CS/2511

LE CONSEIL DE SECURITE EXAMINE SON RAPPORT DE MISSION EN AFRIQUE CENTRALE, AXE SUR LE PROCESSUS DE PAIX EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ET AU BURUNDI

18/06/03
Communiqué de presse
CS/2511


Conseil de sécurité

4775e séance – matin


LE CONSEIL DE SECURITE EXAMINE SON RAPPORT DE MISSION EN AFRIQUE CENTRALE, AXE SUR LE PROCESSUS DE PAIX EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ET AU BURUNDI


Deux jours après le retour de la mission du Conseil de sécurité en Afrique centrale qui s’est rendue successivement, du 7 au 16 juin, à Pretoria, Luanda, Kinshasa, Bunia, Bujumbura, Kigali, Dar Es-Salaam et Entebbe, Jean-Marc de La Sablière (France), qui en assurait la conduite, a présenté ce matin aux membres du Conseil ses premières observations et recommandations sur cette mission dont l’objectif était d’appuyer les processus de paix en République démocratique du Congo (RDC) et au Burundi.  Alors qu’à Bujumbura, le second Président de la période de transition vient de prendre ses fonctions, et qu’à Kinshasa l’accord global et «inclusif» devrait bientôt se concrétiser par l’établissement d’un gouvernement de réconciliation nationale, les hostilités se poursuivent dans les deux pays, a déploré M. La Sablière.  Lors de son escale à Kinshasa, a-t-il indiqué, la mission avait demandé au Président Kabila et aux autres responsables congolais d’accélérer l’établissement du gouvernement de transition et rappelé avec la plus grande fermeté au RCD-Goma notamment que le Conseil exigeait la cessation immédiate des combats. 


A la lumière du cycle de violence qui a ravagé l’Ituri depuis plusieurs mois, M. La Sablière a prévenu le Conseil que le processus de paix risquait d’être lui-même la prochaine victime de ces hostilités si le programme politique de transition ne se concrétisait pas.  C’est pourquoi, la mission avait invité toutes les parties à veiller à ce que les groupes armés ne reçoivent plus les soutiens extérieurs grâce auxquels ils perpétuent le conflit.  A cet égard, M. La Sablière a souligné la démarche entreprise en ce sens auprès des Présidents rwandais et ougandais à qui la mission du Conseil de sécurité a signifié toute l’importance que ce dernier attache à ce qu’ils puissent contribuer à la stabilisation de la région des Grands Lacs, notamment en exerçant une influence positive sur ces groupes armés.  Faisant part au Conseil de sécurité de la grave préoccupation de son Gouvernement face à la situation qui prévaut à Bunia et dans l’Ituri, la représentante de la République démocratique du Congo, Nduku Booto, lui a demandé de faire pression sur le Rwanda qui joue un rôle négatif dans l’est du territoire congolais.  Mme Booto a également mis en garde contre les interminables revendications du RCD-Goma qui risquent d’hypothéquer le processus de paix, indiquant qu’au moment même où les représentants de ce mouvement arrivent à Kinshasa pour participer aux institutions de transition, ses troupes s’emparent de la ville de Kanyabayonga, violant ainsi le cessez-le-feu. 


Des accusations sans fondement ont été portées ces derniers temps contre le Rwanda -selon lesquelles les forces de défense et les hélicoptères de l’armée seraient intervenus en Ituri-, a déploré Pascal Nyamulinda.  Le représentant du Rwanda a invité le Conseil à envisager des solutions aux questions en suspens prévues par les Accords de Lusaka et de Pretoria, notamment celles relatives au désarmement complet des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR) et des miliciens Interahamwe, qui continuent de représenter une menace pour le Rwanda.  La présence militaire rwandaise dans l’est de la République démocratique du Congo, jusqu’en novembre 2002, a permis de contenir les attaques des ex-FAR et des miliciens Interahamwe, a-t-il dit, avant de rappeler que le Rwanda avait, à la demande de la communauté internationale et conformément aux dispositions de l’Accord de Pretoria, retiré toutes ses troupes de RDC.  M. Nyamulinda a demandé au Conseil de sécurité d’exhorter les autorités de Kinshasa à respecter les dispositions des Accords de Lusaka et de Pretoria, notamment celles ayant trait aux préoccupations du Rwanda en matière de sécurité, en cessant d’approvisionner en armes et en munitions les ex-FAR et les miliciens Interahamwe. 


A Bujumbura, l’alternance intervenue le 30 avril à la tête de l’État, conformément à ce qui avait été prévu par l’Accord d’Arusha, a rendu ce processus irréversible, a par ailleurs déclaré M. La Sablière, évoquant l’étape burundaise de la mission du Conseil.  Toutefois, faute d’un cessez-le-feu complet, la paix dans ce pays demeure fragile, a-t-il déploré, précisant ensuite que les membres de la mission avaient invité les acteurs de la transition à continuer de démontrer leur détermination en accélérant les réformes, en particulier celle des forces de sécurité et celle de la justice.  Nous avons exhorté les belligérants à mettre fin aux hostilités et fait savoir, de la manière la plus claire, aux mouvements rebelles qui n’ont pas signé l’Accord d’Arusha, que les engagements de cessez-le-feu devaient être respectés, a-t-il ajouté, avant de saluer le travail accompli sur le terrain par la première opération de paix déployée par l’Union africaine. 


Evoquant à son tour les perspectives de paix en République démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs, la représentante de la République-Unie de Tanzanie a appelé le Conseil et la communauté internationale à envisager des actions décisives.  A cet égard, M. La Sablière a suggéré aux autres membres du Conseil de réfléchir, dans la perspective de la conférence internationale sur la paix dans l’Afrique des Grands Lacs, à la forme que pourrait prendre l’idée d’une déclaration de bon voisinage, «proposition qui a suscité de premières réactions d’intérêt de la part des chefs d’État à qui nous l’avons soumise». 


Rapport de la mission du Conseil de sécurité en Afrique centrale (7-16 juin 2003)


Présentant les recommandations et les analyses faites au cours de la mission du Conseil de sécurité qu’il a conduite en Afrique centrale du 7 au 16 juin 2003, M. JEAN-MARC DE LA SABLIERE (France) a rappelé que l’objectif de la mission était d’appuyer les processus de paix en République démocratique du Congo (RDC) et au Burundi.  Alors qu’à Bujumbura, le second Président de la période de transition vient de prendre ses fonctions, et qu’à Kinshasa l’accord global et «inclusif» devrait bientôt se concrétiser par l’établissement d’un gouvernement de réconciliation nationale, les hostilités se poursuivent dans les deux pays. 


A Pretoria comme à Luanda et à Dar es-Salaam, les membres du Conseil de sécurité ont recueilli les avis des chefs d’Etat sur les deux situations qui étaient au cœur de la mission.  A Kinshasa, la mission a demandé au Président Kabila et aux autres responsables congolais d’accélérer l’établissement du gouvernement de transition, a indiqué M. La Sablière, avant de prendre bonne note de l’engagement pris par les parties à régler d’ici la fin du mois la question de la désignation du personnel politique et militaire de la transition.  A tous, et notamment au RCD-Goma, nous avons rappelé avec la plus grande fermeté que le Conseil exigeait la cessation immédiate des combats, a-t-il ajouté, estimant ensuite qu’à la lumière du cycle de violence qui a ravagé l’Ituri depuis plusieurs mois, l’une des prochaines victimes pourrait être le processus de paix lui-même si le programme politique de transition ne se concrétisait pas.  Toutes les parties doivent veiller à ce que les groupes armés ne reçoivent plus les soutiens extérieurs grâce auxquels ils perpétuent le conflit.  Nous avons dit aux présidents rwandais et ougandais, qui nous ont assurés de leur appui à la Force multinationale déployée à Bunia, toute l’importance qui s’attachait à ce qu’ils puissent contribuer à la stabilisation de la région des Grands Lacs, en exerçant une influence positive sur ces groupes armés. 


La mission du Conseil de sécurité a également été l’occasion de rappeler à tous les acteurs qu’il ne saurait y avoir d’impunité pour les violations des droits de l’homme qui, presque toujours, accompagnaient les combats, a tenu à préciser M. La Sablière, ajoutant que le pillage des ressources naturelles, qui est devenu une des causes de la poursuite des hostilités dans l’est de la République démocratique du Congo, ne saurait être davantage toléré.  A Bunia, a poursuivi M. La Sablière, les membres du Conseil ont pu apprécier la remarquable coopération entre la MONUC et la Force intérimaire multinationale d’urgence dont le déploiement s’effectue, en dépit de conditions logistiques particulièrement difficiles, un peu plus rapidement que ce qui a été prévu, favorisant ainsi le retour de la sécurité.  Il est vraisemblable que les camps où se sont rassemblées, à Bunia, les personnes déplacées par les récentes violences grossiront à mesure que la situation s’y normalisera, a-t-il ajouté, soulignant que les besoins humanitaires seront alors considérables.  En Ituri comme dans le reste de la RDC, a indiqué le représentant de la France, la solution du conflit sera politique et la MONUC devra, avec les autorités de transition à Kinshasa, œuvrer dans ce sens.  C’est dans cette perspective que les membres du Conseil devront examiner les dernières recommandations du Secrétaire général. 


A Bujumbura, l’alternance intervenue le 30 avril à la tête de l’État, conformément à ce qui avait été prévu par l’Accord d’Arusha, a rendu ce processus irréversible, a poursuivi M. La Sablière, notant toutefois que faute d’un cessez-le-feu complet la paix dans ce pays demeure fragile.  Nous avons invité les acteurs de la transition à continuer de démontrer leur détermination en accélérant les réformes, en particulier celle des forces de sécurité et celle de la justice.  Nous avons exhorté les belligérants à mettre fin aux hostilités et fait savoir, de la manière la plus claire, aux mouvements rebelles qui n’ont pas signé l’Accord d’Arusha, que les engagements de cessez-le-feu devaient être respectés.  Les membres du Conseil ont pu apprécier le travail de la mission déployée par l’Union africaine au Burundi, a-t-il dit ensuite, ajoutant que cette opération de paix, la première menée par l’Union africaine, mérite l’appui de la communauté internationale.  En conclusion, le représentant de la France a déclaré que, tout en ayant à l’esprit la perspective de la conférence internationale sur la paix dans l’Afrique des Grands lacs, le Conseil de sécurité pouvait dès à présent réfléchir à la forme que pourrait prendre l’idée d’une déclaration de bon voisinage et qui a suscité de premières réactions d’intérêt de la part des Chefs d’État à qui les membres de la mission l’ont soumise. 


Déclarations


M. PASCAL NYAMULINDA (Rwanda) a déclaré que sa délégation souhaite que les recommandations contenues dans le rapport de la mission du Conseil en Afrique centrale soient une source d’inspiration, afin de trouver une voie de règlement aux questions en suspens des Accords de Lusaka et de Pretoria, en l’occurrence celles relatives au désarmement complet des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR) et des miliciens Interahamwe, qui continuent de représenter une menace pour le Rwanda.  Des accusations sans fondement ont été portées ces derniers temps contre le Rwanda et selon lesquelles les forces de défense et les hélicoptères de l’armée seraient intervenus en Ituri.  Ces accusations sont totalement fausses.  Portées par une soi-disant société civile, elles visent en réalité à attaquer les citoyens congolais rwandophones ou qui ont des ressemblances physiques avec les Rwandais.


La présence militaire rwandaise en RDC, jusqu’en novembre 2002, a pu contenir les attaques des ex-FAR et des miliciens Interahamwe.  Elle fut salutaire pour les habitants des provinces de Gisenyi, Kibuye, et Cyangugu qui vivaient sous la menace de ces forces dont l’objectif était de «reprendre le pouvoir à Kigali et de parachever le génocide de 1994».  Suite aux demandes internationales, et suite à l’Accord de Pretoria, le Rwanda a retiré toutes ses forces de RDC à la date du 5 octobre 2002.  Ce retrait a été reconnu à travers la déclaration du Mécanisme de Vérification de la Tierce Partie, qui est publiée dans le document S/2002/1206 en date du 28 octobre 2002.  Mais force est de constater que malgré les efforts du Rwanda, le Gouvernement de la RDC ne manifeste aucun geste sur le terrain pouvant aller dans le sens du rétablissement du climat de confiance entre nos deux gouvernements.


Notre délégation voudrait demander au Conseil de sécurité de faire pression sur les autorités de la RDC, afin de les amener à se comporter en politiciens responsables et respectueux des engagements pris à l’égard de leurs voisins et de la communauté internationale; d’amener les autorités de la RDC à respecter les Accords de Lusaka et l’Accord de paix de Pretoria dans toutes leurs dispositions, et spécialement les dispositions relatives aux préoccupations du Rwanda en matière de sécurité; de faire en sorte que le Gouvernement de RDC cesse d’approvisionner en armes et en munitions les ex-FAR et les miliciens Interahamwe; et, entre autres, de faire pression sur le Gouvernement de RDC pour l’amener à accepter la mise en place d’un réel gouvernement inclusif, selon la notion de partage de pouvoir agréée à Sun City; et de renforcer la MONUC en lui donnant un mandat clair pour la préparer à prendre la relève aussitôt le mandat de la Force multinationale intérimaire terminé.  S’agissant du Burundi, le Rwanda félicite l’initiative prise par l’Union africaine, qui a décidé l’envoi d’une force africaine chargée d’accompagner et d’aider au rétablissement de la confiance entre les belligérants.


Mme NDUKU BOOTO (République démocratique du Congo), saluant les résultats de la mission du Conseil de sécurité en Afrique centrale conduite par le Représentant permanent de la France, a souhaité que les recommandations soient mises en application afin de permettre de finaliser la mise en œuvre de l’Accord global et inclusif pour la transition en RDC.  Elle a rappelé que le Gouvernement du Président Kabila a déployé des efforts considérables pour respecter les engagements qu’il a pris dans le cadre des Accords de Pretoria et des négociations de Sun City.  La représentante a ainsi souligné que son Président avait convoqué dès le 14 avril 2003 la Commission de suivi du processus de paix, regrettant que des obstacles provenant de l’est de la RDC viennent compromettre la mise en œuvre du processus de paix.  Elle a mis en garde contre les interminables revendications du RCD-Goma qui risquent d’hypothéquer le processus de paix, indiquant qu’au moment même où les représentants de ce mouvement arrivent à Kinshasa, ses troupes s’emparent de la ville de Kanyabayonga, violant ainsi le cessez-le-feu.  Nul n’est dupe du rôle négatif joué par le Rwanda dans l’est de la RDC, a-t-elle dit, demandant au Conseil de sécurité d’exercer toutes les pressions nécessaires sur le RCD-Goma pour qu’il cesse de retarder la mise en place des institutions.  Elle a émis la crainte que le Ministère de la défense lui sera accordé, le RCD-Goma revendique le commandement de l’armée de terre.  Elle a également demandé au Conseil d’exercer des pressions sur le Rwanda qui a une influence immédiate sur le RCD-Goma et d’autres mouvements, avant d’aborder la question de l’Ituri où le travail de la Commission de pacification de la province a été compromis par la reprise des hostilités.  La situation à Bunia et dans l’Ituri est particulièrement inquiétante pour mon Gouvernement, a dit la représentante.  Elle a suggéré au Conseil de sécurité d’envisager des mécanismes de lutte contre l’impunité dans la région pour faciliter une véritable transition vers la paix en RDC et dans la région des Grands lacs. 


Mme LIBERATA MULAMULA (République-Unie de Tanzanie) a déclaré que son Gouvernement se réjouissait de la mission menée par le Conseil de sécurité en Afrique centrale et notamment dans la région des Grands Lacs.  Le Président Benjamin Mkapa a clairement dit aux membres de la mission du Conseil que les dirigeants de la région reconnaissaient leur responsabilité dans le règlement de la crise de la RDC, ainsi que celle que doit assumer le peuple congolais lui-même pour un retour à la paix dans leur pays et dans la région des Grands Lacs.  Mais ces efforts ne sauraient suffire à eux seuls pour garder le processus de la paix en ligne.  C’est pourquoi, les leaders de la région souhaitent un appui et des actions décisives de la communauté internationale.  Le rapport du Secrétaire général publié sous la cote S/2003/566 propose une feuille complète sur le processus de rétablissement de la paix en République démocratique du Congo, et en particulier sur le renforcement de la présence de la MONUC et de son mandat.  Il est clair qu’il ne saurait y avoir de solution militaire pour mettre fin à la violence et à l’absence de loi et d’ordre en RDC et ailleurs dans la région des Grands Lacs.  Le processus de DDRRR est crucial, comme le stipule le Secrétaire général dans ce rapport, si on veut parvenir à la paix.  Il est indispensable que le Conseil relève ce défi et ne laisse pas tomber l’impulsion qui a été donnée à cette démarche, mais au contraire donne plus de pouvoir à la MONUC, comme le recommande M. Kofi Annan.  Les perspectives de paix en RDC dépendent du Conseil de sécurité et tout délai lui serait préjudiciable.  Aussi, exhortons-nous le Conseil à accompagner le peuple congolais dans sa longue marche vers la paix et la stabilité.


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