CS/2512

LE CONSEIL DE SECURITE DEMANDE UNE REMISE SUR LES RAILS DU PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT, D’AIDE HUMANITAIRE ET DE CONSOLIDATION DE LA PAIX EN GUINEE-BISSAU

19/06/2003
Communiqué de presse
CS/trial


Conseil de sécurité                                        CS/2512

4776e séance – matin                                         19 juin 2003


LE CONSEIL DE SECURITE DEMANDE UNE REMISE SUR LES RAILS DU PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT, D’AIDE HUMANITAIRE ET DE CONSOLIDATION DE LA PAIX EN GUINEE-BISSAU


Sous la présidence de M. Sergey Lavrov (Fédération de Russie), le Conseil de sécurité a débattu ce matin de l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et des activités du Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays.  Au terme de cet examen, le Président du Conseil, a fait au nom des autres membres, une déclaration par laquelle il demande instamment aux autorités nationales de Guinée-Bissau et à la communauté internationale de travailler de concert plus résolument en vue de remettre sur les rails le processus de développement, d’aide humanitaire et de consolidation de la paix.  Dans cette déclaration, le Conseil lance un appel au Président et au Gouvernement de la Guinée-Bissau pour qu’ils organisent en temps voulu et effectivement les élections législatives à venir et veillent à ce qu’elles soient menées d’une manière transparente, juste et crédible, conformément à la constitution et aux lois électorales.


Avant la lecture de cette déclaration, le Conseil avait entendu le Représentant du Secrétaire général en Guinée-Bissau, M. David Stephen, qui, en présentant le rapport soumis par le Secrétaire général, a attiré l’attention sur la dégradation de la situation politique, économique et sociale de la Guinée-Bissau et sur les menaces à la paix du fait de la dégradation des droits de l’homme, du blocage actuel du processus électoral, et de l’état désastreux de l’économie.  Le Gouvernement, a indiqué M. Stephen, qui n’a pas pu payer les salaires du personnel de la fonction publique depuis plusieurs mois, a aussi récemment décidé un report de la date des élections législatives.


Intervenant à leur tour, le représentant de l’Afrique du Sud, M. Dumisani Kumalo (Afrique du Sud), en sa qualité de président du Groupe consultatif du Conseil économique et social sur la Guinée-Bissau, et le représentant de la Gambie, M. Crispin Grey-Johnson, en sa qualité de Président du Groupe des amis de la Guinée-Bissau, ont estimé qu’il serait trop facile de jeter tout le blâme de la mauvaise situation actuelle dans ce pays sur ses autorités gouvernementales.  Le travail du Groupe consultatif du Conseil économique et social pour la reconstruction de la Guinée-Bissau est une source de frustration pour certains de ses membres, a dit M. Kumalo en déclarant que l’on demandait sans doute trop à la Guinée-Bissau, dont les capacités de gouvernance administrative, économique et sécuritaire sont extrêmement faibles et ne peuvent satisfaire toutes les demandes faites par la communauté internationale dans les domaines politique et social.  Ce n’est pas parce que des élections jugées transparentes avaient été tenues il y a quelques années dans ce pays qu’il faut croire que cela est de nouveau possible aujourd’hui, a dit M. Grey-Johnson en estimant que la communauté internationale, et notamment les Nations Unies, devraient mieux soutenir la Guinée-Bissau qui, selon ses termes, «a souffert d’un régime officieux de sanctions au cours des trois dernières années».  Selon les informations de l’UNICEF, a-t-il précisé, 1 000 enfants de moins de cinq ans en meurent chaque mois.


Exprimant leurs vues, les délégations de l’Allemagne, des Etats-Unis, du Mexique, de la France, auteur de la déclaration présidentielle, et du Royaume-Uni, ont pour leur part exigé que le Gouvernement de la Guinée-Bissau respecte tous les engagements qu’il a pris en matière de promotion de la démocratie, de respect des droits de l’homme et de mise en place d’un cadre efficace et transparent de gouvernance politique et économique.  Les délégations du Cameroun, de la Guinée et du Chili ont pour leur part regretté la mauvaise évolution de la situation en Guinée-Bissau, lançant cependant un appel aux donateurs et aux institutions de Bretton Woods pour qu’elles reprennent contact avec le Gouvernement de ce pays et l’aide à résoudre la crise de liquidités qui paralyse sa fonction publique, créant des conditions de vie difficiles et l’instabilité.


Outre ses quinze membres et les personnalités déjà citées, le Conseil de sécurité a aussi entendu une déclaration de la représentante de la Guinée-Bissau.


LA SITUATION EN GUINÉE-BISSAU


Rapport du Secrétaire général sur l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et les activités du Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays (S/2003/621)


Ce rapport porte sur l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et sur les activités du Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays depuis le dernier exposé oral fait par le Représentant du Secrétaire général, David Stephen, devant le Conseil le 5 mars 2003 et met essentiellement l’accent sur les conditions régnant dans le pays avant les élections législatives anticipées prévues pour le 6 juillet 2003.  Le Secrétaire général aborde successivement l’évolution de la situation politique, les aspects militaires et les problèmes de sécurité, les aspects relatifs aux droits de l’homme, les aspects économiques et sociaux avant de conclure sur une série d’observations. 


Dans ses observations, Kofi Annan déplore que la situation en Guinée-Bissau se soit détériorée et constate que ce pays, dont l’avenir semblait si prometteur après la cessation du conflit armé de 1998-1999 et la tenue d’élections générales libres et régulières, est de nouveau engagé sur la mauvaise pente.  Ses dirigeants ne devraient donc ménager aucun effort pour remettre sur les rails les processus de relèvement et de consolidation de la paix, ajoute-t-il, jugeant par ailleurs que les élections législatives devraient être un moment de vérité pour la jeune démocratie.  A la demande du Président Koumba Yalá, les Nations Unies apportent actuellement une assistance technique à la Commission électorale nationale et seraient prêtes à coordonner le travail d’observateurs internationaux, précise le Secrétaire général, mais l’Organisation pourrait reconsidérer sa position si elle déterminait que les conditions en Guinée-Bissau ne sont pas favorables à des élections libres, régulières et crédibles.


La volonté politique de la communauté internationale de venir en aide au pays et à sa population est manifeste, comme en témoignent, par exemple, les instruments et programmes créatifs mis en place par les institutions de Bretton Woods pour contribuer à répondre aux besoins les plus pressants de la population de Guinée-Bissau, indique Kofi Annan, encourageant d’autres partenaires internationaux à suivre cet exemple.  Les responsables élus du pays ont la responsabilité de placer les besoins de la population au-dessus de toute autre considération et de créer les conditions essentielles à la gouvernance démocratique, à la paix et à la stabilité, ajoute-t-il.  A cet égard, il considère que la reprise des émissions d’une radio indépendante, Radio Bombolom, constitue un pas dans la bonne direction, mais estime qu’il faut aller plus loin pour rétablir la confiance au sein du pays et entre la Guinée-Bissau et ses partenaires internationaux.  Aussi, le Secrétaire général juge-t-il encourageante l’assurance donnée à plusieurs reprises par le Président Yalá à son Représentant selon laquelle il souhaitait un règlement pacifique et négocié de la crise actuelle.


Exposés


M. DAVID STEPHEN, Représentant du Secrétaire général et Chef du Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la Guinée-Bissau, a déclaré que depuis le 12 septembre 2002, le Conseil s’est inquiété de l’évolution de la situation en Guinée-Bissau.  Le rapport soumis aujourd’hui au Conseil fait le point de la situation qui prévaut en ce moment dans ce pays.  La situation politique s’y est dégradée et l’opposition accuse le Gouvernement de continuer à restreindre les libertés civiles, ce qui empêche la tenue d’élections libres.  A la demande du Président Kumba Yalá, le PNUD a cependant continué de fournir une aide à la reconstruction et à la démocratisation du pays.  Il est cependant impératif, sur le plan politique, de revoir les listes électorales.  Un certain progrès a été accompli dans le recensement des électeurs, mais la situation économique reste pour sa part mauvaise, les salaires des personnels gouvernementaux n’ayant pas été payés depuis longtemps.  Dans les observations qu’il formule dans son rapport, le Secrétaire général a demandé aux dirigeants du pays de tout faire pour que le programme de reconstruction puisse bénéficier du soutien des donateurs.  La communauté internationale, et notamment les institutions de Bretton Woods, doit venir en aide à la Guinée-Bissau pour améliorer la vie de la population.  L’ECOSOC a créé un Groupe consultatif en faveur de la reconstruction du pays, et le Conseil de sécurité enverra une équipe dans ce pays prochainement à laquelle participeront des membres de l’ECOSOC.  Il faut se féliciter de cette démarche, a dit M. Stephen.


M. DUMINSANI S. KUMALO (Afrique du Sud), intervenant en sa qualité de président du Groupe consultatif du Conseil économique et social sur la Guinée-Bissau, a souligné que malgré la volonté de la communauté internationale de venir en aide au peuple de la Guinée-Bissau, le monde est en droit d’attendre davantage du Gouvernement de ce pays.  En effet, pour le représentant, les incertitudes politiques ont un réel impact sur la satisfaction des besoins humanitaires du pays.  M. Kumalo a donc estimé que la prochaine visite du Conseil de sécurité et du Groupe consultatif du Conseil économique et social peut être l’occasion d’engager les autorités à trouver les moyens d’améliorer la situation actuelle.  Le Conseil économique et social, a-t-il annoncé, a fixé les priorités immédiates.  Le représentant a cité la promotion d’un dialogue avec les autorités de Guinée-Bissau; l’adoption par le Gouvernement de mesures visant à préparer des élections libres et justes; la promotion d’une meilleure entente entre les autorités du pays et la communauté des donateurs; et la satisfaction des besoins humanitaires du pays.  Ces objectifs étant conformes à ceux du Conseil de sécurité, le monde peut s’attendre à une visite historique et réussie en Guinée-Bissau, a conclu le représentant.


Déclarations


Mme LUZERIA DOS SANTOS JALO (Guinée-Bissau) a remercié le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social pour l’attention portée à la situation post-conflit dans son pays.  Analysant le rapport du Secrétaire général, elle a assuré que le Gouvernement avait tout mis en œuvre pour normaliser la situation aux plans économique, politique et social, sur la base des recommandations du rapport du Secrétaire général.  Admettant que le Gouvernement n’avait pas encore promulgué la nouvelle Constitution, elle a dit attendre beaucoup de la prochaine visite du Conseil de sécurité dans la région et en Guinée-Bissau.  La communauté internationale ne doit pas abandonner notre pays à l’étape actuelle, a-t-elle dit, assurant que le Gouvernement fera tout pour améliorer la sécurité de la population et s’engager sur la voie du développement économique et social, et reconnaissant que davantage doit être fait.  Saluant la contribution du Programme alimentaire mondial (PAM) qui a apporté une aide alimentaire à 500 000 enfants, le Japon qui a fourni du riz et l’Italie qui a annulé 100% de la dette, la représentante a fait valoir que si le Conseil de sécurité et la communauté internationale se détournaient aujourd’hui de la Guinée-Bissau, la situation ne pourrait que s’aggraver.


M. CRISPIN GREY-JOHNSON (Gambie) a déclaré qu’il serait facile de jeter tout le blâme de la mauvaise situation actuelle en Guinée-Bissau sur les autorités de ce pays.  Certains membres du Groupe consultatif de l’ECOSOC sur la Guinée-Bissau ne peuvent s’empêcher de ressentir de la frustration au vu de la manière dont se passent les travaux de cet organe, a dit le représentant.  On demande trop à la Guinée-Bissau, dont les capacités de gouvernance administrative, économique et sécuritaire, sont très faibles et ne peuvent de ce fait satisfaire toutes les demandes de la communauté internationale.  Ce trait est commun à tous les pays sortant d’un conflit et ce n’est pas parce que des élections jugées transparentes avaient eu lieu il y a quelques années  dans le pays qu’il faudrait croire que cela est de nouveau possible aujourd’hui.  Les capacités qui existaient à cette époque ne sont plus les mêmes.  La communauté internationale et notamment les Nations Unies, devraient mieux soutenir la Guinée-Bissau, qui a souffert d’un régime officieux de sanctions au cours des trois dernières années.  L’UNICEF a indiqué qu’il y avait eu 1 000 décès d’enfants de moins de 5 ans par mois au cours de cette période.  Il convient donc d’apporter une aide d’urgence à ce pays au lieu de lui imposer des contraintes destructrices.  Nous espérons que la prochaine mission du Conseil de sécurité fera des recommandations allant dans ce sens.


M. ISMAEL ABRAAO GASPAR MARTINS (Angola) a invité le Conseil de sécurité à s’engager davantage pour tenter d’améliorer la situation en Guinée-Bissau.  Le processus de réconciliation nationale et de consolidation de la situation politique est essentiel pour assurer la stabilité du pays, a-t-il dit.  M.  Gaspar Martins a demandé au Gouvernement de la Guinée-Bissau et à la communauté internationale de maintenir le dialogue afin de faire face à la crise économique persistante.  Le représentant angolais a jugé positive la prochaine mission conjointe du Conseil de sécurité et de l’ECOSOC en Guinée-Bissau et a exhorté la communauté internationale à prendre en compte la singularité des problèmes auxquels est confronté ce pays.  La Banque mondiale a identifié la Guinée-Bissau comme un pays à très faible revenu et au tissu économique fragile, a rappelé M. Gaspar Martins, exhortant les acteurs de la communauté internationale à faire preuve de souplesse et répondre à la crise avant qu’elle ne dégénère en conflit.  La Guinée-Bissau constitue une mise à l’épreuve pour la communauté internationale dans la gestion des situations post-conflit et de la coopération entre le Conseil de sécurité et l’ECOSOC, ainsi que de la contribution d’organisations régionales, comme la CEDEAO, au succès de ce genre d’opérations pilotes. 


M. GUNTER PLEUGER (Allemagne) a déclaré que la Guinée-Bissau est au bord d’un effondrement total sur les plans économique et politique.  Tous les efforts de la communauté internationale et des institutions financières internationales se sont heurtés à la mauvaise volonté des acteurs politiques du pays.  Une Assemblée nationale élue et fonctionnelle doit être mise en place et des élections libres et honnêtes doivent se tenir sur le modèle de celles qui ont eu lieu il y a quelques années.  L’Union européenne et l’Allemagne, qui en est partie, sont prêts à financer ces élections.  Le respect des droits de l’homme et de la bonne gouvernance sont indispensables, et la séparation des pouvoirs doit être assurée.  Nous sommes fermement en faveur de l’application de normes de bonne gouvernance en Guinée-Bissau.


M. JAMES CUNNINGHAM (États-Unis) a fait part desa préoccupation face à la situation des droits de l’homme et à l’instabilité politique.  Les Etats-Unis estiment que les conditions ne sont pas propices à des élections libres et régulières dès le 6 juillet et les Nations Unies ne peuvent cautionner un processus démocratique tronqué.  Nous invitons le Gouvernement à envisager des élections libres et régulières, qui assurent un accès équitable à l’opposition aux médias, et engagent une mise en œuvre des réformes économiques.  Quatre ans après la mobilisation du Conseil de sécurité pour faire face au conflit armé en Guinée-Bissau, ce pays est toujours en soins intensifs, a-t-il regretté.  La Guinée-Bissau glisse lentement vers un nouveau conflit et le Conseil de sécurité doit saisir l’opportunité de sa mission dans ce pays la semaine prochaine pour inviter les autorités à remettre leur pays sur la voie de la normalisation démocratique et du développement économique. 


M. BOUBACAR DIALLO (Guinée) a imputé la situation actuelle en Guinée-Bissau au fait que la communauté internationale n’est pas intervenue massivement pour consolider la paix et aider au relèvement du pays, en mettant en place un véritable programme susceptible d’accompagner le processus de démocratisation.  Il a estimé que les mesures politiques «courageuses» attendues de la Guinée-Bissau doivent aller de pair avec une amélioration sensible de la situation économique que doit appuyer une assistance financière adéquate de la communauté internationale.  Il a donc lancé un appel à la communauté des donateurs, en particulier aux institutions de Bretton Woods, pour qu’elles assouplissent leur lecture du règlement des problèmes en suspens en Guinée-Bissau.  Un plan réaliste de relèvement doit être conçu en faveur du pays, sur la base d’une assistance planifiée et articulée, avec à la clé des obligations de résultats également réalistes.


M. ZHANG YISHAN (Chine) a jugé inquiétante la situation en Guinée-Bissau et regretté que ce pays se détourne de la voie de la consolidation de la paix choisie après le conflit de 1999.  Nous devons tout faire pour éviter à la Guinée-Bissau de retomber dans le chaos et exercer toutes les pressions sur le Gouvernement pour qu’il s’engage à la poursuite de la normalisation démocratique et de la stabilisation.  A cette fin, il a jugé important pour les donateurs de consentir des ressources financières supplémentaires et estimé que la visite du Conseil de sécurité dans le pays la semaine prochaine, conjointement avec l’ECOSOC, permettrait d’affiner l’identification des besoins du pays.


M. HERALDO MUNOZ (Chili) a regretté la dégradation de la situation en Guinée-Bissau et les menaces de reprise de conflit qui y existent.  Le Chili demande la tenue d’élections démocratiques dans ce pays et s’inquiète de la dégradation des droits de l’homme.  La situation économique catastrophique et l’incapacité du Gouvernement à payer le traitement des fonctionnaires posent des risques à une paix déjà précaire dans le pays.  Le Chili lance un appel aux pays donateurs et aux institutions financières internationales pour qu’ils viennent rapidement en aide à la Guinée-Bissau, car il est plus facile de prévenir un conflit que de l’éteindre une fois qu’il a éclaté.  Nous soutenons une meilleure coordination entre le Conseil et l’ECOSOC, pour mieux relever économiquement et socialement les pays qui sortent de conflits.  Nous espérons que la prochaine mission du Conseil obtiendra des résultats positifs après son dialogue avec le Gouvernement de M. Kumba Yalá, et nous soutenons la déclaration présidentielle préparée par la France qui sera adoptée par le Conseil.


M. CARLOS PUJALTE (Mexique), dont le pays dirigera la mission du Conseil de sécurité en Guinée-Bissau, a regretté que la situation continue de se détériorer dans le pays aux niveaux économique, politique et des droits de l’homme.  Il s’est inquiété du harcèlement dont font l’objet les opposants politiques et a jugé que seules des élections libres et démocratiques, garanties par la présence d’observateurs, seraient reconnues par son pays.  Il a demandé au Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau de se consacrer au désarmement et à la démobilisation des anciens combattants.  Le représentant du Mexique a demandé aux institutions de Bretton Woods de consentir un appui financier d’urgence et une assistance technique à la Guinée-Bissau, tout en jugeant que des mesures du Gouvernement en matière de bonne gouvernance étaient un préalable.  Il a invité le Gouvernement de Guinée-Bissau à promulguer au plus vite la nouvelle constitution et exhorté l’Union africaine, la CEDEAO et la Communauté des pays d’expression lusophone à tout mettre en œuvre pour favoriser la reprise du dialogue entre les différents acteurs politiques dans le pays. 


M. IYA TIDJANI (Cameroun) a déclaré que le Cameroun apprécie le travail accompli par l’ONU pour aider la Guinée-Bissau sur le chemin de la paix et de la reconstruction économique.  La radicalisation actuelle du régime et la dégradation des droits de l’homme dans un climat social tendu sont des menaces à la paix.  Les arriérés de salaires des fonctionnaires, qui s’élèvent à 11 millions de dollars et les décès d’enfants qui en résultent sont inquiétants.  Il revient aux dirigeants de ce pays de faciliter des solutions à cette situation.  Le relèvement et la reconstruction post-conflit vont de pair avec la démocratisation.  Le Cameroun reconnaît les efforts des institutions de Bretton Woods en Guinée-Bissau, mais souhaite que cet engagement se fasse plus concret, au vu de la crise de liquidités que connaît le pays.  La Banque mondiale devrait libérer les crédits qui permettraient de soulager la tension actuelle.  La promotion d’un dialogue constructif entre la Guinée-Bissau et la communauté internationale est primordiale.  Le Cameroun se félicite qu’en janvier dernier, le Groupe consultatif de l’ECOSOC ait fait des recommandations allant dans le sens d’un meilleur partenariat entre l’ONU et la Guinée-Bissau.  Les prochaines élections législatives seront décisives, et le pays devrait saisir cette chance pour relancer le processus de paix et la reconstruction.  Les autorités du pays se sont engagées à organiser des élections libres et transparentes.  La communauté internationale doit les soutenir, et nous nous félicitions des mesures déjà prises en ce sens par le PNUD et le Portugal.  Nous félicitions la délégation de la France pour le projet de déclaration présidentielle qu’elle a soumis sur cette question et que nous soutenons.


M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a encouragé le Gouvernement de la Guinée-Bissau à poursuivre les efforts de redressement politique et économique, invitant la mission du Conseil de sécurité qui se rendra la semaine prochaine dans la région à répondre aux préoccupations internes.  La Guinée-Bissau a besoin de l’appui des donateurs et de l’ensemble de la communauté internationale pour mettre un terme à la dégradation de la situation socio-économique dans le pays.  Les arriérés de salaires dans le secteur public se chiffrent à environ 11  millions de dollars pour l’ensemble du pays, a-t-il constaté, jugeant urgent que le dialogue soit rétabli avec les institutions de Bretton Woods.  La paix et la stabilité devraient être rétablies en Guinée-Bissau grâce à la mission conjointe du Conseil de sécurité et de l’ECOSOC dans la région, a-t-il dit, suggérant que des solutions innovantes soient envisagées par l’implication d’organisations régionales telles que la CEDEAO.  Il a félicité les pays de la région et les pays lusophones pour avoir facilité le dialogue entre le Gouvernement et l’opposition, ce qui est essentiel à la tenue d’élections et à la reprise économique. 


M. MICHEL DUCLOS (France) a jugé préoccupante la situation en Guinée-Bissau, notamment en raison de l’instabilité politique.  La date des élections législatives vient encore d’être reportée, a-t-il regretté, le recensement électoral n’a toujours pas commencé et le climat politique est extrêmement agressif et violent.  La France souhaite dire ici son attachement à ce que les autorités bissao-guinéennes, et notamment le Président Kumba Yalà, fassent le nécessaire pour que ces élections se tiennent dans les meilleurs délais, pour qu’elles soient libres, justes et transparentes, en un mot pour qu’elles soient démocratiques.  La France fait également sienne la position européenne selon laquelle, au plus tard trois mois après la fin des élections, le Président et le Vice-président de la Cour suprême devront enfin être élus, a indiqué M. Duclos, précisant que l’implication de la communauté internationale sera également nécessaire pour garantir le bon déroulement et le caractère démocratique de ces élections et la stabilisation de la situation politique.  Les donateurs doivent se mobiliser pour assurer les financements nécessaires et il convient de préciser les modalités d’envoi d’observateurs, a ajouté le représentant de la France, estimant ensuite que la situation des droits de l’homme et de l’économie n’est guère plus satisfaisante.  Les autorités du pays doivent opter pour un dialogue constructif et adopter pleinement la logique du partenariat avec la communauté internationale préconisée par le Conseil économique et social, a-t-il dit, invitant ces autorités à consentir d’importants efforts en termes de bonne gouvernance. 


M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a estimé que lors de sa mission en Guinée-Bissau, le Conseil de sécurité devrait garder en lumière les éléments du rapport du Secrétaire général et la position exprimée par l’Ambassadeur Kumalo, au nom du Groupe consultatif du Conseil économique et social sur la Guinée-Bissau.  Les efforts conjoints et coordonnés du Conseil de sécurité et de l’ECOSOC dans le cas de la Guinée-Bissau ouvrent la voie à une coopération institutionnalisée dans le cadre des processus post-conflit.  La crise de la Guinée-Bissau ne peut conduire une nouvelle fois au conflit et la communauté internationale a le devoir de contribuer au développement de ce pays.  Toutefois, le Gouvernement bissao-guinéen doit prendre des mesures dans les domaines de la bonne gouvernance, de la démocratisation et pour maintenir un dialogue constructif avec la communauté internationale et plus particulièrement avec les bailleurs de fonds.  La communauté internationale doit investir dans les efforts de consolidation de la paix plutôt que de consacrer d’immenses ressources à l’imposition de la paix après un conflit, a-t-il dit, souhaitant que la Guinée-Bissau en soit l’exemple. 


M. RAYKO RAYTCHEV (Bulgarie) a souscrit à la déclaration faite par la délégation de la Grèce, au nom de l’Union européenne, sur la question de Guinée-Bissau au mois de janvier 2003.  Nous pensons que l’organisation d’élections démocratiques et transparentes, dans les délais prévus, par le Gouvernement de Guinée-Bissau sera un test de sa bonne volonté, a dit le représentant.  La Bulgarie tient au respect des droits de l’homme et de la séparation des pouvoirs, a-t-il dit.  Tout en nous félicitant de la reprise des émissions de la Radio «Bombolom», nous demandons au Gouvernement de Guinée-Bissau de respecter tous les engagements qu’il a pris en faveur de la démocratie, de la paix, et de la reconstruction du pays.  Notre délégation soutient enfin le travail du Groupe consultatif de l’ECOSOC pour la reconstruction de la Guinée-Bissau et nous soutenons la déclaration présidentielle préparée par la France.


M. INOCENCIO F. ARIAS (Espagne) a également jugé opportun le débat d’aujourd’hui à quelques jours de la mission que le Conseil de sécurité effectuera en Guinée-Bissau.  Déplorant la détérioration de la situation sur le terrain, l’instabilité politique et l’incertitude concernant la tenue d’élections, il a estimé que des conditions claires devaient être définies pour assurer la transparence du scrutin.  En plus du rôle joué par les Nations Unies et les institutions de Bretton Woods, M .  Arias a jugé que le rôle des mécanismes régionaux, tels que la CEDEAO, et celui de la Communauté des pays lusophones, constitue un exemple de la bonne coordination des actions menées par la communauté internationale pour la consolidation de la paix et la promotion du dialogue entre le Gouvernement et l’opposition. 


M. JULIAN KING (Royaume-Uni) a dit que sa délégation était déçue de la tournure des évènements en Guinée-Bissau.  Les évolutions que l’on observe dans l’armée sont alarmantes, et nous espérons que les partenaires africains de la Guinée-Bissau feront clairement comprendre aux militaires de ce pays qu’une modification de l’ordre constitutionnel par la force serait inacceptable.  Le Royaume-Uni pense que la mission du Conseil de sécurité qui se rendra bientôt dans la région, devra envoyer un message clair au Gouvernement de la Guinée-Bissau qui doit respecter les engagements qu’il avait pris lors de la visite du Groupe consultatif de l’ECOSOC dans le pays.


M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a, à son tour, exprimé sa préoccupation face à la détérioration progressive de la situation dans le pays et a insisté sur la nécessité d’organiser des élections libres, plurielles et démocratiques pour remédier à l’instabilité politique.  Par ailleurs, les donateurs et les institutions de Bretton Woods doivent consentir un appui financier au redressement après-conflit de la Guinée-Bissau, a-t-il dit, encourageant le mécanisme mis en place au sein du Conseil économique et social à travailler étroitement avec le Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix.  Le Conseil de sécurité et l’ECOSOC doivent également renforcer leur interaction pour assurer le succès des processus de consolidation de la paix après les conflits. 


Projet de déclaration du Président du Conseil de sécurité sur la Guinée-Bissau


Le Conseil de sécurité, rappelant ses précédentes déclarations sur la Guinée‑Bissau, notamment la déclaration de son Président en date du 29 novembre 2000 (S/PRST/2000/37), et ayant examiné le rapport du Secrétaire général sur l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et les activités du Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays (S/2003/621), et prévoyant la mission du Conseil en Guinée-Bissau, se déclare préoccupé par la situation politique fragile dans ce pays, la crise économique et sociale persistante et les informations troublantes continuelles concernant la situation des droits de l’homme dans ce pays. Il demande instamment aux autorités nationales et à la communauté internationale de travailler de concert plus résolument en vue de remettre sur les rails le processus de développement, d’aide humanitaire et de consolidation de la paix.


Le Conseil de sécurité lance un appel au Président et au Gouvernement de la Guinée-Bissau pour qu’ils organisent en temps voulu et effectivement les élections législatives à venir et veillent à ce que ces élections soient menées d’une manière transparente, juste et crédible, conformément à la Constitution et aux lois électorales. Le Conseil compte que les candidats ainsi que les partis politiques ne seront pas soumis à des actes de violence et d’intimidation et que la présence d’observateurs internationaux lors de ces élections sera jugée acceptable par tous les partis. Le Conseil espère aussi qu’après le bon déroulement des élections, le Gouvernement prendra des mesures concrètes supplémentaires en vue de donner de nouvelles preuves qu’il est résolument en faveur de la démocratie et de l’état de droit en promulguant la nouvelle constitution et en faisant en sorte que le Président et le Vice-Président de la Cour suprême soient dûment élus sans nouveau retard.


Le Conseil de sécurité demande au Gouvernement de la Guinée-Bissau de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir un dialogue constructif avec la communauté internationale et les institutions de Bretton Woods, de faire pleinement sienne l’approche en matière de partenariat énoncée par le Groupe consultatif spécial sur la Guinée-Bissau créé par le Conseil économique et social.


Le Conseil de sécurité lance un appel à la communauté des donateurs pour qu’elle contribue financièrement à l’application du processus politique et économique en Guinée-Bissau et apporte notamment le concours nécessaire à l’organisation des élections législatives.


Le Conseil de sécurité exprime son inquiétude quant à la situation des droits de l’homme et des libertés civiles et engage le Gouvernement de la Guinée-Bissau à prendre les mesures nécessaires pour améliorer cette situation. Il souligne l’importance du respect total de la liberté de parole et de la liberté de la presse.


Le Conseil de sécurité reconnaît l’importance de la dimension régionale dans la solution des problèmes auxquels est confrontée la Guinée-Bissau et, à cet égard, demande à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et à l’Organisation des pays africains de langue officielle portugaise de renforcer leur engagement, et exprime son intention d’intensifier sa coopération avec ces organisations.


Le Conseil de sécurité accueille avec satisfaction le fait que le Président Kumba Yala soit disposé à tenir des négociations sur le conflit en Casamance et l’engage à continuer de coopérer de façon constructive avec le Gouvernement sénégalais en vue de contribuer à un règlement de ce problème.


Le Conseil de sécurité reconnaît et loue le rôle essentiel joué par le Représentant du Secrétaire général ainsi que par l’équipe de pays des Nations Unies dans le renforcement de la paix, de la démocratie et de l’état de droit, et leur rend hommage pour leurs activités.


Le Conseil de sécurité exprime son plein appui à la future mission en Guinée-Bissau, qui sera menée par le Représentant permanent du Mexique, et qui constituera la première partie d’une mission d’ensemble en Afrique de l’Ouest, et attend ses conclusions et recommandations.


Le Conseil de sécurité fait part de son intention de continuer à examiner régulièrement la situation en Guinée-Bissau.


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À l’intention des organes d’information. Document non officiel.