CS/8254

LE CONSEIL DE SÉCURITÉ PROROGE LE MANDAT DE LA MISSION DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION EN HAÏTI JUSQU’AU 1ER JUIN 2005

29/11/2004
Communiqué de presse
CS/8254


Conseil de sécurité

5090e séance – après-midi


LE CONSEIL DE SÉCURITÉ PROROGE LE MANDAT DE LA MISSION DES NATIONS UNIES

POUR LA STABILISATION EN HAÏTI JUSQU’AU 1ER JUIN 2005


Le Conseil de sécurité, notant que des obstacles continuent d’entraver la stabilité politique, sociale et économique d’Haïti et constatant que la situation en Haïti continue de constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la région, a décidé cet après-midi de proroger le mandat de la MINUSTAH jusqu’au 1er  juin 2005, avec l’intention de le renouveler pour de nouvelles périodes. 


Par la résolution 1576 (2004) adoptée à l’unanimité, il a aussi encouragé le Gouvernement de transition à continuer d’explorer activement tous les moyens possibles d’inclure dans le processus démocratique et électoral ceux qui demeurent à l’heure actuelle en dehors du processus de transition mais ont rejeté la violence.  Enfin le Conseil a demandé instamment aux institutions financières internationales et aux pays donateurs intéressés de décaisser sans tarder les fonds qu’ils ont annoncés à la Conférence internationale des donateurs pour Haïti, tenue à Washington les 19 et 20 juillet 2004.


Les représentants du Brésil, du Chili et de l’Espagne ont expliqué qu’étant donné l’interconnexions entre la sécurité et les autres aspects de la crise haïtienne, des progrès doivent également être réalisés dans d’autres domaines, que ce soit sur le front de la réconciliation, de la reconstruction économique ou du développement social.  Ils ont tous appuyé une approche multidisciplinaire, le représentant du Brésil regrettant que la MINUSTAH ne soit pas dotée d’un mandat  plus détaillé.



LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI


Projet de résolution S/2004/923


Le Conseil de sécurité,


Réaffirmant sa résolution 1542 (2004) du 30 avril 2004 et rappelant sa résolution 1529 (2004) et les déclarations pertinentes de son président au sujet de la situation en Haïti,


Appuyant le Représentant spécial du Secrétaire général dans l’action qu’il mène avec le Gouvernement de transition et tous les acteurs politiques en Haïti en vue d’instaurer, de manière globale et sans exclusive, un processus national de dialogue et de réconciliation, y compris la tenue d’élections équitables et libres en 2005 et le transfert ultérieur des pouvoirs à des autorités élues,


Soulignant que les efforts de réconciliation politique et de reconstruction économique demeurent les éléments clefs de la stabilité et de la sécurité d’Haïti et, à cet égard, insistant pour que tous les membres des Nations Unies, et tout spécialement ceux de la région, continuent de soutenir ces efforts afin d’appuyer le Gouvernement de transition,


Demandant instamment au Gouvernement de transition de poursuivre les progrès accomplis dans l’application du cadre de coopération intérimaire, notamment en élaborant des projets concrets de coopération économique, en étroite coopération avec la communauté internationale, et avec le plein concours de celle-ci, en particulier de l’Organisation des Nations Unies et des institutions financières internationales,


Appuyant le Groupe restreint concernant Haïti et le Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social sur Haïti,


Condamnant tous les actes de violence et les tentatives faites par certains groupes armés pour exercer des fonctions non autorisées de maintien de l’ordre dans le pays,


Soulignant à cet égard la nécessité pressante de mener des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, et demandant de nouveau instamment la création, sans attendre, de la commission nationale,


Condamnant également toutes les violations des droits de l’homme et demandant instamment au Gouvernement de transition d’Haïti de prendre toutes les mesures voulues pour mettre fin à l’impunité,


Préoccupé par toute détention arbitraire de personnes uniquement en raison de leurs affiliations politiques et engageant le Gouvernement de transition à libérer celles contre lesquelles aucun chef d’accusation n’a été porté,


Engageant également la communauté internationale à continuer de répondre, en appuyant pleinement le Gouvernement de transition, aux besoins humanitaires engendrés par les catastrophes naturelles qui se sont produites dans diverses parties du pays,


Louant la contribution apportée par les États Membres à la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti et demandant instamment aux pays qui fournissent des contingents et du personnel de police de respecter les calendriers de déploiement convenus, et notant en particulier la nécessité d’avoir davantage de policiers francophones,


Notant que des obstacles continuent d’entraver la stabilité politique, sociale et économique d’Haïti et constatant que la situation en Haïti continue de constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la région,


Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, selon les modalités décrites dans la première section du paragraphe 7 du dispositif de la résolution 1542 (2004),


1.    Décide de proroger le mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, tel qu’il est énoncé dans la résolution 1542 (2004), jusqu’au 1er  juin 2005, avec l’intention de le renouveler pour de nouvelles périodes;


2.    Encourage le Gouvernement de transition à continuer d’explorer activement tous les moyens possibles d’inclure dans le processus démocratique et électoral ceux qui demeurent à l’heure actuelle en dehors du processus de transition mais ont rejeté la violence;


3.    Accueille avec satisfaction le rapport S/2004/908 du Secrétaire général, en date du 18 novembre 2004, sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti et fait siennes les recommandations du Secrétaire général qui sont énoncées aux paragraphes 52 à 57 du rapport;


4.    Demande instamment aux institutions financières internationales et aux pays donateurs intéressés de décaisser sans tarder les fonds qu’ils ont annoncés à la Conférence internationale des donateurs pour Haïti, tenue à Washington les 19 et 20 juillet 2004;


5.    Prie le Secrétaire général de lui présenter un rapport sur l’exécution par la MINUSTAH de son mandat au moins tous les trois mois;


6.    Décide de demeurer saisi de la question.


Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (S/2004/908)


Dans ce rapport, qui présente l’évolution de la situation en Haïti et les progrès dans le déploiement de la MINUSTAH entre le 30 août et le 8 novembre, le Secrétaire général recommande de proroger le mandat de celle-ci jusqu’eu 31 mai 2006 en apportant un certain nombre de modifications à la structure, sans pour autant réexaminer entièrement celle-ci.


Durant la période considérée, la sécurité générale s’est dégradée en Haïti, et notamment à Port-au-Prince.  En octobre, plus de 60 personnes ont été tuées dans un cycle de violences enclenché le 30 septembre par des manifestations organisées par des partisans de l’ancien président Aristide à l’occasion du 13eanniversaire du coup d’État militaire de 1991.  Ces troubles ont bouleversé la vie quotidienne des citadins.  Le trafic portuaire de la capitale s’est arrêté, empêchant le déchargement ou le dédouanement des vivres apportés par bateau et essentiellement destinées aux victimes de la crise humanitaire aux Gonaïves.


Ces menaces contre la sécurité ont amené la police civile de la MINUSTAH à se concentrer sur la fourniture d’un appui opérationnel à la Police nationale haïtienne, ce qui a réduit d’autant sa capacité de renforcer et de former celle-ci.  Cette formation se poursuit néanmoins.  En outre, la police civile de la MINUSTAH s’est établie dans les 10 départements du pays.  Mais son efficacité reste restreinte du fait de l’insuffisance des moyens logistiques et administratifs.


Le Secrétaire général rappelle que le rétablissement du maintien de l’ordre dans tout le pays devra se faire dans le respect des droits de l’homme fondamentaux et de l’état de droit.  Il rappelle au Gouvernement de transition que la détention arbitraire d’individus exclusivement en raison de leurs affiliations politiques constitue une transgression des principes fondamentaux régissant les droits de l’homme et l’encourage donc à libérer ceux contre lesquels aucun chef d’accusation n’a été retenu et à traduire les autres en justice selon un processus équitable et transparent.  


Le Secrétaire général rappelle que, si la sécurité constitue une condition nécessaire du succès du processus de transition, aucune paix ou sécurité durable ne pourront être instaurées sans un processus politique faisant appel à tous les secteurs de la société.  Il encourage donc le Gouvernement de transition à continuer d’explorer tous les moyens possibles d’inclure dans le processus démocratique et électoral ceux qui, tout en ayant rejeté la violence, en demeurent pourtant exclus.  Il salue par ailleurs l’engagement ferme pris par le Gouvernement de transition de tenir des élections locales, législatives et présidentielles fin 2005.


Compte tenu de la situation actuelle Haïti, le Secrétaire général estime qu’il n’est pas opportun actuellement de réexaminer en profondeur la structure générale de la MINUSTAH, dans la mesure où la Mission n’avait pas encore été pleinement déployée, où les processus politiques en étaient encore à leurs débuts et où la situation demeurait fluide.  Il propose toutefois, dans le cadre actuel, un certain nombre de modifications, notamment d’ajouter une unité de 125 policiers qui sera stationnée à Port-au-Prince, afin de mieux assurer le soutien opérationnel apporté à la Police nationale et de renforcer les dispositifs de sécurité dans la capitale.  L’unité demeurerait dans l’effectif autorisé de 1 622 agents, grâce à un report du déploiement d’un nombre correspondant de policiers civils jusqu’à ce que la situation sur le terrain le nécessite.


Le Secrétaire général estime en outre que la MINUSTAH devra continuer de réaliser des projets de caractère humanitaire à effet rapide au-delà de sa première année d’existence, afin de faire une différence immédiate tangible dans les conditions de vie de la population, faute de quoi, outre les conséquences humanitaires, les secteurs les plus pauvres de la société risqueraient d’avoir l’impression que la mission ne fait pas grand chose pour contribuer à l’instauration de changements positifs et visibles.  Il recommande également de différer le déploiement d’une compagnie de fantassins et de la remplacer par une compagnie du génie chargée de remettre en état des routes.  Il recommande enfin un renforcement modeste du pilier « assistance humanitaire et coordination du développement » de la MINUSTAH.  La crise humanitaire causée par le passage du cyclone Jeanne en septembre a en effet montré que la vulnérabilité d’Haïti aux catastrophes naturelles dépassait les prévisions faites lors de la création de la Mission.



Déclarations


M. HENRIQUE VALLE (Brésil) a noté que la sécurité est une question clef pour la réalisation de la stabilité dans le pays.  Toutefois la solution durable aux nombreux problèmes que connaît ce pays va bien au-delà des questions de sécurité.  Étant donnée l’interconnexion entre la sécurité et les autres aspects de la crise haïtienne, des progrès doivent également être réalisés en matière de réconciliation, de reconstruction économique et de développement social.  Pour fournir un cadre adéquat permettant de faire face aux menaces actuelles, il aurait fallu que la MINUSTAH ait un mandat plus détaillé.  Dans la résolution adoptée aujourd’hui par exemple, nous aurions pu utiliser un langage plus précis pour ce qui est de la réconciliation politique et des mesures de développement économique.  Compte tenu de la tenue d’élections fin 2005, le Conseil devrait envoyer un message plus ferme sur l’engagement à long terme de la communauté internationale en Haïti.  Ceci aurait pu être fait par le biais de l’adoption d’un mandat plus vaste, multidisciplinaire.  La communauté internationale et les institutions financières devraient déployer davantage d’efforts pour aider à gérer des projets concrets de développement.  Les donateurs devraient également accélérer le rythme de leurs décaissements.


M. HERALDO MUNOZ (Chili) a exprimé sa conviction que seule une mission intégrée multidimensionnelle en Haïti sera couronnée de succès.  Il a donc appuyé la décision du Conseil de proroger le mandat de la mission, mais a regretté que la durée de prorogation soit de six mois seulement.  M. Munoz a par ailleurs apprécié, dans le texte, les demandes de dialogue inclusif et de décaissement des fonds par les institutions financières internationales et les pays donateurs intéressés.


M. JUAN ANTONIO YANEZ-BARNUEVO (Espagne) a considéré que la résolution ne doit pas être considérée comme une simple formalité.  Nous devons mettre en place une opération à longue échéance pour être sûrs de bien atteindre les objectifs recherchés, à savoir permettre aux Haïtiens de s’autoadministrer.  Il ne suffit pas de prendre des mesures à court terme, mais il faut une approche globale notamment en respectant les droits de l’homme, a-t-il poursuivi.  Selon le représentant, l’histoire d’Haïti nous a appris que des solutions qui sont des palliatifs ne servent à rien.  Il a donc espéré que, comme la résolution le prévoit, la mission sera encore prorogée au-delà de cette nouvelle période de six mois.


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