE CONSEIL RECONNAÎT LE RÔLE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LA PRÉVENTION ET LE RÈGLEMENT DES CONFLITS ET ENTEND RENFORCER SES RELATIONS AVEC SES GROUPES


Le Conseil de sécurité a invité, ce matin, les chefs du Centre européen pour la prévention des conflits, du Séminaire sur le règlement des conflits de l’Université Columbia, et du Centre africain pour le règlement constructif des différends (ACCORD), à réfléchir au rôle de la société civile dans la prévention des conflits et le règlement pacifique des différends.  En présence de plusieurs Ministres et Vice-Ministres des affaires étrangères, la réunion s’est terminée avec l’adoption d’une déclaration présidentielle dans laquelle le Conseil entend renforcer sa relation avec la société civile notamment en recourant à la formule « Arria » et en tenant des réunions avec les organisations locales à l’occasion de ses missions.


À l’instar du Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, qui s’est exprimé au nom du Secrétaire général de l’ONU, tous les orateurs ont convenu de la nécessité de tirer davantage des avantages comparatifs de la société civile. Les délégations ont cité une forte présence et une large expérience locales, une capacité d’identifier plus rapidement les menaces et les tensions, la faculté de mener une diplomatie « directe » et celle de toucher toutes les communautés. 


La capacité de la société civile de fournir une analyse indépendante d’une situation donnée, de forger des partenariats pour l’application des décisions de l’ONU, de travailler à la durabilité des opérations de l’ONU et de créer des réseaux de consolidation de la paix, a fait dire à toutes les délégations qu’une place lui revient de droit dans la future Commission de consolidation de la paix mentionnée dans le Document final du Sommet mondial, qui s’est achevé au Siège de l’ONU à New York, le 16 septembre dernier.  En prévision du Sommet mondial, l’Assemblée générale avait organisé, au mois de juin, des Auditions des représentants de la société civile.  Une Conférence sur le rôle de la société civile dans la prévention des conflits s’est également tenue, en juillet dernier. 


Dans la déclaration présidentielle, les membres du Conseil relèvent qu’une société civile robuste et ouverte à tous pourrait jouer un rôle de premier plan au sein des communautés, modeler l’opinion publique et faciliter la réconciliation de communautés en conflit.  Le Conseil souligne le rôle de relais que les acteurs pertinents pourraient jouer en permettant aux parties en conflit de passer au dialogue et à d’autres mesures de confiance.


Ont pris la parole les Ministres et Vice-Ministres des affaires étrangères du Danemark, de la Grèce, de la République-Unie de Tanzanie, ainsi que les Secrétaires d’État aux affaires étrangères de la Roumanie et des Philippines –ces pays étant membres du Conseil-, de la Suisse, de la Slovaquie et du Pérou.  Les autres 10 membres du Conseil de sécurité se sont également exprimés, avant le représentant du Canada.


LE R Ô LE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LA PRÉVENTION DES CONFLITS ET LE RÈGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFÉRENDS


Déclarations


M. TULIAMENI KALOMOH, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, intervenant au nom du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a rappelé l’impact énorme que la société civile a eu dans les préparatifs du Sommet mondial.  Les auditions qui ont eu lieu, au mois de juin dernier, ont marqué une nouvelle étape positive dans les relations entre les Nations Unies et la société civile.  Se félicitant également de la Conférence sur le rôle de la société civile dans la prévention des conflits, qui s’est tenue en juillet dernier, le Sous-Secrétaire général a donné comme message: « le rôle de la société civile dans la prévention des conflits doit être reconnu ».  Les Nations Unies et les organisations régionales doivent faire plus pour tirer parti des avantages comparatifs de la société civile à savoir une forte présence et une large expérience locales.  La société civile a la capacité d’identifier plus rapidement les menaces et les tensions. 


Elle est aussi indispensable dans la diplomatie « face à face » qui est souvent une partie intégrante de la diplomatie officielle et des processus de réconciliation nationale.  Les organisations peuvent toucher les communautés qui pourraient être hors de portée pour les gouvernements et les Nations Unies.  Les organisations de la société civile peuvent également compléter le travail des Nations Unies, en offrant une analyse de la situation sur le terrain, en forgeant des partenariats pour l’application des décisions de l’ONU, en assurant la durabilité des opérations de l’ONU et en créant des réseaux de plaidoyer en faveur de la consolidation de la paix.  Pour toutes ces raisons, la société civile aura un rôle à jouer dans les délibérations de la future Commission de consolidation de la paix, a conclu le Sous-Secrétaire général.


M. PAUL VAN TONGEREN, Directeur exécutif du Centre européen pour la prévention des conflits, a estimé que la promotion de la paix et de la sécurité au XXIe siècle exigeait une remise à plat de la manière dont la communauté internationale répondait aux conflits violents.  Rappelant qu’il y a quatre ans, le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, avait appelé les organisations non gouvernementales chargées de la prévention des conflits à s’organiser, il a signalé que les organisations de la société civile avaient formé le Partenariat global pour la prévention des conflits armés.  M. Van Tongeren a plaidé pour une réorientation fondamentale du plan d’action mondial afin de passer de la réaction à la prévention, estimant que la prévention permettait non seulement de sauver des vies, mais était également plus efficace et moins coûteuse que la réaction.


Le Directeur exécutif du Centre européen pour la prévention des conflits a néanmoins remarqué que le concept de prévention n’était pas encore incorporé au sein de l’ONU, affirmant que les Nations Unies devaient jouer un rôle de catalyseur dans cet effort.  Il a notamment estimé que les régions ou les pays susceptibles d’être exposés aux conflits devaient être davantage surveillés, suggérant notamment la mise en place de meilleurs mécanismes d’alerte précoce.  M. Van Tongeren a également déclaré qu’il soutenait la création d’une Commission pour la consolidation de la paix, estimant qu’une coopération avec les organisations de la société civile expérimentées dans ce domaine permettrait d’accroître l’efficacité de la future Commission.


M. ANDREA BARTOLI, Séminaire sur le règlement des conflits de l’Université Columbia, New York, a d’abord souligné que le recours à la violence n’a jamais résolu aucun conflit bien au contraire.  Il a ensuite expliqué que le rôle des universitaires dans la prévention et le règlement des conflits, est d’étudier ce qui n’est pas encore apparent pour donner un nom à la violence et à la paix d’une façon qui soit réactive aux défis du moment, intelligente dans son approche, rationnelle dans sa méthode et responsable dans ses recommandations.  C’est une contribution de compréhension et d’expérimentation, a-t-il ajouté.  Membre de San Egidio, il a souligné qu’à une époque où les forces violentes utilisent de plus en plus la religion, il est indispensable de renforcer la synergie entre les gens de bonne volonté et les gens du savoir, les croyants et ceux cherchant la foi, les universitaires et les dirigeants politiques.  Le Conseil de sécurité est un espace extraordinaire et il faut espérer qu’il soit ouvert aux milieux universitaires et intellectuels, a-t-il conclu.


M. VASU GOUNDEN, Directeur exécutif du Centre africain pour le règlement constructif des différends (ACCORD), a estimé qu’il fallait mobiliser la sagesse collective de l’ensemble des acteurs de la société pour favoriser l’émergence d’un nouveau multilatéralisme basé sur un partenariat entre les États, la société civile et le secteur privé.  Signalant que le règlement des différends entre États et au sein des États restait de la compétence des États-nations, il a indiqué que la société civile devait jouer un rôle complémentaire à celui des États-nations et rester en dehors des structures des Nations Unies dans la mesure où c’est précisément son indépendance qui garantit la force, la légitimité et la flexibilité de la société civile.  Il a néanmoins remarqué que la nature des conflits était multidimensionnelle, et nécessitait dès lors une stratégie globale basée sur la multiplicité des acteurs impliqués, dont la société civile.


M. Gounden a évoqué quelques cas de figure lors desquels ACCORD avait participé à la prévention des conflits et le règlement pacifique des différends.  En Somalie, ACCORD a eu l’occasion de travailler avec les chefs rebelles, alors que de nombreux États n’avaient pas été en mesure de les rencontrer, a-t-il expliqué, signalant également que son Organisation était venue en aide au Facilitateur du dialogue intercongolais, entre autres.  M. Gounden a enfin estimé que la création de la Commission de consolidation de la paix venait à point nommé, notamment pour un pays comme le Burundi.  Il a néanmoins estimé que cette Commission devait se rendre accessible à l’ensemble des acteurs locaux, nationaux, régionaux et mondiaux au moyen de l’ensemble des forums des Nations Unies.


M. PER STIG MØLLER, Ministre des affaires étrangères du Danemark, a déclaré que la création d’une Commission de consolidation de la paix, si possible d’ici à la fin 2005, relevait des efforts que l’ONU devait fournir pour prévenir de nouveaux conflits.  Dans cette perspective, la société civile impliquée au niveau local joue un rôle de premier plan, a-t-il estimé, tant pour traiter les causes profondes des conflits, en créant les conditions d’une société pluraliste et démocratique, que pour alerter suffisamment tôt de l’éruption imminente d’un conflit et permettre une réponse rapide de l’ONU.  Les organisations non gouvernementales peuvent enfin faciliter la mise en œuvre de solutions de paix, en faisant office de médiateurs locaux pour rétablir la confiance et favoriser la réconciliation, a-t-il indiqué.


Le Ministre danois a ainsi déclaré qu’il était indispensable de créer un cadre sécurisé dans lequel les représentants de la société civile puissent jouer leur rôle de partenaires du Conseil de sécurité.  Ceci passe par un soutien politique et économique, mais aussi par l’établissement d’un système de coordination, d’échange d’informations et d’assistance mutuelle entre Gouvernements et société civile, a-t-il précisé.  Les ONG pourraient en outre contribuer aux missions du Conseil de sécurité par la création d’un point de contact au sein des missions intégrées de l’ONU, a-t-il ajouté.  Les rapports adressés par le Secrétaire général au Conseil de sécurité prendraient ainsi en compte le point de vue de la société civile sur la situation en vigueur dans les pays où le Conseil remplit un mandat.


M. Stig Møller a enfin affirmé que le Conseil de sécurité devait mettre en place un cadre de coopération avec la société civile en matière de prévention des conflits, en profitant notamment davantage de la présence de représentants de la société civile invités lors des séances d’ouverture du Conseil ou lors des réunions informelles traditionnelles avec les ONG.


M. TEODOR BACONSCHI, Secrétaire d’État, Ministère des affaires étrangères de la Roumanie, a estimé que le rôle joué par la société civile et les organisations non gouvernementales en matière de prévention des conflits était essentiel.  Il a souligné que, malgré les ressources et les compétences dont dispose l’ONU sur le terrain, la place occupée par les ONG dans la longue durée et au plus près des acteurs permettait à ces dernières de bénéficier d’une connaissance approfondie du terrain, de saisir rapidement les signes avant-coureurs de tensions, mais aussi de jouir de la confiance des parties en conflit et des populations aux religions et aux appartenances ethniques antagonistes.  Elles sont ainsi en mesure, non seulement de renforcer le système d’alerte des conflits de l’Organisation, mais aussi de faire office d’intermédiaires neutres, de favoriser l’amorce du dialogue et de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de solutions réalistes et innovantes, a-t-il souligné.


Il a conclu que l’expérience d’un multilatéralisme efficace mis en oeuvre par la société civile sur le terrain devait être également utilisée pour améliorer la coopération entre les organisations régionales des Nations Unies.


M. YANNIS VALINAKIS, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Grèce, a souligné que la prévention des conflits est une entreprise complexe et difficile qui exige l’implication de plusieurs acteurs dont les ONG, le secteur privé et les institutions de développement.  La société civile peut jouer un rôle crucial en fournissant une analyse indépendante d’une situation particulière, en identifiant les causes profondes des conflits à un stade précoce, en sensibilisant les populations aux horreurs de la guerre, et en mobilisant la volonté politique.  En raison de la souplesse de leur marge de manœuvre, de leur capacité d’atteindre les populations et de leur engagement, les ONG peuvent répondre rapidement aux premiers signes d’une tension qui autrement se transformerait en conflit violent.  Les ONG peuvent offrir une plateforme de débat et des outils d’action et en conséquence, encourager la réaction.  Aujourd’hui, la société civile et les ONG complètent les efforts des Nations Unies dans la prévention et le règlement des conflits.  Les acteurs et les institutions au niveau local sont les mieux placés pour résoudre les conflits locaux compte tenu de leur bonne connaissance du contexte.  Les acteurs locaux peuvent accuser certaines faiblesses structurelles, il revient aux Nations Unies et aux organisations régionales et sous-régionales de coopérer davantage avec eux.  Les Nations Unies doivent mieux intégrer les vues de ces acteurs dans leur politique de prévention des conflits, a conclu le Vice- Ministre des affaires étrangères.   


M. ABDULKADER SHAREEF, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République-Unie de Tanzanie, a déclaré que les organisations de la société civile devraient favoriser une prise de conscience et encourager les gouvernements à entreprendre une action politique dès que possible pour résoudre les problèmes qui pourraient découler des conflits violents.  Il a souligné toutefois qu’il ne fallait pas hésiter à prendre des mesures de prévention contres les segments de la société civile qui se livrent à des campagnes de propagande et attisent les conflits, comme cela a été le cas au Rwanda avec la Radio Mille Collines, responsable d’avoir répandu l’idéologie du génocide, ou aujourd’hui en Côte d’Ivoire avec les médias de la haine.  Reconnaissant par ailleurs la contribution significative des organisations internationales, M. Shareef a cependant affirmé qu’en matière de prévention, la proximité sur le terrain faisait une différence.  Il a donc recommandé aux organisations de la société civile se trouvant au plus près des zones de conflit de jouer un rôle proactif et d’encourager les gouvernements à intervenir.  Évoquant enfin la résolution 1325 (2000), le Vice-Ministre tanzanien des affaires étrangères a souligné le rôle efficace joué aujourd’hui par les organisations de femmes dans la résolution des conflits de la région des Grands Lacs.


Mme MICHELINE CALMY-REY, Ministre des affaires étrangères de la Suisse, a déclaré qu’au niveau institutionnel, la création d’une Commission de consolidation de la paix, acceptée par les États Membres, était une occasion précieuse de favoriser l’implication de la société civile dans les efforts de prévention des conflits et de consolidation de la paix.  La Suisse propose ainsi d’associer aux travaux de la Commission des représentants de la société civile, d’institutions académiques et du secteur privé.  Dans un contexte plus général, il a paru essentiel à Mme Calmy-Rey que le Conseil de sécurité établisse un partenariat avec l’ECOSOC, qui dispose d’une expertise complémentaire et de liens privilégiés avec la société civile.  Par ailleurs, au niveau politique, la Suisse encourage le Conseil de sécurité à explorer des moyens de mieux associer la société civile à ses efforts, notamment lors de la conception des opérations de maintien de la paix et de l’évaluation des missions de paix, en appliquant pleinement les principes contenus dans la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité concernant les femmes dans les conflits armés.  La Ministre a ensuite rappelé que des partenariats existaient déjà entre les Nations Unies et des institutions indépendantes suisses et qu’elle soutenait des initiatives concrètes de promotion civile de la paix, telles que l’Initiative de Genève, née des sociétés civiles de Palestine et d’Israël.  Cette dernière propose un modèle global et réaliste pour un accord permanent, qui prend en compte les intérêts vitaux et les aspirations des Israéliens et des Palestiniens.


M. EDUARD KUKAN, Ministre des affaires étrangères de la Slovaquie, a estimé que le rôle des organisations non gouvernementales était irremplaçable.  Il a remarqué qu’au XXIe siècle, l’ONU devait être capable de prévenir les conflits régionaux et locaux avec plus d’efficacité, et a indiqué qu’il était convaincu qu’un dialogue efficace et permanent avec le secteur des ONG serait extrêmement bénéfique tant dans le domaine de la prévention des conflits que dans la gestion post-conflit.  Les ONG reflètent la diversité d’opinions de l’ensemble de la société, a poursuivi le Ministre.  Il a rappelé que les citoyens d’Europe centrale avaient eu l’occasion de témoigner de la force de la société civile dans les années 90.  Il a remarqué qu’à l’heure actuelle, la Slovaquie et les ONG coopéraient dans de nombreux domaines, comme les affaires intérieures et étrangères, l’aide au développement et la démocratisation des pays d’Europe centrale et de l’Est.  Il a notamment expliqué que le Processus de Bratislava, qui impliquait des ONG slovaques et de l’ex-Yougoslavie, avait contribué à la capitulation du régime de Slobodan Milosevic.


M. OSCAR MAURTUA DE ROMANA, Ministre des affaires étrangères du Pérou, a jugé indéniable la nécessité de confier à la société civile un rôle de premier plan dans la prévention des conflits.  Il a cité plusieurs façons dont la société civile pourrait apporter sa contribution dans ce domaine.  La société civile, a-t-il dit, a le devoir de tirer la sonnette d’alarme chaque fois que des tensions menacent de se transformer en conflit.  Elle doit lutter avec acharnement en faveur des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de l’état de droit.  La société civile peut aussi jouer un rôle dans le développement, appuyer la diplomatie préventive et la médiation.  Elle a également la capacité de concourir à la mobilisation des ressources internationales.   Lorsque la société civile est absente des efforts de prévention des conflits, lorsque ses capacités ne sont pas sollicitées et que sa voix n’est pas entendue, elle peut se jeter dans un dilemme de confrontation et de polarisation qui génère la violence et compromet le tissu social qu’elle représente et dans lequel elle opère.  Une société civile muselée est synonyme de risque de violence, a insisté le Ministre en jugeant important que les Nations Unies maintiennent, entre autres dans le cadre de la future Commission de consolidation de la paix, des contacts étroits avec la société civile.


M. EMYR JONES PARRY (Royaume-Uni), qui s’est également exprimé au nom de l’Union européenne, a estimé que la société civile jouait un rôle essentiel dans toutes les phases du cycle d’un conflit.  Notant que les membres du Conseil de sécurité n’étaient pas tous d’accord sur la légitimité des organisations de la société civile ni sur le rôle que ces dernières étaient autorisées à jouer par rapport à celui des gouvernements, il a cependant insisté pour que les États Membres des  Nations Unies reconnaissent le droit légitime qu’avait la société civile d’exprimer ses vues, ses recommandations, ses inquiétudes et ses désaccords avec les gouvernements.  Expliquant que les gouvernements et la société civile devaient coopérer étroitement afin de réduire les risques de voir un conflit violent éclater, M. Parry a également indiqué que cette coopération devait se poursuivre en cas de conflit afin de garantir la justice, la réconciliation et la paix durable dans le pays touché.


Le représentant du Royaume-Uni a notamment souligné l’importance du rôle de la société civile en matière d’alerte précoce, et a estimé que le nouveau Conseil des droits de l’homme devrait avoir la possibilité d’établir facilement des liens avec la société civile.  Il a également rappelé l’importance de la coopération entre la communauté internationale et la société civile dans la perspective de la responsabilité de protéger les populations.  Évoquant la tenue de la première Conférence mondiale sur le rôle de la société civile dans la prévention des conflits et le règlement pacifique des différends, M. Parry a notamment soutenu la recommandation relative à la création d’un mécanisme structurel de consultation avec la société civile au sein de la nouvelle Commission pour la consolidation de la paix.  Il a enfin plaidé pour un dialogue accru entre la société civile et le Conseil de sécurité, saluant l’efficacité de la formule « Arria ».


M. SIMON IDOHOU (Bénin) a rappelé que l’Acte constitutif de l’Union africaine souligne la nécessité d’établir un partenariat entre les gouvernants et tous les segments de la société civile.  Par son immersion dans la société et la préservation d’une identité distincte de celle de l’appareil de l’État, la société civile a vocation de contribuer à animer les dispositifs d’alerte rapide.  Le Réseau ouest-africain pour l’édification des relations de paix s’illustre dans de domaine, oeuvrant au renforcement des capacités en prévention des conflits dans la région, en étroite collaboration avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).  La société civile peut animer une action de proximité pour la réduction des tensions dans les situations de crises et dans les phases cruciales des risques de dérapage.  Elle peut aussi contribuer à la mobilisation de la solidarité nationale et internationale en appui aux activités d’auto-assistance des communautés ou des couches défavorisées victimes de l’exclusion sociale.  Elle peut assurer la médiation entre les groupes antagonistes et s’investir dans la canalisation des mouvements populaires.  Il est de l’intérêt des gouvernants de prendre conscience des avantages qu’il y à favoriser l’émergence d’une société civile responsable tant au niveau national qu’international, a conclu le représentant en s’adressant aussi aux Nations Unies


M. HENRIQUE R. VALLE (Brésil) s’est réjoui de l’engagement de la société civile dans la prévention des conflits et le règlement pacifique des différends.  Rappelant les conclusions du Rapport Cardoso publié l’an dernier concernant les relations entre les Nations Unies et la société civile, il a expliqué que le rôle de cette dernière était particulièrement pertinent dans un processus de paix, notamment pour obtenir le soutien de l’opinion publique en faveur du processus et pour encourager la réconciliation nationale.  Signalant que le concept de prévention des conflits était désormais indissociable de la sécurité, il a remarqué que la faim et la misère étaient des facteurs importants de l’éclatement d’un conflit, sans être des causes directes.  Le représentant du Brésil a dès lors souhaité que le Conseil de sécurité prenne davantage en compte ces facteurs socioéconomiques.  Soulignant le besoin d’explorer davantage les synergies entre les Nations Unies et la société civile dans le domaine de la prévention des conflits et du règlement pacifique des différends, il a espéré que la création de la Commission pour la consolidation de la paix soit d’une grande utilité en ce sens.


M. CÉSAR MAYORAL (Argentine) a estimé que la prévention des conflits exigeait la participation de tous les secteurs de la société.  Différents acteurs de la société civile peuvent y jouer un rôle important et la contribution du secteur privé à la reconstruction postconflit devrait être mieux exploitée.  Ainsi, le contrôle des petites armes, le respect des sanctions du Conseil de sécurité, l’exploitation durable et le commerce légal de minéraux et de ressources naturelles sont des activités fondamentales pour le maintien de la paix et la sécurité auxquelles le secteur privé peut apporter son soutien.  L’intervenant a ensuite affirmé que les commissions de consolidation de la paix étaient un instrument valable d’interaction avec la société civile, particulièrement avec les organisations communautaires et de femmes, en raison de leur rôle déterminant dans l’avènement de la paix et de la réconciliation.  Il a en outre fait observer que le nouveau contexte international avait créé un climat adéquat pour que le Conseil de sécurité, dans ses efforts pour prévenir les conflits, inclut systématiquement la contribution des ONG dans ses processus d’analyse.  Il a appuyé l’association de la société civile aux travaux du Conseil de sécurité, non seulement par le biais de la formule « Arria »  mais aussi en établissant des cadres de coopération plus formels.


M. ILYA ROGACHEV (Fédération de Russie) a souligné que, dans le monde actuel, les relations internationales deviennent de plus en plus complexes et la société civile dont les ONG y joue un rôle de plus en plus important.  La société civile est souvent un lien utile entre les groupes politiques et les gouvernements.  Ses activités sont étroitement liées à la défense des droits de l’homme, ce qui fait des ONG des indicateurs permettant de détecter les tensions dangereuses même s’il ne faut pas oublier que les informations provenant de ces dernières peuvent aussi être teintées de subjectivité.  C’est avec beaucoup d’intérêt que la Fédération de Russie suit le processus de partenariat mondial pour la prévention des conflits armés.  La pratique consistant à resserrer les liens entre le Conseil et la société civile est à saluer et la Fédération de Russie continuera d’y contribuer, a affirmé le représentant.


M. KENZO OSHIMA (Japon) a appelé au renforcement du dialogue entre le Conseil et la société civile, et ce à toutes les phases des conflits, de la prévention à la consolidation de la paix.  En l’occurrence, il s’est dit heureux des activités qui ont déjà été lancées.  Il a voulu que la future Commission de consolidation de la paix se donne les moyens d’entendre la voix de la société civile.  La société civile doit aussi jouer un rôle dans la promotion de la sécurité humaine, qui a été reconnue dans le Document final du Sommet mondial.  L’idée sous-jacente est que les menaces doivent être abordées non seulement du point de vue de la sécurité de l’État mais aussi du point de vue de la dimension humaine.  Il a rappelé que le Fonds d’affectation des Nations Unies pour la sécurité humaine a été créé avec l’objectif ultime d’appuyer les projets des institutions de l’ONU qui font la promotion des partenariats avec les groupes de la société civile, les ONG et les autres entités locales.  À ce jour, le Fonds a financé 133 projets dans 104 pays, a encore indiqué le représentant. 


M. CHEN JINHYE (Chine) a estimé que les organisations non gouvernementales impliquées dans la prévention des conflits devaient être objectives, neutres et impartiales dans l’accomplissement de leur travail.  Elles doivent œuvrer dans le respect de la Charte des Nations Unies, a-t-il ajouté.  Les organisations de la société civile doivent aider les gouvernements et l’Organisation des Nations Unies à prévenir les conflits et régler les différends par des moyens pacifiques, a-t-il expliqué, mais doivent éviter de jouer un rôle de chef de file.  Tout en rappelant que l’ONU s’occupait de la prévention des conflits depuis des années, le représentant chinois a jugé pertinent que l’Organisation entende les propositions émanant de la société civile.  Il a constaté le rôle croissant que jouent les organisations de la société civile dans le domaine de la prévention des conflits, convaincu qu’elles continueront à le faire.


M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a vu dans la réunion que le Conseil tient aujourd’hui la preuve que la communauté internationale a reconnu la contribution que les acteurs autres que les États apportent à la prévention des conflits.  Ce sont les entreprises, les syndicats, les institutions d’enseignement, les associations et les ONG qui se voient aujourd’hui reconnaître la place qu’ils méritent dans l’une des missions fondatrices de l’ONU.  La société civile joue ce rôle par le débat auquel elle participe, en rendant difficile pour un gouvernement de prendre ses distances avec l’état de droit et la bonne gouvernance.  La société civile n’a pas la même légitimité politique que les institutions.  Elle doit la conquérir et il est encouragé de constater des progrès partout dans le monde, même dans le pays les plus fragiles.  N’oublions pas le rôle des femmes et de leurs associations pour prévenir les crises, a insisté le représentant, en pensant, entre autres, à la région des Grands Lacs.  On ne peut ignorer, a-t-il poursuivi, que la société civile peut elle aussi connaître des dérives.  L’acteur non gouvernemental est parfois le masque d’États peu scrupuleux ou le vecteur d’acte criminels.  Dans quelques cas, de véritables mafias sont le fait de la société civile.  Il faut donc être vigilant.  Mais, aucune paix juste et durable ne peut s’établir par la seule entremise de l’État.  Des acteurs privés peuvent contribuer à la résolution du conflit comme au Mozambique.  Il faut un corps social, critique, engagé et indépendant.  Le représentant a rendu hommage à l’action des ONG dans les programmes de reconstruction avant de dire l’attachement de son pays aux différentes institutions qui permettent d’associer les ONG aux activités du Conseil.  Les réunions « Arria » doivent devenir plus interactives et il faut s’assurer un suivi de l’état de la société sur la forme d’un rapport annuel centré sur les pays les plus vulnérables, a proposé le représentant.


M. ABDALLAH BAALI (Algérie) a fait observer que le rapport « Cardoso » a été une plateforme de partenariat ambitieuse, s’agissant des moyens de mieux intégrer l’action de la société civile à celle des Nations Unies.  Il lui a semblé par ailleurs utile que les membres du Conseil de sécurité en mission sur le terrain puissent rencontrer les dirigeants de la société civile locale.  Le représentant a ensuite relevé que des organisations de la société civile, en Afrique notamment, prenaient part à des initiatives de paix mises en place par les pouvoirs publics ou par les institutions internationales.  Des initiatives autonomes visant notamment « l’autodésarmement » des combattants sont également signalées.  Un travail non négligeable est en outre fait par la société civile au niveau de la sensibilisation, du renforcement du dialogue communautaire et de la consolidation des capacités locales de gestion pacifique des conflits, a poursuivi M. Baali.  Il a en outre cité le recours à des mécanismes traditionnels de résolution et les initiatives conjointes État-ONG en faveur de la réconciliation nationale ou celles, transnationales, impliquant les grandes ONG internationales.  Tout en encourageant une implication plus grande de la société civile, M. Baali a souligné que le respect par ses représentants du droit et du cadre de la loi restait fondamental, de même que de la Charte de l’ONU et des principes fondant les relations internationales, la coopération, le respect de la souveraineté nationale et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.


Mme ANNE PATTERSON (États-Unis) a estimé que les efforts visant à accroître la liberté à tous les niveaux constituaient le meilleur moyen de prévenir les conflits.  Signalant que le chemin vers la démocratie était long et difficile, elle a indiqué que l’établissement d’une société démocratique demeurait le fondement nécessaire à la prévention des conflits et, une fois établi, représentait la base d’une paix durable.  Les sociétés démocratiques aiment la paix et la stabilité, a-t-elle ajouté.  Évoquant la déclaration présidentielle, elle a estimé que ce n’est qu’avec l’appui de la société civile que les différends pourront être réglés, et a affirmé que les organisations de la société civile, qui représentent l’ensemble de la société, devaient pouvoir exercer leur influence et être entendues pour que les conflits puissent être prévenus.


M. ALBERTO G. ROMULO, Secrétaire d’État aux affaires étrangères des Philippines, a estimé qu’il revient au Conseil de sécurité d’encourager un rôle substantiel de la société civile dans la prévention des conflits et le règlement pacifique des différends.  Nous avons fini par réaliser, a-t-il dit, les limites des gouvernements dans la lutte contre les menaces complexes.  Le Secrétaire d’État a attribué à la société civile de son pays le caractère remarquable des progrès enregistrés dans le processus de paix avec les sécessionnistes du sud.  Les communautés, les institutions donatrices et la société civile doivent être intégrées dans toute approche visant une stratégie globale pour la prévention des conflits et le règlement pacifique des différends.  Tous les acteurs impliqués doivent coordonner leurs efforts et travailler en fonction des avantages comparatifs des uns et des autres.  Le but doit être holistique et viser le développement en général.  Plus la société civile accordera l’attention requise à la croissante et à la promotion du bien-être des sociétés, plus forte sera sa voix et plus ferme sera l’appui des acteurs locaux et internationaux.


M. GILBERT LAURIN (Canada) a expliqué que la prévention des conflits ne pouvait être du ressort exclusif des États.  La société civile, qui dispose d’une portée mondiale et d’une forte intégration au sein des communautés, a également son rôle à jouer, a-t-il indiqué.  Il a plaidé pour une coopération accrue entre la communauté internationale et la société civile dans les domaines de la prévention des conflits et du règlement pacifique des différends, évoquant la diversité des rôles que pouvait jouer la société civile dans ces domaines.  Ce débat intervient à un moment critique, a-t-il ajouté, soulignant l’importance de passer de la réaction à la prévention.  Pour ce faire, a-t-il estimé, il est crucial de disposer de meilleures informations permettant d’identifier les conflits émergeants.  Il s’est félicité que le Conseil bénéficie désormais des compétences de la société civile grâce à la formule « Arria », et a plaidé pour l’établissement de mécanismes permettant à la société civile d’acheminer directement l’information au Conseil de sécurité.  Il a enfin espéré qu’alors que l’on s’apprêtait à mettre en œuvre la Commission pour la consolidation de la paix et le Conseil des droits de l’homme, la société civile serait impliquée dès le départ dans le fonctionnement de ces deux institutions.


Déclaration présidentielle


Conscient de la complexité des périls qui menacent la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a insisté sur la nécessité d’une stratégie générale de prévention des conflits et de règlement pacifique des différends conformément au Chapitre VI de la Charte des Nations Unies. 


Le Conseil a souligné que la responsabilité de la prévention des conflits incombait en tout premier lieu aux gouvernements nationaux, et que l’Organisation des Nations Unies et la communauté internationale pouvaient jouer un rôle important en soutenant l’action nationale de prévention des conflits et participer au renforcement des capacités nationales dans ce domaine, tout en reconnaissant l’importance du rôle d’appui de la société civile. 


Le Conseil a réaffirmé que cette stratégie devait reposer sur la participation des gouvernements, des organisations régionales et sous-régionales et des organisations de la société civile, selon qu’il conviendra, de sorte à représenter la plus grande diversité possible des opinions.


Le Conseil a souligné qu’une société civile dynamique et diverse pouvait jouer un rôle dans la prévention des conflits ainsi que dans le règlement pacifique des différends.  Il a noté qu’une société civile qui fonctionne bien présentait l’avantage de réunir des connaissances spécialisées, des capacités, une expérience, des liens avec des groupes très importants, une influence et des ressources qui pourraient aider les parties en conflit à trouver une solution pacifique à leurs différends.


Le Conseil a relevé qu’une société civile robuste et ouverte à tous pouvait jouer un rôle de premier plan au sein des communautés, modeler l’opinion publique et faciliter la réconciliation de communautés en conflit.  Le Conseil a souligné le rôle de relais que les acteurs pertinents pourraient jouer en permettant aux parties en conflit de passer au dialogue et à d’autres mesures de confiance.


Le Conseil a relevé ses relations avec la société civile, qu’il entend renforcer notamment en recourant à la formule « Arria » et en tenant des réunions avec les organisations de la société civile locale à l’occasion de missions du Conseil de sécurité.


Le Conseil a décidé de garder cette question à l’étude.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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