CS/2685

RUUD LUBBERS DÉCLARE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ QUE LES SOLUTIONS DURABLES À LA SITUATION DES RÉFUGIÉS ET DES DÉPLACÉS DÉPENDENT LARGEMENT DE PARTENARIATS EFFICACES

20/05/2004
Communiqué de presse
CS/2685


Conseil de sécurité

4973e séance – matin


RUUD LUBBERS DÉCLARE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ QUE LES SOLUTIONS DURABLES À LA SITUATION DES RÉFUGIÉS ET DES DÉPLACÉS DÉPENDENT LARGEMENT DE PARTENARIATS EFFICACES


Les conséquences du déplacement forcé de populations et l’impact du retour et de la réinstallation des réfugiés sur le maintien de la paix et la sécurité internationales étaient ce matin au cœur des préoccupations du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Ruud Lubbers, lors de son intervention devant le Conseil de sécurité.  La situation des populations déplacées et réfugiées originaires du Darfour a été abordée au cours de l’échange de vues avec les membres du Conseil de sécurité, de même que les progrès enregistrés ces derniers mois en Afghanistan, en Sierra Leone et au Burundi.  Les questions de désarmement des anciens combattants et la nécessité de séparer les civils des groupes armés dans les camps de réfugiés ont également été abordées, de même que l’initiative dite des « 4 R », à savoir rapatriement, réintégration, réhabilitation et reconstruction.  Cette initiative, menée conjointement avec le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Programme alimentaire mondial, la Banque mondiale et d’autres agences de coopération bilatérale en Sierra Leone, en Afghanistan et au Sri Lanka, devrait être prochainement initiée au Burundi, au Libéria et éventuellement au Soudan. 


Le Haut Commissaire pour les réfugiés, RUUD LUBERS, a fait remarquer que les conflits qui entraînaient des mouvements de populations avaient le plus souvent des conséquences sérieuses pour les États voisins comme l’ont démontré les conflits dans la région des Grands Lacs et, plus récemment, en Afrique de l’Ouest.  Les réfugiés sont confrontés à une situation précaire lorsqu’ils sont installés aux frontières, dans la mesure où ils sont les premières victimes des incursions armées dans ces zones.  Ils sont en outre victimes d’abus sexuels et d’un accès limité, voire impossible, de l’aide humanitaire.  Prenant l’exemple de sa première mission en Afrique de l’Ouest, en février 2001, il a rappelé qu’il avait dû alors engager des négociations avec les rebelles du RUF sierra-léonais et le Président Taylor du Libéria pour garantir la sécurité des réfugiés dans cette zone.  Poursuivant sur le Darfour, il a déploré la présence d’éléments armés à la frontière entre le Tchad et le Soudan, où près d’un million de déplacés sont confrontés à une menace imminente.  Le HCR est parvenu à assurer la sécurité de 60 000 déplacés, a indiqué M. Lubbers, avant de mettre en garde contre les opérations militaires transfrontalières et d’indiquer que le Tchad était aujourd’hui une zone plus sûre pour les réfugiés.  Il a demandé au Conseil de sécurité d’encourager le Tchad à assurer la protection de ces populations, avant d’aborder la question des opérations de maintien de la paix.


La notion d’opérations de maintien de la paix multidimensionnelles a bien fonctionné en Afghanistan et en Sierra Leone, a-t-il dit ensuite, en exprimant son optimisme pour la Mission implantée au Libéria.  Les stratégies transfrontalières, telles qu’initiées en Afrique de l’Ouest, sont essentielles, a poursuivi M. Lubbers, tout comme les actions associant le Département des opérations de maintien de la paix et les autres agences du système des Nations Unies, au premier rang desquels le Haut Commissariat pour les réfugiés.  Le sort des réfugiés libériens pris dans la tourmente de la crise ivoirienne préoccupe le HCR, a-t-il dit, saluant à ce titre la position claire adoptée par le Conseil de sécurité concernant la protection de ces réfugiés et l’exhortant à suivre la même logique dans quelques mois pour les réfugiés du Soudan ou du Burundi.  S’agissant des initiatives de DDR, le Haut Commissariat pour les réfugiés contribue, notamment en République démocratique du Congo et dans la région du fleuve Mano, aux efforts des missions de paix de l’ONU pour désarmer les anciens combattants, protéger leurs familles et assurer leur rapatriement et leur réinstallation.  Le désarmement et la démobilisation ne peuvent réussir que si nous disposons des ressources nécessaires afin de faire en sorte que la situation en matière de sécurité soit plus stable et que les racines d’un nouveau conflit potentiel soient éliminées. 


Poursuivant sur la question de l’impact des retours et de la réinstallation des populations déplacées sur la paix et la sécurité, M. Lubbers a souligné que la garantie de la durabilité de ces processus résidait dans la capacité d’absorption et de réintégration sociale de ces réfugiés.  Cela signifie en premier lieu la création d’emplois, a-t-il indiqué, invitant les membres du Conseil de sécurité à ne pas perdre de vue que les camps de réfugiés peuvent parfois être des « pépinières du désespoir ».  C’est pourquoi il importe de définir dans les accords de paix, les conditions idoines du retour des réfugiés et des déplacés en raison de la guerre, a insisté le Haut Commissaire, soulignant que dans les processus de transition de la guerre vers la paix, la protection des populations demeure une priorité. 


Depuis ma nomination, je me suis attaché à la création de conditions de retour équilibrées et durables pour les rapatriés, a rappelé M. Lubbers, reconnaissant que dans la plupart des cas, les populations locales invitées à réintégrer les déplacés et les réfugiés ne disposent pas de conditions de vie meilleures.  Insistant par conséquent sur la nécessité de coordonner les efforts des donateurs, le Haut Commissaire pour les réfugiés a rappelé que l’initiative dite des « 4 R » -rapatriement, réintégration, réhabilitation et reconstruction- contribue en grande partie à la « réconciliation » et qu’elle est menée avec le PNUD, l’UNICEF, le PAM, la Banque mondiale et d’autres agences de coopération bilatérale.  Lancée en Sierra Leone, en Afghanistan et au Sri Lanka, l’initiative dite des « 4R » devrait pouvoir être développée au Burundi, au Libéria et éventuellement au Soudan, a poursuivi le Haut Commissaire, insistant sur l’importance d’intégrer les anciens combattants dans ces programmes.


Faisant état ensuite d’une tendance accrue au retour des réfugiés sur le continent africain, notamment au Libéria et au Burundi –où 35 000 personnes ont été rapatriées depuis le début de 2004, M. Lubbers a mis l’accent sur la nécessité de consolider de tels acquis, en poursuivant notamment les processus de DDR et les efforts de réconciliation.  Les agences humanitaires doivent disposer de ressources adéquates pour prendre en charge le retour des déplacés et des réfugiés, a-t-il jugé ensuite, déplorant à cet égard l’insuffisance et l’iniquité des fonds alloués en particulier au Soudan et au Libéria.  Les engagements pris en février dernier à New York en faveur du Libéria doivent se concrétiser, a-t-il insisté, avant de se pencher sur la situation en Afghanistan.  A cet égard, il a rendu hommage à l’Iran et au Pakistan qui ont su assurer la protection des réfugiés afghans, avant de souligner que les efforts du HCR consistaient aujourd’hui à fermer progressivement les camps de réfugiés à la frontière avec le Pakistan.  Toutefois,les conditions de sécurité en Afghanistan n’encouragent pas les populations réfugiées à regagner leur pays, a-t-il dit, en plaidant pour un déploiement conséquent des troupes de l’OTAN et pour une extension de la Force internationale d’assistance à la sécurité afin de soutenir les efforts de la MANUA et du HCR pour la réinstallation des populations dans les provinces.  Evoquant la situation en Iraq, M. Lubbers a exprimé son inquiétude face au déplacement des populations à l’intérieur du pays, tout en soulignant les efforts du HCR pour réinstaller, avec l’appui du personnel local, les Kurdes déplacés et les autres populations.  Enfin, le Haut Commissaire a exhorté le Conseil de sécurité à assurer la protection des 4 000 employés du HCR déployés sur le terrain, qui sont inévitablement exposés à des menaces graves comme le terrorisme ou les enlèvements.


Au cours de l’échange de vues avec les membres du Conseil, le représentant du Brésil, l’Ambassadeur Ronaldo Mota Sardenberg, a souligné la nécessité de protéger les droits des réfugiés dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.  Nous savons que des milliers de réfugiés du Darfour se sont rendus au Tchad, a poursuivi Heraldo Muñoz (Chili), s’interrogeant sur le nombre de réfugiés du Darfour présents en Centrafrique ainsi que sur les responsabilités qui incombent aux autorités soudanaises.  Quelles sont les mesures de sécurité prises par le Gouvernement du Tchad pour protéger les réfugiés victimes des attaques des milices? a demandé le représentant du Chili, qui a souhaité être informé sur les efforts déployés pour faire face à une crise humanitaire à la veille de la saison des pluies.  L’Ambassadeur d’Angola, Ismael Abraao Gaspar Martins, s’est interrogé quant à lui sur le type de coordination qui devrait être mise en place au sein des agences et des départements des Nations Unies pour optimiser les résultats du HCR, ainsi que sur les solutions qu’envisage de prendre le HCR pour surmonter le manque de ressources financières.  Se penchant plus spécifiquement sur la situation en Afrique de l’Ouest, la représentante de la France, Emmanuelle d’Achon, a demandé des précisions sur les synergies qui pourraient être envisagées entre les différentes missions concernant les réfugiés.  Elle a aussi souhaité savoir si les réfugiés au Libéria et en Côte d’Ivoire pourraient participer aux scrutins électoraux prévus en 2005.  S’agissant du nombre de réfugiés originaires du Darfour présents au Tchad, elle a souhaité savoir si, selon les évaluations du HCR, leur nombre devrait augmenter au cours des prochaines semaines.


L’Ambassadeur de la Roumanie, Minhea Motoc, rappelant qu’OCHA avait indiqué récemment que le nombre des réfugiés du Darfour était de l’ordre de deux millions, soit un million de plus que l’évaluation faite par le HCR en avril, s’est interrogé sur les raisons d’une telle augmentation spectaculaire.  Pour ce qui est de la situation au Kosovo, le représentant a souhaité savoir si le HCR prenait en charge les personnes nouvellement déplacées lors des derniers événements de mars dernier.  Le maintien de la paix ne peut réussir sans le rapatriement des réfugiés, a fait valoir ensuite l’Ambassadeur d’Allemagne, Gunter Pleuger, assurant que son pays continuerait de soutenir financièrement les programmes en faveur du retour volontaire des réfugiés mis en œuvre par le HCR.  Toutefois, évoquant la situation du Darfour, il a demandé à M. Lubbers d’expliquer comment le Haut Commissaire comptait faire face à l’augmentation du nombre de réfugiés.  Le représentant des Philippines, Bayani Mercado, préoccupé par l’exploitation de la vulnérabilité des réfugiés dans les camps, a insisté sur la nécessité de séparer les éléments armés des réfugiés afin de préserver le caractère civil des camps.  Comment faire face toutefois aux situations où les réfugiés s’arment pour se défendre? a demandé le représentant. 


Les États-Unis alloueront au total 247 millions de dollars en 2004 pour les réfugiés, dont 44 millions en faveur de l’Afrique, a indiqué leur représentant, Nicholas Rostow, qui, s’inquiétant à son tour de la situation au Darfour, a souhaité savoir ce que recommanderait le HCR pour faire en sorte que les réfugiés de cette région soient en sécurité.  Le représentant de l’Algérie, Mourad Benmehidi, a questionné le Haut Commissaire sur le financement des actions d’urgence, avant de souligner la complexité posée par l’accueil des réfugiés dans les pays en développement et la nécessité de mieux partager les coûts avec les pays d’accueil.  Il a également interrogé M. Lubbers sur les mesures à prendre pour médiatiser davantage les conflits oubliés.  Le Président du Conseil, Munir Akram (Pakistan), abordant la situation en Afghanistan, a souhaité savoir si le HCR disposait d’une « feuille de route » pour le retour des réfugiés dans ce pays, et si des mesures avaient été prises pour assurer l’enregistrement des réfugiés afghans sur les listes électorales.


Reprenant la parole, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a constaté que le climat est devenu plus tendu et plus complexe pour les réfugiés, et plus largement pour les migrants, dans le contexte actuel d’un trafic accrû d’êtres humains.  Le HCR doit lutter contre les déplacements irréguliers de populations, a-t-il poursuivi, en insistant sur la nécessité d’établir des programmes de réinstallation et de réinsertion des réfugiés qui garantissent des conditions de retour décentes.  Il n’est pas juste que les obligations concernant les réfugiés doivent être assumées par les pays, a-t-il dit ensuite, considérant que le fardeau doit être partagé équitablement.  Il n’y a pas encore de réfugiés originaires du Darfour en Centrafrique, a-t-il indiqué ensuite, faisant toutefois part de son inquiétude quant à une intensification du phénomène.  Pour ce qui est de la responsabilité du Gouvernement soudanais, il a estimé que le cessez-le-feu aurait permis à l’armée de tenter de contrôler la rébellion en coopérant avec les milices.  Il a cependant regretté une militarisation accrue des deux côtés de la frontière, l’armée tchadienne ayant pénétré au Soudan sur près de 100 kilomètres. 


L’accès du personnel humanitaire est très difficile, en raison notamment des procédures de visas.  Toutefois, grâce à des relations assez bonnes avec le Soudan, nous allons essayer d’ouvrir des points d’intervention au Darfour, a-t-il assuré.  Le problème des vivres disponibles n’est pas trop grave et le PAM et le HCR font de leur mieux pour aider les 60 000 réfugiés qui sont actuellement installés dans les camps.  S’agissant du nombre total de réfugiés du Darfour, M. Lubbers a estimé que leur nombre pourrait augmenter et que le HCR se préparait à une telle éventualité, avant de reconnaître que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) avait peut-être les bonnes statistiques quand il considérait que le nombre de réfugiés était supérieur à un million. 


Abordant les questions de coordination avec le Département des opérations de maintien de la paix et OCHA, M. Lubbers a indiqué que des efforts étaient déployés en matière de réinstallation et de réintégration des déplacés et des réfugiés.  Concernant les ressources dont dispose le Haut Commissariat, il a rappelé qu’il y a 50 ans, il avait été prévu que le personnel serait financé par le budget ordinaire, ce qui n’est toujours pas le cas, tout en regrettant que le HCR soit contraint de solliciter des financements au cas par cas avec les pays donateurs.  Le Haut Commissariat ne peut pas tout résoudre car il ne dispose pas de ressources propres, a-t-il poursuivi, indiquant que la communauté internationale devrait envisager, dans le cadre du financement du développement, l’allocation de ressources pour les programmes établis pour la phase « post-urgence ».  Revenant sur la situation des réfugiés en Afrique de l’Ouest, il a estimé que les responsables de l’Union du fleuve Mano devraient envisager d’octroyer la citoyenneté aux ressortissants des pays voisins après une période donnée.  Pour ce qui est des réfugiés afghans encore présents au Pakistan, notamment, M. Lubbers a souligné que leur rapatriement ne pouvait être forcé mais que le HCR avait mis en place une stratégie qui concerne également les Afghans qui vivent dans les villes sur une base de retour volontaire. 

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